Une fête endiablée

Mes arrêts dans la ville d'Entre Monde sont souvent courts, et rares sont ceux où je n'y suis pas pour simplement faire deux trois achats ou prendre une mission. Je me tenais souvent à l'écart de la ville, elle était la définition de l'ennui pour moi : pas de combat, pas de monstres... Le seul bon côté était les gens, oui, les gens. Il était toujours amusant de discuter avec une créature loufoque, ou raconter et écouter des histoires d'aventures à Ordae.

Je m'attaquais cette fois-ci à Northrives, je ne connaissais que peu le coin. De ce que j'avais pu voir durant mes expéditions en ville, ce quartier était l'incarnation de la bonne humeur. Un endroit plutôt joli, où toutes créatures cohabitaient. Sympa, j'avais l'impression que tous les habitants du quartier ne savaient pas ce qu'il se passait à l'extérieur. Vous savez, les arcturiens, les grosses bestioles sur les routes, tout ça. Un havre de paix.

Ma visite, cette fois-ci, m'avait permis de repérer quelques boutiques, et même de trouver la tour de l'alchimiste ! Pour une fois, que je ne m'étais pas perdue dans les dédales des quartiers, et n'avait que repérer des habitations ! Enfin, une visite utile.

En me baladant dans les grandes rues au bord des canaux, je remarquai que beaucoup de personnes se rendaient dans la même direction. Curieuse, je tendis l'oreille en suivant les divers groupes. De ce que j'entendais, on parlait fête. Pas étonnant à Northrives. J'allais me détourner des gens, quand la musique vint à moi. Un léger sourire aux lèvres, je me remis en route vers la fameuse fête.

J'arrivais enfin sur la place d'où la musique venait. C'était donc cette scène ce que je protégeais en me battant, de beaux moments, des sourires, ce petit monde joyeux et sans dangers où tous ces gens vivaient. Il y avait de tout, des gens buvaient, s'amusaient, et... Bougeaient étrangement ? "Danser", je crois. Mon expérience avec ce verbe se résumait à une unique fois dans ma vie où un porteur avait eu l'intelligence de m'amener à un bal pour se vanter de sa nouvelle arme et exploits (il n'a d'ailleurs pas fait long feu, lui).

Enfin ! Cet univers restait donc pour moi, totalement inconnu. Boire était quelque chose d'exceptionnel, et danser... Ce mot m'était tellement lointain que je me demandais toujours pourquoi les gens pouvaient bien avoir l'idée de le faire. C'était un monde totalement différent du mien. Une seconde preuve étant ce que je portais, taillé pour la bataille.

Je me baladai dans des vêtements usés par les combats, mes deux lames toujours dans le dos, et mon sac sans fond bien apparant, encore un signe d'aventurière. Les gens m'évitaient, ou du moins ne s'approchaient pas de trop, tandis qu'ils s'agglutinaient autour d'une personne dont je crus entendre le nom. Un maître ? Je m'assis dans mon coin, par terre, posant mon attirail à côté de moi, observant d'un œil intrigué la scène, ce même sourire que tout à l'heure au visage.

Aujourd'hui, je pouvais apercevoir de mon balcon toute l'effervescence du quartier de Northrives. La fête battait son plein aujourd'hui. L'occasion de pouvoir sortir un peu et profiter du bon temps. Ça change des missions et des balades en extérieur où on risque notre peau. Et puis, c'est aussi parce qu'on sait qu'ici chaque moment peut être un danger qu'on sait autant faire la fête. La capitale était si peu avant la fermeture des miroirs, mais on a su voir les choses en grand, depuis. Que ce soit les édifices... ou la fête !

Je filais me préparer pour la fête ! Mes plus beaux habits, rasé de près, un soupçon de parfum. Et me voilà parti ! Pas besoin de carte, il suffisait de suivre la musique jusqu'à la place.

Les lampions, les fleurs, les décorations, la musique, la danse, les victuailles... tout ici invitait à profiter de ces instants de paix avec toute l'énergie possible. Et surtout, toute l'assemblée scandait un nom qui m'était fort familier.

- LEILINE ! LEILINE !

Il faut croire qu'il n'y a pas que moi qui ait été attiré par la musique et les couleurs. Je me mêlais discrètement à la foule avant de scander en cœur son prénom. Mais très vite, la foule me repère également, et je me faisait alpaguer par un tenancier aimable, mais un peu bourru.

- Hé ! Sieur l'Alchimiste ! V'nez donc goûter notre dernière bière. Fraîchement brassée !

Et le voilà qui me servait une pleine pinte de bière blonde, débordante de mousse. Je fixais de manière dubitative :

- Vous savez, je....

- Allez ! Z'allez pas vous faire prier ?!

