Re: Les petits papiers

« Je n’ai pas la prétention de concurrencer Wergeld en quoique ce soit. » Marmonnement inaudible, ironique, car, avouons-le le jeune homme n’est pas une perfection, même si je lui concède une certaine, étrange, fascination. Il a ce quelque chose qui fait les grands hommes.
Et ce qui attire, à juste titre, les midinettes. Pour les coureurs dans mon genre, son changement de bord est une bénédiction. Vais-je révéler à toute la presse le scandale qui ébranle la vie privée de K’ouen ? Pour l’instant je garde cette information précieusement dissimulée dans ma manche. Elle me servira.

-Faire pire, peut-être pas, faire aussi mal, c’est possible. J’ai deux ailes et des plumes noires, ça ne change pas l’évidence, je ne suis qu’un homme. Lui aussi. Il n’y a d’amertume que par votre bonne volonté à vous y noyer. Rien n’empêche la jolie Aliénor d’aller voir ailleurs elle aussi. Ne dit-on pas que l’on apprend bien plus de ses échecs. Je suppose qu’arrêter le vin en bonne compagnie n’est pas la seule leçon à tirer de cette affaire.

Révéler que je suis au courant de tout sans sourciller. C’est bien mon genre. Mon frère avait cette expression : faire tomber une bonne carte n’empêche pas d’en avoir de meilleurs en mains.

-Mais si vous souhaitez vraiment parler de moi, je peux vous dire que je suis le second garçon d’une vaste fratrie qui n’en compte que deux. Je suis un ange et un démon. J’aime les femmes et le bon vin, l’un et l’autre en même temps d’autant plus. Que puis-je dire d’autre qui ne soit pas mentionné dans un magazine quelconque. Je dirige un quartier sombre et j’emporte avec moi cette même atmosphère. On raconte que j’ai des informateurs infiltrés partout. Ce n’est pas exact, et pas très loin de la vérité.

Tout ceci m’amène à parler d’un sujet moins futile, plus sensible. L’information est un pouvoir comme un autre, réunissez information, justice et puissance dans les mains d’une seule personne et vous aurez un maitre du miroir fait pour résister au temps et aux crises.

-Avez-vous consultez quelqu’un depuis votre enlèvement ?

Portais-je mon verre à mes lèvres ? Ce sujet m’intéressait au point d’en oublier que mon plateau se réduisait progressivement entre deux tirades.
Après tout un thème aussi important sur lequel personne ne peut me donner d’informations, j’en déduis qu’il concerne ces pontes chez qui je n’ai sus m’introduire en douce. Wergeld n’est évidemment pas responsable. La disparition de Ken me laisse perplexe, on me raconte qu’il est mort assassiné mais hélas cette information étant peu fiable, je n’ai pas de certitude quant à lui. La plupart des maitres sont hors de cause. Ne reste que deux personnes assez puissante pour échapper à mes informateurs, le Prétorien qui ne fait confiance qu’à son subalterne, et Dinu Mihai, qui ne fait confiance à personne.

-Et si je peux me permettre, vu vos relations avec le sommet des administrations, vous ne connaissez personne qui puisse vous aider, assurer votre protection quelques temps ?

Elle connait aussi bien la banquière que le Prétorien, dur d’éliminer l’un ou l’autre… Même si je mettrai ma main à couper que notre déesse financière doit avoir tiré quelques ficelles quelque part, dans cette affaire ou une autre assez proche.

Je l'avais écouter silencieusement, apprendre sur les autres par leur propre bouche c'est de loin la façon que je préfère de faire connaissance. Au moins, on sait à quoi s'en tenir, et puis rien ne vaut les rencontre plutôt que de lire les potins dans les différentes presse où d'entendre les avis des autres.
J'ai toujours préféré de loin me faire ma propre opinion plutôt que de me laisser influencer par les autres même si c'est parfois pas évident.
J'allais porter une autre fourchette à ma bouche mais... Mais ces dernières paroles, ces questions laissèrent la fourchette à mi-chemin entre mon assiette et ma bouche. Je ne m'attendais pas du tout à cette question, à ces questions et pour le coup, ça me coupe l'appétit.
reposant ma fourchette, je repousse l'assiette et soupir. Je n'aime pas parler de ça, à dire vrai je n'en parle avec personne. C'est pas faute qu'ils aient tous essayés mais... Mais je n'y arrive pas. D'une part ce serait admettre cette peur qui me tort le ventre et d'autre part, ce serait aussi admettre la disparition de Dolhan, j'en venais même à me demander si ça n'étais pas lier et les cauchemars étaient eux très présent sur ces deux sujets.

Consulter quelqu'un... Dans quel sens, médical où policier? Je n'avais vu aucun sanctuari venir m’interroge sur le sujet et j'avoue que je n'irai pas de moi-même à la Caserne. Rien que de penser à Ez et bien... Non, je ne pouvais pas. Pourtant, Eönwë me tannait avec ça, tout comme mon entourage mais non, je n'y arrivais pas. Déjà, ma sortie ici était l'une des rare depuis la soirée romaine alors imaginer aller ailleurs où bien même retourner aux Fumeroles...
Je croise les bras autour de ma taille, mon regard est lointain, je suis totalement ailleurs... Je suis là bas, face à cette silhouette j'entend encore le bruit du coup de feu, je ressens encore cette douleur et malgré moi je frissonne en fermant les yeux.
La seule personne qui avait pu un peu m’apaiser avait disparus, comme toutes celles à qui je m'attachais d'ailleurs, il ne restait qu'Eönwë et Wergeld mais jusque quand? J'en devenais clairement parano avec tout ça...

J'arrive je ne sais comment à reprendre sur moi et soupir:

"Mes relations? Je ne connais que Wergeld et Eönwë et il n'est pas question qu'ils passent leurs temps derrière moi, ils ont bien autre choses à faire. Je n'ai guère de nouvelle d'Ez et pour le moment je ne tiens aucunement à me retrouver à la Caserne face à lui. Et puis il ne vaut mieux pas... Tout ceux qui s'approche de moi finissent pas disparaître étrangement."

L'amertume de ces mots me sauta au visage... Dolhan avait fait comme les autres finalement alors à quoi bon?
J'essaie de m’intéresser de nouveau à mon assiette, fuyant le regard de ce maître qui me posait des questions qui me rappelait que cette histoire était loin d'être finie. Chaque pas que je faisais au dehors me rappelait là encore que cette personne était toujours en liberté et impunie, qu'on ne l'avait pas retrouvé et que je n'avais même pas été interrogé par qui que ce soit...

"Aucun Sanctuari n'est venu me poser m'interroger après ça. Et personnellement je ne suis pas aller au devant d'eux."

C'était sans doute bête, mais non, je ne me voyais pas aller là-bas de toute façon... Machinalement je porte une de mes mains à mon épaules blessée. Combien de fois je ne m'étais pas interroger sur le pourquoi? Sur le qui? Patients? Proches? Inconnu? Je me souviens encore des paroles, des mots de cette personne de cette arme aussi...

"Ma protection?"

J'avais rouvert les yeux, et cette fois, je les plante dans ceux du maître de Tchen et répond:

" Dolhan a disparut et il était censé me protéger. J'avais confiance en lui, tout comme j'avais confiance en Ez et pourtant ils m'ont tout les deux déçu à leur façon. Wergeld à bien d'autre chose à faire quand à Eönwë je ne lui imposerai pas ça. Très honnêtement Gwendal, c'est facile de porter un masque pour ne pas inquiéter."

Sans trop le vouloir je l'avais appeler par son prénom, je n'y avait pas pris plus garde que ça, au point où on en était...
Mi-ange, mi-démon, il dégageait quelque chose qui m'inspirait, à tort où à raison confiance. Je pousse un soupir ferme brièvement les yeux, je veux changer de sujet, je ne tiens pas à ce qu'on passe trois heures sur cette histoire alors que je n'arrive même pas à en parler avec les autres, tiens d'ailleurs c'est vrai ça, je le réalise, je n'ai pas parler de tout ça, sauf avec Dolhan...

"Servez moi un peu de vin, vous avez raison, rien ne m'en empêche en effet et oui, on apprend de ces échecs."

Qu'avais-je appris moi? L'amertume, ne plus faire confiance et prendre du recul quitte à m'isoler...

