Village sur pilotis - /!\ Attention, kraken [pv]

Comme un "avance rapide" sur magnétoscope... On nous déposait au quai du village et le plus impressionnant n'était pas qu'il semblait flotter sur l'eau mais qu'autour de nous, il n'y avait rien si ce n'est de l'eau, de l'eau et... le village. Des pêcheurs levèrent les yeux sur nous, des regards fatigués, cerné de noir et la peau séchée par le sel. Ils étaient en droit de se demander ce qu'on faisait ici, la réponse pourrait paraitre évidente. Que vient faire un groupe de voyageurs aussi colorés que nous dans ce village perdu au milieu de la mer ?
Si ce n'est chasser un calamar géant, la possibilité de venir faire du tourisme me paraissait quand même exagérée. On pouvait voir sans se tordre le cou l'horizon bleu se détacher derrière certaines maisons. Le village n'était pas bien grand, juste assez pour vivre dans cette parfaite autarcie.

-Nous y voilà...

Je crus bon d'annoncer notre arrivée, comme un encouragement à la grosse galère qui nous attendait. Sans attendre les autres, je me retournais.

-Je vais me renseigner auprès des villageois on se rejoint plus tard. Essayez de trouver un endroit où dormir en attendant qu'on puisse partir en chasse.

On pouvait attendre que le Kraken débarquent, ou aller le pêcher nous même assez loin du village. Mais avant, trouver des renseignements sur lui, trouver un endroit où nous préparer et puis établir un début de stratégie. À quatre pour aller tuer un énorme animal... J'aimerai bien être déjà le jour où on repartira, si on repart en un seul morceau.
Si l'un des trois autres souhaitait venir avec moi c'était le moment, je partais déjà vers les habitations en quête de personnes dehors. Et le bois sous mes pieds grinçait mollement comme prêt à craquer et m'emporter vers le fond.

*Le bon côté, nous n'aurons pas trop de mal à trouver un bâteau, il n'y a que ça ici...*

Nous mîmes enfin pied à terre, enfin à terre, drôle de façon de le dire, après un voyage plutôt ennuyeux. Le village dans lequel nous avions débarqué était entièrement monté sur pilotis. Je ne pensais pas qu'il fut possible de bâtir autant de maisons aussi loin de la côte, il devait y avoir quelques haut-fonds que les pêcheurs avaient exploité pour créer cette "ville flottante".

"Je vais me renseigner auprès des villageois on se rejoint plus tard. Essayez de trouver un endroit où dormir en attendant qu'on puisse partir en chasse."

"Je viens également, je souhaites repérer un peu les lieux"

Je vis Nozomi jeter un coup d'oeil discret aux embarcations sur lesquels des pêcheurs étaient en train de réparer leur filets. En mon fort intérieur, je jugeais que ces petits navires n'étaient pas bien gardés et qu'il serait plus qu'aisés de nous en procurer un, cependant, si nous nous y prenions par la force, on ne tarderait pas à soupçonner les étrangers. Je décidai de remettre à plus tard ces réflexions et de me concentrer un peu sur la population de la ville.
En premier lieu, il nous fallait savoir si notre proie avait territoire, si on la voyait fréquemment dans les mêmes zones de pêche, près des mêmes récifs, ou si nous allions devoir pratiquer une chasse à l'aveugle. Le meilleurs moyen pour obtenir ces renseignements était d'aller demander aux hommes de la mer ; les pêcheurs savent mieux que quiconque raconter des histoires à dormir debout, mais nous pourrons tirer quelques vérités de ces légendes rocambolesques.

"Sire Nozomi, je crois que nous devrions nous renseigner auprès des pêcheurs... certains sont à bord de leurs embarcations, les autres doivent être en mer ou chez eux ; ou encore dans une sorte de taverne, chez moi les gens de la mer apprécient l'alcool servit dans ces échoppes."

Je le suivais sur les pontons de bois, observant les habitants ; ceux ci nous regardaient avec un regard quelque peu malveillant et intrigué. Les rares étrangers qui venaient à passer ici n'étaient manifestement pas les bienvenus au sein de cette communauté ; c'était un phénomène fréquent chez des populations vivant en petit nombre sur un endroit restreint, comme les îles, ou les villages sur pilotis par exemple.

