Conseil des Maîtres

Ah ! Enfin sa grande salle de réception allait pouvoir servir. En fait Neythen s'était toujours demandé à quoi pouvait bien servir cette foutue pièce, jusqu'à aujourd'hui. Conseil des Maîtres s'il vous plaît. Rien que ça. Et excusez-moi du peu. La table avait été pliée et seuls dix sièges trônaient là. Quatre se faisaient face par paires – un par miroir. Et de part et d'autre, deux autres sièges. Un pour Atlantis au cas où l'idée lui prendrait d'assister aux festivités, un autre pour le Prétorien dans la même idée de divertissement. On n'allait pas jouer les chauvins, tout le monde était invité.

Invité à l'ouvrir toute grande...
… et à se taper sur la gueule en cas de besoin.
Des fois ça défoulait...

Neythen était assis – plutôt vautré en fait – sur l'un des sièges au tissu imprimé. On aurait dit de vieux meubles datant de la période Renaissance. Une bizarrerie de plus chez Ken. Et bref, il était là et puis il attendait, l'air vague, que ses invités veuillent bien se donner la peine de venir se faire remonter les bretelles... À l'ordre du jour, hum... Quelques questions existentielles de base. Séance de psy si vous voulez. Comme par exemple, je sais pas moi... Ça ne vous dérange pas trop de laisser des gens se noyer sous prétexte que « ouai il se noie dans l'eau qui provient des Fumerolles mais c'est quand-même un type de Magna qu'a chié d'dans » ?

Ils sont venus me chercher jusqu'à Lazareth pour m'informer des bricoles que la ville essuyait. Ils m'ont tout expliqué, cave sous magna, assez basses pour appartenir aux fumeroles mais peuplées par des gens d'en haut. Et puis les inondations, des canalisations fragilisées qui n'ont pas tenu. Cerise sur le gâteaux, Gwendal et Eönwë qui s'engueulent en public et provoquent la rébellion des gens du coupe-gorge.

J'ai vu Ayame pencher la tête et s'essuyer le front. On a pas une vie facile ces derniers temps. Et il recommença à m'entendre dire :

-En quoi la ville me concerne, j'ai déjà assez à faire ici.

Des trents devenus fous, il faut bien s'en occuper avant qu'ils ne vous dévastent une ville. Sauf que :

-Maitre Neythen a déclenché un Conseil, vous devez vous y rendre, déjà Souen, Li et Touen n'y vont pas.

J'ai laissé Ayame avaler des copeaux de bois et j'ai suivi le messager jusqu'au commissaire qui m'attendait un titre de perçant en main. Il osa me dire "prêt ?" Avant de disparaitre brusquement de Ing pour rejoindre Ken.
J'avais l'impression que mon estomac voulait changer de place quand mes pieds sentirent de nouveau le plancher des vaches : on n'apparait pas en altitude si brusquement sans un minimum de chamboulement internes.
Plié en deux j'ai laissé un bon moment passer avant de me redresser.

Ils ont eu la gentillesse de d'abord m'indiquer une salle d'eau pour me rafraîchir... Et quand j'entrais dans la salle de réception, j'étais encore couvert de débris de bois, d'égratignures en tout genre et j'avais gardé mon épée en main.

-N.

Salutation simple et sûrement inutile. Je n'ai pas attendu de me trouver un fauteuil pour délasser mes jambes. Plus vite on aura fini et plus tôt je retrouverais les ennuis que j'aime.

-Souen, Li et Touen seront absents, ça en fera plus pour nous...

J'ai dis que j'avais encore mon épée à portée de main ?

Ce jour là, l'esprit jouait aux cartes, seul. Un jeu plutôt simple, bête qui permettait de tout oublier. Oublier quoi ? Pas grand chose, mais au moins il se divertissait. Seulement, sa partie fut contrariée, premièrement il était dans l'incapacité de continuer, les cartes ne lui permettaient pas. Détail futile contrairement à l'annonce d'un messager inconnu. Un conseil des maîtres avait été organisé. Bonne nouvelle ! Au moins, il n'avait pas à considérer qu'il avait perdu aux cartes étant donné qu'il avait été dans l'obligation d'abandonner.

C'était une première pour ce jeune maître. Une nouvelle expérience à vivre, enfin un événement venant bousculer son quotidien. Autant reposer en maison de retraite si ce n'est que pour jouer aux cartes. Bien sur il ne pensait pas ce qu'il pensait, jamais il ne viellera ! Tout gaité dans la voix il demanda.

-Et qui organise ceci ?
-Maître Neythen, maître.

Tel un ascenseur qui chutait à très grande vitesse, la joie de l'esprit le quitta aussitôt après être survenue. Était-ce une obligation ? Certainement pas, heureusement d'ailleurs. Mais cette fois-ci ils ne seraient pas en tête à tête, il y aurait des gens beaucoup plus civilisés pensait Hilde. Toute insensibilité dans la voix, il déclara.

-Bien, j'y serais.

Il prit soin d'être présentable, son cuir était brillant. Voilà la présentation s'arrêtait là. Le moment était venu de partir et une question effleura l'esprit : Après tout, les cartes n'étaient pas si mal que ça ?

Hilde frappa et entra dans la pièce indiquée précédemment. Lorsqu'il pénétra dans la salle de réception, il jeta un bref coup d'œil à la pièce. Très 'administratif', ses réflexions s'arrêtaient bien là. La haine était telle pour cet homme qu'il ne pouvait être que dégouté par ces lieux. Il salua poliment.

-Bonsoir messieurs.

Son regard se posa sur le jeune homme plutôt malpropre représentant un miroir dont l'origine était méconnu par l'esprit. Ce pouvait être le maître de Li comme de K'ouen ou peut-être de Touen. Mais son regard se posa sur son épée reposant dans sa main. Un primitif ? Peut-être un représentant d'une espèce violente ? Espérons tout de même qu'il soit plus civilisé que Neythen...

A croire que les maîtres n'étaient maîtres que dans le but de s'enquiquiner entre eux et convoquer des conseils... C'était à se demander quand est-ce qu'ils travaillaient.
Et c'est toi qui dis ça?!
Un grognement intérieur, sourd et grave, agressif et destiné à une chose: faire taire l'autre divinité et le renvoyer à son boulot (à savoir gérer la caserne pendant que le prétorien: n'était pas là, ou n'en foutait pas un, ça dépendait des jours). Son incroyable répartie eut l'effet désiré, et Stern s'en retourna à ses affaires, habitué à se faire engueuler. A croire que c'était son nouveau passe temps à Ez... Quoique ça n'était pas que contre le dieu. Les regards noirs et (ou) assassin, tout le monde y avait droit. Quant aux réponses vagues et grognées, c'était quasiment les seuls qu'il donnait.

Comme si j'avais pas mieux à faire...
Mieux, c'était beaucoup dire.
Il n'avait pas encore eu le culot d'envoyer Stern absolument partout pour faire son boulot. Mais au prochain conseil, il n'hésiterait pas d'avantage... Lui irait battre la campagne, et le dieu qui aimait tant le remplacer viendrait faire acte de présence auprès des maîtres. Stern, ça l'amuserait, et lui il aurait la paix. Bon, avec pas de chance il se prendrait une ou deux remarques des maîtres, mais ça... Ils étaient tellement occupés à se foutre sur le tronche, ou bien à gérer leurs quartiers, qu'ils se fichaient bien de savoir qui s'occupait de la caserne et des sanctuaris, et si le prétorien touchait son salaire à cueillir des fraises ou pas. Tant que la machine tournait...
Peu importe qui la fait tourner.
Et c'est précisément sur cette pensée qu'il poussa la porte de la salle. Salle de réception, elle donnait l'impression d'avoir été installée précisément pour ce genre d'occasion. Le maître des lieux était déjà là, en soi c'était assez logique. K'ien également. Il n'avait jamais échangé un seul mot avec ces maîtres, enfin jamais autrement que... Non, jamais tout court en fait. Stern leur avait peut-être parlé, les avait peut-être rencontré, mais lui, en personne... Non. Et ça ne lui manquait pas tellement. Ken avait l'air aussi sympathique qu'une porte de placard, K'ien avait l'air tout aussi vif. Quant au troisième illustre représentant d'un miroir... Kouen, Wergeld, éternel à lui-même. Lors du dernier conseil, les armes avaient été autorisées? Quoique cette fois-ci, Wergeld n'était pas mêlé à l'embrouille. Donc bon... En tout cas, son apparence donna au prétorien l'impression de ne pas être là totalement en touriste. En jeans et chemise, il avait l'air presque présentable. Même si sa chemise n'était pas joliment rentré dans le pantalon, comme un gosse bien élevé, que le jeans ne gardait de ses ourlets qu'un lointain souvenir et que l'un de ses poches baillait aux corneilles, et qu'à défaut de porter son miroir de sanctuaris visible, il portait ses lunettes de soleil.
Au cas où les maîtres douteraient de sa motivation à être présent...
Mais bon...

Avec un léger signe de tête à l'adresse de Wergeld, le prétorien gagna un des sièges qu'il supposa pour lui. Pas compliqué à trouver, il y avait autant de fauteuils bien placés que de maîtres. Lui, de sa propre place, il aurait une vue panoramique sur la scène.
Et une occasion de se tirer sans interrompre personne.

"Un Conseil était-il vraiment nécessaire?"

Ma voix résonnait dans le hall dans lequel je venais d'être amené en compagnie de Chidéon qui me regarda et qui répondit:

"Au vu de la situation, Monsieur, je pense que oui."

"Pardonne moi, mais je n'ai pas un souvenir très éclatant du dernier conseil, qui fut par ailleurs mon premier."

"On m'en avait parlé à l'époque oui..."

Il me tendit des dossiers, je l'interroge du regard, comment il a fait pour les avoir aussi rapidement?! Je regarde lesdits dossiers et un petit sourire se dessine sur mes lèvres:

"Tu penses à tout toi..."

"C'est mon travail, et puis, je ne peux pas entrer avec vous dans la pièce. Mais me permettez vous un conseil maître?"

Je hausse un sourcil, c'est bien la première fois qu'il me demande si il peut me donner un conseil, j’acquiesce sans rien ajouter et il reprend:

"Et bien, surtout, mettez toute votre colère à la porte de cette salle, entrez y calme, expliquez, argumenter, avec ce qu'il y a dans les dossiers, ça devrait aller. Mais surtout, ne perdez pas votre calme, ça vous dé servirai."

Je comprend l'allusion. Il est vrai que quelques heures plutôt j'étais passablement remonté, les dégâts en dessous... Je ne sais pas si Tchen s'en rend compte, c'est tout aussi catastrophique que dessous. Et c'est bien la première fois que je suis confronté à cela. Dès les premières inondations j'étaient sur place, j'avais constaté, j'avais donner des ordres et tous se démenait comme de beaux diables...

"Si cela peu un peu vous soulager, les travailleurs miniers ne se sont pas arrêter, même si les rumeurs en bas vont aussi bon train... Par contre les autres... Tâchez de vite trouvez une solution équitable pour tous..."

Et je me pris à répondre:

"C'est pas gagner..."

Nous échangeons un regard quand un de ces robots vient me chercher pour m'accompagner. Rester calme et détendu, mouais, c'est dans mes cordes... Où pas vu mon humeur du jour.
Je grimpe des escaliers et arrive devant une salle aux portes ouverte, je remercie la machine avant de m'en approcher. Pour le coup, je ne me suis pas changer, qu'importe, l'instant n'est pas à la coquetterie. Fais rarissime quand même, mes cheveux sont attachés et descende en une tresse sur mon dos, ce qui trahis le fait que j'étais sur le terrain depuis un moment.
J'entre dans la pièce, je reconnais Ez, bien entendu, Wergeld et son épée dans la main... Oula il pense qu'il va devoir s'en servir peut être? Quoi que vu son accoutrement il ne devait pas être en ville, il devait, tout comme Ez être particulièrement ravi d'être ici...
Neythen nouveau maître de K'en, je le connais vaguement, sans plus tout comme K'ien, Hilde si mes souvenirs sont bons, puisque Souen, Li et Touen ne sont pas présent du moins selon ce que m'a dit Chidéon.

"Messieurs..."

Je salue d'un mouvement de la tête avant de me diriger vers ma place, face à Ez, ben tiens, et près de... Ah oui mais s'était pas un peu risquer de me mettre à côté de Tchen?! Je pose mes dossiers et secoue la tête:

"... Je vous salut."

Khalaän se trouvait à un peu moins de la moitié du chemin, qui le reliait au port, où une embarcation l’attendait pour le rallier jusqu’à l’île d’accès à Atlantis. Eprouvante mais fructueuse semaine, aujourd’hui il était d’une humeur particulièrement joviale. Son excursion dans les zones froides c’étaient bien déroulée sans encombre mise à part une petite griffure sur la joue gauche, Joal c’était bien occupé de lui. Et en prime, il avait réussi à récupérer la pierre que son scientifique lui réclamait depuis un mois. Il allait enfin finir son projet pour la ville centrale.
Avec tout ça, il en avait oublié son transmetteur, Ed’ allait lui passer un savon, et c’est peu dire, à peine celui-ci enclenché, la voix exaspérée de son intendant lui explosa le tympan.

« Ha enfin ! Où te trouves-tu ?
– Tu ne me demandes pas si ma journée c’est bien passée ?
– C’est le moindre de mes soucis, si tu es sur le retour, retourne dans l’Entre-Monde.
– Pourquoi ?
– Tu vas assister à ton premier conseil.
– Grandiose – ton stoïque, l’idée le faisait vraiment grimper au plafond. Si, si, vraiment. – »

Sans un mot de plus, il fit demi-tour, cette nouvelle vint ternir sa bonne humeur. Aventurier peut être, mais pas au point d’affronter une tripoté de Maîtres, là seul chose qu’il espérait c’était que ce ne soit pas Tchen qui reçoive. Son quartier ne sentait pas la rose ces derniers temps, enfin de ce qu’il avait pu en voir.
Edmond mit un peu plus de temps à le rejoindre à la montgolfière qui devait les conduire sur l’une des Res Publica. A peine arrivé, il fit un saut – assez périlleux – dans la nacelle, Khalaän fit abstraction de toutes formes de sarcasmes. Son intendant lui tendit son blason en faisant la grimace avant d’indiquer l’île de Ken au machiniste.

« Il faudrait voir à ne pas l’oublier.
– Je ne l’ai pas oublié, mais comment te dire, quand je vais à Termer je préfère qu’on me prenne pour monsieur tout le monde. Bon tu m’expliques ?
– Tchen et K’an se tirent la bourre suite à un accident de canalisations …
– Et pas petit l’accident, c’est donc ça l’odeur …
– Evites l’humour douteux, ils sont déjà bien remontés …
– Ouais, et je leur sers à quoi moi, là-dedans ? J’ai une pierre à livrer.
– On verra ça plus tard. » Arrivé sur l’île, juste en face de ce que le machiniste indiqua comme « les locaux d’Atlantis » – sympa ce Ken –, ils descendirent et Ed’ convia, pour ne pas dire ordonna, son Maire à aller se débarbouiller un peu, il s’exécuta. « Visiblement, il manquera du monde, Souen, Touen et même Li. Si tu te souviens des descriptions que je t’ai fait des Maîtres tu devrais les reconnaître.
– Sincèrement, j’aurais préféré des photos, rétorqua-t-il en sortant de ses quartiers, plus ou moins présentable, un pansement blanc sur la joue.
– J’aurais dû faire venir Warren … Mais c’est mieux que rien.
– Bon, donc, à quoi je leur sers dans l’histoire ?
– C’est un conflit entre quartier. Eventuellement le traitement des eaux d’Atlantis pourrait les intéresser, mais j’en doute. D’une manière générale, il vaut toujours mieux être présent, qui sait ce qu’il pourrait arriver, ou même te tomber dessus.
– Cool le programme. »

Pile devant l’entrée de la salle, où aurait lieu la réception – la bataille ? –, Ed’ lui fit ses dernières recommandations. Il était plus stressé que lui.

« Je reste en ligne, en entrant tu te présentes, tu t’installes, tu attends, les hostilités finiront bien par commencer. Heureusement, tu restes présentable.
– Oui, bon … je ne suis pas manchot non plus. Je sais encore me tenir, et je suis présentable en toutes circonstance … sauf la semaine dernière, ho et il y a deux mois, et …
– J’ai compris, ton insigne ? »

Sans même lui répondre, mais en vérifiant tout de même qu’il n’avait pas quitté sa poche – c’est qu’il lui joue des tours, tantôt il est là, tantôt il disparait – Khalaän fit son entrée dans la salle. Il se rendit compte que les descriptions d’Edmond n’étaient pas si évasives. Il reconnut même le Prétorien. Il les salua aussi « neutralement » qu’il le put avant de rejoindre le siège qui d’après Edmond et ses renseignements devait être son siège. Bonne pioche, face au Prétorien, comme prévu. Une fois en place, il posa les yeux sur chacun d’entre eux. Plus ou moins blasés d’être là, certains étaient avachis, d’autre moins, une personne manquait à l’appel. Tchen visiblement. Ken, qui recevait c’était installé … confortablement, de même pour les autres maîtres. L’un d’entre eux semblait un peu plus chargé en paperasses, et son supérieur direct quand à lui … ne semblait guère heureux d’être ici, son épée à la main, ce qui d’après Edmond n’était pas un bon signe. Finalement il s’introduit lui-même avant de s’assoir, avec un naturel aussi déconcertant que sa tenu – ce n’était pas prévu tout ça – contrairement à son intendant qui lui hurlait un texte à l’oreillette qu’il eut vite fait de couper.

« Je me présente, vu que nous ne nous sommes encore jamais vraiment rencontré, Khalaän Sires, j’ai repris les reines d’Atlantis depuis maintenant quelques mois. »

Une bonne chose de faite.

Rien que pour le coup d'oeil, ce conseil valait son pesant de cacahuètes. Pour la première fois depuis très longtemps je posais un pied sur l'île de Ken et la décoration extérieure était au moins aussi vaste et impressionnante qu'à l'intérieur. Les robots n'ont pas fais les choses à moitié, un couloir pouvait faire office de musée d'art moderne, si on ne se préoccupait pas des fonctionnaires qui vont et viennent.

Un démon me piaillait dans les oreilles les dernières nouvelles du drapeau de l'ombre et jusqu'à maintenant les secours tentent de faire le travail malgré le blocage de la zone... Tous attendent la décision du conseil pour savoir s'ils vont tout faire sauter ou non. Ce serait quand même mieux qu'ils s'en abstiennent. Allez donc dire ça à l'elfe qui a décidé de les provoquer !

Selon mon information, j'étais le dernier à arriver. Je serais bien arrivé à l'heure prévue mais récurer une double paire d'aile au jus de citron prend du temps. J'ai pensé qu'il serait plus sage de sentir bon en arrivant au conseil.
Et je ne me suis pas dépêché non plus...

La porte bruissa dans mon dos et se referma dans un cliquetis discret.

-Bonjour à tous !

Guilleret, j'ai salué l'assemblée d'un sourire en m'assaillant à côté d'Eönwë. Croisant mes bras sur la table, je me tenais au bord du fauteuil, prêt à quitter les lieux dès que nous en aurons terminé avec les débats sur toutes ces histoires de facturation... Si je n'avais eu que ce problème nous nous en serions bien sortit, malheureusement pour moi, et pour eux sous peu de temps, les criminels ont décidé de bloquer le quartier, manquait plus que ça !

Neythen, à toi l'honneur d'ouvrir le conseil.

Neythen jeta un coup d'œil à l'assemblée réunie. K'ouen était venu avec de quoi s'amuser, ce qui lui valu d'emblée la sympathie du maître.Vint ensuite K'ien, son punching-ball préféré – à condition de l'amarrer avant – puis un type qu'il identifia comme le Prétorien et qu'il n'avait vu que sur la photo de son dossier s'assit près de la sortie la plus proche. Le cancre près du radiateur ? Moins cancre apparu ensuite le blondinet urgentiste qui lui avait filé une leçon de morale chiante comme la pluie la veille... D'ailleurs Neythen ne se rappelait pas un traître mot de sa remontrance de maître mal embouché... mais bref, il était là avec tout un dossier sûrement aussi chiant que sa leçon de morale. Et là, il y eut un invité surprise que Neythen ne fut pas en mesure d'identifier. Nouveau maître ? Médiateur ? Arbitre ? En fait, il se présenta comme le nouveau maire d'Atlantis, ce qui dispensa à Neythen de se ridiculiser avec une question absurde. Et enfin, Gwendal. Tout comme pour Ez, Haine ne l'avait vu que sur son écran, enfermé dans le petit cadre de sa photo. Ensuite, il attendit encore... et il lui fallu quelques interminables secondes pour réaliser que tout le monde était là et que les choses sérieuses pouvaient commencer. Parfait. Et il attendit encore... jusqu'à se demander s'il ne manquait pas un truc. Il se faisait des idées où ils attendaient tous quelque chose ? Qu'il intervienne peut-être ? Après tout, c'était bien lui qui avait convoqué ce Conseil des Maîtres... autant assumer maintenant qu'ils avaient tous fait le déplacement...

Durant un moment, il se prit à réfléchir sur la manière dont il allait lancer les hostilités, et des phrases toutes faites voyagèrent quelque part dans sa cervelle fatiguée. Il y eut des « Soyez les bienvenus sur la Res Publica de Ken », qu'il aurait volontiers transformé en « Welcome to Jurassic Parc » vu le nombre conséquent de reptiles qui peuplaient son île... Bon mais concrètement, par quoi devrait-il commencer ? Se présenter peut-être. Saluer, et puis exposer les faits avec raison et impartialité, calmement. S'arranger pour que tout le monde ici puisse comprendre de quoi il retournait. Proposer des solutions, engager à la discussion, concilier les parties et suggérer des compromis. C'était ça, un conseil. Sinon, on n'en convoquait pas un. Il se leva... et tangua une seconde. Un bref coup d'œil à Eönwë sembla transmettre un message codé du genre : « Toi tu ferme ta gueule et tu t'marre même pas ». Tiens d'ailleurs, comment allaient ses chaussures ?

« Bon alors, c'est quoi c'merdier en bas ? »

Messieurs, votre hôte vous annonce que le conseil peut débuter...

Un merdier, c'était le mot juste. Il n'y avait pas d'expression plus adéquate à la situation, on en sentait les effluves jusqu'à K'ouen et sûrement sur toutes les autres îles du quartier antique.
Je me redressais dans mon fauteuil, croisant les bras sur ma poitrine... J'étais le seul armé, et ils ne m'ôteraient pas mon épée sans se battre. J'avais quand même mieux à faire que de suivre les protocoles, je n'aurais même pas dû venir.

-C'est un joli spectacle que vous avez donné tous les deux.

Soupir. Immacolata et moi avons fait à peu près pareil mais de notre rapidité à intervenir ne dépendaient pas la vie de nombreuses personnes ce jour là. Quoique... On a bien dû déplorer quelques crises cardiaques et congés sabbatiques supplémentaires sur mon île !

Même pas de quoi grignoter pendant la réunion. Neythen vivait depuis trop longtemps avec des robots chez lui. Et Je n'avais rien avalé depuis la veille, le débarquement à Lazareth s'était plutôt mal passé. Tout ça pour dire que je suis fatigué et affamé.
J'ai ôté une écharde emmêlée dans mes cheveux.

-Pendant qu'on travaille de notre côté vous vous disputez sur une histoire de facture et de gestion.

En relevant les yeux sur eux tous, je souriais légèrement. Une mauvaise habitude, prise à force de cotoyer les dingues, est de se fendre la poire avant d'entamer les hostilités.

-Dans mes bureaux on appelle ça un incident diplomatique, quand deux maitres se hurlent dessus et provoquent plus de dégâts que ceux qu'ils ont déjà à réparer.

Mon sourire s'en va et j'ai la sensation de glisser légèrement de mon fauteuil. Si ça ne concernait qu'eux je n'aurais rien à dire, seulement de la figuration à faire sur mon siège. Mais cela concerne des gens bien vivants ou presque morts là dessous. Et s'ils ont l'air au courant, ils n'ont pas l'air de l'intégrer pleinement. Comme quoi respirer des odeurs fétides toute la journée ne réussi pas aux elfes et aux anges.

-Vous n'avez pas penser à faire appelle aux autres maitres, ou plus facilement à un conseiller en communication avant de vous crêper le chignon en public ?

J'étais bien placé pour le savoir : quand les maitres se tapent dessus sous les yeux du monde, ça finit toujours mal pour tout le monde. J'avais appris la leçon. Chacun son tour, comme à confesse...

Comme l'on assiste à un spectacle, la porte s'ouvrit à répétition pour laisser entrer des personnalités dites importantes dans l'Entre-Monde. Lorsqu'on rappela le pourquoi de cette réunion, Hilde se remémora une vague affaire d'inondation. C'était un accident qui l'avait très peu intéressé. Lui siégeant dans les cieux, rien de tout cela ne pouvait contrarier ses jours. Par contre, l'odeur quant à elle remontait bien, c'était bien connu. Et Ciel survolait malheureusement la zone infectée.

-Je n'ai pas la chance de tous vous connaître, donc pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Hilde, maître de K'ien.

Il avait seulement la malchance d'en connaître un. Mais celui-ci, bien qu'il soit l'hôte était complétement ignoré par l'esprit.

-Mais Ciel risque d'être touché par l'odeur et pour que cela ne se produise pas, je suis prêt à agir, bien que l'affaire n'ait été que murmuré là-haut.

Il ne fallait pas voir cette idée comme égoïste. L'esprit pensait avant tout à sa population. Puis de toute manière, même si Ciel était touché, Hilde ne pouvait pas sentir les odeurs, donc perché en haut, il ne risquait vraiment rien. Il rajouta.

-Mais il ne suffit pas d'agir, avant comme la dit...Bref comme il a été dit, il faut avant tout communiquer.

Sincère, il se demandait comment deux maîtres avaient pu se disputer en public ? C'était inconcevable... Mais quel exemple donnaient-ils ! Hilde prenait des risques, car il ne savait pas de quelle dispute il était question. Mais maintenant qu'il avait parlé, qu'il avait fait acte de présence, il écouterait vaguement. Après tout, ce n'était pas à lui de prendre la parole particulièrement.

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