Zone Inconnue nous voilà !

Deux heures passèrent, durant lesquelles chacun eut pour mission de s’installer et de prendre ses marques dans le vaisseau. Bien heureusement les parties habitables de la baleine n’étaient pas bien grandes, alors la plupart du temps, chacun se contenta de se détendre… Et d’attendre.

La faille se rapprochait inexorablement, elle se détachait de l’horizon en une mince griffure noirâtre au milieu des montagnes innombrables. Rien ne laissait présager qu’au moindre fou qui espérait passer une bourrasque vivante soufflerait et emporterait tout sur son passage.
C’était cela le risque. Celui d’être catapulté hors de l’atmosphère par un souffle divin qui n’avait pour seul objectif depuis sa création que d’empêcher les résidents de l’Entre-Monde de sortir du passage clouté.

Aujourd’hui même les monstres d’Arcturus ne peuvent traverser la faille. Nous sommes coincés dans l’Entre-Monde comme tous ceux qui y vivent.
J’ai suivi la baleine durant le début de son périple, impressionnée de voir une créature presque aussi grande que moi, et curieuse de voir en quoi cette baleine géante saurait réussir là où nul n’a survécu jusqu’à maintenant.

Avec son équipage j’ai retenu mon souffle lorsqu’elle pratiqua ses premiers mètres au dessus du gouffre.
Le silence nous étouffait. Winter gravit mètre sur mètre dans le plus parfait silence. Elle avait cessé de chanter.

Le fond de la faille était sombre, tel un puits sans fond. Elle commença à gronder. Le vent s’échappait comme une brume rampante sur les bords du précipice. Winter entreprit une étrange danse au milieu du ciel. Elle tournait sur elle-même, le vent grandissant roulant sur sa peau.
D’aussi loin que je pouvais voir, la faille expulsa toute sa fureur et il ne fut plus possible de voir si la baleine avait résisté à une pareille puissance.

Et le gouffre se rendormi.

Il avait échoué. La baleine fit entendre son chant envoutant au-delà de la faille. Pour la première fois depuis des milliers d’années, des êtres de l’Entre-Monde avait gagné le ciel de la zone inconnue.

Un concert de cris de joie se répercutait dans tout l’appareil. La baleine amorçant quelques figures en plein vol pour nous accompagner.
Mon mal de l’air ne s’améliorait pas mais j’étais quitte pour l’oublier un moment.
La voix d’Ayame depuis le cockpit se fit entendre dans les haut-parleurs :

-Bienvenue dans la zone inconnue !

Les montagnes dans notre dos, un océan de vert sombre recouvrait tout jusqu’à l’horizon. La forêt semblait immense.
J’ai gagné la salle de pilotage et fit venir les autres. Le temps que le groupe nous rejoigne je discutais avec Ayame.

-Elle a beaucoup consommé pour s’échapper du gouffre, j’aimerai vérifier que les machineries sont en bon état, me disait-il en lorgnant les moniteurs clignotant de partout.

-Elle a besoin de repos et de se nourrir, nous pourrions explorer un peu au sol, ça nous fera du bien de nous dégourdir aussi.

Le semi-elfe était d’accord. Je proposais l’idée aux autres. Puisque nous étions là pour explorer, commençons par les environs !

Spoiler:

Pendant le voyage, j'eue tout le loisir de m'entraîner au combat. Ayant acheté des armes en plus de mes crocs et de mon aptitude naturelle au combat, j'étais fin prête pour la zone inconnue. J'avais testé les meilleures manières de prendre les armes dans mes crocs et fait quelque réglage avec mon harnais. Ensuite j'étais décidée à me reposer le reste du voyage. J'étais partie visiter la salle des commandes là où se trouvait Ayame. J'étais contente de le retrouver et aussi Myra avec qui je pouvais continuer de discuter tout à loisir.

Enfin nous amorcions notre descente dans la faille et nous passâmes l'épreuve avec succès. Content d'être tous en vie nos cris de joie remplirent le vaisseau et puis un second quitta mes lèvres quand je sus que nous pouvions enfin nous dégourdir les pattes dehors. Une fois descendue du vaisseau la vue était des plus magnifiques une forêt immense qui déployait toutes les nuances de vert de ce monde. J'en fus bouche bée très longtemps, jusqu'au moment où j'entendis la voix de Myra. Je secoue la tête et bondit comme une gazelle sur l'herbe. Tout nous semblait merveilleux, mais Myra s'approchait de l'orée de la forêt et déjà mon instinct animal me faisait parvenir qu'il n'y avait pas que des créatures amicales. De plusieurs bonds je la rejoignis et huma l'air provenant de cette forêt.

-Hum ... Ça sent les bêtes costaudes et carnassières ! C'est géant ! On va avoir un p'tit peu d'action enfin !

J'avais à peine terminée ma phrase qu'une nuée de papillon géant étaient sortis de la forêt poussés par un mouvement dans les taillis. Aussi gros qu'un poing d'un humain les papillons avaient fuit la forêt par instinct de préservation. L'ennemi ne se faisait pas voir, il était même probablement parti déjà voir inexistant et c'était plus certain que ce soit nous les "ennemis".

-Et si nous explorions tous ensemble cette forêt ... J'ai hâte de me servir de mes crocs.

"Ou pas" ... Il était possible que les monstres ne sortent pas de leurs tanières tout de suite, il se pourrait même qu'ils nous observent longuement avant d'agir.

Nous avons atterri. Bien les cauchemars commencent. Je ne parle pas des dangers que nous allons affronter mais de la gestion d'une bande de curieux et de scientifiques qui oublient toujours qu'une bête aux crocs immense ne se laisse pas étudier sans essayer de vous bouffer.

Je laisse mon manteau dans la cabine car je sens l'air lourd du dehors. Une forêt tropicale... Sur Terre, c'était de loin les plus dangereuses. J'attache la ceinture magnétique que je viens de sortir de mon sac et je place mon claymore fraichement acheté dans mon dos. Deux ou trois cartouches dans une poche et je sors de la baleine. K'ouen, Louvia et myra sont déjà dehors un peu plus loin. Je ne les rejoins pas tout de suite. Je chope un membre de l'équipage.

- Je veux un fossé de cinq mètres de profondeur sur trois mètres de largeur pour entourer la baleine et ses environs. Utilisez la terre dégagée pour créer un rempart et ajoutez-y des branches taillées en pointe. Un seul point d'entrée.

Son regard se perd derrière moi. Il cherche à attirer l'attention de K'ouen ou du pilote sans aucun doutes, mais je ne lui en laisse pas le temps. J'empoigne son col et lui sert ma voix la plus... convaincante.

- Que ce soit prêt à notre retour.

Il y a de forte chances pour qu'on passe la nuit ici et je veux que le semblant de camp que nous avons soit protégé... et si dix ou douze mètres de remparts de fortune n'arrêtent pas les monstres de cette jungle alors autant creuser nos tombes dès maintenant.

Je lâche le type qui se barre en courant et donne des ordres pour que mes directives soient appliqués. Je rejoins Le prince, la louve et la bohémienne et sans m'arrêter je leur lance :

- Louvia en pointe. Wergeld, à droite. Je prends la gauche. La blonde couvre nos arrières. On reste mobiles et vigilants.

Les sens de Louvia nous serons utiles dans cette végétation luxuriante. Il est logique qu'elle ouvre la marche. Son ouïe, son odorat et surtout son instinct seront bien plus efficaces que nos yeux. Pourquoi Myra derrière ? Je me préoccupe de sa sécurité... ou je préfère avoir quelqu'un que je sais fiable à mes côtés si un prédateur vient à nous tomber dessus. Temps que la donzelle n'a pas fait ses preuves devant mes yeux, je ne prends aucun risque. Que ça lui plaise ou non.

C'est dans cette configuration en losange que nous nous enfonçons dans la forêt. L'humidité rend l'atmosphère lourde et cela ne va pas tarder à peser sur les nerfs de chacun. Je suis prêt à le parier.

