Retour de Mirinar

Premier jour au Sanctuaire. J’étais guérisseur aux urgences.

Je n’avais pas fermer l’œil de la nuit ou presque, j’étais bien trop excité à l’idée d’enfin connaitre le feu des urgences ! Ce matin c’est avec des cernes sous les yeux et une gueule à effrayer les morts que je me levais.

A 7h cependant, je prenais mon service et grâce au miracle de la douche très froide je ne ressemblais presque plus à un mort-vivant. J’avais renoncé à mettre de l’ordre dans ma crinière mais mis à part cela je devais être tout à fait présentable.

J’étais dans les vestiaires du personnel médical, côté homme, lorsque Stéfanie déboula toute essoufflée. Je n’étais qu’à moitié habillé, mais par chance elle était trop professionnelle pour s’attarder la dessus.

- J’ai besoin d’un… guérisseur vite… salle 4.

Et elle reparti comme elle était arrivée. Je jurais ! A peine arrivé, déjà une urgence ! Et beh ! Mais j’étais tout de même excité à l’idée d’enfin mettre la main à la pate. Je me précipitais à la suite de la secrétaire en finissant de boutonner ma blouse. J’avais eu une seconde pour regarder le badge « Belli Eihwaz – Guérisseur ». Comme un petit enfant, j’étais fier de moi !

Stéfanie avait anticipée, elle me savait nouveau et pour moi « salle 4 » était à peu prés aussi évocateur que « balibuwog bleu » ou que « scramer les oreillettes de la tonc avec une cuillère à babuldir les dodidong ». Elle me guida donc jusqu’à la salle en question.

Je repris mon souffle un quart de seconde et passai la porte. Stéfanie aurait du me mettre au jus ! D’un côté un grand loup… rose, et de l’autre un lion-homme gigantesque ! Je ne m’attendais pas vraiment à ça. Mais le choc fut de très courte durée. Après onze année à Entre-Monde, finalement, le loup rose et le lion gris, pourquoi pas ? Mais trêve de bavardage ! Je lançais une brève salutation et me précipitait dans la pièce.

La louve (j’appris plus tard que ce n’était pas un mâle) était blessée mais elle regardait fixement en direction du lion. Manou, je l’avais rencontré hier, s’occuper de lui. Mais on ne m’avait sans doute pas fait venir pour la regarder bosser. Non, elle s’appelait Mouna.

Je me dirigeais donc vers le lion. Il tenait un étrange objet brillant dans les mains, il semblait même lui parler… M’approchant de lui, je l’examinai rapidement. Je ne mis pas longtemps à trouver l’objet de sa visite : une large blessure à l’intérieure de sa cuisse droite d’où coulait une quantité impressionnante de sang.

Un juron m’échappa. Le Chertan (le nom m’était revenu à l’instant), parlait bel et bien à l’objet qu’il tenait, il était question de manger. Dans d’autres cas, ça aurait dut être à mourir de rire, mais là je ne devais pas y prêter attention. Je jetais un rapide coup d’œil à Mouna, elle me regardait avec des yeux écarquillés et me pressa de m’occuper de Kallitrat. Je me reconcentrai sur le Chertan, le prénommé Kallistrat donc…

- Monsieur … ? Monsieur ?! Vous m’entendez ? Rien, il sombra dans l’inconscience, il avait perdu beaucoup de sang. L’objet, une lampe à huile, lui glissa des pates. Oh Kallistrat ! T’es pas venu là pour clamser, alors ouvre les yeux maintenant ! Sa tête tomba sur la table d’opération.

Je pressai alors mes mains nues sur la plaie, faisait le vide dans mon esprit. Très vite, il ne resta plus que lui et moi, tout le reste n’existait plus. Par mes dix doigts je percevais sa douleur, sa faiblesse, je sentais ses chairs déchirées, son artère, par chance seulement percée… Je fermai les yeux et entama la lente mélodie qui accompagnait mon pouvoir. Le but de cette chanson, qui m’avait rarement servie était de capter l’attention de l’esprit du Chertan. Je ne voulais pas qu’il me file entre les doigts, rejoignant le paradis des lions en me laissant un cadavre tiède pour ma première intervention au Sanctuaire.

