Zone Inconnue nous voilà !

Alors que nos yeux étaient rivés sur cette cité de l’impossible, le corps de Wergeld traversa notre champ de vision pour s’étaler dans la poussière quelque mètres plus loin.

« Wergeld ! Tout va bien ?! »

Un peu paniquée par ce qu’il venait de se passer je fis quelques pas vers notre leader avant de m’arrêter en chemin et me détourner. L’espace que laissé entrevoir l’entrée était devenue flou, comme si un rideau liquide barrait le passage. A mon tour j’avançais la main, intriguée… Et je fus repoussée avant de pouvoir toujours cet étrange mirage. Je pestais en tenant mon poignée qui avait reçu une vilaine décharge… Impossible de sortir. Un instant je fus pris d’un terrible sentiment d’angoisse… Je crus suffoquer.

« Bon sang…. Cet endroit est un véritable piège… ! Personne n’a pu sortir d’ici… Mais… Pourquoi ? »

Assise au milieu de deux colonnes serties de pierres qui scintillaient plus les unes que les autres, je débattais seule avec mon esprit. Tout en réfléchissant, mes doigts, encore endoloris, caressaient le marbre et l’irrégularité créée par les pierres précieuses. Ça ne servait à rien de rester devant la sortie, à attendre qu’elle veuille bien nous laisser passer…

« Bien… quite à être enfermés ici, autant avancer un peu dans la ville, on trouvera peut-être une solut… ? »

Je m’interrompis tandis que je crus voir quelque chose bouger. Du haut d’une coupole faite, semblait-il, entièrement d’or, une pâle silhouette nous observait. Je me redressais brusquement pour mieux observait mais à peine eus-je le temps de bouger qu’elle avait déjà disparue.

« Là-haut… il y avait quelqu’un… » Soufflais-je à mes camarades.

Etait-ce un des disparus ? Ou bien les habitants de cette ville ? A bien observer, j’eus l’impression d’avoir vu un fantôme dont l’aura pâle couvrait son pourtour. Etait-ce l’angoisse ou bien le choc de tout à l’heure qui me faisait dire des âneries… ? Une chose est sûre, il fallait qu’on aille voir !

[Je suis désolée du retard, j'ai un peu de mal à reprendre le rythme ces temps-ci... Excusez moi :/ ]

Plus de peur que de mal, j'avais mal au derrière et au dos. En dehors de ça, rien ne semblait déplacé ou cassé. Un vrai miracle au vu de la distance parcourue sans l'usage de mes pieds.
J'avais prévu des bandits, une population hostile ou un genre de catastrophe naturelle ou magique, mais une ville-prison... C'était une surprise aussi grande que mon baptême de l'air.

-Ça va, merci.

Un bras plus épais que le miens me relève et me voilà à remercier Myra et Augure en même temps. Autant, la jeune femme le méritait. Augure... Ça me fait tout drôle, il n'est pas du genre serviable d'ordinaire. Le soleil lui aurait-il tapé trop fort sur la tête ?

-A ta manière ?

Je ne suis pas certain de vouloir de la réponse.
Enfermés ou pas, nous étions des étrangers en visite diplomatique, des étrangers d'abord. Commencer notre exploration par tuer les taehoniens, se faire chasser par des autochtones puis par détruire la cité d'un autre peuple, c'est assez pour justifier notre enfermement définitif dans l'Entre-Monde.

Pour négocier, il faut des négociants. En dehors de l'ombre aperçue par Myra, il ne semblait pas y avoir âme qui vive dans ce patelin en pierre rare. Durant tout le chemin, rien n'était venu perturber notre avancée.

-En attendant de pouvoir jouer les ambassadeurs, j'aimerai savoir ce que sont devenus ceux qui nous précédés. Je n'ai vu aucun cadavre dans les rues. Il est possible qu'ils ne soient pas mort, ou bien quelqu'un ici a fait le ménage. L'un ou l'autre, il y a forcément du monde. Myra a dû apercevoir l'un d'eux.

Monsieur ayant décidé de nous laisser trois heures, j'en conclus qu'il ne resterait pas ici à rien faire alors j'entrainais le groupe vers l'étage. Mon but était d'atteindre le toit ou un balcon assez haut.

-J'espère que ces gens seront plus enclins à nous répondre si c'est une femme qui les appelle, fis-je remplis de mauvaise fois, Myra...

Avouons-le franchement, je n'avais pas envie de me couvrir de ridicule en hurlant, mains en porte-voix, quelques "nous sommes venus en paix" sur le toit de l'une des plus hautes bâtisses de la ville. A plus forte raison si nous nous faisions tirés dessus juste après ça. D'ailleurs, je me sentais bien mieux de servir de bouclier à la commissaire.

Aucun réflexe n'aurait pu réagir plus vite, Augure nous présentait déjà son dos et les silhouettes se faufilèrent dans le labyrinthe des rues, sans que nous ne puissions rien faire depuis notre perchoir.

-Quel succès Myra !

Une foule de corps élancés à moitié transparents s'approchaient de la haute demeure. Leur visage levés vers nous, un murmure dansait au dessus d'eux, plus fort à mesure que leur nombre augmentait. Ils essayaient de dire quelque chose, leurs mots devenaient inaudibles au milieu de toutes ces voix qui gagnaient de l'altitude.