Je portais la boisson aux reflets dorés à mes lèvres, et j'entendais déjà les personnes autour de moi :

- Cul-sec ! Cul-sec ! Cul-sec !

Je vidais la boisson d'une traite, et évidemment je ne ressentais pas le goût de la bière (juste un délicieux goût de milkshake vanille, mais un milkshake pétillant alcolisé ça surprend). Évidemment, après autant d'alcool avalé d'une traite, ça me tournait un petit peu.

- Alors, elle est bonne ?!

- Un régal !

- Ouais !

Et toute l'assemblée buvait et chantait. De mon côté, je m’éclipsais pour me joindre aux danseurs. Je préfère avoir le tournis d'avoir trop dansé que d'avoir trop bu.

Je n'étais pas très fête, je l'avoue. J'ai tellement vécu en ermite avec mon père et la princesse que j'ai perdu le goût du social. Mais il est vrai que depuis quelques temps, je m'ouvre peu à peu aux autres. Je peux remercier le forgeron, Ayren, devenu un ami. C'était un peu comme si la nouvelle canne qu'il m'avait fabriqué était le signe d'une nouvelle vie. Et depuis... Je parlais aux autres. Et c'était au final agréable.

Mais Grand-mère avait décidée que je ne louperais pas la fête du printemps.

- Grand-mère, tu es sûre que ce n'est pas plutôt toi qui veut absolument y aller ?
- Tututu ! Ne discute pas et enfile ça ! Quand est-ce que tu mettra des robes bon sang ?
- Je croyais que tu trouvais que les costumes m'allaient bien ?
- Hm c'est vrai. Mais avec une robe près du corps tu serais belle aussi !

Je levais les yeux au ciel mais gardais le sourire tandis que j'enfilais le pantalon qu'elle m'avait jeté au visage. Grand-mère, de son vrai nom Claudia, était en fait la fermière la plus proche de ma maison isolée. Depuis que nous nous sommes installées avec mon père et la princesse, elle nous as toujours aidé. À la mort de Papa, elle m'a aidé à l'enterrer et m'a appris à m'occuper de la serre. A la disparition de la princesse, elle a fait jouer toute ses relations pour tenter de la retrouver, en vain.

Depuis elle s'occupait de moi comme de son propre petit fils. Elle connait mon secret et désespère de me voir jouer les garçons mais en public elle le respecte. Je l'aime énormément et je prie tout les dieux qu'elle vive encore mille ans.... C'était un adorable petit bout de femme-tortue, forte mais au sourire plus lumineux que le soleil. Je ne sais pas de quels couleurs sont ses cheveux mais ils sont toujours bien coiffés même quand elle travaille la terre ou s'occupe de ses bêtes.

Aujourd'hui elle a enfilé une robe qui la mettait en valeur, un peu depassée de mode mais je la trouvais sublime. Ses cheveux étaient coiffés en un chignon serré de ballerine.

Selon sa propre description, puisqu'aucun miroir ne pouvait menm le confirmer, elle me fit mettre un pantalon noir, une chemise blanche et un veston gris anthracite qu'elle décora d'une broche d'or en forme de feuille, apparemment achetée chez un bijoutier sirène. Je lui demandais de m'épargner la cravatte... Elle tenta de coiffer au mieux mes cheveux et me fit mettre une veste sur les épaules, "comme le fond les gentlemens à la mode !". Je n'allais pas la contredire.

Quand nous fûmes près et sortit de la maison, je lui tendis mon bras en bon gentleman.

- Mademoiselle ?
- Ohoh tu es charmant petit sacripan !

Elle s'y accrocha joyeusement. Au fond je la soupçonnais de vouloir avant tout se promener au bras d'un beau jeune homme pour se vanter auprès de ses copines.

Plus nous approchions de la fête, plus la musique eut un effet étrange sur moi. En réalité, j'avais déjà observé ce phénomène, mais depuis ma rencontre avec Sirius je l'identifiais mieux: je captais certaines ondes sonores comme si elles étaient les miennes. La musique et le cri de Sirius en faisaient parties. Ainsi, je "voyais" mieux grâce à celle-ci car je recevais plus d'informations qu'avec la simple onde de mes pied ou de ma canne. Et ceci, ajouter à l'ambiance générale, m'accrocha un sourire de bonheur intense.

Je ne me sentais pas de danser encore, Grand-mère m'emmena donc à une table. J'allais chercher deux assiettes d'un délicieux rôti qui sentait diablement bon a un des stands, ainsi qu'une pinte de bière et un verre d'un alcool plus doux pour Grand-mère.

- LEILINE ! LEILINE ! LEILINE !
- Oh ! C'est la jeune dame de l'Epicerie ! s'exclama Grand-mère
- Elle est populaire depuis son interview dans le journal.
- Va donc l'aider la pauvre !
- Quoi ?!
- Elle est entourée de fan qui l'importunent ! Allez va la chercher !

Aussi précise mon onde devenait-elle, je ne pouvais pas distinguer l'expression du visage de Leiline. Je me levais donc et allais a sa rencontre en me basant sur les encouragements et l'attroupement général. Je ne pouvais pas refuser un ordre de Grand-mère...

- Ah c'est donc la que tu te cache ! On te cherche depuis des heures ! Excusez-moi messieurs dames, Grand-mère nous attend !


Sans plus de cérémonies, je pris la main de l'Epicière et l'entraînait avec moi. Une fois éloignés du groupe, je lui lançais un sourire d'excuses.

Désolé pour le kidnapping, ma Grand-mère est persuadée que vous étiez en mauvaise posture...

J'espérais ne pas l'avoir froissée en l'emmenant ainsi avec moi. Une fois devant la table, Grand-mère lança un grand sourire à l'Epicière

- Bonsoir Mademoiselle Leiline ! Je me suis permise de vous envoyer un chevalier servant. Oh cette robe prune est sublime ! Venez, installez vous. Morgan, va lui chercher à manger !

La description de la couleur de la robe était plus pour moi que pour Leiline. Grand-mère prenait très à coeur de me decrire ce que je ne pouvais voir. Je lançais à nouveau un sourire désolé à Leiline et lui désigna une chaise.

- Je crois qu'elle est votre fan n°1 en fait... Mais elle a raison, cette robe vous va à ravir. J'aurai aimer voir sa couleur.... Enfin. Je vais vous chercher une part de rôti. Vous buvez quelque chose ?

Je pris sa commande et tandis que Grand-mère engageait la conversation, j'allais lui chercher à manger et à boire. Je deposais assiette et verre devant elle puis repris ma place pour que nous trinquions tout les trois.

Myst avait appris il y a deux jours qu'une superbe fête se tiendra à Northrives et depuis elle voulait absolument participer. Elle pensait à cette fête à longueur de temps, la musique, les chants, les danses, y faire de nouvelles rencontres, ... Comment pouvait-on faire attendre les gens aussi longtemps ?! Le pire c'était le matin de la fête. La petite fée faisait les cents pas, vérifiant que sa tenue n'était pas froissée, s'assurant que ses cheveux était suffisamment bien coiffés. Elle tenait à être présentable pour la fête.

Elle partie en avance pour être sûre de ne rien louper de la fête, et surtout pas le début ! Elle vola jusqu'à l'endroit des festivités les ailes, comme d'habitude, dissimulées ce qui lui fit penser que l'effervescence de de la fête ou les éventuelles rencontres qu’elle y ferait la pousserait peu être, consciemment ou inconsciemment, à les dévoiler. Une fois sur place elle commença par simplement écouter la musique accompagnée du chant d'un ondin qu'elle connaissait, Elliot. Elle avait fait une mission avec lui. Cet ondin décidément chantait vraiment bien. Au bout d'un moment la fée voulu aller se chercher à boire mais elle se rappela très vite qu'elle allait devoir commander autre chose qu'une boisson alcoolisé. Elle ne risquait pas de faire croire à qui que se soit qu'elle était loin d'avoir 12 ans. Elle dû donc se contenter d'une habituelle boisson sans alcool et retourna près de la scène. Pas mal de gens avait déjà commencés à danser. Une danse bien classique mais tout ces gens qui dansaient en même temps créaient une scène magnifique. Elle regardait de près les danses, connaissant par cœur les mouvements exécutés. Plus elle regardait et plus elle avait envie de se joindre à eux. Ça devait de toute évidence être voyant sur sur son visage puisqu'un jeune homme, certainement soucieux d'être gentille avec une petite fille, s'approcha de Myst et lui proposa de lui servir de danseur un petit moment. La fée prenait vraiment beaucoup de plaisir à être présente parmi les danseurs et danseuses, tournoyant et s'élevant dans les airs portée par le danseur qui l’accompagnait. La fée dansa ainsi pendant de longues minutes puis laissa l’homme pour reposer ses jambes un moment, le remerciant de sa gentillesse. C'est en s'éloignant de tous ces danseurs qu'elle vit une bien jolie jeune femme qui regardait les danseurs avec une expression sur le visage qu'elle connaissait bien. En même cette expression c'est Myst qui l'avait sur le visage il a un moment. Elle s'approcha donc de la jeune femme blonde, un ruban rouge dans les cheveux, au yeux jaunes ambrés arborant un grand sourire pour lui parler.

- Salut ! Tu ne danses pas ?

- Morgan ? Qu'est ce que …

Elle n'a pas eu le temps de finir sa phrase que Morgan l’entraîne hors de la foule. Leiline ignore par quel miracle il a fallu qu'elle croise l'aveugle pour s'extirper de ses groupies, mais la chance joue en sa faveur. Peut-être devrai t-elle en profiter pour jouer à des jeux avec d'autres fêtards ? Qui sait, elle trouverai d'autres adeptes que son partenaire habituel.

Quoi qu'il en soit, la féline se retrouve désormais en bonne compagnie dont elle remercie timidement les compliments sur sa robe et l'envoi du dit « chevalier servant ». Ce même chevalier qui décide de lui chercher quelques bonnes choses à boire et manger.

- S'il y a de l'hydromel, ce sera avec plaisir, merci ! Et par pitié Morgan, je vous ai déjà dit de me tutoyer !

Depuis leur séance de test de tabac, il semble que qu'il n'ai toujours pas comprit la leçon. Elle s'installe enfin à table, parlant de choses et d'autres avec la dame que Morgan appelle affectueusement « Grand-mère ». Cette vieille dame lui rappelle Rose sur beaucoup de points d'ailleurs, tel que Leiline est persuadée que les deux femmes auraient pu très bien s'entendre.

Après le retour de Morgan, l'hybride déguste son hydromel et tend droit ses oreilles pour écouter au mieux le chanteur du groupe. Elle ne peut s'empêcher de fermer les yeux en écoutant cette voix cristalline si envoûtante. Elle admet avoir envie de voir à quoi ressemble la personne possédant une telle voix mais c'est chose compliquée avec toute l'assemblée devant le groupe. Elle détourne le regard, curieuse de voir si d'autres de ses connaissance sont dans les parages.

Elle continue d'espérer voir une personne spécifique venir la retrouver. Son partenaire.

Sans confirmation, Leiline a cru voir Myst passer un moment mais le haussement de sourcil survient dès lors que son regard se pose sur un ami Alchimiste parmi les danseurs. Elle commence à rire toute seule et s'adresse à Morgan – par le tutoiement histoire qu'il s'habitue à cette pratique.

- Dis moi Morgan, ça t'intéresse de voir comment Richye danse ? Je pense que ça peut-être quelque chose d'assez inédit à observer !

L'hybride finit vite le fond de son verre, remercie chaudement la Grand-mère de son hospitalité et tente de rejoindre son collègue Artisan, un sourire un brin espiègle aux lèvres.

Avoir Leiline avec moi me confirma que j'allais passer une bonne soirée. Notre séance de dégustation à la Tour d'Elantra avait été très amusante et m'avais convaincu que je pouvais me faire moi aussi des amis. J'aimais mon père de tout mon cœur mais il avait eu tord en nous tenant éloigner de tout et de tous: Entre-Monde est rempli de personnes gentilles au cœur généreux. Savoir que je pouvais communiquer et me lier à ces personnes étaient un vrai soulagement.

J'allais chercher le plat de rôti et l'hydromel de Leiline puis le lui rapportait avant de m’asseoir avec les deux femmes qui semblaient avoir fait connaissance en mon absence. Nous dégustions notre repas en papotant, appréciant simplement le plaisir de la fête: la musique, les rires, un bon repas.

J'admirais aussi les danseurs, ne me sentant pas de les rejoindre. Déjà parce que danser avec une canne ce n'est pas évident, et ensuite parce que danser n'est de toute manière pas évident pour moi. Mon équilibre restait précaire malgré mon Echo et j'étais aussi très timide à ce sujet... Je n'avais pour ainsi dire jamais danser autre qu'une valse un peu improvisée avec Grand-Mère au dernier Noël !

Cependant, Leiline semblait décidée à rejoindre les danseurs car elle avait repéré Richye.

- Je... je ne sais pas...
- Mais si mon petit ! insista Grand-Mère. Va donc avec Mademoiselle Leiline rejoindre votre ami !
- Et toi ?
- Je suis assez grande pour m'occuper toute seule. Il y a mes copines du club de bridge un peu plus loin je vais les rejoindre. Amuse toi mon petit...

Elle caressa avec douceur ma joue et je pris sa main pour l'embrasser. Elle avait perdu ses enfants quand ils étaient encore petits et son mari était décédé il y a bien 10 ans. Tout l'amour qu'elle avait en elle, j'avais la chance de le recevoir et de m'en servir pour grandir.

- Je vais les rejoindre alors. On se retrouve plus tard ?
- Oui, amuse toi bien !

J'embrassais sa joue et l'abandonnais à ses copines pour rejoindre Leiline. En approchant, j'arrivais à distinguer Leiline et devinais Richye au milieu des danseurs. L'Alchimiste semblait beaucoup s'amuser et je me sentais pataud à rester droit sur ma canne.

- Bonsoir Richye ! Je vois que vous... que tu t'amuses déjà ! Quelle énergie !

Je me moquais un peu mais je n'étais pas mieux. Je m'étais forcé à reprendre le tutoiement pour ne pas me faire gronder par la femme-chat.