Par chance l’esprit de Kallistrat m’écouta, oubliant un instant que le corps périssant voulait le rejeter. J’essayais de gagne de précieuses secondes, pour laisser à la magie le temps de recréer chairs, capillaires, tissus, vaisseaux, veines et peau… les poils ne viendraient qu’après.

Je sentais la fatigue poindre le bout de son nez, mais je restais concentré sur la blessure. Les secondes s’étirées, mais le pire semblait passé, son état paraissait se stabiliser. Je le sentis revenir à l'état conscient et l'entendis pousser un grognement, faible mais encourageant.

J’avais par malchance dû faire usage d’une grande partie de ma magie pour pas que le chertan me claque entre les doigts. Je le sentais revenir à la vie, son esprit semblait de nouveau alerte, bien que faible. Je m’étais contenté de soigner en partie la plaie. Elle ne saignait plus, l’artère était de nouveau parfaitement fonctionnelle, mais il allait encore falloir faire des points pour qu’elle cicatrise. Et les profondes lacérations qu’il avait à la cuisse nécessitaient aussi des points. Je n’avais pas vraiment envie d’opérer à vif un lion de cette taille. D’autant plus qu’il semblait vouloir manger un « Equinarval en sauce »… Rien que ça.

Je gardais les yeux fermés, me reposant un instant et cherchant le courage de continuer à soigner mon patient. Je les ouvris tout de même, bien obligé. Je me lavais rapidement les mains puis me dirigeais vers une armoire où j’espérai trouver du fil à suture, une pince et des ciseaux. Derrière moi, le chertan avait recommencé à parler de nourriture. Bien normal vu son état. Je trouvais le matériel que je disposais sur une tablette.

Je l’écoutais distraitement tandis que je cherchais un moyen de lui administrer l’anesthésiant que j’avais trouvé dans les tiroirs devant moi. Je ne tenais pas plus que ça à prendre un coup de patte alors que je m’appliquais à le soigner. Ce que je craignais surtout c’est qu’il ne m’écoute pas, trop occupé par sa faim. Et vu le sang qu’il avait laissé par ci par là, il ne valait mieux pas qu’il mange avant deux bonnes heures.

J’entendis dire que ça sentait « l'Équinarval et la sauce aux Champimignons ». J’humai l’air et dut bien admettre que ça sentais la sauce toute chaude. Je sortis dans le couloir et découvrit, non sans surprise, un magnifique plat doré, contenant de larges tranches fumantes confortablement installées sur un lit de champignons.

Je vis passer une infirmière, je l’apostrophai :

Excusez moi, j’ai un patient qui ne dois surtout pas manger mais j’ai ce plat sur les bras, vous pourriez me le lui mettre de côté pour plus tard… au nom de Kallistrat. Merci. Elle me dévisagea et mon sérieux lui parut surement très louche, mais elle fit ce que je lui avais demandé.

Je revenais donc à mon chertan. Il fallait lui faire avaler une pilule grosse comme mon pouce et ça n’allais surement pas être une franche rigolade. Je m’approchai de lui.

Bon monsieur, j’ai un marché à vous proposer. Il y a derrière cette porte de l'Équinarval à en régaler un régiment, vous prenez cette pastille, vous l’avalez sans la mâcher et je vous porte votre repas. Pendant que vous mangerez je finirai de vous soigner.

Je serrais les fesses en espérant qu’il accepte, trop affaibli pour comprendre mon mensonge. Je lui tendis l’anesthésiant en souriant. J’aurai eut honte de moi si j’avais put faire autrement.

