Zone Inconnue nous voilà !

Des excuses ? Pour quoi ? Une absurdité de trop et me revoilà d'attaque !

- Ne t'excuses pas de savoir te battre.

Elle a fait preuve de ses talents et j'ai surestimé mes forces. Le seul fautif c'est moi et le seul à blâmer aussi. L'incident est clos.

Après m'être lavé, ravitaillé et équipé, j'emboite le pas de mes compagnons. Beaucoup de bla bla et d'entrain... Bref une copie conforme de la première sortie et comme j'ai aucune envie de me refaire avoir comme un bleu, je passe devant. Les hautes herbes qui bruissent au vent sont un camouflage parfait pour des prédateurs. Je dégaine mon claymore et l'arme. Mieux vaut être prudent. Je laisse l'enthousiasme aux enthousiastes ! Cette fois-ci, ce qui nous attaque meurs. Point final.

Sang et larmes.

Mais à part des troupeaux de bisons qui paissent ça et là, nous ne croisons rien d'autre dans notre balade vers l'est. Rien d'hostile en tous cas. Une heure s'écoule avant que nous arrivions en vue des coordonnées fournies par le borgne. Une colonne de fumée s'élève à l'horizon au sud-est. Pas besoin de la pointée du doigt, elle est bien visible.

- Probablement un feu de camp. Allons voir si l'hypothèse de Myra est la bonne.

Attendre le consentement de K'ouen ? Très peu pour moi. S'il veut son "premier contact", c'est par là qu'il faut aller. Toutefois pour ne pas provoquer une bagarre qui me tente pourtant bien, je rengaine mon arme. S'il n'apprécie pas ce geste d'apaisement à sa juste valeur, il pourra toujours se brosser pour que j'obéisse lorsque ce sera vraiment important.

Vraiment, c'était surprenant. Non pas que personne ne s'écharpe avant que les ennuis ne commencent vraiment, mais surtout qu'ils commencent à se comporter comme un groupe. On ne va pas dire qu'ils sont parfaits, mais les uns et les autres semblent avoir tirés de bonnes leçons de notre toute première mésaventure, soit la principale : plus nous serons armés et plus vite on nous jettera en prison.
Avec tout ça, on pouvait débuter une véritable mission d'exploration.

Un feu de camp ? Nous étions assez éloignés pour voir la fumée, mais pas assez proches pour être certain qu'il s'agissait d'un feu de camp. Des êtres vivants ou un début d'incendie pourquoi pas, puisque Augure a décidé que nous irons voir ce qu'il en était. L'allure forcée nous gagnâmes un sentier juste assez fréquenté pour être vierge de toute végétation. Il serpentait droit vers la fumée. Pour moi, c'était le signe d'une activité intelligente avec du commerce, des échanges, des voyageurs... Ils pourraient ne pas être surpris de notre présence et nous considérer comme des invités temporaires.

En approchant d'un rempart en pierre taillées, je pus répondre à Myra avec un grand sourire :

-Tu as ta réponse, ils ont l'air assez intelligents pour manier la taille de la pierre et le feu.

Les deux pouvant faire des carnages, mais restons positifs.
En approchant de l'unique ouverture dans les murs des gardes nous arrêtèrent avant de nous permettre d'entrer. On nous détailla de la tête aux pieds. Ce fut long et très gênant de devoir jeter quelques coups d'oeil furtifs à toute la clique pour m'assurer qu'aucun d'entre eux n'iraient apprendre de nouvelles politesses à ces braves types.

-Vous venez d'où ? Questionnait un jeunot au joues marquées par le soleil.

Un autre nous tourna le dos pour répondre un vaillant :

-Sont habillés bizarrement, ils doivent venir d'Hacyria !

La blague ne fit pas mouche dans les deux camps. En tout cas, ils nous laissèrent passer avec de simples recommandations sûrement destinées aux casse-coups du groupe : "pas de bêtises !".

Après quelques bonnes heures de repos bien attendues avec un tel entrainement, je me réveillai doucement. J’entrepris de me lever, mais certaines courbatures ne semblaient pas d’accord et en détaillant ma peau, je la voyais parsemer de bleus par endroit. Pas si important, dans deux ou trois jours il n’y paraitra plus rien. N’entendant aucuns bruits hors de ma cabine, sans tenir compte des officiers ou autres, je n’entendais personne du groupe. Bien, puisque du temps s’offrait à moi je pris cinq bougies que je disposais en cercle, les allumais et m’assis au milieu. Un peu de méditation me fera le plus grand bien.

Alors que les bougies flottaient dans les airs, quelqu’un toquait à ma porte et me pria de rejoindre le groupe dans la salle principale. Bien, pendant que les bougies subissaient la pesanteur, je répondis que j’arrivais de suite. Je m’habillai rapidement, enroula mon écharpe jusqu’au niveau de ma bouche et mis mes lunettes. Je ne savais pas ce qu’on allait faire, mais autant être prudent. Je sorti en prenant mes affaires et rejoignis les autres.

