Chateau de sables et noix aux nems

Une chèvre qui lit. Voila qui était intéressant. Et est-ce qu'elle broutait les livres une fois qu'elle les avait lus? Et comment faisait-elle pour tenir les bouquins et tourner les pages? Ça ne devait pas être commode de feuilleter des encyclopédies avec des sabots... Et qu'est-ce qu'elle lisait d'ailleurs? Des essais philosophiques? Des traites théologiques? Des revues people? Des romans de gare? Des bouquins coquins qui décrivaient la vie volage d'un bouc allant de fermes en élevages? Nini essayait de se représenter la vie d'une chèvre pas liseuse de bonne aventure tout en écoutant distraitement Septembre. De toute façon, elle n'avait pas besoin de passer cette conversation au premier plan : ils ne faisaient qu’échanger des mondanités. Babiller était une activité qu'elle gérait très bien en tache de fond. Mais les babillages allaient devoir être interrompus. Un arrêt force, presque.

La tranquille promenade nocturne réservait encore une belle surprise aux deux robots. Sur le chemin qui ne sentait ni la noisette ni la violette, un attroupement s’était forme. De drôles de silhouettes aux mouvements lents se rentraient doucement dedans avant de dériver et de continuer leur procession. Doucement, doucement, ils avançaient vers les androïdes. La fille pleine de processeurs et de rouages les observa en se demandant ce qu'ils avaient. Ils avaient l'air complètement stone... Mélanger les somnifères et les drogues, c'est pas une bonne idée. Personne ne le leur avait explique ça?

-Ils se tiennent vraiment mal. Ils ne savent pas que se tenir comme ça est mauvais pour le dos? Ils devraient se redresser un peu au lieu de se tenir voûté.

Des Morts-vivants? Vraiment? Ah, ça expliquaient peut-être leur façon de bouger. C’était plausible, Septembre n'avait pas forcement tord. Suivant les conseils du sanctuari apparemment alerte par la petite troupe de mangeurs de cerveaux se dirigeant vers eux, Nini alla se mettre dans un coin. Elle alla s'appuya contre la vitrine d'un magasin de vêtements et d'accessoires tendances. Apparemment, Robocop avait envie de faire joujou avec leurs nouveaux amis. Et il avait envie de le faire tout seul. Humpf! C’était tout de même un peu vexant de se faire mettre a l’écart ainsi. Boudeuse, la fille qui se disait que c’était trop injuste et que elle aussi elle voulait faire comme dans les films a dézinguer des zombies en hurlant, bref ce truc a chevelure rose gardait les yeux fixer sur le bouts de sa chaussure. Chaussure dont elle tapotait la pointe contre le sol. Et puis franchement, dans les films, ils ont pas l'air si terrible que ça, les morts-vivants. Un grognement a cote de l'androide se fit entendre.

Surprise! Un zombie était venu faire coucou a Nini. Bon, c'est vrai qu'il avait pas tres bonne mine. Il bavouillait un peu. Il avait perdu des cheveux et ceux qu'il lui restait étaient étonnement gras. Des dents s’étaient déchaussées après son décès. Et il avait même commence a se décomposer! Contente, le robot prenait le temps d'observer le cadavre ambulant et elle notait, curieuse, ses principales caractéristiques physiques. Comme un petit bout de chaire qui pendait au niveau de sa mâchoire.

-Berk! Mais faut pas laisser ta peau pendre comme ça! C'est pas hygiénique, et puis ce n'est pas esthétique non. Vient, je vais te recoudre ça!

La jeune fille qui vivait au pays des bisounours ou les zombies comme le reste étaient des créatures inoffensives et amusantes attrapa son nouvel ami par le bras. Elle tira dessus, pleine d'enthousiasme, pour l'emmener le recoudre dans un coin un peu mieux éclairé.

-Oups... Euh... Désolée. Ça fait pas mal?