"Nous ne partons pas avec toutes les chances de notre côté pour tisser des relations diplomatiques avec ces gens. Celui ci vient de détourner son regard lorsqu'il a croisé le miens, et cet homme a presque craché sur le ponton derrière moi." Dis-je d'un ton dégagé.

Nous approchâmes d'un lieu bruyant, nous entendions beaucoup de monde parler et échanger des propos dont le sens m'échappait encore. Je jetai un oeil dans la direction d'où provenait la cohue, puis reportait mon regard sur Nozomi.

"Je suis d'avis que nous devrions aller voir ce qui se passe là bas, me suivrez vous ?"

Alors La jeune femme serait celle qui m'accompagnerais, j'acquiesçais à sa venue, sa compagnie nous permettra d'en apprendre plus sur l'équipe que nous formerons au moment du combat.
Le village était vraiment petit, et le bruit des vagues couvrait une partie des sons pouvant provenir de l'horizon, même au milieu de l'eau ils ne pouvaient prévoir une quelconque attaque à moins qu'ils ne la voit ou ne la sente. Ce qui signifiait que nous non plus, nous ne verrions rien venir si ce calamar faisait des siennes pendant notre séjour.

-Je suis d'accord allons questionner les pêcheurs...

Soit nous étions tous trop exotiques pour eux, et je pensais tout particulièrement à Arcanta et ses ailes, tout autant qu'à Ravëfanwen et sa peau colorée, soit rien que notre inaptitude à être nés dans ce village fait de nous des têtes malvenues.
Dans un sens, nous venions de loin, ils subissaient déjà la présence d'un kraken encombrant et très gênant, je suppose que notre présence attisait chez eux la méfiance parce qu'ils n'avaient certainement pas que ça à faire de subir les problèmes que pourraient poser des touristes.

Du bruit, qu'elle perçue avant moi pour songer y aller avant que je ne comprenne qu'il ne s'agissait pas du mugissement du vent mais bien d'un chapelet de voix mélangées.

-Je vous suis.

Je lui emboîtais le pas. Elle semblait habituée à ce genre de mission de renseignement, et sûrement pourrait-elle entendre là où je ne verrais pas grande chose. Après quelques pas, je préférais faire preuve de prudence.

-Restons prudents, nous ne savons pas comment ils vont nous accueillir et je suis presque certain que ce ne sera pas bras ouverts, faisons-nous discrêts.

Enfin la terre ferme, ce n'était pas que je n'aimais pas les voyage en bateau, après tout j'étais matelot sur le Fenrir en temps normal, mais j'avais vraiment hâte d'arriver le plus tôt possible pour nous acquitter de notre mission. Posant pieds à terre, j'humais aussitôt la brise salée venant de la mer, un vent que j'appréciais par dessus tout. Mais le moment n'était pas à la flânerie et je me tournais vers Nozomi afin de lui répondre.

-"L'endroit n'a pas l'air si grande que ça, je crois que je vais faire une reconnaissance aérienne afin de repérer la topographie des lieux. Ça nous permettrait peut être d'avoir des indices sur le Kraken et de mieux préparer un futur plan."

Puis au moins depuis les airs je ne verrais pas les air méfiant et limite dégouté des habitants du coin envers les étrangers que nous étions. Apparemment Ravëfanwen voulait accompagner Nozomi, pour Manali je ne sais pas ce qu'elle ferait mais je décidais de ne pas perdre de temps.

-"Je vous laisse, retrouvons nous dans quelques heures pour faire le point."

Déployant mes ailes je pris aussitôt mon envol avant de m'élever dans les air à une centaine de mètres ce qui me permettrait d'avoir une vue imprenable sur l'océan entourant le petit village. Commençant à battre des ailes, je pris l'objectif de survoler les alentours du village afin de voir si notre Kraken ne se dissimulait par à proximité même si j'en doutais beaucoup. Une créature aussi imposante devait surement dormir en haute mer, il ne serait surement pas facile de la débusquer mais qui ne tentait rien n'avait rien.

Manali, l'air toujours aussi endormie, venait de débarquer avec son sac de voyage qui n'était pas si chargé que ça, contrairement à ce que voulait bien le faire croire une certaine elfe noire. Le village au beau milieu de la mer était... était... tellement magique à ses yeux ! La mer, c'était bien et ça sentait bon et un village sur l'eau comme ça, c'était également la première fois qu'elle avait l'occasion d'en voir un ! Enfin, même si l'adolescente était vraiment enthousiaste à propos de toute cette histoire, son visage n'exprimais toujours que de la lassitude de haut niveau : pas le moindre sourire, rien.