De l'apitoiement et elle mange comme un oiseau. Je n'ai jamais compris ce trait typiquement féminin : cette fausse timidité qui les font rechigner devant leur assiette. Tout homme normalement constitué peut s'en accommoder mais parfois il y a ce "Mais mange !" qui menace de s'échapper. Pour ma part je mange de bon appétit. Je ne vais pas m'affamer pour une femme. L'amour, l'eau fraîche, c'est bon pour les elfes...

Je me contente d'acquiescer. Elle est secouée, un aveugle le verrait, la tristesse fait partie du processus de reconstruction. Elle passera par les mêmes phases qu'un enfant battue, qu'un traumatisé de guerre. Le désespoir n'est que passager, à condition qu'elle ne prenne pas le goût de cette situation.

Je remplissais son verre, un bref sourire venant accompagné ses propos. Je ne résiste pas à l'envie de ternir un peu cette bonne volonté. On ne me refera pas, j'ai aussi des gênes démoniaques.

Dans mon enfance, cela se traduisait par des farces, des pièges et une certaine effervescence lors de jours clefs du calendrier. Des petits monstres en surnombre dans un petit hameau campagnard. Les villageois se souviendront de nous longtemps ! Mon frère et moi étions de vrais terreurs et ce n'était rien (bien que nous pensions faire des farces géniales) comparé à l'inventivité de mes cadettes... Plus nombreuses mais aussi plus sournoises, je crois que la dernière véritable colère de mon père leur laissa un cuisant souvenir. Et mon père supportait facilement un certain niveau de bêtise, il fallait en faire des tonnes pour le pousser à bout. (Il détestait les corrections, il les déteste toujours... Les fois où il a levé les mains sur l'un de ses nombreux enfants se comptent sur les doigts d'une main).
Tout ça pour dire que je ne suis pas en mesure de résister à l'envie de retourner quelques cailloux pour le plaisir. C'est dans ma nature :

-Aucun sanctuari n'est venu vous interroger ? C'est étrange comme affaire, les vautours sont toujours les premiers sur les charognes...

Avec une telle information j'ai la drôle d'impression que les sanctuaris sont au courant de quelque chose de gros. Assez pour appâter un charognard dans mon genre. J'ai le choix en réalité : il s'agirait d'une information qui justifie qu'on mette de côté un rapt et des violences, ou le prétorien est lui-même dans le coup.

Je me demande si je saurais soudoyer quelques têtes là dedans. Cette Caserne marche sur la tête depuis longtemps. Cela pourrait être assez drôle d'y infiltrer quelques oreilles. J'ai eu vent de quelques problèmes divers, mais cette affaire serait bien plus médiatique.
J'aime fouiller les tiroirs des autres ont y trouve toujours des trésors plein de surprises.

-Vous devriez manger, si vous maigrissez vous risqueriez de disparaitre... Et boire ça ne fait pas mal si on en abuse pas.

Et même dans ce cas avec moi les risques en valent la chandelle, non ?
Je ne suis qu'un homme.

Comme un automate, je m'exécute. Je reprend ma fourchette et la porte à mes lèvres, et de là, je continue, laissant le silence s'installer entre nous. Je n'ai pas très envie de continuer sur ce sujet, c'est pas si simple pour moi d'en parler alors...
Pourtant je l'ai fais avec lui, avec une aisance surprenante, je ne sais pas pourquoi autant de choses sont sorties de mes lèvres, comme si j'en avais le besoin. Là où Eö et Lucas ont essayés de me faire parler, lui en deux mots y est parvenu. Je termine les légumes et saisit un morceau de pain que je rompt, et là, comme quand j'étais gamine, je sauce avec ledit morceau avant de le porter à mes lèvres et de relever mes yeux sur ce maître dont je n'ai pas envie de me méfier.
Pourtant peut être que je devrai, mi-ange, mi-démon et avec sa réputation... Pourtant là je n'en ai aucune envie, j'ai juste un besoin d'oublier et si il peut juste m'aider un peu pour ça, je ne refuserai pas.

"Je n'ai jamais abusé de la boisson, enfin si une fois avec Neythen mais disons que... L'alcool agit très vite chez moi."

Mon pauvre corps réagit parfois bizarrement. Je tend de nouveau la main pour porter à mes lèvres le verre quand je grimace et ferme les yeux. Le "Aie" qui provient de la cuisine veut tout dire et montre aussi que mes médocs ne font plus effet tiens.

"Vous devriez dire à votre cuistot d'aller ce faire soigner."

Cela serait balot qu'il meurt quand même non?
Puis je reviens malgré moi sur la phrase qu'il a dite. Les vautours sur les charognes? Charmant pour me désigner, j'ai la tête d'une charogne? Je bois une gorgée avant de soupirer:

"La comparaison est guère flatteuse, mais je dois avouer que non, aucun sanctuari n'est venu. Tout comme aucun sanctuari ne s'occupe du meurtre de la famille du maître de K'an où comme aucun ne s'est penché sur la disparition subite de mon père il y a des années. Je n'attend plus grand chose de la justice de cette ville vous savez."

Au final c'est vrai que pas mal de choses ne passe plus par la caserne. Peut être qu'Ez est plus là? Oui enfin non, ça ce saurait quand même, il est Prétorien et Wergeld que j'ai vu dernièrement m'en aurait parler non? Enfin vu comme ils peuvent s'entendre eux parfois on sait jamais. Je repose mon verre et soudainement une idée jaillit en moi... Peut être que...
Mais pourquoi j'en venais à penser à ça? Et surtout pourquoi je m'adresserai à lui pour de l'aide? peut être parce qu'il ne me connait pas et donc serait capable de voir au-delà de la petite chose fragile que les autres peuvent voir actuellement? (remarquez j'fais rien pour les contredire j'ai pas envie) Je me racle la gorge et lui demande:

"Il faisait noir mais je me souviens du masque qu'il portait et je n'oublierai jamais le son de sa voix... D'ailleurs, c'est étrange car... Lors de la soirée romaine, j'ai cru la reconnaître cette voix mais sans être certaine. Il y avait tellement de monde..."

Mon regard se fige et je finis par le planter dans celui de Gwendal:

"Il voulait me faire passer un message. De la part d'une personne dont j'ignore tout... Je me souviens de son regard aussi... Quand il m'a regardé droit dans les yeux, quand il a tiré... Azur, d'un bleu clair et azur... Il faisait noir mais... Mais j'ai pu voir ces yeux...Quand un rayon de lumière a filtré..."

C'était bien la première fois que je parlais de ça et étrangement, ça me faisait du bien... Je sentis les larmes pointer au bord de mes yeux mais je les combattis, je ne voulais pas qu'il me vois pleurer, j'étais déjà suffisamment faible comme ça.

"Pourquoi je vous dis ça... Vous ne pouvez pas m'aider... "

Qu'aurai-je donner en cet instant pour une étreinte, juste pour être rassurer. Une étreinte de Dolhan, de Wergeld, d'Eö où de n'importe qui capable de me calmer un peu, de m'apaiser un minimum... Juste un besoin d'apaisement, de reprendre des forces pour tous les affronter...

Spoiler:

Elle parle et sous mes paupières se passent un autre phénomène typiquement masculin, je le concède. Mes pensées déroulent les paroles d'une toute autre chanson. Pourquoi celle-ci et pas une autre, c'est une question à laquelle aucun psychiatre n'est parvenu à répondre.

*I'm sitting here in a boring room
It's just another rainy Sunday afternoon
I'm wasting my time, I got nothing to do
I'm hanging around, I'm waiting for you
But nothing ever happens, and I wonder*

Chasser ces pensées, revient à ouvrir le bec :

-En effet je ne peux pas aider. Trouvez un sanctuari et faites remonter vos informations, il y a peut-être quelqu'un qui enquête malgré les apparences.

Et de source magnienne, je dirais que personne n'enquête car les sanctuaris ont un patron un tantinet frivole. Mais dénigrer en public le prétorien pourrait s'avérer difficile à expliquer au prochain conseil, alors je tiendrais ma langue. Même si pour ce muscle j'ai quelques autres idées pour l'occuper. Si seulement elle pleurait un peu moins...
Une femme qui se morfond ne donne pas envie de l'inviter à s'isoler dans une pièce.
En me laissant aller sur le dossier de ma chaise, le silence révèle qu'il y a derrière le self une agitation toute singulière ; Arod s'extirpait de la double porte battante un torchon rougeâtre sur le bras suivi de près par un commis désolé. Il lui hurla quelques ordres :

-Appelle Heredia, qu'il s'occupe de la cafétéria, vous ne faites rien tant que personne ne m'a remplacé, aller bouge toi !

Le cuisinier s'éloigna en fulminant, il aurait bien le temps de décolérer en allant au sanctuaire !

-Je crois qu'il se débrouille tout seul...

Le commis de cuisine en revanche semble tout perturbé d'être ainsi livré à lui-même. Le garçon fit demi-tour en cuisine, ignorant que j'étais dans la salle. Et que le téléphone de la cafétéria n'était pas en cuisine mais dans l'entrée... Une petite aventure qui aura eu le mérite de me redonner le sourire.
Les vautours ne changent pas.

-Ce n'est jamais calme dans les parages...

Un soupir accompagna l'évidence.

Jamais calme dans les parages, parce que l'Entre Monde est connu comme calme? Quand je vois tout ce qui a déjà pu m'arriver depuis plus d'un an, sans compter les gens autour de moi, cette ville est tout sauf calme. Je pousse un léger soupir et termine mon verre cul sec, il me prend l'envie d'être... Différente, d'être détendue, enfin, de me détendre et... Allez savoir pourquoi ici, malgré tout, je pense pouvoir l'être.

Oublier tout ce qui n'est pas l'instant présent, après tout pourquoi ne pourrai-je pas me le permettre? Je reprend ma fourchette et je lui offre un sourire, mi-ange, mi-démon, et très bel homme en plus ce qui n'est pas négligeable, je m'attarde quelques instants avant de me rendre compte de ce que je fais et de rougir comme une belle pivoine, non mais il me prend quoi de le dévisager de la sorte?

Je porte la fourchette à ma bouche et termine mon assiette, une fois fais, je repose ma fourchette et relève les yeux vers Gwendal, mon verre est vide et je le tend au maître:

"Passons... Je connais K'ouen, je connais K'an, j'ai visité Ken et... Je meurs d'envie maintenant de connaitre Tchen..."

Quand je me rend compte de l’ambiguïté de mes mots, j'équarquille les yeux et de nouveau je rougis, avant de partir dans un éclat de rire... Non mais je suis la reine, je vous jure que parfois je me demande si j'ai pas été gaffeuse dans une autre vie. Je secoue la tête amusé et lève les yeux au ciel:

"En tout bien tout honneur hein..."

Je relève les yeux vers Gwendal, je lui sourit avant d'hauser les épaules, erf, j'avais oublié que j'avais encore un peu mal à l'épaule, je décide de pas me focaliser dessus.
Je veux juste me détendre... Me sentir un peu mieux même si c'est juste pour quelques instants.

"Faites moi juste oublier l'espace de quelques instants, tout ce qui ne se trouve pas ici. Du moins..."

J'hésite quelques secondes, avant de reprendre:

"Si vous n'avez pas autres choses à faire."

Son verre remplit et la satisfaction du constat que je lui plais, j'en revins à sourire. Elle change d'humeur à la vitesse de la lumière. Une femme, une vraie, avec des complications à attendre. Mais quel maigre tribu en compensation d'un juste regard de sa silhouette.
K'ouen a une eu une chance incroyable en réussissant à approcher une créature de ce... calibre. Au lieu de la saisir et de ne pas la laisser filer, il s'est compromis dans le fétichisme. La déviance est partout, un peu plus chez certains que chez d'autres : proverbe infernal.

-La plupart du temps les gens me demandent de leur faire oublier ce qu'il y a ici ...

Les employés qui aimeraient vraiment oublier le service juridique qui foisonne de problèmes et de ressources en papier utilisés. Mes conquêtes qui aimeraient oublier que dans le couloir et de l'autre côté des fenêtres virevoltent plus de paires d'ailes que dans une volière. Je ne ramène plus personne sur Tchen, elles finissent pas se déconcentrer et me déconcentrer. Je préfère l'abstinence à la honte de l'incompétence...

-Mais si vous avez le temps je peux vous faire visiter les lieux.

Quoiqu'elle ne souhaitait pas se trouver dans une salle bondée de monde. Et la Res Publica ne vit que par la présence de cette foule permanente.

-Ou mon bureau nous conviandra pour continuer cette discussion. Il a l'avantage d'être relativement paisible, contrairement à...

Les portes claquèrent et Heredia un démon de haute stature s'engouffra dans la cafétéria son tablier sur l'épaule et un air de très mauvaise humeur. Il lança un regard vers notre table, renifla et se contenta de rejoindre les cuisines à grands renforts de grognements.

-... tout ça.

"Je ne suis pas comme les autres."

Oui, je ne suis pas comme les autres, si j'étais comme eux, je ne serai pas ici, mais à me battre pour essayer de vivre hors, la providence en a choisis autrement.
Je ne suis pas comme les autres, j'ai des cheveux blancs un regard que personne n'a au vu de la couleur et puis un pouvoir qui fait de ma vie... Ce qu'elle est aujourd'hui, alors... Définitivement je ne suis pas comme les autres.
Un autre regard vers Touen, Gwendal Des Cendres que je commence a apprécié, même si je me doute bien que comme tout à chacun, il y a une part d'ombre, surtout quand on est comme lui.
Je porte une nouvelle fois mon verre à mes lèvres et le vide de moitié avant de le reposer, cette fois, je mesure l'alcool, je fais attention, peut être que tout est une question de maîtrise? Allez savoir...

Je me redresse et après une hésitation, je tend simplement la main.

"Je ne suis pas contre une visite des lieux, ça pourrait être fort instructif et puis... Pourquoi pas un retour à votre bureau."

Je souris, je me rend compte que je dois être une véritable girouette, mais... Mais quelque part, m’apitoyer sur des chose pour lesquelles je ne peux rien ça ne sert pas à grand chose. Je lu demanderai si il peut m'aider pour mon agression un peu plus tard, quand je pense que j'ai fais en sorte que K'ouen ne s'en mêle pas... J'aurai peut être dû... Mais je le connais aussi et je ne suis pas certaines que ça le fasse...
Léger soupir, je vois le Chef Cuistot à la silhouette massive et dans un mouvement, abandonnant ainsi ma main tendue, je farfouille dans mon fidèle sac rouge qui ne me quittait jamais et j'en extirpe un petit pot, je l'interpèle alors:

"Hey Chef!"

La silhouette se tourne vers moi et changeant le pot de main, je le lève de mon bras valide et le lui balance:

"Appliquez ça sur la blessure et vous serez guéris en moins de deux!"

Je me permet un sourire avant de me tourner de nouveau vers Gwendal, j'ai vraiment envie de me changer les idées j'ose alors demander:

"Dites moi, votre réputation est-elle réelle où bien est-ce un mythe balancé par les journaux?"

Un peu comme K'ouen quoi... Et pour moi aussi par la même occasion...

J'ai glissé sa main sous mon bras, pour lui faire profiter de quelques vestiges de galanteries venues d'un autre monde. Même si j'ai grandi dans l'Entre-Monde, ça ne m'empêche pas d'apprécier les bonnes choses. Et à voir ses mains si fines à côté du muscle de mon bras, j'en venais à imaginer la délicatesse du reste... Une visite des lieux et un retour au bureau. Si il n'y avait que ça pour lui faire plaisir ! En avant marche. Ce ne sera pas ma première guérisseuse mais ma première directrice, tout en songeant, avant elle c'était Eönwë qui occupait cette charge. Ce qui explique pourquoi c'est la première. Je n'aime pas vraiment les hommes, et sire Elambar me donne de l'urticaire ces derniers temps.

-Ma réputation ?

La porte de la cafétéria se referma derrière nous, elle engloutie le bruit des couverts, des conversations et des cuisines. Le couloir feutrait l'atmosphère.

-Quelle réputation ? Celle qui me fait passer pour un grand criminel caché derrière le titre de Tchen, ou celle qui dit que j'ai autant de partenaires féminines à mon actif que tous les membres de mon administration ?

Incubes compris.

-Pour la première je dirais qu'elle n'est pas vraiment fausse. Mais pour la seconde... Il ne faut pas croire tout ce qu'on raconte, j'en ai sûrement plus... Beaucoup plus !