Oups était le mot. A tirer trop fort sur le bras du corps en décomposition, elle avait termine par le lui arracher. Les chairs pourries avaient cédées face a la force légèrement surhumaine de Nini. Et le zombie, dévoilant sa dentition jaunie et exultant, n'avait pas l'air très content. Non non non. Et d’ailleurs, il avait décidé de l'attaquer. Plus qu'une seule solution pour Miss Cheveux Roses : se mettre au sport. Au baseball. Avec en guise de batte le bras du cadavre et en guis de balle la tête du mort-vivant. Nini était évidemment la batteuse. Premier essai : strike. Deuxième essai : strike. Troisième essai : homerun! Victoire! Elle avait réussi a décapiter pas proprement du tout son premier copain zombie. Nini jeta sa batte piteuse état puis pris une pause de conquérante, un pieds sur la tête qui était misérablement tombée du corps en décomposition.

Je sentais l’algue marine, ils sentaient la viande décomposée.
Tout mon système tournait à plein régime pour me convaincre que j’avais à faire à un mur de Rafflesia en fleur plutôt qu’à des individus en décomposition avancée.
Leurs chairs entamée à des stades divers et variés laissait parfois voir des bouts d’os, une articulation saillante et ses ligaments brillants. Vers ceux qui avaient le plus souffert de leur retour à la vie, les images d’organes s’échappant de leurs cavités d’origine se superposaient à l’image persistante d’une énorme fleur capable de massacrer l’odorat d’un fin limier.

Une main lourde et froide agrippa mon bras, je relevais le coude vers un menton qui se brisa comme du verre. Le monstre parti en arrière et entraina un de ses petits copains dans sa chute.
Le premier, et ce fut un regrettable accident, eut la tête écrasée sous mon pied. J’avais été obligé de me déporter pour éviter les ongles qui cherchait à atteindre la peau synthétique de mon visage.
Evidemment, un robot très lourd sur un crâne déjà fragilisé…L’odeur abominable qui s’échappa de son crâne et des muscles à moitié pourris de son visage m’en retourna la moitié des boulons.

Mon processeur venait de subir sa première crise cardiaque, ou pour faire plus professionnel : Le logiciel de sensation humaine venait de hacker mes programmes sources.
Oui, j’ai planté.

Assez longtemps pour sentir deux rangées de dents rayer la plaque latérale de ma cuisse droite.

-Mais tu vas lâcher ça !

Les mains jointes en poing serré, je frappais jusqu’à voir gicler ses fluides et peut-être un bout de cervelle ou deux.

Mon processeur retrouva toutes ses facultés et ma raison en se rendant compte que, d’une, Nini égalisait mon score, deux, j’étais bon pour une réfection de la tête aux pieds et ça allait me ruiner.

Un coup d’épaule et je fis un excellent score au bowling. Les mort-vivants se tombaient les uns sur les autres. Formant un tas pathétique sur les pavés.

-Et voilà ! J’en ai partout maintenant !

Contrairement au nez humain, mes capteurs eux ne sont jamais anesthésiés à force de sentir la même odeur… Je lançais vers mon équipière du soir un regard humide.
Cette soirée se fait longue, non ?

Nini qui n’était jamais allée dans une fête foraine découvrait en exclusivité une attraction un peu trop réaliste : la maison hantée, ou plutôt la ville hantée, grandeur nature! Et elle trouvait ça étonnement amusant. Enfin, tant que les zombies ne se mettaient pas a mâchouiller ses mollets. Mais pour l'instant ça allait : armée d'un crane en relativement bon état et surtout encore assez résistant, elle essayait de détruire la tête des autres zombies. Après avoir décapité son premier macchabée, elle avait arrache la mâchoire inférieure avant avant d'enfoncer son index et son majeur dans les orbites du mort pour la deuxième fois. Lorsque ses doigts avaient perce les globes oculaires, un Schplrtch c’était fait entendre et un liquide pas très appétissant avait gicle. Le pouce sur le palais, l'annulaire et la majeure s’enfonçant dans les chaires mollies et pourries des, Nini venait de transformer une tête de cadavre en arme de point. Oh oui! Mais que d’ingéniosité, que d’inventivité, et comme c'est pas glamour! Et voila qu'elle brisa deux cranes en état très avance de décomposition grâce à celui avec lequel elle faisait joujou termina par céder.