Nozomi et l'elfe noire s'en allèrent interroger les gens sur le poulpe géant, l'ange prit son envol rapidement après, ayant décidé de faire un tour d'horizon aérien... d'un coup, la jeune fille se sentit bien seule, paumée au beau milieu de gens qui n'avaient pas l'air très accueillants. Après un soupir, elle prit son courage à deux mains, plaça son sac correctement sur son épaule et s'en alla à la recherche de... d'un... hum... d'informations sur le kraken et d'un endroit où loger ? Les autres cherchaient ça, autant y mettre un peu du sien. Hélas ! Je pense que vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point ses lacunes en guise de relations sociales lui jouèrent de tours sur ce coup-ci !

-"Hum... bonjour... dites-moi, est-ce qu'un de vos proches ne se serait pas fait dévorer par un poulpe géant récemment ?"

Je crois que cette simple question de sa part à un pêcheur du type grand costaud avec une cicatrice sur l'oeil est un assez bon résumé de l'ensemble de ses tentatives. Hu ? Bien sur que non, ce n'était pas fait exprès pour se faire mal voir ! La jeune fille se disait que d'après la description que Nozomi lui avait fournie, un monstre pareil ne devait jamais laisser ses proies s'échapper ! Du coup, elle demandait la même chose à tous ceux qu'elle croisait, histoire de savoir si le monstre apparaissait un peu n'importe où ou bien s'il avait ses petites préférences au niveau de la restauration. J'vous parle même pas de ses demandes d'hébergement ; ou comment demander à un autochtone s'il ne voulait pas offrir l'hospitalité à quatre étrangers, en leur promettant de ne pas piller leurs demeures pendant la nuit. Les habitants du village semblaient déjà ne pas voir la venue d'étrangers d'un bon oeil, alors je vous raconte pas la tête qu'ils tiraient à chaque fois qu'elle osait leur poser une de ses questions ! Il y en avait qui se contentaient de l'ignorer ou de lui demander de s'en aller, mais je suis persuadé qu'elle échappa plus d'une fois à une mort lente et douloureuse ! J'veux dire... le pêcheur éborgné venait tout juste de l'attraper par le bras, en lui faisant bien mal et en lui criant des injures dans les oreilles... sans doute quelqu'un qui devait vraiment avoir perdu un proche à cause de ce maudit kraken ?

N'appréciant pas vraiment le flot de paroles qui lui déchirait les tympans, Manali donna un bon coup de pied dans le tibia du monsieur baraqué et se mit à courir droit devant elle, voulant aller voir plus loin si elle n'y était pas ! Le truc, c'est qu'elle n'avait pas prévu qu'il la poursuive... c'est qu'il voulait des excuses, en plus, le bougre ! L'adolescente préféra feindre de ne pas l'entendre beugler et continua sa course, manquant de tomber plus d'une fois à cause de la fatigue... maudit soleil qui lui drainait continuellement ses pauvres forces ! Dire qu'elle avait déjà du mal à soulever son sac, voilà qu'elle devait échapper à quelqu'un avec ce dernier sur le dos ! Fort heureusement, droit devant, elle reconnut deux visages familiers !

-"Nozomi ! Ravemachin !"

Quel spectacle. Une nana a l'air trop blasée courant vers ses compagnons de voyage tout en leur faisant de grands signes de la main, poursuivie par un bœuf pêcheur énervé et déchainé... à peine de quoi attirer l'attention sur eux ! Alors que la jeune fille n'était plus qu'à deux pas de ses collègues de chasse, le gros la rattrapa par le bras, en serrant bien fort. Aie ! ... bon, ben, pas de chance hein ! Elle qui avait compté aller se cacher derrière l'elfe noire, c'était rapé. En plus, le gros, il regardait ses deux compagnons avec un regard qui n'était pas le plus chaleureux et accueillant du monde !

-"Bon... hum... je suis désolée ?"

Rholala, tout ça parce qu'elle avait peut-être un peu manqué de tact ! Le gros n'avait même pas l'air de trouver ses excuses tout à fait sincères, si si, suffisantes pour le calmer.

Pfff, c'était pas du jeu, ça !