Ecoutant sans dire mots, plusieurs séries de paroles, d’hypothèses, de décisions, de réflexions et tout ce que vous voudrez, on se retrouvait devant une grande muraille, pas très imposante mais qui faisait son effet. Un petit monologue de la part des gardes, des yeux nous dévisageant, enfin… Pour moi ça n’a pas dû leur prendre trop de temps, et on traversait la muraille.

Une fois passé, un spectacle intéressant se dévoila. C’était une véritable ville qui s’étendait derrière ce rideau de pierre. Des maisons, de petits immeubles, des commerçants… De la vie quoi. Cela comprenait bien sûr une sorte de milice qui patrouillait dans les rues. Plusieurs habitants, nous regardaient d’un drôle de regard. Certains pressaient même leurs enfants pour s’éloigner. Je parlais pour la première fois depuis qu’on avait quitté la baleine.

« Comme accueil, j’ai connu mieux, comme pire. »

Clair et précis. Et maintenant, on se dirige où ? En espérant ne pas attirer de mauvaises intentions…

Le moins qu'on puisse dire c'est que je n'étais pas rassurée. Mais alors pas du tout ! Visiter la zone inconnue certes mais rentré à nouveau dans un village, qui semble t'il, nous laissait tranquille sans être agressif ni même provocateur. Un bon point pour nous tous, car qui sait ce que certain aurait été prêt à faire en cas d'attaque de la part d'un autochtone.

Bref, je me contentait de me mettre au milieu du groupe le plus discrète possible. Je n'avais pas envie de savoir quel sort ils réservaient au louve qui parlent et qui produise un bouclier ! Déjà que dans certaine ville de l'entre monde, on m'aurait lyncher juste parce que je ressemble à un animal ...

-Myra je ne pense pas ... Hacyria est peut être le nom que nous donne les habitants tout simplement. Ce qui me semble incroyable c'est qu'ils savent que nous existons ... Et nous nous ne faisions que "supposer" qu'il y ai d'autre contrée ... Un mauvais point pour nous de mon point de vue.

Nous passions devant un étal d'où la viande grillée remplissait nos narines et l'air alentour.

-En tout cas ils se nourrissent biens des bisons que nous avions vu !

Et je rajoute encore plus bas pour moi.

-Et j'espère que le loup n'est pas dans leurs habitudes alimentaires ...

Après avoir encore un peu marché et observer les méthodes de vie des habitants je marquais une pause.

-Si nous voulons montrer de bonne relation entre nos deux mondes ... Peut être devrions nous commencer à chercher quelqu'un qui ressemble à un chef du village ou charger de communication avec des étrangers bizarrement vêtue ...

-Je ne sais pas si c'est de nous, des gens de l'Entre-Monde, dont ils parlent. Je suis de l'avis de Myra. On croisera cette ville peut-être plus tard.

Louvia supposait vite mais c'était une possibilité. Mais comment auraient-ils pu deviner si facilement que nous venions de l'Entre-monde alors que personne n'est censé traverser la faille soufflante depuis des millénaires ? Je penchais vraiment pour une autre ville. Après tout, ce petit fort pouvait être un simple avant-poste. Il pourrait y avoir d'autres endroits, plus vaste et plus peuplé encore. J'espérais vraiment que ce soit le cas.
J'imaginais déjà l'Entre-Monde se trouver des voisines aussi développées qu'elle.

Avant de partir, l'un des débats principaux tournait autour de la technologie de nos avancées scientifiques. Certes, nous en avons hérité gratuitement et sans le mériter vraiment. Mais nous étions préparés à les posséder, nombre de ceux qui ont apporté la robotique ou encore les médicaments savaient les utiliser et sont restés pour l'enseigner aux autres de l'Entre-Monde. Ce serait problématique, moralement et politiquement, de posséder toutes ces technologies et de devoir les dissimuler au reste du monde. Alors j'espérais sincèrement trouver des villes ayant un développement au delà de l'autarcie et de la subsistance qui semblait plâner ici.
Je ne voyais rien qui fasse penser à autre chose que la roue et le travail des métaux. Ont-ils au moins des boussoles ?

-Jusque là ils ont tous l'air humain. On ne sait pas s'ils connaissent autre chose, faisons-nous discrêt. Louvia, interdit de parole ! Dis-je en plaisantant.

En regardant les échoppes, je me rendais compte que nous n'avions aucune idée de leur manière de fonctionner. Déjà, nous savions qu'ils parlaient la langue commune. Comme ceux de l'Entre-Monde en fait, j'imaginais parfaitement que les dieux en soient pour quelque chose !

-Essayons de trouver une carte de la région ou du continent. Et voyons un peu quelle monnaie ils utilisent.

Je me dirigeais vers ce qui me semblait être un petit troquet. Des gens y entraient et en sortaient sans arrêt. Peut-être une auberge... Ca ne me déplairait pas de savoir ce qu'ils mangent aussi. Je n'ai jamais goûté le bison !

Spoiler:

Alors que le reste du groupe faisait diverses suppositions, remarques, observations, bref tout ce qui peut être fait lorsque l’on découvre un nouvel endroit. Louvia s’inquiétait de savoir si le loup pouvait être mis au plat du jour, chose que l’on saurait en regardant un menu dans une auberge. Tous humains ?! J’en doute, en regardant bien les yeux de certains, je ne sais pas s’ils sont métamorphes mais… Et à mon avis cela ne m’étonnerait pas qu’on croise des « non-humains », sans doute pas la grande majorité certes. Alors que je marchais dans le sillage de Wergeld, un petit attroupement attira mon attention. Je me dirigeais donc vers ce dernier, et oui je sais, discrétion.

Je me mis sur le bord afin de voir ce qui se passait pour attirer ce troupeau. Oh… Un jeu d’argent comme il s’en voit partout, trois gobelets et un petit caillou ou autre du même gabarit. J’observais avec attention, le gars qui faisait son petit tour paraissait normal jusqu’à ce qu’un réflexe change ce point de vu… Il fit frémir sa langue à la façon des serpents, avec une langue identique d’ailleurs. Les gobelets valsaient à une vitesse assez impressionnante. Et, comme la règle le dit, les personnes pariaient une certaine somme et cherchaient à deviner plus ou moins où se trouvait le fameux caillou.

Au moins, je venais de découvrir deux indices dont un que K’ouen voulait savoir. La monnaie utilisée était singulière. Elle était de deux couleurs différentes et deux formes régissaient également la valeur de la pièce. Les deux couleurs étant l’or et le noir, tout aussi brillantes l’une que l’autre. Quant aux formes, simple mais efficaces, le rond et le carré. Soit la pièce était de forme ronde avec au centre un trou carré, soit l’inverse. Quand le regard du serpent-humain tomba sur moi, je décidais alors de rejoindre K’ouen.

Entrant dans l’auberge, ou quoi que ce soit, je le vis en train de détailler ce qui semblait être la carte du menu. Je m’arrêtai à ses côtés et lui fit part de mes observations.

« Toi qui voulais savoir pour la monnaie. Apparemment ils utilisent des pièces en métal doré et noir, brillant. Que ce soit or ou noir, il y a deux sortes de pièces par couleur, une pièce ronde avec un trou centré et carré ou l’inverse. Après, le grade des valeurs je ne pourrais te le dire. Je pense que le noir est au-dessus de l’or mais je ne fais que supposer. »

Ce n’est pas en même pas deux minutes que je vais apprendre tout sur leur monnaie, faut pas pousser. En posant mes yeux sur le menu, je repris un peu sur un ton amusé.

« Et sinon, qu’y a-t-il au menu ? »

Nous voilà dans une auberge toute simple dans une ville toute simple avec des gens... Bref, je me comprends. Pour l'instant je n'ai fait que suivre le mouvement. Ni vraiment ici, ni vraiment ailleurs, je la ferme et essaie de trier les infos que je perçois de mes préoccupations personnelles. Leur bison... rien à carrer. J'ai pas faim. La carte par contre, ça ça mérite d'aller jeter un coup d’œil.

- Des steppes gigantesques et nous pommés en plein milieu... génial.

Vraiment génial. Après la forêt hantée nous voilà plongé dans la plaine abandonnée... Le bled ou n'importe. A noté tout de même que trois cours d'eau sont dessinés. Au pire on aura qu'à les descendre pour tomber sur... quoi ? On verra bien. Que mes compagnons restent là déguster leur yanash s'ils veulent je vais faire un tour. Et sans un mot je me casse de là.

Sang et larmes.

J'arpente un moment la ville avant de tomber sur un groupe de chasseurs, du moins ce qui s'en rapproche à première vue, qui discutent en dépeçant un bison. Je les aborde et quinze minutes plus tard je suis de retour à l'auberge accompagné par le plus gueulard et sympathique larron du groupe. Je m'approche de la table de mes compagnons.

- Kalt'esh, je te présente mes amis...

- Attends, dis rien j'vais deviner d'après ce que tu m'as dit. La jolie blonde ce doit être la prêtresse. Désolé m'dame mais j'ai pas retenu l'nom. Faut dire que vous autres d'Acyria vous avez des noms à coucher dehors ! Sans vouloir vous offenser. Le type à lunettes à coup sûr c'est le théolo-truc là. Le bougon avec son épée ça doit être le grand inquisiteur. Tu as raison il a pas l'air très drôle comme type, me fait-il en m'assenant une grande claque sur l'épaule. Et le la'akti blanc, facile y'en a qu'un. Vous en formez une belle bande tiens !