Comme c'est dommage, il allait falloir qu'elle trouve rapidement autre chose pour exploser de la cervelle moisie si elle ne voulait pas se faire dévorer les circuits. Et elle allait devoir le faire vite : la meute de zombies devenait de plus en plus importante. A croire qu'ils ne pouvaient rien faire tout seul, ceux-la! Heureusement, les morts-vivants ont une sérieuse tendance a se déplacer au ralenti, laissant a Nini le temps de partir en courant chercher de quoi se défendre. Comme une jolie chaise de jardin en fer forge dans une jolie vitrine de mobilier tendance. Et hop, Un zombie bélier. Toute joyeuse l’androïde envoya valdinguer le premier zombie venu contre la vitrine. Qui n’explosa contre, mais pas suffisamment fort pour qu'il casse la vitre ni pour qu'il trépasse une deuxième fois. Qu'a cela ne tienne! Motivée par l’idée de se servir de la chaise pour dégommer du pas vivant, elle profita que son projectile soit un peu désorienté pour lui asséner une série de coup de poing dans le crane en usant de toute ses forces. La créature tenta bien de se débattre, griffant la peau synthétique de Nini, gargarisant des pseudo au-secours pour réclamer l'assistance de ses congénère, mais l'enthousiasme de lu robot domestique fut le plus fort. Et d'un bon coup de point, elle lui brisa le nez. D'un autre, elle fit voler les dents du cadavre, s’écorchant quelques jointures au passage. Elle brisa des os fragilises avant que le crane ne termine par céder et que son poing, plein de cervelle pourrie, frappe la vitrine du magasin. Fragilisé par le zombie et les coups répétés, le verre se fissura. Et d'un coup de pied, Nini termina de le briser.

L’androïde sauta dans la vitrine et agrippa la chaise alors que des mort vivant tentaient d’agripper ses chevilles. Sa nouvelle arme a la main, elle repoussa violemment certains de ses assaillants. 'est que, se recevoir un pied de chaise en fer forge de plein fouet, ça fait quand mal! Dans le show-room sur élevé, Nini regarda rapidement la rue pour essayer d’évaluer la situation. Il y avait pas mal de zombies tout de même. Septembre était pratiquement encercle par les décomposés et lui jetait un regard de petit chiot abandonne sous un pont lors d'une froide journée d'automne. Avec de la pluie pour couronner le tout. Sa nouvelle arme a la main, elle descendit de sa plate-forme. Les bras tendus droits devant elle, les pieds de la chaise pointant vers les zombies, Nini commença a tourner sur elle-même le plus vite possible tout en se rapprochant du Sanctuari. Faisons tous la toupie, ça évite que les mangeurs de cerveau ne s'approche trop de nous!

-Pff! Je me demande d’où ils sortent ceux la. A cause d'eux, je suis toute sale et en plus me suis fait griffer! On rentre a l’hôtel? Je veux me laver! Tien, en parlant de trucs bizarres, tu savais qu'ils ont trouvé ce qui ressemble à une soucoupe volante enfouie dans la glace au Nord de l'Entre-Monde?

Le plus drôle de l’histoire, je n’avais même pas pensé piller une vitrine pour m’occuper des zombies. Déformation professionnelle.

J’empoignais le dossier de la chaise et en l’ôtant des mains de la petite androïde, je m’appliquais à ce que les pieds du siège aille fracasser quelques têtes. L’une d’elles ne résista pas à l’amour naissant avec sa boite crânienne.

-Une soucoupe !

Un peu de rage, un peu d’huile de coude et la masse se réduisait lentement, beaucoup retrouvèrent une position allongée qui sied bien mieux aux morts après quelques coups d’épaule dans la foule.

-ça expliquerait peut-être cette histoire de non-morts…

Un buste sans le reste de son anatomie rampait depuis un moment dans mon dos quand enfin il put s’emparer de mon pied (entièrement métallique) pour tenter d’y planter ses canines.
Elles bougeaient toutes seules… Il ne mordit pas grand-chose et se contenta d’écraser encore un peu plus de chair putride sur ma carrosserie en polymère et nanorobots.

-Ah !

J’en étais au deuxième qui me servait de paillasson spongieux. Je rendais sagement sa chaise à Nini, les goules étaient à un pas de nous, en train de se dépêtrer les unes des autres pour se relever et attaquer ce qui « bouge »… C’est que niveau festin, elles étaient mal loties avec nous.

-Et si on retournait à l’hôtel ?

Je me plaçais derrière la petite furie et sa chaise.
Trop de choses collées aux articulations, nuisent à la mobilité d’un beau robot comme moi…

L’odeur ne partira jamais…

-Hey! Ma chaise!

Ah bah bravo! Voila que le représentant de l'ordre moral et de l’autorité publique se retrouvait a arracher des mains d'une jeune fille démunie son seul moyen de défense. En plein milieu d'une attaque de zombis enrages en plus! Mais quel exemple! Nini était légèrement contrariée de ne plus avoir son joujou dans les mains. Elle n'avait plus rien de sympa dans les mains pour exploser de zombies. Contrairement aux jeux vidéos, elle n’était même pas équipée d'un fusil a pompe ou d'un AK-47, ou d'une hache, ou d'un tronçonneuse, ou d'une masse ou... bref, on ne lui avait même pas donne d’équipement pour assurer sa survie. C'est pourtant la base quand il s'agissait d'affronter une bande de cadavres affames. Faisant mentalement la liste de ce qu'elle aimerait avoir sous la main pour détruire du macchabée, le robot model jeune fille en fleur se rapprocha encore un peu de son acolyte. Suffisamment pour rester dans un périmètre de sûreté pendant qu'il perforait des cranes avec sa chaise a elle, mais pas assez pour le gêner dans ses mouvements. Nini n'avait pas d'autre choix que de distribuer des coups de poings et de pieds hasardeux, de pousser les premiers assaillants vers les autres. Tout ceci manquait clairement d’efficacité : si elle gagnait du temps, elle ne faisait gicler aucune cervelle!

-Ma chaise!

Un grand sourire illumina le visage de l'aide domestique. Septembre lui rendait son moyen de défense, pour sa plus grande joie.

-Ouaip, rentrons! Il faut absolument que je me lave, j'ai les mains toutes gluantes d'avoir crevé des yeux pourris... Je pensais pas que c’était aussi salissant les zombies.

Septembre se cachant dans son dos comme un petit chiot apeure, Nini la pas amazone mécanique plaqua le siège contre son thorax, le dossier contre ses cotes. Cette fois, on jouait au chasse neige avec la chaise en guise de pelle géante, le sanctuari en guise de ...de voiture qui suit le chasse-neige et les zombies avaient le droit de faire la neige. Sans se poser plus de question, l’androïde pleine de grâce et délicatesse se mit a courir. Du coin de l'oeil, elle vérifiait toutes les deux secondes que son ami était bien sur ses talons. C’était pas le moment de se séparer. Les pieds des chaises traversèrent bien quelques ventres aux organes pourries, accrochèrent quelques chaires faisandées a souhait, et quelques mains tentèrent bien d'agripper Nini, mais le petit chasse-neige réussi a ne pas trop se faire retarder. Elle s’arrêtait le temps de distribuer un au deux coups de pieds, un ou deux coups de chaise en fonction de circonstances, avant de repartir. Heureusement, la bourgade n’était pas si grande que ça et l’hôtel était facile a retrouver. Il était temps d'aller se reposer un peu dans sa chambre : toutes ces émotions et toute cette agitation l'avait force a consommer plus de batterie qu'elle ne l'avait prévu! Il lui restait encore une marge confortable avant d’être forcée de passer en mode veille, mais c’était tout de même contrariant.

-Ah! On arrive a l’hôtel!

Elle était rudement efficace pour avancer. Parfois elle m’attendait, comme le petit vieux avec son déambulatoire qu’on attend au moment de traverser la rue.
Il faut dire que je ne faisais plus beaucoup de « cric crac » maintenant, le sable englué dans les fluides dont j’étais couvert avait changé de sonorité pour des « flip plastch ploc ». Voire même quelques sons étrangement semblable au bruit que font les pâtes visqueuses avec lesquelles les enfants s’amusent à Tern.
J’étais en piteuse état.

Machinalement, quand un bras dépassait derrière Nini, je l’empoignais et tirais dessus. Y donnait un coup de coude salvateur qui faisait sauter : une vertèbre, une tête, autre chose…
J’en étais à deux malheureux mal tombés dont l’un m’avait laissé son bras en cadeau de bienvenue.

-Ils disaient que nous passerions des vacances inoubliables, dans un cadre idyllique… Tu parles !

Remboursé ! Le bas remplaça le miens quand il fallut retourner la tête de celui qui s’était ventousé à mon dos.
Je me suis acharné un long moment sur celui là, jusqu’à ce que mon gourdin improvisé ne soit plus qu’un moignon et le reste une pâte sur le trottoir

-Je les déteste…

Le maitre d’hôtel en nous voyant arrivé se précipita pour ouvrir une porte de service, les grilles devant les portes vitrées de l’hôtel avaient été baissées. On se faufilait à l’intérieur quand le vieux garçon boucla les verrous de ses mains tremblantes.

-Oh lala, répétait-il plusieurs fois.

Il s’apprêta à recommencer quand je décollais quelques dents d’un tas gluant sur mon épaule… En tendant mon bout de moignon encore serré dans ma main vers son nez je le menaçais :

-Répète ça encore une fois et je te le fais manger !

Quelqu’un frappa à la porte de service, un code significatif. Le reconnaissant l’employé ouvrit et fut bousculer par un jeune homme qui tenait sous son bras une tête fraichement ôtée à son propriétaire. La porte claqua, et l’autre expira à plein poumons.

-Vous reste-t-il une chambre de libre pour moi et mon copain ?

Il désigna de l’index la tête aux yeux exorbités dans la mort.

Yop yop yop! Septembre râlait, Nini continuait d'avancer en se disant qu'il allait bientôt se mettre a bouder comme un petit garçon. Plus que quelques mètres a franchir et ils allaient être en sécurité dans leur joli hôtel. Apparemment, elle n’était pas la seule a se dire ça : un maître d’hôtel totalement apeure avait trouve la courage d'entre-ouvrir une porte de service et leur faisait signe. En voila une aide inattendue, mais bienvenue! Le robot domestique jeta sa chaise de toute ses forces en direction des derniers zombies qui lui bloquaient le chemin. Un pied alla directement se ficher dans le crane d'un cadavre ambulant, et un reste de cervelle liquide commença a suinter... Pas très ragoutant tout ça, mais efficace. Le mort-vivant a nouveau mort tomba en arrière sur deux ou trois de ses petits camarades qui n'arrivaient pas a se dépêtrer de son corps en pleine décomposition. Profitant de la diversion, Nin se mit a courir a toute vitesse vers la porte maintenant suffisamment ouverte pour les laisser passer, elle et son sanctuari.

L’employé de l’hôtel semblait bien plus panique que les deux machines lorsque l’androïde le remercia. Mine de bois, mine de crayon, Nini s’était plutôt bien adaptée a la situation. Elle avait assez vite réagi et n'avait pas cédé a la panique. Elle trouvait même la situation presque amusante, comme si elle devenait l’héroïne d'un film plein d'effets spéciaux ou d'un jeu vidéo dont le but est de massacrer tout ce qui bouge. Elle ne saisissait peut-être pas forcement l'ampleur et la gravite de la situation aussi. Ça aidait a garder les idées claires... Septembre qui était décidément de bien mauvaise humeur rouspéta le vieux monsieur tremblant qui avait une fâcheuse tendance a geindre. Nini essaya de s’essuyer un peu, histoire de ne pas rester couverte de lambeau de chaires putrides, mais c’était peine perdue. Elle avait besoin d'un bon bain pour décoller toutes ces matières visqueuses et gluantes qui la dégoûtaient légèrement. A la place, elle s'amusa a retirer du bout des doigts quelques dents et fragments d'os qui ornaient Septembre.Lui aussi, il allait avoir du mal a se nettoyer.

Quelques a la porte, le maître d’hôtel vola a nouveau vers la porte de service qu'il entre-ouvrit. Un homme s'y glissa un peu violemment, bousculant ce qui se trouvait sur son passage. Visiblement soulage d’être a l'abri, le nouveau venu demanda une chambre. Normal. Pour lui et une tête arrachée. Moins normal. Ou pas. Maintenant que les morts-vivants flânaient dans les rues, peut-être qu'avoir des amis décapités était a la mode. Le vieux monsieur complètement effraye s'empressa de lui dire que oui, il allait lui trouver une chambre, et tout le petit groupe se rendit vers le hall d’entrée de l’hôtel. On entendait des coups lourds, les zombies frappant de temps a autres les grilles en fer de l’établissement. Les lumières avaient été éteintes et l’employé en uniforme leur donna des lampes torches.

