Table n°4

Témari observa durant plusieurs minutes le barman. Il était l'instigateur de sa précédente défaite et le détenteur d'une clochette maléfique... celle-ci avait le pouvoir d'obliger toutes les tables à changer ! Mais comment ses invités pouvait trouver quelqu'un à l'heure goût si on ne leur laisse pas assez de temps faire connaissance ?
Témari était assez futée pour avoir remarqué que près de la moitié des convives perdait beaucoup de temps à trouver leur table...

Le barman essayait depuis quelques minutes de ne pas faire attention à la jeune femme habillée en pirate. exercice difficile... même lorsqu'il servit un verre à un client il senti le regard perçant de l'arcturienne sur sa nuque.
Il regarda sa montre et s'aperçut que le nouveau tour devait être annoncé... Il fouilla sa poche et dénicha la fameuse clochette.

Avant qu'il n'ait eu le temps d'en jouer Témari se jeta sur lui et arracha de sa main l'instrument.

La dragonne victorieuse voltigait de mat en mat avec son précieux butin dans la main, le barman bousculait quelques danseurs dans ses tentatives de suivre la demoiselle.

Sur scène, comme si tout ceci était parfaitement normal le présentateur annonça :

-Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, je vous prie de changer de table.

Corben, ce tour-ci tu rencontres Augure

Meliel terminait de déguster les petites bouchées que le serveur lui avait donné tout en observant le spectacle assez comique donné par Témari qui essayait comme elle pouvait de retarder le moment fatidique du changement de table qui se fit tout de même annoncé. Le dieu soupira longuement, légèrement ennuyé de devoir quitter son camarade avec qui il s'entendait assez bien.

- C'est déjà fini?! Bon bah dommage... Du coup moi je vais partir hein, j'espère que le prochain que tu va rencontrer sera sympa. Moi je sais pas où j'dois aller alors j'vais chercher. Du coup j'te dis à plus tard, j'espère qu'on se reverra, ce serai bien, t'es sympa comme mec. Ah ouais tien j'te rend ton chapeau au fait, j'peux avoir le mien? Non parce-que celui-là il est unique, il viens de mon ancien monde et j'suis pas sûr qu'on puisse faire les même ici alors j'voudrai pas l'perdre.

Meliel, tout en discutant, tendis soigneusement le chapeau de son camarade au bout de la table, claquant en suite des doigts pour faire s'évaporer lentement les deux petits personnages qui n'avaient cessé de danser depuis tout à l'heure. Il se leva en suite tranquillement, prenant son chapeau du bout des doigts avant de s'incliner légèrement en direction de son camarade pour finir par disparaître dans la foule, un sourire aux lèvres.

Spoiler:

Méliel parti, je replaçais mon chapeau avec le souvenir de Wergeld et d'Augure dansant en tenue originales. Je fis craquer mes épaules en attendant mon prochaine -ou ma prochaine, croisons les doigts- partenaire, quand un horrible frisson me traversa ma colonne vertébrale. Immédiatement, je me raidissais.
A force de côtoyer les situations à risques j'avais développé un genre de 6eme sens. Un truc qui me courrait dans le dos, pour me dire « Mec, je sais pas quand, ni comment, mais tu vas surement mourir bientôt. »

Comment pouvais-je mourir dans un Speed-Dating ? Le retour d'une Myra jalouse qui vient m'engueuler parce que je vais tenter ma chance alors qu'elle est encore en vie ? Un ancien patron de bar à qui je dois encore une ardoise longue comme le bras ?

La chaise devant moi se déplaçait. J'osais un regard rapide avant de me figer.
Je vais prendre un Arcturien en furie, s'il vous plait. Ou alors servir de porte-parole de la Silnà en plein cœur de Pyrapolis.
Bref, être tout sauf Ici


Augure.

Je n'oubliais pas un visage, même masqué, si facilement. Ce regard de psychopathe en manque de sang, cet air à la fois suffisant et menaçant, et surtout cette aura meurtrière -sans doute à mon égard- qui ferait fondre un iceberg pendant une ère glaciaire, à la surface d'un astéroïde perdu dans les fin fond de l'espace. Un type capable de m'arracher les bras, en faire des scoubidous et me pendre avec avant de me demander l'heure.

Cet en***ré me scrutait, je le voyais du coin de l’œil pendant que je l’observais sous toutes les coutures de mon coté.Nos regards ne se croisèrent jamais, mais dans un sens c'était pas plus mal. Sinon j'allais me transformer en purée rougeâtre.
Vu la tension palpable qui régnait désormais sur la table, j’étais persuadé qu’il m’avait reconnu. Et il s’imaginait peut-être que je partirais la queue entre les jambes. Je n'allais pas lui donner le luxe de fuir devant lui.

C'était MA table, m**de !


En m'installant un peu plus confortablement, je fis signe au barman de me ramener la même chose. Un bien beau bar qu'il avait d'ailler le Barman. En acajou, légèrement nacré. Ça avait dû lui couter une fortune à faire sculpter, et en plus il avait fallu le monter sur un navire. Je me demandais s’il était équipé d'un genre de système hydraulique pour rester stable même si le vaisseau tanguait un peu. Après tout, l'impressionnante collection de bouteilles et de verres devait aussi couter cher....

Même si l’envie était brulante, j’évitais de siroter mon Mojito avec les bruits de sussions si classique quand vient le besoin de faire suer quelqu’un. Le quelqu’un en question ayant la force, la motivation –et surement l’état d’esprit- de me réduire en bouillie, je jouais dans le civisme et buvais ma boisson tranquillement, sans bruit.

Ce qui m’épatait avec ce Mojito, c’est que la menthe ne se sentait que brièvement, mais l’effet rafraichissant de l’herbe aromatique venait légèrement plus tard, pour refroidir la gorge chauffée par l’alcool. Le barman avait du coup une sacrée patte pour le dosage. Je fis tourner légèrement le contenu du verre pour mieux mélanger, les glaçons tintant très doucement. Je retins mon souffle quelques secondes en me disant que ce simple bruit, s’il avait l’oreille assez fine, pouvait déclarer la guerre thermonucléaire.

Quand même… Cette menthe avait un fort potentiel. Je me demandais d’où elle venait. Probablement du sud de la région d’Ing, le climat doux permettant à pas mal de plantes de pousser la bas. Mais elle avait aussi ce petit parfum épicé caractéristique aux zones de culture de l’ouest.
De même que le Rhum. Il devait le faire importer d’une région reculée, parce que c’était pas le genre d’alcool qu’on vous servait à Magna. Là c’était du haut-standing. Probablement une cuvée assez vieille, ou produite avec un sucre précieux. Enfin bref.

Un très bon Mojito, en définitive. Ça aurait été dommage de rater ça…

Autour de nous, les gens parlaient, riaient doucement, Témari nous passait au-dessus, toujours poursuivie par le patron pour récupérer sa clochette. Je commençais à avoir faim, mais se lever de ma table pour y revenir était hors de question. Si je me levais, il avait gagné, mais comme j’allais revenir ça allait lui faire péter les plombs, et même si du coup, c’était moi qui gagnait, ma victoire serait de trop courte durée pour en profiter.

Y’avait pas moyen de chopper la clochette et de faire tourner les tables prématurément ?

26, 27, 28, 29...
Je comptais les rainures présente sur une latte du pont, en prenant en compte que certaines étaient artificiels, dues surement à la manutention de toutes ces tables et ces chaises. Ça avait dû demander une sacré organisation pour faire en sorte que tout soit à la fois accueillant, praticable, suffisamment isolé pour les personnes et tout de même assez ouvert pour pouvoir profiter du panorama.

To-to-to-tom.
Qu’il était ch*ant

Je repensais soudainement à la scène illusoire dont j’avais été témoin et osais esquisser un sourire. Pour répondre à un geste énervant, rien de plus énervant que de répondre par de l’ignorance. Et franchement, le fait de revoir dans mon cerveau la porte de prison rouille qu’était le type assis devant moi en tutu rose et agrippés dans les bras de Wergeld me faisait intérieurement hurler de rire.
Je fis appel à toute ma force mentale pour ne pas exploser de rire à son visage.

Il fallait que je retrouve Méliel après la soirée. Se payer un thé, un truc parfumé pour calmer les nerfs mis en pelote par cette absence totale de conversation. Surement un truc au jasmin ou à bbase de camomille. Je me demandais quand même quelle idée était passé par la tête du tout premier mec qui s’était un jour trouvé devant un tilleul et qui s’était dit « Cette fleur fera du plus bel effet dans un gros bol d’eau chaude ».

Je me massais le coup du plat de la main, inspirant profondément pour cacher mon ennui –et un peu de mon angoisse.

Encore 10 minutes…

Témari contait fleurette et c’était une chance, le barman put faire retentir sa clochette sans qu’aucun élément perturbateur ne vint l’en empêcher.
Il savoura ce moment où les visages reprennent vie, les convives qui restaient encore redécouvraient leur environnement.

Le râclement des chaises sur le pont.
Une pause de quelques minutes était donné à ceux qui souhaitaient manger un morceau ou simplement se dégourdir les jambes. C’était aussi un petit répit pour ceux qui souhaitaient partir tranquillement.
Y compris pour ceux qui partaient précipitamment...

Au bout du compte, le présenteur tapota son micro et annonça le 4ème tour, non sans un brin d’humour…

-Si un désaccord survenait autour d’une convive, merci de régler ce différent en dehors du bâteau, pour le confort de tous. Une vue d’en haut depuis le pont serait bien plus appréciable en cas d’affrontement.

Dit avec un calme olympien… Même le barman blêmit ne sachant s’il devait rire ou pleurer.
Quoiqu’il en soit, la liste des tables fut annoncée :

Spoiler: