I'm singin in the Rain...

La salle vibrait à peine. Comme un lointain tremblement de terre.
Les oiseaux soutenant la voûte du temple semblèrent river leurs yeux pâles vers le centre de la pièce. Le livre s'ouvrit soudain. Les pages défilèrent dans un imperceptible courant d'air et cessèrent leur avancée sur l'illustration d'un oiseau lumineux s'extirpant d'une étoile rouge comme le rubis.

Les murs se mirent à chuchoter. Des mises en garde, des précautions à prendre et des prières. Beaucoup de prières. Ou peut-être qu'en réalité elles se racontaient les derniers ragots... Qui a dit que les pierres n'avaient rien à dire ?

L'ouverture du livre avait déclenché une incroyable réaction en chaine. Les pierres se mettant à chuchoter sans discrétion aux oreilles de tout le monde n'en était qu'une infirme parcelle. S'ils s'étaient tenus dehors ils auraient sûrement vu le ciel s'embraser comme à l'aurore. Mais il faisait nuit à présent, nuit noire mais au dessus de l'Entre-Monde la ciel se parait de rouge et d'or. Le rose pâle imprégnait les nuages et couvrait les étoiles d'un halo orangé.

Un soleil nocturne se dessina sous les constellations. Une boule lumineuse qui s'étirait inexorablement. Et des ailes s'esquissèrent aux extrémités de l'étoile.

Au dessus de la ville un oiseau de lumière traversait le ciel. Visible de n'importe où, depuis Valérian à Termer...

Revenons en aux spéléologues en herbe, bien avancé devant un livre ouvert sur une gravure plus ancienne que l'Entre-Monde lui-même. Caliope, la plus courageuse (ou la plus inconsciente) s'avança jusqu'au livre.

-Pas de doute c'est bien A'vogenlhil. Tu parles d'un nom...hummumpf!

Immacolata venait de discrète appliquer son bras sur la bouche de la semi-déesse... Autant éviter d'insulter un dieu dans son propre temple. Quand Caliope promis de se taire, elle la libéra l'instant d'après et s'approcha elle aussi du livre pour en lire l'extrait d'un légende.

"Le premier Dieu

Au temps où aucun langage n'aurait pu lui donner un nom, une ère où le monde entier n'était encore qu'une sphère flamboyante dans l'espace infini apparut le premier dieu de l'Entre-Monde.

Il n'y avait rien sur cette planète que roche en fusion et gaz toxiques qui gelaient en s'éloignant dans le vide. Rien de plus qu'une orbe brillante dans le néant glacial. Puis, depuis les confins du monde, une étoile itinérante, une comète à la chevelure de neige approcha à toute allure.
L'entité s'écrasa contre notre planète.

Le choc fut si puissant qu'il la repoussa de son orbite première, écrasa les océans encore en feu qui de toute part éclatèrent en gerbes de lumières. Mais le monde naissant était déjà vivant. De la lumière et de la force s'extirpèrent les ailes furieuses d'un immense oiseau. Il s'arracha du feu et s'envola dans les cieux rouges à l'aube de l'Entre-Monde.

Cette légende contée par celui qui la vécut, au moment où les peuples commencèrent à se dessiner un horizon d'avenir, nous rappela alors que le monde naquît comme l'oiseau dans le cri de sa forme originelle, morcelée : renaissant encore et encore jusqu'à sa forme définitive.

Enfin vint le jour où le langage accompagna l'évolution des créatures de ce monde. Et lorsque l'un d'eux dû nommer le Dieu Oiseau, il prononça alors ce mot : A'Vogenlhil. Et dans cet ancien langage, il racontait en ces quelques lettres, l'histoire d'un Dieu né de la fureur et de la lumière."

Quand elle eut fini son récit l'autel s'ébranla.
Parfaitement quadrillé de fissures nettes et sans éclat, les blocs de pierre se déplacèrent les uns sur les autres creusant le coeur de l'autel et découvrant un coffret caché dessous. Et plus un bruit ne vint perturber la salle.

Ils levèrent les yeux sur les immenses statues, sur les parois de marbre, sur les colonnes ciselées de paroles divines, et rien ne se produisit. Pas de monstre. Pas de danger. Juste ce coffret dans le sol.
La guérisseuse s'avança alors jusqu'à la boite sculpté dans le tronc d'un chêne, elle passa sa main sur sa surface découvrant sous la poussière une plume d'or incrustée dans le bois. Quand ses doigts effleurèrent le métal solaire la boite s'ouvrit.

Il y avait au milieu de la boite un fifre de bois sombre accroché à une fine chaine d'où pendaient quelques petites pierres rouges.

Ils avaient trouvé l'instrument. Ne leur restait qu'à sortir de là en vie.

L'étude du temple viendrait après... Ils firent immédiatement demi-tour, l'instrument bien protégé dans sa boite confié au Chertan. Etrangement, aucun ne protesta, il était sûrement le mieux placé pour s'en sortir en vie avec l'instrument intact !
Seulement, la porte d'entrée se referma juste avant qu'ils ne l'empruntent pour fuir le temple. Coincé dans la salle une seule et unique issue apparue au dessus d'eux. Une ouverture béante comme le soleil apparait après l'éclipse laissa entrer la lumière lunaire. À plusieurs dizaine de pieds au dessus de leurs têtes.

Fafnir s'élança pour rejoindre la porte de sortie, elle était tout juste assez large pour un Chertan robuste. L'assassin s'arracha sans mal au temple et disparu à leur regard. Mais avant que les autres croient qu'il en avait profiter pour réellement disparaitre, sa silhouette reapparu dans la pénombre. Il déroula une échelle de corde assez longue pour arriver jusqu'à eux.

-Ils avaient tout prévu les anciens prêtres ! Quels cachotiers, ironisa la renarde qui fut la première à se hisser sur l'échelle. Ils choisirent de passer un par un. La corde devait dater d'un très, très long moment, mieux valait éviter de trop forcer sa résistance...

Immacolata, la plus légère après Caliope fut la seconde à passer et vint après elle Aliénor. Après tant de passage, ils avaient peur que le Chertan n'ait pas le temps de remonter en haut si une autre personne abusait encore de l'échelle de corde déjà bien abîmée. Alors il fut l'avant dernier.
Agile comme seul un lion pourrait l'être, il bondit de juste pour s'agripper la roche alors que les cordes finirent pas céder sous son poids. Le dernier coincé en bas...
Enfin, c'était sans compter le sulfureux dragon de Souen. L'animal goba sa pillule comme un drogué en manque et transformation terminée il se faufila au travers du trou... Il eut bien du mal à soulever l'humain jusqu'à la sortie mais avec un peu d'aide d'un assassin télékinesiste et la poigne solide du Chertan, ils furent bientôt tous dehors... Et dans le froid.

Sous leurs yeux, une étoile incroyable décrivait des aller et retours loin, très loin dans le ciel nocturne.

-C'est lui A'vogenlhil ?

Qui d'autre cela pourrait-il être, n'est-ce pas ?


CLOS