-C'est pour éviter de les attirer, qu'ils ne nous voient pas depuis les fenêtres... Oh la la... Pourvu qu'il ne nous repèrent pas...

Le vieux et celui qui se promenait avec une tête arrachée se dirigèrent vers la réception. Le maître d’hôtel regardait quelle chambre était libre. Pendant ce temps, Nini se dirigea vers l'ascenseur.

-Septembre, tu as la clé de notre chambre? Preums a la salle de bain!

Elle en avait assez d’être gluante, elle voulait se laver maintenant. Elle appuya plusieurs fois sur le bouton de l'ascenseur avant de se résoudre a l'attendre sagement.

-Au fait, Monsieur, vous êtes sur qu'il n'y a pas de zombies dans l’hôtel? Vous avez vérifié l’état des clients et des employés?

Nini posa la question, juste pour être certaine que cette fois elle était en sécurité et qu'elle pouvait baisser la garde. Elle jeta un coup d'oeil au maître d’hôtel qui semblait se décomposer encore un peu plus et au pensionnaire supplémentaire. Étrangement, cet homme ne l'inspirait pas trop. "Cette nuit, je devrais peut-être fermer la chambre a clé..." se dit-elle.

Avec toute ma délicatesse j'ai essayé de rassurer l'hôtelier en lui désignant les vitres grillagées et les zombies :

-Ils nous ont tous déjà repéré depuis un moment !

L'autre préféra oublier que j'avais dis ça. Pour son bien être mental, pour garder le contrôle de ses cordes vocales et de son coeur, il alla s'occuper du nouveau venu et de sa prise. Le temps pour Nini d'appeler l'ascenceur et de se réserver la douche. Je protestais aussitôt avec galanterie et prévenance :

-Certainement pas ! J'en suis bien plus couvert que toi ! C'est mathématique, je suis plus grand et j'ai donc plus de surface à nettoyer !

Sauf qu'elle changea de sujet et me cloua le bec pour une bonne seconde. Dans le chariot abandonné d'une femme de chambre je trouvais de grandes serviettes que je partageais avec Nini. J'essuyais toutes les saletés qui s'étaient presque greffées à ma carrosserie.

-Il faut inspecter les chambres !

Je sortais mon miroir de sanctuari d'une poche interne et le fixais à mon bras. L'hôtelier n'eut d'autre choix que de nous rejoindre avec un passe partout (au cas où) et une mine renfrogné. Il n'était pas enjoué à l'idée de se farcir les chambres une à une au risque d'y trouver des mort-vivants en plus ou moins bon état selon le temps qu'ils sont restés enfermés à se décomposer là dedans.

-Nini, je te laisse la salle de bain finalement.

L'odeur putride me donnera un côté menaçant... ça et les métaux rutilants (un peu sales j'avoue) qui suffisent d'ordinaire à m'éviter les ennuis.
Nous commencerons par le dernier étage.

-On devra vérifier chaque pièce et chaque réduit, clair ?

Le vieil homme acquiesçait en tremblant.

-Si vous voyez un truc tituber, vous vous caler entre moi et Nini !

Il hocha vigoureusement du menton en signe de totale approbation. Les robots au casse-pipe à sa place, ça lui allait parfaitement.

