Les Chimères de Mirinar

Sitôt qu'il entendit le gémissement de Cixi, Kallistrat baissa les yeux vers elle. Il hocha la tête en signe d'acquiescement et voulu ajouter à l'attention de Wergeld le nom du chien rose, mais l'homme blond venait de lui souffler la priorité. Apparemment, la concernée avait été en grande discussion avec lui et avait fait elle-même les présentations. Le chaton ne demanda pas parce que ce n'était pas vraiment le moment, mais il ne comprenait pas bien pourquoi sa compagne canine ne pouvait pas « parler » à Wergel, alors qu'elle pouvait lui parler à lui ou au borgne attentif. Bizarre... et définitivement pas pratique du tout ! Au moins elle pouvait entendre ce qu'on lui disait à elle sans avoir à fixer les gens dans les yeux. C'était toujours ça de pris.

Suivant le mouvement, notre grand chaton entra à son tour dans la salle de conférence. C'était la première fois qu'il en voyait une et qu'il allait même jusqu'à y mettre les pattes. On lui désigna un fauteuil sur lequel il alla asseoir son popotin, prenant bien garde de ne pas plier sa queue. En passant, il se demanda vaguement de quel animal provenait le cuir, mais toute odeur de lui avait disparu au profit de marqueurs chimiques nauséabonds. Beurk. Ses yeux verts furent attirés par les mouvements de l'écran numérique. Comme un chat, il épiait les mouvements des images. Si Ayamé s'était amusé à lui passer un reportage animalier sur les oiseaux, il se serait jeté sur l'écran en claquant des mâchoires par pur instinct... Hummm... intelligence PRESQUE humaine on a dit... Son attention fut détournée par la voix de Wergeld, qui débitait des informations finalement plus intéressantes que les images statiques de son second. De temps à autre, le défilement des photographies l'incitait à regarder, et il songea avec une pointe de féérie qu'un jour, peut-être que lui et Cixi apparaitraient sur l'écran en tant que grands explorateurs ayant découverts Mirinar... Puis il se força à écouter le reste des explications.

Arrivé au chapitre « Velharm », il ne put réprimer un bâillement si grand qu'à coup sûr, Wergeld en face de lui avait dû voir jusqu'au fin fond de sa queue. Il se lécha les babines. Rester immobile si longtemps à écouter le ronronnement d'une voix lui donnait sommeil. C'est qu'il n'était pas habitué à recevoir autant d'informations d'un seul coup. Demandez-lui jusqu'où s'étendent ses capacités de concentration, il vous répondra « oh, un papillon ! ». Il posa les minces fentes de ses yeux sur le maître, un sourire étrange déformant sa mâchoire. On aurait dit qu'il s'apprêtait à un carnage imminent, mais non. C'était quand-même pas sa faute s'il avait une tête pas possible. Un dragon ? Il n'en avait jamais mangé... mais d'après les légendes qu'il avait pu entendre à leur sujet, ça s'annonçait plutôt coriace. Et voilà que son estomac se mit à gargouiller. On ne le referait pas... Tournant la tête vers Cixi, il eut tout juste le temps de la voir acquiescer et espéra qu'elle avait retenu un peu plus de renseignements que lui. Elle le regarda à son tour. Silence. C'était vraiment fini ?

« Est-ce qu'il y a des objets à prendre, pour le voyage ? La bibliothèque nous donne des kits à emporter, souvent. »

C'était pas précisé que les questions stupides étaient interdites.