Table n° 6

Mon regard toujours plongé sur la contemplation de ma main, un frisson me parcourut quand la voix de Myra me ramena au moment présent. Je relevais la tête pour voir Myra, un peu plus poche. Elle s’était penchée vers moi, son regard cachée par une de ses mèches. Cette vision m’arracha un petit sourire. Et je sentis, même imperceptiblement quelque chose appuyer doucement sur mes doigts. Le contact du velours intérieur sur ma peau m’électrisa. Elle avait osé, elle. Elle replia les doigts, et d’un geste presque nerveux, comme si son éloignement était douloureux, je posais doucement ma main sur la sienne.
Au diable le pouvoir. Mes gants la protégeaient, et même si je ne pouvais pas sentir sa peau, la sensation de cette fine main sous la mienne fit charrier une dose de sang supplémentaire dans mes joues. Le regard toujours un peu vague, mais dirigé vers le visage de Myra, je levais l’autre main pour laisser glisser sa mèche sur la paume de mon gant.

- Je ne croyais pas faire si belle rencontre en venant ici… La chance m’a beaucoup sourit ce soir… J’y ai gagné des nouvelles connaissances et une très belle jeune femme… Je prenais une grande inspiration avant de continuer. …Avec qui je pense partir en vacances au bord de la mer très bientôt.

Je souriais tendrement et franchement cette fois. Je crois que nous pouvions prétendre au prix offert par la soirée. La perspective de passer des vacances d’une semaine, seul avec Myra me réjouissait au plus haut point, mais je me demandais soudain si tout ça n’était pas qu’un genre de rêve éveillé, ou une ânerie du genre. Après tout, tout était allé si vite…. Je m’humidifiais rapidement les lèvres qui séchaient à toute vitesse depuis le début de cette conversation.

- Je crois me souvenir que tout duo –je n’osais pas encore dire couple, même si je l’espérais sincèrement – repartant ensemble, un diner était offert ? Me feriez-vous l’honneur de vous inviter à ma table ce soir, mademoiselle la commissaire ?

J’arrêtais de jouer avec la mèche de Myra. Je plongeais mon regard dans le sien, l'agréable frisson de tout à l'heure recommençant à parcourir mon corps.

Toutes ses réactions, tous ses petits tics pour garder le contrôle… Et sa façon de se mordre la lèvre. Bon sang cette fille jouait avec mon self-control. Mon cœur quant à lui avait doublé son rythme depuis le début de la soirée, mais finalement, je ne trouvais pas ça désagréable.
Nos regards, fuyants au début de la soirée ne cessaient de se croiser. Ses grands yeux rouges me fixaient très souvent, pour mon plus grand plaisir. Et la blondeur de ses cheveux ne faisait qu’accentuer l’impression d’une vision idyllique.

Ses doigts s’entrelacèrent doucement avec les miens, nos deux mains désormais étroitement liées. Mon sourire s’effaça encore une fois pendant une seconde. Et sans y réfléchir, je murmurais :

- Exceptionnel… Et a quoi ça me sert si je ne peux même pas sentir sa peau, hein ?

Je relevais le regard pour replonger dans celui de Myra, souriant. Je résoudrai ce problème plus tard. A cet instant, rien que la sensation de ses doigts autour des miens, même indirectement, suffisait à me faire hurler mentalement de bonheur. Je lui caressais tendrement le pouce avec le mien, et souriais à nouveau. Un sourire simple, mais dénué de toute gêne ou de moquerie. Un simple sourire heureux à une femme « exceptionnelle »
Je tirais un peu sur le col de ma chemise, comme pour me rhabiller. Mais tout observateur extérieur aurait presque pu voir un nuage de vapeur, comme dans ces dessins animes qui passent sur Channel Tern1.
J’avais chaud, j’avais soif, et j’avais une furieuse envie de toucher sa peau. Mais les fourmillements dans mes doigts m’indiquèrent que c’était la meilleure façon de gâcher la soirée, notre potentiel futur commun, et accessoirement ses mains. Je le levais doucement en levant progressivement son bras, en bon homme galant.

- Je vous propose de continuer cette discussion dans un endroit plus calme ? Puis plus bas, uniquement pour elle, avec un petit rire. On sera plus tranquille pour discuter, et tu pourras continuer à me dévorer du regard dans un contexte plus propice.

Je ne lâchais pas sa main. Même pour une grosse somme d’argent ou une partie de poker endiablée, je ne la lâcherais pas. Bon sang... Même pour une partie de poker ! Se rendait-elle compte au moins de l’attirance qu’elle exerçait sur moi ?

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