Alors que nous nous approchions de l'attroupement, j'entendis au loin la voix de Manali qui hélait nos deux noms ; elle courait vers nous, venant d'un ponton perpendiculaire au notre et suivit par un indigène dans lequel on aurait pu mettre trois exemplaires de la fillette aisément. L'homme finit par la rattraper et la tint par le bras alors qu'elle lui présentait de vagues excuses auxquelles elle ne semblait pas croire elle même. Qu'avait elle fait pour susciter la colère d'un pêcheur aussi corpulent et visiblement de mauvaise humeur ? Pourquoi nous avait-elle embarqué dans cette galère ? Car il était clair maintenant que l'individu nous avait identifié comme les compagnons étrangers de la gamine, et prétendre que nous ne la connaissions pas n'aurait certainement pas été une bonne solution. L'envie ne m'en manquait pas, cependant. Il fallait trouver un moyen de nous tirer de ce mauvais pas sans provoquer de bagarre générale et sans éveiller l'animosité des autochtones à notre égard.

Je m'approchai de Manali et de son poursuivant ; celui ci faisait ma taille et me regardait de travers. Ma peau sombre, mes cheveux blancs et mes yeux mauves y étaient certainement pour quelque chose ; j'allais devoir me faire à l'idée que partout où j'allais aller sur ce village, on me regarderai comme une bête curieuse. Je regardai Manali et dis d'une voix claire mais modérée pour ne pas que tout le monde profite de notre échange :

"Sotte que tu es ! Avais-tu besoin d'importuner nos hôte ? Tu devrais lui être reconnaissante de ne t'avoir rompu un bras, une telle clémence est montre de noblesse et d'un grand coeur. C'est un seigneur que tu as offensée, il mérite nos plus plates excuses."

Je redressai mon regard et plongeais mes yeux dans ceux du mastodonte qui tenait encore fermement le bras de Manali. Il semblait surpris des propos que j'avais tenu ; brosser quelqu'un dans le sens du poil était souvent un moyen de parvenir à ses fins en évitant l'affrontement. C'était en outre un excellent moyen d'obtenir des informations. Cependant, nous allions devoir être un peu plus crédible que cela car la brute paraissait ne pas vouloir lâcher prise.

"Mon nom est Korydwen, troisième fille de la famille d'Aleronde ; et voici Kyoshiro. Nous vous prions d'excuser le comportement cavalier de cette enfant, la longue traversée que nous avons effectué a pesé sur son humeur, elle qui est déjà soupe au lait. Nous ferons en sorte qu'un tel incident de se reproduise plus."

*Pardonnez moi sire Nozomi, mais c'est tout ce que j'ai trouvé... je vous serais grée d'appuyer mes dire...*

Je soutenais le regard de l'homme pour lui prouver ma sincérité et espérais qu'il s'en tienne là. J'avais manifestement réussi à ébranler un peu ses ardeurs vengeresse mais sentait encore en lui une colère envers la jeune fille. Il commençait à relâcher son emprise sur Manali ; sa tête devait fourmiller de questions sur nos origines, ce que nous recherchions, nos intentions et j'en passe. Peut être qu'un peu plus de douces paroles auraient entièrement raison de sa fureur ?

J'eus un temps de retard sur l'elfe pour me tourner vers la petite qui courait... Et se faisait attraper par une homme plus large et grand que moi. Dans quels ennuis nous avait-elle embarqué ? On ne me laissa pas le temps de vraiment y réfléchir, Ravëfanwen avait de la suite dans les idées et une vivacité qui me manquait après un tel voyage, ou, peut-être avait-elle plus l'habitude de gérer une situation délicate comme celle là ? C'est sûr qu'on m'aurait demandé mon avis que je me serais joyeusement mis en tête de provoquer une émeute...

Kyoshiro ? Je préférai Nozomi, mais allons, si c'est pour la bonne cause. Je suivais du regard ce drôle d'échange qui ne semblait pas suffire à convaincre le marin-pêcheur (et lion de mer à ses heures perdues). Un regard las pour Manali qui se débattait comme un beau diable. Son visage inexpressif rendait les choses difficiles, hormis la jeune femme qui m'accompagnait ( Korydwen ? ) nous semblions être totalement indifférents. Je me râclais la gorge, s'il fallait jouer le jeu.

-Pose la à terre, nous nous chargerons de la punir pour sa langue trop pendue.