Je ramassais une pointe de flèche à demi dissimulée sous une frêle couche de terre sombre. Des racines énormes, des arbres centenaires par milliers... Oui cette forêt était littéralement immense. La cime des arbres se rejoignaient en un épais manteau tissant au dessus de nos têtes des arabesques de lumières.
L'intérieur était sombre. Je choisi d'adapter ma vision aussitôt descendu de la baleine.

*Flèche est synonyme de problème. Nous sommes tous limités en combat à distance...*

-Attendons-nous à de la visite.

Myra et Louvia étaient exactement comme je les imaginais : enthousiastes. Une bouffée de fraîcheur pour une exploration de longue halène. Nous aurons cruellement besoin de leur joie lorsque nous piétinerons.
Même si Augure avait décidé de me piquer mon rôle. Donneur d'ordre. Il se souciait sûrement plus de sa sécurité que de la nôtre...

Comme pour le contredire, lui montrer qui était le vrai chef l'expédition, Winter chantait toute sa joie et s'envolait... Laissant sur le sol, l'équipage au travail et nous-mêmes. Traduction : faites vos vies, je ferai la mienne ! Malgré l'éloignement du campement, la première chose qui nous passa dessus fut cette baleine qui n'avait en tête que le festin qu'elle se ferait dans les nuages : quelques îlots méduses et divers poissons volants... Buffet à volonté !

-C'est peut-être mieux ainsi, tant qu'elle vole...

On est certain qu'il ne lui arrivera rien, et puis Ayame est avec elle, j'étais rassuré.

Un oeil pour Myra placée d'office en queue de peloton, et je regardais Louvia devant nous. Chair à canon devant. Bouclier derrière. Quelle enflure. Notre grand frustré avait ses priorités, j'avais les miennes. La cohabitation se révélait déjà compliquée...
Comme dirait l'autre semi-elfe borgne : je l'ai voulu, je l'ai eu.

Nyctalope, je voyais les choses en mouvement d'une autre façon, et ce qui se déguisait sous les arbres n'avait rien de rassurant. Les choses bougeaient bien trop dans cette forêt.

-Il y a du mouvement partout, mais je n'ai pas vu de trace animale pour l'instant, fis-je après une dizaine de minutes de marche. J'ai l'impression que ce sont les arbres qui bougent...

On se croirait dans les marais. Ou rien n'est vraiment ce qu'il en a l'air. On voit des nids, quelques oiseaux nicher en hauteur. Rien d'inquiétant sur le sol, la trace d'un renard, un taillis révélant la présence de blaireaux dans le coin...
Malgré tout, sans preuve supplémentaire sinon quelques fluctuations de lumière, peut-être causées par la lumière solaire, c'était encore une hypothèse prématurée.

Nous continuons de marcher, prudents.

J’avais embarqué bien avant que les autres arrivent, et je m’étais installé dans une cabine en attendant le départ. Cette baleine volante était vraiment impressionnante, et avec son chant, elle réussit à m’endormir si bien que je ne vis pas le voyage se dérouler…
Je me réveillai soudain, doucement et ce que je vis par le hublot ne me disais rien du tout. On dirait une forêt tropicale… Je commençais à me lever quand la baleine se mit à bouger.

*Mais… elle redécolle !!*

Je me pressais, enfilant vite fait les deux-trois trucs que j’avais retiré pour m’allonger, accrochai mon bâton en métal, un peu de fortune mais solide, dans mon dos et courut pour sortir de ce moyen de transport. Sortie atteinte, soucis ? Je devais faire vite car elle prenait de la hauteur quand même. Je sautai avant de plus pouvoir le faire… Saut de l’ange, je pivotai quelque peu pour atterrir en douceur en plein milieu de gens qui s’afféraient. Mais…

« Hum… pourquoi vous vous agitez ainsi ? »

Non pas que cela me déplaisait, je voulais juste savoir s’ils ne s’énervaient pas pour rien.

