Re: Pulsions sous morphine

-Un tauracle ?

Ayame regardait Aliénor comme si elle était folle. Non, pour lui il était évident que je ne me serais pas mis en travers de la course d'un tauracle. Je n'étais pas suicidaire à ce point.
Comme quoi, Ayame aussi est capable de faire des erreurs.

Il regardait Fafnir et Aliénor. L'un lui donnait des envies de... et l'autre. Il était tellement désolé pour elle. Il ne s'attendait pas à ce que je cache dans ma manche une carte comme celle là.

-Comment c'est arrivé ?

Blanc comme un linge. Il était terrifié. Terrifié parce qu'en salle d'opération j'avais 4 trous dans le ventre. J'avais déjà approché la mort mais pas de façon aussi violente, et jamais aussi près.

-Ouai un énorme tauracle, 4 cornes et une épaisse carapace sur la tête. Enfin, c'était avant que Wu ne lui écrase la cervelle à coups de poings.

Assit toi mon grand, on dirait que t'as vu un fantôme.
Bientôt ce sera le cas s'ils font pas des miracles pour recoudre l'autre kamikaze.

-Il m'a évité de finir embroché et ... voilà le résultat.

Je parlais avec une totale indifférence.

-On a bien travaillé sinon. On a retrouvé la machine, mais on l'a laissé dans le puits au Nord de Dun, il faudra récuprer sa veste près d'un gommier rouge sur le chemin. Et on a retrouvé les tauracles perdus, mais il en manque un maintenant.

Une seconde pour qu'il digère.

-Et on a pas eu le temps de faire des folies.

Et je suis là, et je les écoute, et... Je bug... J'ai le droit aux détails mais un seul détail compte, une seule de ces phrases atteint mon cerveau et j'en cligne même plusieurs fois les yeux...
C'est pas possible, je dois être super fatiguée, je dois me faire des idées, je dois... Je ferme quelques secondes les yeux et essaie de me reprendre... Je ne vais plus penser, ça sert pas à grand chose.
Je sens mon bip vibrer dans ma poche ce qui me sort de mes pensées, je regarde pour savoir qui m'appelait et cela semblait être la chirurgie, je fait volte face, me dirige vers le téléphone et compose le numéro du service je tombe sur Kathias qui devait visiblement attendre mon appel et je l'écoute, silencieusement, je dis rien, ça m'a disons calmé là. Juste un vague merci et je raccroche, je m'approche d'Ayamé, lance un drôle de regard à Fafnir et pose une main sur l'épaule du gardien chef de Wu:

"Il est encore en salle d'op', sa chambre a été préparé, j'y monte."

Valable pour l'un ou pour l'autre où pour les deux j'm'en fiche totalement, je lance un autre regard en direction de Fafnir, clair et lubrique ces mots étaient sans équivoque mais étais-ce du lard où du cochon?
Il aurait pas fais ça si?

"Suivez moi si vous voulez, mais attendez d'être ailleurs que dans mon hôpital pour vous entre-tuez."

Je sors de la pièce, je sais pas trop là, j'essaie de me reprendre, le personnel doit pas prendre le pas sur le professionnel, sauf que c'est trop tard, parce que rien qu'en le voyant...

Je me retrouve quelques minutes plus tard dans cette chambre, l'habituelle, la VIP réservée à K'ouen, cela m'arrache un vague sourire. Ma garde s'est terminée, tant mieux comme ça je n'aurai pas à partir au beau milieu, je veux être là quand il se réveillera... Histoire de... Je sais pas quoi en faite. Juste être là. Je me place face à une des fenêtres et place mes mains dans mon dos et j'attend... Je ne prend même pas garde si ils m'ont suivis ou pas, j'espère juste qu'ils ne vont pas s’entre tuer... Je connais peu Ayamé, mais pour qu'il se comporte ainsi...
Qui est réellement Fafnir? Je me sens ignorante pour le coup, et ces mots me font l'effet d'une douche froide à chaque fois que je les entends de nouveau...