Je penchais la tête comme pour insister sur les sévices que la petite subira s'il nous laissait nous charger de lui apprendre à se tenir tranquille. En parlant de noblesse et de grand coeur... Je lançais un regard à l'elfe, non pas que je conteste les compliments dont elle gratifiait l'animal furieux qu'était ce pêcheur mais sincèrement... Elle exagérait peut-être un peu trop. S'il se rendait compte qu'on se moquait de lui, la pauvre Manali risquait fortement l'asphyxie et de douloureuses contusions.

-Elle paiera le prix de son insolence et...

Le regroupement que nous nous apprêtions de rejoindre avait gagné en vivacité. Des éclats de voix et le mouvement de la foule me paraissait plus frénétique. Je tapotais l'épaule de l'elfe pour lui signifier d'un mouvement du menton l'état de nos informateurs potentiels. D'un coup, éviter l'affrontement me semblait plus difficile, j'étais partant pour nous occuper du gêneur et libérer Manali rapidement si nous voulions récupérer nos informations avant d'être mis dehors de force. L'état d'esprit de ses gens était aussi méfiant qu'agressif... C'était déjà assez révélateur de la tension qui habitait ce village.

Après une dizaine de minutes de vol, je décidais de revenir en direction du village de pêcheur. Comme je m'y attendais je n'avais pas repéré grand chose de significatif, après tout c'était un océan et l'eau s'étalait à perte de vue. A moins d'un heureux hasard, le Kraken était surement caché en profondeur là où la lumière du soleil n'arrive pas à percer l'obscurité de l'eau. Bon de toutes manières il fallait bien que j'essaie de me rendre utile et maintenant que j'avais finis mon petit tour d'horizon il fallait que je rejoigne mes compagnons en espérant qu'ils aient eu plus de chance que moi pour obtenir des informations.

Au fur et à mesure que j'approchais des maisons sur pilotis, j'apercevais un attroupement étrange de gens ce qui mis mes sens en alertes. Plus la distance avec le village se raccourcissait plus j'arrivais à percevoir les visages des gens présents et je ne fus même pas étonné d'apercevoir mes compagnons. Visiblement ils s'étaient mis dans de beaux draps rien qu'à voir la tête des pêcheurs autour d'eux.

Pour le coup j'hésitais presque à faire demi-tour, mais sachant que l'île la plus proche se situait à plusieurs dizaines de kilomètres c'était une mauvaise idée. De plus abandonner son groupe comme ça n'était pas vraiment dans mes mœurs. Bon peut être que la situation n'était pas si venimeuse que ça et c'est pour cela que je vins me poser avec légèreté non loin de Nozomi, bousculant quelque peu les personnes présentes avec les vents à cause de l'atterrissage.

-"Si je ne me trompe pas les gens n'ont pas vraiment l'air heureux, des problèmes ?"

Puis jaugeant les pêcheurs d'un regard froid, celui-ci vint se poser sur Manali. Vu la situation dans laquelle elle était il ne fallait pas être devin pour voir qu'elle nous avait attiré des problèmes. Manquait plus qu'à savoir comment on allait la sortir de là.

Manali regardait l'elfe noire déblatérer des compliments sur le pêcheur avec l'air aussi inexpressif que d'habitude, ayant cessé de se débattre inutilement. La poigne du pêcheur était trop forte pour qu'elle puisse s'en dégager sans aide, inutile de perdre toutes ses forces déjà bien faibles en cette heure du jour ; il valait mieux laisser les autres faire. N'empêche que c'était pas de sa faute à elle si les habitants du coin étaient si susceptibles et agressifs... on ne pouvait même pas leur poser de questions sans qu'ils ne se mettent dans des colères noires, incroyable ça ! Le problème, c'était qu'ils en avaient peut-être fait un peu trop tous les deux : plus Nozomi et Ravetruc parlaient, plus l'étau qui servait de main au pêcheur se resserrait sur son p'tit bras. Il devait penser que ces deux-là se moquaient de lui, surtout à force de le qualifier de seigneur et tout le tatsoin.

L'arrivée de l'ange n'arrangea rien à la situation, les autochtones ne semblaient pas supporter les étrangers et ils le faisaient vivement savoir. La situation était vraiment ridicule : les habitants du village de la mer s'en prenaient à leurs potentiels sauveurs avant même que ces derniers n'aient eu le temps d'expliquer la raison de leur venue ! ... hum. La solution était peut-être là, en fait ! Après tout, pourquoi pas ?