« Hum… Un…Un de vos compagnon de voyage, un grand à l’air peu commode, nous à demander un fossé et des murs à pics ! »

Je crois que mes yeux l’ont un peu déstabilisé, bah oui sans lunettes, que voulez-vous. Ok, cet homme devait être le fameux Augure… Donc il les a stressé, c’est étonnant que ça ne me surprenne pas ?

« Hum… dans ce cas si vous prévoyez une seule entrée, essayer de placer une passerelle, pour être encore plus tranquille. Ils sont partis par où ? »

Il pointa un doigt pour me montrer la direction.

« Merci ! »

Je m’élançai pour les rattraper, ils ne devaient pas être très loin, j’espérais. A l’orée de la forêt, je regardai les arbres par habitudes et ils offraient des branches assez basses. Parfait. Je joignais la première et continuais ainsi mon chemin.

Je ne mis pas longtemps à apercevoir le reste du groupe et arrivé à leur hauteur, je m’apprêtais à les rejoindre lorsque des mouvements attiraient mon attention. Des mouvements, quatre pour être précis, se rapprochaient du groupe à terre, deux de chaque côté, secouant les feuilles des buissons dans leur passage. Je quittai les branches pour atterrir juste devant la louve.

« Désolé du retard. Attention, mouvements deux-deux sur les côtés, ça se rapproche et non je ne sais pas ce que c’est. »

Aux aguets, j’attendais de vois ce qui allait sortir. Peut-être rien de méchant, mais on ne savait jamais, après tout… Nous sommes en Zone Inconnue…

L'ambiance de cette forêt met ma patience à rude épreuve. Nous sommes suivis, traqués, menés dans un pièges qui va se refermer j'en suis sûr. Mais quand. Quelqu'un ou quelque chose joue avec nous. Je n'aime pas être la proie. Qu'il se montre et je lui ferait bouffer ses yeux, sa langue et tout ce qu'il me passera par la main !

Le groupe se fige, la bohémienne nous averti d'un danger... Un abruti qui se pose comme une fleur devant Louvia et détourne notre attention juste le temps qu'il faut pour que la véritable menace nous prenne par surprise. Des racines, des dizaines de racines fondent sur nous ! Elles cognent et fouettent, sifflent et percutent. Elles dansent un balais que je ne connais que trop bien. Celui de la mise à mort. J'esquive et met mes cestes dans le même temps. Je jette un oeil et voit que Louvia a rompu la formation pour la reformer presque aussitôt. Bien. Le nouveau semble se débrouiller. S'il survie je lui fracasse le crâne. Le groupe s'en sort pas mal pour l'instant, mais ça ne durera pas. De nous tous, il n'y a que K'ouen qui a de quoi trancher. C'est donc lui notre meilleur atout.

- L'abruti, Louvia, à gauche. Wergeld au centre. Toi, avec moi, on prend le flanc droit.

Je finis ma phrase en désignant Myra et je ne laisse le temps à personne de discuter.

- En éventail derrière K'ouen. On reste groupé et on progresse vers le saule.

Je veux que K'ouen tranche tout ce qui passe devant lui et qu'il n'ai à se préoccupé de rien d'autres. A moi et aux autres de repousser les racines qui nous prennent par les flancs et à revers. Cela signifie marcher à reculons ou de biais. Compter sur le fait que Wergeld ne faillisse pas. cela ne me plais pas, mais nous n'avons pas le choix.

Nous progressons tant bien que mal. J'esquive la plupart des coups, mais certains sont inévitables et alors l'impact est cuisant. Mais je rend coup pour coup et lorsque je vois qu'une de ces foutues racines est sur le point de prendre surprendre Myra je fais en sorte que cela n'arrive pas. Quitte à attirer l'agressivité de cette racine. Je ne fais pas ça pour elle. Je ne fais pas ça pour qu'elle soit un peu soulagée ou pour qu'elle puisse reprendre un peu d'air. Non, je fais cela pour que la formation tienne. Je fais ça pour qu'on ne meurt pas dans cette foutue forêt. Nous allons survivre. Oh oui !! Nous allons survivre même si pour cela je dois foutre le feu à cette maudite forêt !