Vous avez dit Bizarre ?

Je crois que l’aube se lève, je n’étais pas sure, je l’avoue. Je crois que les bêtes ont renoncé, sans doute ont-elles compris qu’attendre une proie avec pas grand-chose de chair et surtout, planqué n’était pas la meilleure stratégie de survie. Mais moi non plus, je n’avais pas le meilleur des plans, je ne pouvais pas rester ainsi planqué toute ma vie… Au moins, ça saignait presque plus après tout ce temps, mais la douleur, elle, restait, indiquant qu’il y avait un fort risque pour que cette agression ait touché un circuit. Je sors enfin de mon trou, essayant de retrouver mon chemin. Combien de temps cela prit, je ne sais pas ? Je devais rester le plus à couvert et je sentais que cela n’allait pas… Que faire ? Si j’ai un circuit endommagé, il fallait le rafistoler avec les moyens du bord… Soit, relier les deux morceaux entre eux, tout simplement. Même du scotch pourrait suffire. Mais vue ou est ma blessure, je ne peux pas aisément regarder moi-même… D’un autre côté, demander à mes fameux compagnons serait contre ma logique… Même si cela se voit malgré mes poils noirs, cela serait affirmer ma faiblesse.

Je crois voir un haut bleu et une fille aux cheveux blancs sur un gros matou et j’identifie donc les deux filles. Je vais vers elles, sans rien dire, cela dit. Je me contente d’un ;
« - Je suis là. »
Avant de monter, en galérant, à mon tour sur mon cousin félidé. Je me suis mise derrière Lin, je ne dis rien, ça fait mal… Bon, on aborde le sujet, moi, j’ouvre un œil et je réponds sommairement. Bizarrement, je suis fatigué là… Je regarde à peine Lin quand elle a l’air de s’adresser à moi.
« -Je pense que c’est le mieux pour commencer… Au pire, on pourra réfléchir à la suite des opérations après. Dans tous les cas, il faut se tenir prêt à affronter une sorcière qui n’a certainement pas très envie de nous suivre… On doit l’attraper vivante. Si elle résiste, on pourra faire un usage limité de la force.
- Hmmm. »
Je me sens ailleurs et je me rends compte que mon souci de circuit se perd de plus en plus de mon esprit, devenant presque secondaire. Je n’ai pas bu, je ne suis pas ce qu’un humain appellerait « bourrer », mais dire que je suis complètement là serait faux aussi. Je repense à quelque chose en fermant les yeux, je suis fatigué.
« - Je suis un chat programmé génétiquement pour que l’esprit grandisse plus vite qu’un chat normal, mais pour que le corps dure autant voire plus qu’un humain. Une de mes premières missions suicides a été d’aller tuer un petit village prêt d’un lac, une source d’eau. J’ai été prise, j’avais quel âge déjà ? Je ne sais plus, je sais juste que l’on m’a laissé derrière, que personne n’est venu me chercher durant mes deux semaines de torture. Mais ce n’était pas si grave, j’étais une unité d’espionnage donc j’ai fait ce pour quoi on m’a créé. J’ai écouté, emmagasiné les informations, piraté leur communication pour entendre… Puis, durant le premier assaut, grâce à un instant d’inattention, j’ai réussi à me libérer. Mes informations ont permis de tuer les 200 personnes dans le village, 120 vieillards, 20 enfants et 80 personnes qui essayaient de faire survivre leur village, comme nous. Ils avaient aussi des créations, mais elles étaient moins bien conçues que nous… Sur les 40 chats envoyés, on est que 10 à être revenus, on n’était qu’un nombre sur un autre. On était de la chair et des circuits, des soldats et des produits. On n’a pas été créé pour vivre, mais pour tuer… Quand je suis arrivé ici, j’ai essayé de ne pas en arriver jusque là à bien des reprises, mais une fois que l’on connait m’a nature et mon but de programmation, on m’utilise. Alors, pourquoi lutter ? Je ne peux pas changer et n’en ai pas forcément envie. Mon monde me manque ; ce talent pour ôter la vie était au moins utile là-bas. »
Je ferme complètement les yeux. Je crois que je me suis endormie, mais la douleur me rappelle que toute ma mécanique ne peut couvrir le fait que je suis en vie.