-"Les gens du coin ne sont pas très accueillant... on vient les débarrasser de leur Kraken et voilà comment ils nous remercient, c'est franchement agréable."

La phrase que la jeune fille venait de sortir avait tout de même eu le don de calmer un peu l'attroupement de villageois marins, même s'il fallait avouer que son visage inexpressif n'aidait pas les gens à la croire. Le bâillement qui suivit non plus, d'ailleurs. Les habitants du coin semblaient toujours aussi méfiants mais soudainement moins agressifs. Le pêcheur baraqué, lui, n'était pas plus convaincus que ses camarades et n'avait pas lâché le bras de la jeune fille, cherchant une confirmation des yeux auprès des trois autres loustics. Il n'était plus trop d'humeur à plaisanter, là, et si ce n'était qu'un bobard de la part de ces étrangers, ils allaient le sentir passer. Fin' bon, l'adolescente n'avait rien trouvé de mieux à dire ou faire : elle n'avait aucune compétence niveau baston et tabasser les gens qu'on vient sauver n'est pas du meilleur goût, elle était incapable de faire l'attaque des grands yeux brillants du chat botté et... et... ben, elle n'avait juste pas d'autres idées en stock ! Fallait' bien commencer quelque part, aux autres de l'aider à se faire bien voir maintenant.

La réaction des villageois lorsque Manali parla du Kraken fut très intéressante. Bien des regards montraient la peur, certains échangèrent des messes basses et bientôt l'agitation repris. Je déduisis qu'ils savaient visiblement de quoi nous parlions, la bête était connue des habitants.
Le Brouhaha s'amplifia et 'l'homme sembla resserrer son étreinte. L'arrivée d'un quatrième gus doté d'ailes avait suscité encore plus appréhension à notre égard, et j'eus soudain l'impression que la remarque de Manali n'allait pas nous aider d'avantage. Émergeant de la foule, une femme d'un âge avancé dont les cheveux couleur cendre s'entremêlaient en un amas tombant paré de sable et de sel s'avança vers nous en pointant son index sur Manali. Elle portait une robe de vieux tissus tâchés de goudron et de graisse ; sa peau était tannée par le soleil et de nombreuses rides striaient son visage, lui donnant un air plus que mauvais. Quand elle ouvrit la bouche pour parler, elle découvrit en même temps une mâchoire à laquelle manquait de nombreuses dents, et celles qui restaient n'y étaient plus pour très longtemps selon moi. Sa voix était rocailleuse, enrouée, mais elle s'exprimait clairement.

"Jamais, petite... Jamais ! Plus jamais, ne prononce son nom ! Il nous entend, Il t'entend aussi et tu va l'attirer si tu prononce son nom !"

*Des superstitions* pensais-je. *Elle a pourtant l'air de tenir la foule en haleine*

Effectivement, le bruit de fond s'était apaisé et l'on laissait à la vieille tout le loisir de s'exprimer. Je crus que c'était pour se moquer d'elle et pour tourner ses propos en dérision, mais les expressions que je lus sur les visages me laissai perplexe. Ils semblaient craindre les dires de l'édentée ; peut être adhéraient-ils à ces superstitions ? Après tout, dans une communauté fermée comme celle-ci, c'était tout à fait possible.

"Lâche cette étrangère, Narval, ou elle te portera malheur."

L'homme qui tenait Manali émit un grognement puis repoussa brusquement Manali devant lui. Beaucoup se mirent à chuchoter, à nous désigner du doigt et échanger des regards craintifs. Je crus bon d'intervenir pour restaurer un semblant de paix, mais mes efforts furent rapidement anéantis.

"Pardonnez moi, ma Dame, mais..."

"Ne cherchez pas à vous approcher de Lui. Ne provoquez plus sa colère. Si vous êtes venu en ennemi, alors vous n'êtes pas les bienvenus. Quittez ce village !"

"Mais nous n'avons pas de bateau, nous ne..."

"Demain, nous vous reconduirons sur le continent. En attendant ne nous gênez pas, s'il vous plait."

A peine arrivés que l'on nous priait de repartir ; au moins nous allions pouvoir bénéficier d'un bateau, ainsi que d'une journée pour nous informer de manière plus efficace et plus discrète qu'en provoquant une émeute. Autour de nous, les gens ne semblaient pas vouloir nous quitter des yeux, et la vieille dame nous dévisageait encore de ses yeux injectés de sang.