Il faut en rire, cette question est piégée. Il y avait une mine sous nos pieds.

-Par où souhaitez-vous commencer ? Si nous continuons tout droit nous passerons l'Enfer. Les bureaux pour les affaires démoniaques, si nous revenons sur nos pas nous passerons tout le purgatoire, les affaires communes avec mon bureau, et nous irons vers le paradis. Qui porte très mal son nom, puisqu'il n'y a que des gratte-papiers mécontent, pas de nectar, pas d'ambroisie et très peu de jeunes femmes tolérantes...

Pour savoir l'heure sur Tchen c'était assez simple, il fallait regarder par la fenêtre. Si le paradis et l'enfer était relié par une panoplie d'anges et de démons volant d'un bureau à l'autre c'est qu'il était quatre heure de l'après midi. Quand les uns prennent leur goûter, les autres lavent leur linge sale en famille. C'était l'heure où les bureaux travaillaient de concert sur les problèmes qui les concernaient tous deux sans pour autant devoir passer par le purgatoire...

Et je ne peux m'empêcher de rire face à la seconde partie de sa réponse. Et bien en voilà un qui me plait, pas langue de bois pour deux sous et fanfaron à ces heures, là j'avoue que je tiens un spécimen de la gente masculine dans toute sa splendeur, mais ce que j'apprécie, c'est qu'il l'assume et ça me plait.
Je commence à me détendre, le vin bu doit aider, mais sa présence aussi. Je sais que je dois rester sur mes gardes, mais je pense être sûr en disant qu'il ne me fera rien, car sans quoi, il ne serait pas maître.

"Pas vraiment fausse... Chacun est celui qu'il est si j'ose dire. Qui suis-je pour juger?"

Je ne connais rien de lui, mise à part les articles le concernant et je ne vais pas me fier à eux car comme chacun sait, les journalistes ne sont plus ce qu'ils étaient. Je ne peut pas non plus me fier à Eö pour la simple et bonne raison que tout les deux ne peuvent pas se voir en peinture, alors se faire sa propre idée dans cette situation là, s'est disons, pas évident.
Ma main sur son bras je l'écoute, je m'étonne moi même face à cet effort que je fais et j'en viens à me dire que la présence d'un étranger m'apporte plus que celle de mes proches en ce moment, peut être parce que justement ils sont trop proche? Me couvant, me protégeant et je ne sais trop quoi encore... Enfin, ne pas y penser pour le moment, se laisser aller et profiter d'un instant de répits, ici je ne risque rien... Presque rien.

Ces explication me font sourire, en fait le paradis à l'air de plus ressembler à l'enfer non? je secoue la tête amusée, les affaires démoniaque ça titille mon esprit... Faut pas croire que je suis une jeune femme sage sans ombre en elle, certains aspects des choses font que je peux devenir très curieuse.

"Le paradis ne me dit absolument rien. De toute façon, existe t-il seulement un paradis dans ce bas monde?"

Réflexion qui englobe pas mal de choses et qui peut être interprété de différente façon, je tourne la tête vers une des fenêtre et... Je ne peut m'empêcher de sursauter quand je vois une silhouette ailé passé, s'y arrêté, tourné la tête et nous regarder. Cette silhouette était masqué et bien contre ma volonté, cela me rappel celle de mon agresseur qui lui aussi était masqué...
Bien malgré moi, je renforce ma pression sur le bras du maître de Tchen et mon coeur s'emballe contre ma volonté.

"L'Enfer sera très bien pour commencer."

Pour peut si j'avais pu me cacher je l'aurai fait, instinctivement plus que par une autre volonté, je m'étais encore plus rapproché de lui, mon regard ne lâchant pas cette silhouette masquée qui nous regardait et quand je rompis le contact ce fut pour demandé:

"Etre masqué c'est une chose commune chez vous?"

Levant ma tête vers le visage de Tchen, je mis quelques secondes à me remettre avant de soupirer, il ne pouvait rien m'arriver n'est-ce pas? Le danger était partout, ici comme ailleurs de toute façon et ça, rien n'y changerai...
Je plante mes yeux dans les siens et reprends:

"L'Enfer..."