Table n°2

Il en fait beaucoup trop ! Le maintien va encore, la grâce... Il doit avoir de sérieux problèmes de vu...
Pas tant que ça, il voit très bien ce qu'il veut voir on dirait. Celui-là sait se servir de ses yeux. Je pourrais le tuer pour moins que ça.

-Je ne suis pas la seule à aimer le risque.

Je délassais mes bras et je joignis mes mains sur la table. Des cicatrices et des parties sèches montraient mon habitude des armes.

Uriel était assez mignon dans son genre, un goujat visible à dix kilomètres aussi.

L'annonce du speed dating m'interrompis dans mes pensées, je me levais avec un gémissement de satisfaction. Mes jambes accusèrent d'être restée assise si longtemps.

-J'espère que nous nous reverrons, Uriel.

J'ai pris mon verre et je me suis éloignée vers la table du seul homme que je connaissais vraiment sur le navire. Le seul à savoir qui je suis vraiment. C'est-à-dire assez forte pour lui remettre les idées dans le bon ordre s'il l'oubliait.
Ça va être drôle !

"De même. Passez une bonne soirée !"

Phrases de circonstances prononcées avec un sourire à l'avenant. Une fois que Syel se fut éloignée, il se laissa aller contre le dossier de sa chaise avec un soupir. S'y mêlaient le soulagement et la déception. Les femmes dangereuses ne lui déplaisaient pas, loin de là, mais franchir leurs barrières était un exercice périlleux... auquel il lui semblait avoir complètement échoué avec Syel. Tant pis.

Il se tourna vers la table de Manaë, reprenant déjà du poil de la bête, mais eut la mauvaise surprise de trouver les lieux vides. C'est alors qu'un serveur s'approcha et lui transmit les excuses de la jeune femme qui avait en fin de compte choisi de s'esquiver avec son galant du dernier tour. Poisse !

Il parcourut des yeux les invités encore présents, mais aucun n'attira son attention. De toute façon, ces deux échecs coup sur coup avaient irrémédiablement gâché son humeur.

Il se dirigea vers le buffet, seule consolation de cette soirée au bilan amer. Après avoir démoli quelques platées de petits fours en échangeant du bout des lèvres avec des inconnus, il finit par gagner le pont extérieur, déployer ses ailes et quitter le navire avant même son retour au quai. Un observateur aurait pu remarquer qu'il ne volait pas tout à fait droit. Au moins, les amuse-gueules et l'alcool avaient valu le détour.