Dommage, apparemment, le Djinn avait exaucé le vœu de Kallistrat sans qu'elle n'ait l'occasion de le voir. Peut être que seuls ceux qui faisaient un vœu pouvaient le voir? Tant pis, la lampe avait déjà disparu.

La petite fée se tourna vers Cixi pour continuer de la soigner. Son œil n'avait rien de méchant heureusement, elle s'attarda sur ses côtes, passant délicatement sa main pour chercher à sentir d'éventuelles dégâts. Elle finit par se relever et mettre ses petites mains sur ses hanches

« Désolée ma belle, je vais devoir aller demander de l'aide d'une infirmière pour avoir la radio portable. J'ai peur que tu aies des côtes cassées... »

Cixi coucha les oreilles

«D'accord... Mais reviens vite...»

Elle commençait à se sentir nauséeuse avec toutes les odeurs présentes. Entre le produit qui lui piquait l'œil, l'obligeant à le garder fermé, l'équinarval aux champignons dans le couloir et surtout, l'odeur du sang de Kallistrat, elle avait l'impression qu'elle allait rendre tripes et boyaux. Surtout qu'elle ne s'était pas encore totalement remise du voyage sur le dos du dragon. Mouna sortit rapidement et revint de longues minutes qui avaient paru interminables pour la louve rose, avec une infirmière qui tenait un appareil qu'elle connaissait pour avoir vu Ivana s'en servir auparavant.

Ce fut l'infirmière qui utilisa l'appareil, Mouna s'était mise à genoux à côté de Cixi pour la rassurer en attendant

«Hum, oui, elle a une côte fissurée là! Mais elle n'est pas totalement cassée.Je vais chercher un guérisseur pour lui soigner ça»

Mouna hocha la tête et se pencha vers Cixi

« Bon, fais moi voir tes griffes et tes crocs maintenant »

Cixi leva les babines pour montrer ses gencives en sang, la fée grimaça et se leva pour aller lui chercher un médicament spécial pour les blessures de la bouche, ce médicament était également efficace pour les créatures comme la louve rose. Cependant, la renarde n'était pas capable de se faire un bain de bouche, alors bon, elle du mettre le produit en grande quantité sur une compresse et lui appliquer directement, provoquant des grondements assez mécontents alors que l'oiseau reprenait

« Ça fait mal!!!!! »

«Oui je sais, mais je sais pas ce que tu as mordu, mais à l'avenir, contente toi de choses que tu peux manger!! »

Cixi fermait les yeux avec violence, serrant les dents alors que Mouna les nettoyait avec cet horrible produit. Ses griffes se plantaient dans le petit matelas sur lequel elle était allongée, on voyait clairement qu'elle souffrait. La petite fée avait un visage triste à l'idée de lui faire ainsi mal, mais elle n'avait pas le choix

« Ça y'est... c'est fini... »

Un guérisseur entra rapidement, Mouna lui expliqua la situation, il s'approcha alors et passa sa main sur les côtes de Cixi pour vérifier où se trouvait la côte abîmée

« Faut lui faire une piqûre d'anesthésie » dit Lawaren en regardant Mouna qui se tourna vers Cixi d'un air un peu triste. Il alla rapidement chercher ce qu'il fallait et revint pour faire une anesthésie locale

« On va lui raser un peu les poils »

« Oh oh... »

« Ah non!!! Hors de question!! »

« Pas le choix, je suis désolé. Il faut bien ouvrir d'abord pour soigner et refermer ensuite! Mais on fera en sorte que ça ne se voit pas, rassurez vous...»

Cixi coucha les oreilles et posa sa tête sur ses pattes alors qu'elle entendait le bruit horrible de ses poils qui lui étaient enlevés.

