Baakan ~ Dragon du sable

Mon corps plaqué contre le sol ne me répond déjà plus. J’ai beau essayer de bouger, ce foutu corps refuse de faire quoi que ce soit. Je lutte pour maintenir les yeux ouverts mais tout le reste de mon corps semble paralysé. Je devrais pourtant être capable de bouger, mes blessures ne sont pas si graves après tout. Alors pourquoi je n’y arrive pas ? J’ai beau tourner et retourner la question en tout sens je ne voit qu’une solution : je dois subir les effets d’un poison paralysant. Cet homme a dû m’empoisonner pendant la nuit mais dans ce cas pourquoi Baakan peut encore se battre ? Notre assassin aurait-il sous estimer le jeune dragon des sables ? Si c’est bel est bien la réponse à tout ce cirque alors cela signifie que cet homme a commis un erreur mortelle en laissant Baakan en vie. Ce dragon a beau être beaucoup plus jeune et inexpérimenté que moi il est plus que prometteur.

Maintenant que je pense avoir répondu aux questions que je me posais j’accepte finalement mon destin et abandonne l’idée de bouger, me contentant de regarder le combat. Je sens ma mort arriver et j’imagine que notre assassin encapuchonné en est le responsable. Ses armes doivent être empoisonnées. Méfie toi Baakan, tu ne dois pas te faire toucher pas celles-ci. J’espère que tu l’as compris toi aussi.

Mes yeux se ferment… Je n’arrive plus qu’à les maintenir à peine entrouverts. Je voudrais pourtant voir comment s’en sort Baakan, voir le fruit de mes enseignements, voir la correction qu’il doit infliger à mon meurtrier mais mon corps flanche et mon esprit divague. Mes yeux se ferment finalement entièrement, la rage du combat laissant place aux souvenirs. Les souvenirs de ma vie de tuteur, tuteur du dragon des sables aussi connu sous le nom de Baakan.

Lui et moi venons d’un monde où les dragons régnaient en maîtres absolus. Ils étaient les dieux de ce monde. Chaque élément, chaque petite chose avait son dragon veillant sur lui. Les différentes forces de la nature, la vie, la mort,… tout avait son dragon qui lui était associé. Baakan, dragon des sables, était destiné à régner sur le désert et ses habitants. Malheureusement pour le jeune dragon ses parents sont morts peu après sa naissance et j’ai dû le recueillir pour l’éduquer, lui apprendre à se défendre et à défendre ce qui lui est cher, lui enseigner la morale, la maîtrise de son pouvoir,… En bref, je sentais que je devais transmettre tout ce que je savais à ce jeune prometteur. Mais notre monde fut détruit et j’eus à peine le temps d’ouvrir un portail vers cet endroit que l’on nomme " Entre-Monde " pour sauver notre peau. Une fois dans l’Entre-Monde je conduisit le jeune Baakan en plein cœur du désert de Munghor pour y continuer sa formation. Avant de partir en quête d’un nouveau monde. Puis l’incident des miroirs de l’Entre-Monde arriva et fûmes bloqués ici. Nous n’avions de toute façon plus de chez nous et à cause de la fermeture des miroirs nos pouvoirs à Baakan et moi furent grandement atténués. J’étais dans l’incapacité, moi, puissant dragon de la magie, d’ouvrir le moindre portail vers un nouveau monde. Je me suis donc vite résigné et ait décidé de faire de ce désert notre foyer le temps de finir l’éducation de Baakan. Il choisirai ensuite ce qu’il ferait de sa vie dans l’Entre-Monde.

J’appris au fil des années à connaître et à comprendre le jeune dragon que j’avais pris sous mon aile. Ce petit était aussi téméraire que fougueux. Il courait sans cesse en tout sens, jouant dans le désert. Il était débordant d’énergie alors que je me faisais vieux. Là où les dragons ont tendance à s’assagirent et à se calmer en vieillissant Baakan devenait plus intelligent, certes, mais aussi plus impulsif qu’avant. Il commença jeune à se servir de son pouvoir et il s’en servait toujours outre mesure. Le jeune dragon ne supportant qu’on essaye de s’en prendre à moi d’une quelconque façon usait toujours du sable pour effrayer mes détracteurs. C’était de toute évidence un dragon protecteur prêt à tout et n’importe quoi pour défendre ceux qui ne pouvaient le faire par eux mêmes. Cela nous a valu bien des mésaventures lorsque nous nous rendions en ville. Il n’était pas vraiment le bienvenue chez tout le monde à Sierra.

Je finis par réussir à stopper les divagations de mon esprit et mes yeux s’ouvrent sur un Baakan épuisé qui marche vers moi. Je cherche d’abord du regard l’homme encapuchonné, mon assassin. Je voit alors son corps étendu sur le sable, de toute évidence meurtrit par la puissance de Baakan. Cet enfant n’as jamais su contenir son pouvoir. Il faut toujours qu’il en fasse le maximum jusqu’à tomber à court d’énergie quitte à se mettre en danger. C’est mon seul regret vis à vis de Baakan, ne pas avoir réussi à bien lui enseigné comment contrôler avec précision son pouvoir.

Mon regard se pose de nouveau sur Baakan et je sais que je le contemple pour la dernière fois. Cette forme humaine l’entrave mais la fermeture des miroirs nous a aussi ôté la capacité de retrouver notre apparence originelle ce qui ne nous laisse pas vraiment le choix. Son enveloppe humaine n’en reste pas moins à l’image de sa forme draconique. Un corps puissant, dominant une bonne partie des humains du haut de son mètre quatre-vingt-dix. Les tatouages sur son corps, héritage de notre ancien monde, son aujourd’hui entaché de sang et les yeux blancs de Baakan me regardent attentivement. Je me demande s’il va me parler ou garder le silence ? Je ne sais pas pourquoi mais Baakan a gardé une voix assez proche de sa voix de dragon. Une voix très rocailleuse et puissante. C’est bien la seule chose, avec ses yeux, qu’il a gardé de son aspect draconique. Je voit finalement un léger sourire sur ses lèvres alors que son regard semble s’humidifier…

Je sens mes yeux se mouiller mais je retiens mes larmes, forçant un petit sourire à se dessiner sur mon visage tandis que je m’approche Vaanshjra, mon tuteur et père adoptif. Mon corps est fatigué par mon combat et je peine à atteindre celui que je considère comme mon père. Mais ce n’est pas le moment de flancher, je me dois de l’accompagner, lui qui m’a dédié une partie de sa vie, dans ses derniers instants. Je pose une genoux sur le sable une fois à sa hauteur et écoute, sans un mot, les dernières respirations de celui qui m’a tant appris. Je n’ai pas pu empêcher sa mort car je n’étais pas assez puissant mais le temps n’est pas aux larmes. Vaanshjra rend son dernier souffle et je passe ma main sur son visage pour fermer ses yeux pour la dernière fois. Je passe alors mes bras autour de son corps et entame ma route vers Sierra. Le corps d’un dragon met beaucoup de temps avant commencer sa décomposition alors je me doit de lui offrir une cérémonie digne de ce nom et pour cela j’ai déjà m’a petite idée en tête mais je dois commencer par me rendre à Sierra, c’est la ville la plus proche. Quand mon père aura eu sa cérémonie je me dirigerais la capitale de ce monde. Il est temps que je quitte un peu mon désert.