Durant le temps passé au près de feu sa propriétaire, Nini avait appris une technique imparable quand il s'agissait de prendre une décision de groupe ou de régler un léger différent avec quelqu'un : faire la sourde oreille. Et c'est bien ce qu'elle fit, avec brio, lorsque son compagnon tenta avec moult galanterie et subtilité de lui disputer son droit à accaparer la salle de bain en première. L'androïde fit même mieux en y alliant une deuxième tactique de négociation unilatérale. Elle utilisa la fameuse et pratiquement imparable botte du "Je passe du coq à l'âne et je te détourne du sujet d'origine comme ça tu arrêtes de me casser les c... pieds". Que ce soit spontané ou calculé, inconscient ou pas, mentionner la possibilité que quelques cadavres affamés puissent se cacher dans un placard à balais de l'hôtel avait suffi à détourner Septembre de l'affaire de la salle de bain. C'était son coté sanctuari, représentant de l'ordre et défenseur des civiles, qui prenait le dessus. La preuve, il sortit même son miroir presque magique tout en prenant la tête des opérations. Après, bien évidemment, avoir étalés les fluides putrides des zombies partout sur sa carrosserie. Au moins, il n'avait plus de dents accrochées à ses plaques de métal...

Une belle et grande serviette à la main, douce et moelleuse, fleurant bon les orangers au printemps et l'assouplissant; Nini commença à s'essuyer. Avant de brusquement changer d'avis. Septembre lui laisser la priorité pour la salle de bain. Yeas! Un sourire à peine retenu illumina son visage tandis qu'elle ferma son poing en signe de victoire. Le beau, grand et fort androïde pas totalement fini allait remplir son rôle de mâle protecteur et pendant ce temps là, elle allait pouvoir prendre le temps de se faire un décrassage complet. Avec un peu de chance, elle allait même pouvoir mettre la radio pour profiter d'un véritable moment de détente et de coocooninng. Enfin, elle allait pouvoir véritablement commencer à profiter de ses vacances. Et là, son visage radieux fut marqué par la surprise et la révolte.

-Quoi? Mais... Mais non! Moi je vais me laver et trainer dans la salle de bain! Le programme c'est pas de jouer à la chasseuse de zombies! ...Oh d'accord, j'ai compris. Ça va, ça va. Je viens avec vous.

Nini avait cédé. Elle allait faire partie de la fine équipe d'inspection de l'hôtel. Bien que se prélasser dans sa chambre lui paraissait mille fois plus agréable, elle avait eu pitié du vieil homme qui devait certainement avoir la maladie de Parkinson vue comme tremblait dès qu'il entendait le moindre bruit. Le pauvre, il avait été au bord des larmes lorsque la fille mécanique avait protester. Il était tellement craintif et terrorisé, traumatisé à vie... L'androïde n'avait pas vraiment eu le choix face à ce maitre d'hôtel qui ressemblait de plus en plus à un enfant de 5 ans, se réveillant d'un cauchemar et qui a peur d'aller seul aux toilettes des fois que le croque-mitaine lui tende une embuscade. Après tout, elle avait été conçue pour aider les humains, pas pour les abandonner... Avec un regain d’énergie, Nini pointa le dernier arrivé du doigt et lui dit impérieusement :

-Toi aussi, tu viens avec nous.

L'inconnu avait dû se frotter à la horde de zombies avant de venir ici. Il avait même un trophée avec lui. Il devait savoir se débrouiller en terme de combat. S'ils tombaient sur des cadavres à exterminer, il pourrait sans aucun doute être utile. Même si Nini ne lui faisait pas encore tout à fait confiance.... Mais bon pour le moment il n'avait essayer de mordre personne, ce qui était un bon signe en soi.

Un "ting" délicat se fit entendre alors que les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Le maitre d'hôtel au un tressaillement avant de laisser s'échapper un léger soupir de soulagement : pas de zombies à l'intérieur. Le quatuor s'engouffrèrent dans l'appareil et filèrent au dernier étage sur un fond de musique classique. Frühling, de Mendelssohn. Un deuxième tintement et ils sortirent de la cabine. Venait maintenant le temps d'inspecter les différentes pièces, celles destinées aux clients comme celles réservées aux employés. Une chambre, deux chambres, trois chambres... Un couple pétrifié, une adolescente scotchée à la télé, un businessman accro au travail de mauvaise humeur... Pour l'instant tout allait bien et le maitre d'hôtel semblait retrouver son calme. Jusqu'à ce que que Nini, qui fermait le cortège entende un drôle de bruit. Curieuse, elle quitta son poste et s'éloigna quelque peu du groupe, essayant de trouver d'où venait des espèces de raclements et de gémissements. Elle tomba sur une porte de service, donnant sur des escaliers (certainement prévus en cas d'urgence). Porte qu'elle ouvrit, évidemment.