- Je t'avais prévenu.

Je lui sers mon plus chaleureux sourire et ma mine la plus enjouée.

- Vrai de vrai. Bon je dois retourner voir les autres s'non c'est mon cuir qui vont tanner !

Il s'en va voir l'aubergiste et règle notre repas avant de revenir nous voir.

- Un p'tit cadeau de bienvenue. J'vous souhaite une bonne journée et un bon pèlerinage m'sieurs dames. Augure j'espère que tu vas vite r'trouver la gamine et sa mère, mais comme j'tai dit j'les ai pas vues ici.

Un dernier signe en guise d'au revoir et le voilà qui sort. A l'instant même où il disparait la comédie prend fin et j'abaisse le masque avenant et chaleureux. Ce type parle trop et trop fort, mais il s'est avéré une bonne source d'informations.

- Apparemment, ils ne voient pas beaucoup d'étrangers par ici. ceci étant cet abruti a déjà vu des voyageurs et commerçants d'au moins un ou deux autres peuples dont j'ai oublié le nom. Si on veut en savoir plus, faut aller voir l'ancien ou un truc du genre. Il crèche au centre de la ville. Il semble donc que l'hypothèse de Myra soit la bonne. Ah et à ce qu'il m'a dit la zone inconnue à l'air... vaste.

Et c'est de loin la pire nouvelle de la journée, car si elles ont pu passer la faille, ce qui est loin d'être certain, elles pouvaient être n'importe où, sauf ici, dans un océan de terres inconnues. Foutue monde de merde !

L'étude de la carte fut minutieuse. Je mémorisais la situation des grandes cités les plus proches. Assez pour en redonner les informations à Ayame à notre retour.

La carte était bardée de noms, une seule zone grisée à l'ouest du continent semblait désigner de leur point de vue leur "zone inconnue" et donc pour nous : l'Entre-Monde.
On était assez loin de notre point de départ. La forêt que nous avions traversé portait l'inscription Taehon. Nous étions à quelques milles à l'est de là. Au milieu de nul part.
Interrompu par Augure et son ami.

*Grand Inquisiteur*

Noryan avait raison, l'homme qui paye venait de verser des piécettes noir et or à notre hôte. Impossible d'ici de voir la somme et d'en deviner le partage. Il nous faudra mieux nous renseigner à ce sujet dès que nous le pourrons. Nos vivres ne dureront pas éternellement et nous ne pourrons pas toujours appeler à la baleine pour qu'elle vienne nous chercher à chaque halte. Un problème de plus à régler avant que les pépins ne nous tombent dessus.

Le déjeuner fut consistant. L'aubergiste servit plus que de raison notre groupe de voyageurs. Si bien qu'en sortant il nous fallut nous réhabituer à la lumière du soleil mais aussi au poids supplémentaire qui nous alourdissait le ventre.
En fait, je crois avoir mangé plus que les autres réunis...

Une femme tournant au coin de la rue nous indiqua avec des mots bref la direction du centre ville. Ce n'était pas compliqué selon elle, il suffisait de suivre l'allée principale : la nôtre.
En clair : le centre "centre" de la ville. Je me sentis bête en revenant vers mes compagnons pour reprendre la marche.

L'ancien. Et pour dire, il était si ridé qu'une vieux pruneau. Sa peau à l'aspect de parchemin aurait pu s'écailler comme du lait sec si elle n'avait tenue par ces mêmes cellules qui le faisait vivre depuis... quelques millénaires au moins, pensais-je cyniquement.
Pour une fois je n'étais pas pressé d'être le chef. Et comme Noryan était le seul à ne pas trop se mouiller, je le bousculais du coude pour l'inviter à aller entamer la causette à la momie du patelin.
Le vieillard nous devança et en secouant les bibelots ornant une canne fragile, il se mit debout pour nous rejoindre d'un pas plus vif qu'il n'en paraissait capable.

-Encore des malades de l'Est en quête de mystère ! Allez-vous en ! Vous ferez comme les autres, vous croiserez Namkuar et vous n'en reviendrez jamais ! Rentrez chez vous avec vos rêves, au moins ils ne vous tueront pas eux !

Il agitait sa canne dans notre direction, maudissant tous ces curieux qui voulaient trouver Namkuar...

-Namkuar ? Eus-je la présence d'esprit de demander.

Il s'arrêta au milieu d'un mouvement comme une statue désarticulée.
Ses yeux clignèrent. Il se détourna pour retourner sur sa chaise à bascule. Sans un mot de plus.