Une heure, puis deux... Et je tressaute quand une voix m'appelle, me retournant, je vois Kathias et Thomas qui sont présent, le regard de l'un ne me dis rien qui vaille et je remarque alors qu'ils sont là aussi et quand la voix de Thomas s'élève s'est pour dire:

"L'opération s'est bien passé, grâce à cerclon et à la technologie mais aussi à l'apport sanguin, nous avons pu réparés les dégâts mais..."

"Mais?"

"... Il est dans le coma."

Je ferme les yeux, je vacille légèrement et prend appuis sur un des fauteuils. Quand je les rouvre, Kathias reprend:

"On le ramène ici, soyez pas surpris, il est sous respirateur, tant qu'il est dans le coma, il restera branché."

Les deux hommes se regarde et je leur fait signe de sortir, quelques secondes plus tard, un lit est amené dans la chambre et bien qu'habituée, je ne peux m'empêcher de poser ma main sur ma bouche et de fermer les yeux...

Il est sans voix. Il s'est retenu, deux heures entières à s'astreindre de ne pas regarder l'assassin, à ne penser à rien. Il avait téléphoné à Lys, elle avait compris, apporterait du linge propre. Il avait prévenu Henrir, je ne serais pas au bureau demain.

Et mon lit est entré dans la pièce. Il s'est assit sans rien dire. Les poings serrés sur ses genoux. Il se promit de s'occuper de Fafnir lui-même. Dès que je serais sorti du coma.

Une main passée sur son visage, ses yeux redécouvrir la lumière blafarde de la chambre et regardèrent Aliénor. Il voulait s'excuser à ma place, c'était inutile, mais c'était comme ça, il voulait que je fasse bien les choses.

-Je n'étais pas au courant, avant ce matin. Je ne comprends pas. Depuis Atlantis il est devenu fou.

Rectification. J'étais encore plus fou qu'avant.
Il se pencha, pris d'une nausée. La bile sur la langue, la brûlure dans la gorge. Sa main caressa son cache-oeil. Il s'en passait des choses dans sa tête, assez pour qu'il se déteste de m'avoir laissé partir seul le matin. Mais s'il savait... Lui ou Fafnir, j'aurais quand même fini entre le mur et l'animal.

J'ajoutais plein de cynisme.

-Fou de moi, bien sûr.

Et il faut être fou tout court pour ça. Donc fou. C'était le mot juste. Adossé à un mur, j'ai croisé mes bras sur ma poitrines. Les pansements me donnait un drôle d'air avec toute la poussière qui maculait mon visage. J'étais crade et je sentais le sang à plein nez mais je ne bougerai pas d'ici tant que le respirateur sera toujours nécessaire.

Elle était secouée aussi la guérisseuse. Mais je voulais blesser Ayame. Il était toujours là avec Wu à diriger sa vie et, il faut l'avouer, à me mettre des bâtons dans les roues.

Le visage neutre.

-Je remercierai Tchen un de ses quatre ! Sans la mise à pied je n'aurais jamais pu profiter des plaisirs de l'existence en sa compagnie. Et il est... endurant.

On compte sur son endurance pour tenir le coma et en sortir. Et s'il ne s'en sort pas ? Qui en finira avec la boule de chaos que j'incarne ? Ayame. Quel déshonneur...

-Dans le coma. Il l'avait jamais fait je parie.

J'encaisse... Je tourne les yeux vers lui qui est adossé au mur et j'encaisse, en me mordant l'intérieur de la joue. Pas de doute, c'est bien ce à quoi je pensais... C'était donc lui la fameuse situation difficile? Alors s'était ça? Il préférait les hommes aux femmes mais alors pourquoi... Je ne peux empêcher les images de cet après-midi là de revenir au galop dans mon esprits et tournée en boucle. Son sourire, ces gestes, et cet air qu'il avait eu avant que je ne parte...
Pourquoi faut il toujours que je m'entiche des personnes les plus inaccessible possible? Et pourquoi lui ne m'a t-il pas repoussé alors que... Je lui en veux, mais pas autant qu'à moi.
J'ai bien vu qu'Ayamé en mène pas large, mais moi non plus... Pourtant, je m'approche de lui et pose une main sur son épaule, une main que je veux rassurante alors que je sais même pas comment cela va se finir.