-Yiks! Septembre! On a des spécimens par ici!

Devant Nini, un groupe d'une douzaine de zombies. Ils étaient lents et moins solides qu'elle, ça elle l'avait déjà démontré. Mais à cet instant précis, elle n'avait pas d'arme et se retrouvait en infériorité numérique. Un replis stratégique était nécessaire. Elle revint rapidement sur ces pas, mais ce n'était pas suffisant. Le macchabée en pôle position lui attrapa les cheveux et la força à leur tenir compagnie. L'androïde laissa échapper un cri avant de rendre au mort-vivant la monnaie de sa pièce. Furieuse, elle se mit à le frapper de toutes ses forces. Retenir une fille en lui tirant les cheveux et en les salissant en plus, ça, c'était pas pardonnable. Et il l'apprit très vite. Et un premier coup de point dans ta tête. Un upper-cut qui brise l'os du nez. Un coup de coude qui termine de déchausser les dents. Un coup d'épaule violent qui te cloue au sol. Et une furie qui prend soin de te sauter sur le thorax puis le crâne à pieds joints. Et on termine de fracasser le front avec un bon coup de talon qu'on assène en y mettant toute sa force et tout son poids. Pour le bouquet final : une fresque style art moderne de cerveau pourri. Nini n'était peut-être pas un robot de combat, mais elle avait un mémoire pas mal de mouvements de self-défence grâce à son programme de survie et aux films qu'elle avait regardé. Avec ses capacités de calcul et d'analyse, appliquer ces quelques mouvements à une cible lente et déjà en piteuse état était parfaitement dans ses cordes... Sa proie annihilée, l'androïde retourna rapidement vers son groupe alors que deux autres zombies s'approchaient dangereusement d'elle.

-On dirait que les porte n'ont pas été fermées à temps!

-Quoi Septembre ?!

J’en étais à expliquer à une cliente de l’hôtel pourquoi nous faisons fouiller l’établissement. La harpie que nous venions de quitter avait retrouver tout son courage pour rouvrir la porte et nous tomber dessus avec des « c’est inadmissible, vu le prix qu’on paye… ».
Évidemment, quand elle eut quelques aperçus de ce qui pouvait sortir d’une tête de zombie quand un androïde lui frappe dessus, elle referma sa porte précipitamment et nous laissa tous les quatre, seuls dans le couloir avec nos nouveaux voisins.

Un juron m’échappait (une bordée fleurie même) quand les mort-vivants entreprirent de nous rejoindre.

Un grand vase au verre très épais plein de fleurs perdit ses pétales et son eau quand le contenant alla rencontrer son nouveau porteur. Le crâne céda rapidement après un ou deux coups dessus.
Pour tout avouer, je ne sais plus s’il s’est brisé au second ou au troisième coup.

Le guéridon à présent vide de toute décoration gagnait lui aussi quelques têtes. La première n’était plus qu’un tas d’os dans des guenilles, elle céda rapidement. La deuxième se frotta aux pieds maintenant brisé… Aussitôt fiché dans l’œil, le cadavre retomba sur le sol sans vie.
Le troisième… Mon guéridon était coincé dans une tête. Qui vint avec le meuble que je lançais sur l’autre mort-vivant. Heureusement pour moi, notre nouveau venu se chargea de finir le travail avec le pieds d’une chaise en guise de pieu.

Le petit groupe s’était bien amenuisé et le deux restant n’eurent aucune chance. Un plaquage plus tard. J’en avais terminé du cinquième de la bande. Le sixième perdit la tête entre l’interstice des portes d’ascenseurs.

Pour tout dire, je me suis retourné sur le maitre d’hôtel qui avait appuyé sur le bouton d’appel de l’ascenseur pile au bon moment.
Il était traumatisé mais drôlement fier de lui :

-Vous avez vu ça ! S’exclamait-il. D’un doigt !

-C’est ça, on se calme tueur de zombies, il faut vérifier la cage d’escalier et chaque couloir. Ça me m’étonnerait pas qu’il y en ai d’autres…

Pour le coup, sa joie s'évanouie.