Ainsi, je suis dans le vague… Même si cela va un peu mieux, mais bizarrement, je ne voulais pas immerger, pour une fois. Non, sans doute à cause de la fatigue, la fatigue de sans cesse combattre moi-même et les autres. Fatiguée de sans cesse faire style d’être ce que je ne suis pas, fatigué que les gens veuillent voir autre chose que ce que je suis ; un soldat, une bête dressée pour tuer. Fatigué aussi que l’on me sous-estime sans cesse, car je suis plus petite que la plupart de mes proies ; surtout des humains… Alors que pourtant, la petite taille est souvent un avantage et je suis quand même un peu plus grande qu’un chat normal (sans parler de mes poils rouges).

Mais un bruit au loin m’oblige à enfin ouvrir les yeux, remarquant que je suis sous la protection de la panthère, mais également que l’on m’avait de manière rudimentaire, soigné. Oui, cela va aider mon corps et cela a sans doute remis en contact quelques circuits bien que je serais obligée d’être de nouveau raccommodée après… J’essaye de me lever, mais me recouche presque aussitôt…. Non, je suis encore trop fatigué et mon corps n’encaisse pas le choc…. À défaut de pouvoir intervenir, j’écoute…. Je crois entendre la communication entre des êtres mécaniques… Qui vole… Je crois qu’ils transmettent… Directement sur ce qui ressemble à une cabane plus loin. Si elles y sont, ce n’est pas cool, j’espère qu’elles n’ont pas tenté d’attaque-surprise, car avec ce système, elles ont dû se faire repérer. Et je suis dans l’incapacité d’aller les prévenir, super…

De là où j’étais, je n’ai pas pu voir toutes les actions, j’aperçus essentiellement une Lin revenant avec un gamin. Peut-être que je me suis trompé sur les oiseaux ? Je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai mal… Je suis sûre que j’ai eu des circuits déconnectés, il faut réparer cela… Mais là, tout de suite, quoi faire ? Je ne peux qu’observer. Quand tout cela fut fini, on nous ramena devant l’entrée de la caserne, surement avec le même titre nous ayant permis d’aller si loin… On va directement au sanctuaire après que Lin soit rentré avec son "paquet", si on voit ce que je veux dire. Je ne dis rien, qu’est-ce que j’aurais pu dire de toute façon ? Enfin, Moana dépose d’abord le petit chez un collègue, je crois. Et moi ? Disons qu’étant cybernétique, je n’ai pas vraiment la même section dans le sanctuaire. En effet, elle m’amène chez un autre type qui à la vue de comment il lui parle, a tout l’air d’un robot. Je me laisse faire, pour une fois, j’avoue qu’avoir affaire à un tel individu m’arrange. Je n’aime pas trop partir en blabla inutile aussi.
Il congédie Moana et s’occupe de moi. C’était un individu dont le fond des yeux était noir et ses pupilles ainsi que ses cheveux étaient dorés. Bien entendu, pour me réparer, il du enlever ce que m’avais mis Moana et je le laissai faire, essayant parfois de lui donner quelques indications. Pour la douleur ? Cela faisait un peu mal, mais pour l’essentiel, je ne dis rien ; cela n’aurait rien avancé d’en parler. Je crois que cela prit bien une bonne heure de tout reconnecter comme il pouvait bien que parfois, il était obligé de remplacer quelque bout de circuit quand ces derniers étaient coupés vraiment salement. Après que la chose soit faite, il fallut me recoudre et cela, c’était moins cool pour moi. En effet, avec ma fourrure, ce n’était pas facile et cela oblige souvent à me raser sur la parcelle de ma peau étant ouverte… Mais il faut le reconnaitre, il était très doué dans son domaine. À la fin, je lui dis simplement ;
« - Merci pour les réparations.»
Bien sûr, j’eus droit aux indications habituelles, me reposer et tout le blabla. Ensuite ? j’aurais pu rester ici, j’imagine, attendre, mais c’était hors de question. Je lui demandai de simplement me poser à terre ; je ne voulais pas que mes points de suture cèdent à cause d’une acrobatie. Il m’ouvrit la porte… J’essayai de retrouver mes collègues ; j’eus droit à quelques regards… C’est sûr que quand vos circuits sont internes au lieu d’apparenté, vous avez surement moins de crédibilité face à d’autres cyborgs au bras mécanique par exemple.
Je crois que je me perdis plusieurs fois dans le sanctuaire avant d’apercevoir enfin Moana.
« - Me revoilà ! »
Je lui signale simplement.