* Je veux parler à voix basse*

Et le petit rossignol disparut. Elle préférait ne plus parler car là, elle n'était vraiment pas contente. Presque à chaque fois qu'elle était venue au Sanctuaire, on lui avait rasé les poils. Autant à la crinière ça allait, ça ne se voyait pas, mais sur le côté... elle ne sentit rien en revanche, l'anesthésie fonctionnait bien et Larawen fit une très fine incision pour voir la côte, la ressouder et refermer ensuite le tout... l'opération était malgré tout très simple pour le guérisseur qui ne mit pas trop de temps et n'eut pas trop à user de son pouvoir. Il ramena les longs poils du dos par dessus et sourit

«Voilà! Vous voyez? On ne voit rien!»

Mouna se leva, et effectivement, la louve avait les poils suffisamment longs, et il n'avait pas rasé beaucoup. Cependant, Cixi était carrément de mauvaise humeur et ne regarda même pas, se contentant de lever les yeux vers le guérisseur

Merci Monsieur...

Il fallait au moins qu'elle le remercie de l'avoir soignée, même si maintenant elle ne sentait presque plus son flanc et qu'elle avait encore plus envie de vomir. Elle se recoucha et ferma les yeux. Mouna se mit désormais à soigner ses pattes et ses griffes, mais Cixi refusait de bouger et commença à s'endormir. Elle commençait vraiment à en avoir mare des missions qui la ramenaient toujours dans un sale état...

Larawen la regarda d'un air perplexe quelques secondes

« Désolé, je dois filer. Tout va bien avec le chertan? »

Voyant que Belli avait la situation en main, il hocha la tête et sortit après que Mouna l'ait remercié à son tour pour son intervention. Y'a pas à dire, un don comme le sien, c'était pratique...

Je vis le chertan lutter un moment contre le sommeil. L’anesthésiant était plus que puissant et aurait dut l’endormir en moins d’une minute. Pourtant il tenu bon pendant près de trois minutes. Une fois endormi, je testai ses reflexes et ses signes vitaux : excellent vu les conditions. Un animal d’une remarquable robustesse et d’une santé sans pareil.

Une fois sur de son état de sommeil profond, je me mettais au travail. Une compresse stérile, du désinfectant, un petit coup sur la plaie, puis du fil, une aiguille, une pince, des ciseaux et en avant. Vu l’épaisseur de sa peau, j’avais pris le fil le plus gros. Je mis un certain temps à ligaturer complètement la plaie. Je n’avais pas l’habitude des peaux non-humaine et celle-ci se montra bien plus épaisse que prévue. Mais je menai à bien ma misson. Pour finir j’appliquais un pansement et je me préparai à passer aux blessures moins graves.

J’auscultai à nouveau mon lionnesque patient. Mis à part ça main gauche, rien de bien méchant à signaler. Sa patte semblait avoir subit une très désagréable opération, la peau ne ressemblait plus vraiment à de la peau et les os m’avaient l’air brisés. J’apposai mes mains sur sa grande paluche et laissa mon don glisser en elle. Je voulais surtout m’assurer de l’état des os et éventuellement les réparer.

Cela se révéla plus que nécessaire. Je ne savais pas ce qui c’était passé mais je n’y aurais pas mis ma main pour tous les pims de la BCP. Je fermai les yeux et laissai ma magie couler dans ses os brisés. Un à un je les forçai à se remettre en place et à se ressouder.

Une fois que ce fut fait, j’appliquai sur la peau un puissant antiseptique, qui lui aurait surement arraché un rugissement s’il n’avait pas été aussi bien drogué. La plus part sont indolores, mais il était bien précisé sur le flacon de celui-ci qu’il ne valait mieux pas l’appliquer sans prévenir.

Je lui fis un bandage et le laissai aux bras de Morphée, non content de mon travail.

Je me lavai rapidement les mains avant de me diriger vers la renarde rose, mon autre patiente. Je me sentais un peu coupable de ne pas m’en être occupée plus tôt, mais le chertan serait surement mort si j’avais trainé. Elle semblait avoir été soignée.

Bonjour, excusez-moi de ne pas être venu à vous plus tôt mais votre ami était mal en point. Je m’appelle Belli et je suis guérisseur, puis je faire quelque chose pour vous ?