Nous devions redescendre si nous voulions leur parler. Un escalier dévalé plus tard, je sortais prudemment.
Le problème avec ces créatures là, c'est qu'un coup poing n'a aucun effet sur elles. N'oublions pas que nous sommes enfermés dans la ville. Plus j'y pensais et plus je me sentais nerveux.

Dans leur murmure devenu l'exigence de toute une foule, je trouvais les mots : Qui êtes vous ?
Vu les réactions dans les autres villes traversées, nous étions sûrement tous d'accord pour ne rien dire de l'Entre-Monde. Alors, je me contentais d'un :

-Nous sommes des voyageurs égarés.

-Les autres aussi ont dit ça.

La voix qui répondit semblait appartenir à tous, jusqu'à ce que l'un d'eux se détache du groupe. Plus ancien ou non, c'était impossible de le différencier des autres. Leur apparence changeait constamment au gré de la lumière et des vents. Je me contentais de retenir que c'était lui qui servait de porte-parole.

Il parla à nouveau quand le silence fut revenu autour de nous.

-Mais alors ils repartaient les poches pleines ou revenaient plus nombreux.

Génial, nous sommes coincés ici parce que nos prédécesseurs ne pouvaient pas s'empêcher de partir avec un souvenir...
J'espère que Augure est en meilleur posture que nous avec ses fuyards, ça nous changerait d'entendre de bonnes nouvelles.

Je fus prise d’un vertige quand enfin je pris conscience de ce que j’avais déclenché. Toutes ces formes imprécises, ces murmures que je ne comprenais pas mais qui s’adressaient tous à notre petit groupe : les habitants de Namkuar étaient au pied de cette tour. Ils avaient répondu à notre appel désespérés. Cette pensée me redonna un peu espoir… Tout n’était pas terminé ! Nous avions encore du chemin à faire sur ce nouvel Entre-Monde.

Lorsque nous rejoignîmes nos hôtes à terre, la communication fut établie. Je plissais les yeux… leur masse difforme étaient difficiles à saisir si bien que je ne savais où poser mes yeux. A mon tour, je tentais de comprendre leurs intentions.

« Et c’est pour cette raison que vous enfermez ici tous ceux qui franchissent les portes de cette ville ? »

Si je ne pouvais discerner un véritable regard chez celui qui parlait, je sentis une étrange vague opressante me faire frissonner. Sa voix vibra de reproche :

« Nous ne faisons que préserver notre cité de l’éternelle cupidité des étrangers. »

Il semble que les convaincre s’avérait plus difficile que je ne le pensais.

« Comment vous convaincre que nos intentions ne sont pas mauvaises ? » avais-je lancé tout simplement.

Il fallait commencer par les mettre en confiance si nous voulions un jour sortir et libérer les prisonniers de Namkuar.

Spoiler:

A l'évidence nous n'étions pas les bienvenus. Pour nous punir de notre intrusion chez eux ils ont décidé de nous garder jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Je marmonnais à la seule attention de Myra.

-Ils nous prennent pour des pillards.

On m'avait insulté de nombreuses façon au fil de mon existence, certaines m'avaient plus ou moins touchées, en résultait alors une gravité plus ou moins accrues des blessures du mal poli. Tout dépendait de sa résistance aux chocs.
Mais de voleur, ça jamais.
Je ne suis pas peu fier d'être réputé comme chasseur de monstre et comme Maître, certes j'avais eu quelques démêlés avec la presse de Tern, mais ma vie privée ne regarde que moi -et Aya qui aime bien s'occuper de mes affaires.

-Nous seront convaincus car vous ne repartirez pas !

-Vous êtes sérieux, m'emportais-je, on va mourir de faim et de soif ici !

Les esprits disparaissaient à vu d'oeil, comme happés par le vent ils quittaient la place sans qu'il soit possible de dire où ils allaient.
Pris de court, ma voix s'étouffa dans ma gorge :

-Non !

Nous voilà seuls.
Révolté, je frappais de mon poing un coin de mur. Mes os n'apprécièrent pas de rencontrer du marbre, mais les joyaux incrustés sautèrent de leur socle et coulèrent sur le sol en grand nombre.
Je me tournais vers l'espace vidée de la foule, mon sang froid envolé, je hurlais au vent :

-Si un seul d'entre-nous doit mourir, votre cité ne sera plus qu'un tas de gravats !

On ne menace pas un gars élevé en plein air de l'enfermer, surtout si c'est dans une ville ! Autre chose, on ne menace pas un névrosé suicidaire capable de déclencher un tremblement de terre.
Je mourais sous l'effort c'est certain, cependant, vu les fondations douteuses de cette cité, une jolie secousse leur fera découvrir mon mauvais caractère.

Hurler n'avait rien changé. J'étais frustré que personne ne vienne répondre, qu'il n'y ai pas de punition divine pour avior proféré une telle chose.
Pourquoi Ho'una n'intervenait pas, c'est lui qui nous a envoyé dans ce pétrin !
Une ombre se détacha d'un bâtiment. A ma grande stupéfaction elle me sembla humaine et faite de chair.

-Personne ne meure à Namkuar, dit la femme qui entrait dans la lumière du puissant soleil de la région. Vous êtes prisionniers pour l'éternité.

J'étais seulement pétrifié.

Spoiler: