Table n°3

Nini avait l'air très . . . directe. Elle avait posé sa question sans s'encombrer de quelconque protocole. C'est ça que j'aime chez les gens. Je plantai mes yeux d'or en fusion dans mes siens, d'un rouge écarlate étrange.

-Je suis une ange d'eau, lui répondis-je. Et toi ? Tu es quoi ?

Mes ailes battirent dans mon dos. Elles commençaient vraiment à m’embêter. Alors je les repliai en une écharpe blanche qui vint orner mon cou. Nini me posa tellement de questions que j'eus du mal à toues les analyser.

-J'ai grandi sur Terre, dans un lac ou mes parents m'avaient abandonnée, lui répondis-je, mes yeux s'assombrissant. Je n'ai jamais fais d'équitation. Et enfin je ne connais pas de Saria, concluai-je dans un rire.

Je fis une pause puis repris :

-Et toi ? D’où viens-tu ?

-Moi je suis une androïde, conçue pour être une aide de maison. Mais en ce moment, on ne peut pas dire que j'ai de maison à aider...

Donc, Zelda qui faisait des trucs bizarres avec des espèces d'excroissances blanches qui avaient l'air tout bonnement de lui pousser dans le dos (elle ferait peut-être bien de consulter un médecin pour voir si ce n'était pas cancérigène) ne faisait pas du cheval et ne connaissait personne du nom de Saria. Par contre elle a grandi dans un lac. Dans un lac? Dans la vase du lac, au milieu des joncs et des petits poissons et des grenouilles et des moustiques, avec deux ou trois canards qui se promènent dessus? Si elle vivait dans le lac, est-ce qu'elle était à classer dans la catégorie des amphibiens? Parce que bon, elle avait beau dire qu'elle était un ange d'eau, Nini n'avait strictement aucune idée de ce que ça voulait dire.

-Moi je viens de la montagne. Enfin, après être arrivée à l'Entre-Monde, j'ai élevé des moutons dans un trou perdu où il n'y avait rien. Mais avant ça, je servais dans la maison d'une vieille dame qui doit être morte depuis le temps. Je me demande si elle m'a inclus dans son testament...

L'androïde perdu quelque peu de son sourire, se demandant qui pouvait bien être son propriétaire légal. Il lui fallait un propriétaire, même si elle ne le voit jamais de sa vie. Elle était une machine, un produit, presque un électroménager même. Si elle n'avait personne pour la posséder, elle allait être mise au rebut, puis démontée pièce par pièce avant que les parties réutilisables soient recyclées et les autres fondues ou compressées... Mais peut-être qu'ici où des androïdes incomplets vivaient, peut-être qu'ici elle n'aurait pas à subir ce sort même sans maitre. Peut-être.

-Au fait, c'est comment de vivre dans un lac?

Une soudaine agitation commençait à se faire entendre derrière le lourd rideau qui dissimulait un coin de la salle. On entendit la voix de Témari, les gémissements plaintifs d'une hôtesse de l'air, les élucubrations d'un vieux présentateurs suppliants ... Et les rideaux se soulevèrent.
Quelques gros bras en uniformes de marins portaient sous le bras les éléments perturbateurs de la soirée, jusqu'au gong bâillonné dans un sac en mousse pour l'occasion. Souriant, les braves gens s'en allèrent avec leurs paquetages délivrant la vue à un magnifique buffet et le personnel prêt à servir les convives.

Le gérant de l'auberge se présenta alors sur la scène et annonça, le menton tremblant de nervosité :

-Il est temps que vous libériez les tables. Le speed dating pour ce tour final vous offre le choix de vos rencontres ainsi qu'un buffet et un bar gratuit. Profitez bien de la soirée.

Une musique d'ambiance se lança aussitôt, et l'estrade fut balayée des lumières de quelques projecteurs, destinés, peut-être aux aimables danseurs qui oseront tenter l'expérience

Plus personne n'est affecté à une table en particulier.
A vous de vous arranger et d'inviter à n'importe quelle table ceux qui vous intéressent. Avec pour contrainte de n'inviter qu'une personne à la fois. Je ne veux voir personne à deux tables en même temps.
Si personne ne s'est lancé, dimanche, Temari formera les derniers groupes et en cadeau elle révélera des secrets (vrais ou faux) sur chacun des petits timides

Aux autres, si vous souhaitez participer au dernier tournant du speed, c'est possible. Si toutes les tables sont occupées, vous pouvez en ouvrir de nouvelles.

Cette conclusion dure 14 jours.
Avec la possibilité d'une prolongation de 7 jours si besoin.
Dans tous les cas vous pourrez continuer de discuter après l'évènement comme si de rien était. La salle restera ouverte pour qui voudra.

Je rappelle aussi que si vous partez avec quelqu'un, vous gagnez une semaine de vacances et un repas gratuit à l'auberge.

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Âdièl fit une moue exaspérée lorsqu'il fut interrompu avec Xénon. Il lui laissa donc la carte de l'auberge, en lui disant que si un jour, il ne savait pas où manger, il pourrait toujours passer. Et même s'il ne travaillait plus là-bas, son patron pourrait le renseigner sur son nouveau boulot.
Bien sûr, Âdièl aurait pu resté sagement à discuter avec Xénon, mais, il y avait un mais.
Enfin, une fille plutôt.
Une ange même.
Il avait bien aimé Zelda, depuis le temps qu'il cherchait un autre ange, et voulait lui reparler. Aussi se leva-t-il et chercha des yeux la table de Zelda. A son grand soulagement, elle était libre.
Il se dirigea vers elle, et lorsqu'il fut assez près, il la regarda et lui demanda :

" La place est libre ? "

Elle le regarda de ses yeux oranges. Couleurs inhabituel qui réhaussait son teint. Il se sentit gêné et se prit à ajouter :

" On avait une conversation en cours, non ?"

Cela sonnait un peu comme une excuse.

Un énorme vacarme se fit entendre derrière le rideau de la scène. Soudain, plusieurs "armoires à glace" émergèrent des "coulisses" le gong, le piano et son pianiste et l’hôtesse de l'air sous le bras. Puis, le gérant de l'auberge vint sur la scène et nous apprit que maintenant, nous pouvions choisir nos rencontres. Nini ma salua, se leva. J'attendis un petit moment, les yeux fixés sur la lune brillant au milieu du ciel bleu, puis décidai d'aller à l'une des tables. Mais, au moment ou j'allai me lever, Adiel se dirigea vers ma table et me demanda si la place était libre. Mon regard d'or se posa sur lui. Il ajouta ensuite qu'on avait une conversation en cours. Cela me fit sourire. Je fis un signe vers la chaise tout en lui disant :

- Oui la place est libre.

J'attendis qu'il s'asseye en commandant un verre de Kir. Puisque tout était gratuit, je n'allais pas me gener. Me retournant vers l'ange je lui demandai :

- Tu veux quelque chose ?

Une fois le serveur partit, je me surpris à dévisager Adiel. Il était vraiment mignon. Cette pensée me fit rougir. Je chassai vite cette réflexion de mon esprit puis lui dis :

- Avant que nous ne soyons interrompus (un sourire se dessina sur mon visage), je te demandais si tu avais beaucoup voyagé.

Elle lui sourit. Pas d'un sourire présomptueux qui se savait destructeur. Non, un sourire léger, timide, sincère. Content qu'il soit revenu. Ses yeux se mirent à pétiller. Elle lui désigna la chaise en face de lui.

- Oui la place est libre.

Âdièl s'assit, aux anges. Ce qui était vraiment le cas de le dire.

- Tu veux quelque chose ?
- Oui, une vodka orange s'il vous plaît."

Le serveur tourna les talons et il se reconcentra sur l'ange en face de lui.

- Avant que nous ne soyons interrompus, je te demandais si tu avais beaucoup voyagé.

Elle continuait à lui sourire. Il lui sourit à son tour. Elle était tellement belle quand elle souriait. Oui, il n'avait pas peur de le dire. Elle n'était ni mignonne, ni jolie, belle. Éclatante.

" La réponse est assez complexe. A la fois oui et non. Sur mon monde d'origine, la Terre, oui j'ai beaucoup voyagé. J'ai fait le tour du monde à travers le temps plusieurs fois. Et j'ai vu pas mal de changement, d'évolution. En bien, en mal. Les hommes quoi. Par contre, sur Entre-monde, presque pas, paradoxalement. "

Il lui fit un sourire gêné et se pencha en avant, pour lui murmurer :

" En fait je crois que j'ai un peu peur, c'est bête n'est-ce pas."

Le serveur arriva pile à ce moment, et Âdièl en se redressant, effleura la main de la demoiselle. Il attrapa, un peu confus par ce contact involontaire sa boisson, rougissant presque et se réfugia dans une longue gorgée. Il reposa son verre et repris.

" Entre-monde est si différent de la Terre. Et j'ai vécu tellement longtemps. Sur Terre, j'étais presque un dieu, je pouvais survivre à tout, mais là, pour la première fois, j'ai peur de mourir. Voilà peut-être pourquoi je ne bouge pas trop."

Il se tut, repris une gorgée. La regarda. Lui adressa un sourire rassurant.

" Mais quel goujat je fais, je parle, je parle et ne te laisse même pas la parole. D'où viens tu, toi ? Et qu'elle est ton histoire ?"

Adiel m'expliqua tant de choses que j'eus du mal à tout assimiler mais, au prix d'un effort presque surhumain, j'arrivai à tout retenir.

- Non ce n'est pas bête d'avoir peur. Avoir peur permet d'exprimer son courage. C'est tout à fait normal, lui répondis-je avec un sourire rayonnant.

Le serveur arriva au moment ou je finissais ma phrase. Adiel, en se redressant, effleura ma main involontairement. Un picotement envahit celle-ci lors de ce contact et mes joues s'empourprèrent. L'ange semblai aussi gêné que moi, ce qui était assez mignon chez lui. Je bus une gorgée de Kir, essayant de cacher me gène. Adiel continua le discours qu'il me tenait quelques instants plus tôt puis me demanda ensuite quelle était mon histoire. Je me mordis la lèvre inférieur. Parler de mon passé ne m'enchantait guère mais j'avais confiance en Adiel. Je décidai donc de le lui raconter.

- Je ne sais ni ou je suis née ni qui sont mes parents. Ils m'ont abandonné en m’ôtant ma mémoire à part mon prénom et mon nom. Je fus recueillie par une autre ange d'eau. A sept ans, age ou un ange d'eau devient majeur, ( j'adressai un sourire à Adiel. Je savais que c'était bizarre pour les autres qu'on devienne majeur si jeune. Mais notre race était comme ça.) je suis partie pour rechercher des informations sur mes parents. Ce qui a fini par me conduire ici, à Entre-Monde. Puis les miroirs ce sont refermés et je n'ai plus jamais pu repartir.