"Je le connais peu, mais je me suis attachée à lui, sans doute plus que de raison."

Sans doute oui... Certainement même... Fou de lui, ce cynisme dans cette voix m'interpella, oui, c'était plus que flagrant, entre Ayamé et lui s'était pas le grand amour, et le mot était faible.

"J'ignore ce qui a pu se passer à Atlantis, mais à chaque fois qu'il vient ici, c'est toujours plus grave. Ne se rend t-il pas compte qu'il y a des personnes qui tienne à lui?"

Je hausse les épaule et m'approche du lit, je suis fatiguée si bien que je commence vraiment à sentir tout ce que je ne désire pas sentir... Que ça vienne d'Ayamé, de Fafnir et même de lui... Je lève une de mes mains et la passe dans un geste doux et lent sur sa joue. Lui en vouloir...

Je pousse un soupir et la retir, cette machine est horrible avec ces bruits je supporte moyen. J'hésite quand à la conduite à tenir mais finalement je me retourne et plonge mon regard dans celui de ce demi-dieu accolé au mur... Un homme... Une personne du sexe opposé alors et je sais pas pourquoi, il me vient l'envie de lui faire du mal à lui aussi... De lui dire que je serai lui, je n'en serai pas si certain...

"Ne soyez pas si sûr de vous."

J'ai pas pu empêché les mots de s'échapper de mes lèvres et pourtant, je ne baisse pas les yeux...

Sûr de moi ? Ça c'est drôle ! Je ris légèrement, mes épaules se soulèvent toutes seules. Je n'ai pas à me battre, je l'ai déjà.

-Sur son endurance ou sur le fait qu'il est déjà à moi. Je peux jurer de son endurance et si je ne me trompe pas... toi aussi Aliénor.

Je n'ai qu'un oeil, je ne vois pas tout d'Ayame, mais le chasseur qu'il était doit le sentir ce sentiment subit de danger. Le picotement sur les lèvres, le frisson sur la nuque. Le chaleur qui vous monte dans le nez.
Je peux le prouver mais ce serait puéril, n'est-ce-pas ? Et comme je suis du genre à aimer les confrontations !

-Je vais aller chercher nos épées et la machine. Vous voulez une corne en souvenir, non parce que tant que j'y suis...

Un au revoir de la main, ils n'auront pas le temps de me voir disparaitre, je serais de retour le lendemain avec mon colis. D'ici, là, ils pourront discuter entre gens raisonnés.
Avec beaucoup de plaisir, je quittais la pièce.

Les mourant ne me donnent envie de rien.

Spoiler:

Une pulsion. Celle de l'envoyer goûter à la peinture sur le mur. Ayame tressaillit, j'aurais été réveillé j'aurais sûrement eu la même réaction, mais rien en m'aurait arrêté, moi. Je lui aurait enfoncé l'estomac, comme pour l'homme grenouille.

Mais j'étais endormi et Ayame pensait à ses infirmières dehors et à tous les patients, moi compris, qui ont besoin de calme pour guérir. Il détendit ses muscles, son regard traversant un Fafnir qui s'en allait. Et son oeil se posa sur moi. Il voyait les formes du draps, les marques violacées des coups que j'avais reçu. Il se mordit la lèvre.

Il s'en voulait. Quelque chose de dingue. Si je pouvais je l'aurais sûrement ramené sur terre avec une claque dans le dos à lui déplacer la colonne... Se sentir coupable, comme si ça allait m'aider à me relever.

Pleurez donc ! C'est toujours mieux que de vous entendre vous chamailler.

Si je meure, plus de souci à se faire.

Le bip régulier, sursaute, et le son aigüe se fait soudain continue. Un long et déchirant hurlement mécanique et le visage d'Ayame perdit ses dernières couleurs. Son iris bleu me fixait derrière une goutte d'eau.

Effet poignard... Ces mots furent au final la cerise sur le gâteau, je ne pris pas garde à son départ, je porte mes yeux sur la silhouette étendue et... Et....
Ah non! Non pas ça! Je le refuse! Ce bip résonnera de nouveau, je lui interdis!
Je m'approche rapidement, alors que la porte de la chambre s'ouvre et que deux infirmières suivit de Thomas entrent. L'une d'entre elle amène le chariot de réa, c'est pas ce que je maîtrise le mieux mais hors de question que je laisse une autre personne le faire! Pour le coup, je ne vois même pas Eönwë entrer, je dégage les couvertures, je dégage son torse et ces lignes que je connais à présent, l'infirmière pose ces patch pour éviter que ça le brûle, je donne des ordres que je m'entends pas donné en fait et je choc...

Toujours rien... Ce bip lancinant....

Je réitère, plus d'ondes, plus... Second choc...

Rien... Toujours rien, toujours plat... Pour le coup je sens les larmes me monter aux yeux, elles s'échappent les traîtresses alors qu'une nouvelle fois je choc avec une décharge plus importante...
Attente... On lui injecte de l'adrénaline... Et enfin...

Bip... Bip... Bip...

Je lâche les palettes qui sont rattrapés par une des infirmières, je fais un pas en arrière, bordel, je suis attachée à lui...
Bon sang je veux pas qu'il meurt... J'approche de nouveau du lit évitant ainsi le geste qu'Eönwë à envers moi:

"Tu es tout sauf un lâche..."

Ouais alors là j'en étais pas certaine de ces mots... Je reprend:

"Espèce d'imbécile congénital tu as intérêts de revenir si tu veux pas que..."

Je ne termine pas car deux bras ce saisissent de ma taille et m'éloigne, j'essaie de me débattre et je capte enfin la présence d'Eönwë qui me dit:

"C'est bon Ali..."

Je suis amenée hors de la chambre par Eönwë après qu'il ait dit quelques mots à Ayamé... Pourquoi ça fais aussi mal dites moi?

Une journée passe... Puis deux... Puis trois...

Je suis assise près de son lit, j'ai les yeux clos, je ne dors pas, je médite. Mes bras sont repliés et me servent d'oreiller. Dans la pièce il y a toujours Ayamé qui lui non plus n'a guère beaucoup bougé depuis ces trois derniers jours, je sais que près de la fenêtre, Eönwë se teint, debout et immobile, comme une statue... Il ne manque que Fafnir pour que le tableau soit fin complet...

C'est douloureux. Dans mon dos, dans mes épaules et dans ma tête. Mes paupières me brûlent et j'ai la bouche sèche. Une sonde dans la gorge, j'ouvre les yeux paniqués, de l'air entre et sort de mes poumons, et pourtant je n'inspire pas, l'air qui entre dans mon nez ne va pas bien loin et ressort avant d'avoir fais son oeuvre.

Je ne contrôle rien.
Eönwë,lui, il sait qu'on doit éloigner les machines de mes bras car au réveil c'est la panique.
Je m'accroche à la lumière éblouissante, j'ai la main douloureuse et ça ne m'empêche pas de percuter la machine à côté de moi. Elle bascule en arrière, s'effondre dans un retentissant capharnaüm. Du métal, du verre cassé. Je me crispe, je porte la main à ma bouche et quand je veux enlever le tuyaux ça tire à l'intérieur.

Une main, un bras, plusieurs, on m'invite à m'allonger correctement, on m'y force. Je connais la poigne qui me pousse à rester calme. Certain mais trop perdu pour mettre un nom dessus. La sonde est enlevé et je tousse.
J'ai mal, partout. Toujours plus mal quand je recouvre la vue progressivement. Il y a du monde autour, un peu trop. Je repousse les personnes trop proches et ma force dans cet état est incontrôlable. Je repousse sans savoir si j'en ai fais valser un contre un mur.

De l'air. Qu'on me laisse respirer.

-Ecartez-vous, écartez-vous ! Sa voix est claire. Je le reconnait parfaitement. Ayame.

Il s'approcha. Patient comme devant un ours blessé et enragé. Sa main froide sur mon front.
Il a toujours eu les mains froides à l'hôpital. Je crois qu'il n'aime pas ces endroits là. Moi non plus. Mais il sourit. Ses paupières enflammées parlent pour lui. Pardon d'être aussi con.
Ma respiration s'apaise et je sais qui j'ai envoyé dans le mur.