Panic city ou celle qu'on appelle : la tour de l'harmonie

Ce type semblait trop chaleureux pour être honnête. Une trop forte poignet de main pour un prêtre, trop tendre pour un guerrier. Par ailleurs, il semblait rassuré – mais pas trop –, et bien heureux – mais pas trop non plus – de voir arriver des renforts pour sauvegarder sa belle tour. Enfin en imaginant qu’il était responsable de quoi que se soit ici …
C’est ainsi que, trempés, ils s’en allèrent dans une salle plus calme pour écouter le bonhomme déblatérer un nombre d’informations pour la plus part futiles et tintées de prières tout aussi inutiles. Pour ce qu’il en est de son intérieur, il faut bien avouer qu’il ne se refusait pas grand-chose le bougre, et même si pour l’heure, il n’en profitait guère – plus qu’en faisant les cent pas sur son beau tapis –, il était certain qu’en temps normal, Harmonie devait être une parfaite retraite.

Ayame fit discrètement volte face pour indiquer au deux jeunes gens que leur escapade sur Harmonie risquait de ne pas être une partie de plaisir, pour ne pas dire qu’elle finirait à coup sûr en eau de boudin. Bien qu’il n’ait rien d’un héro, et que ce genre de situation ne faisait pas partie de celle qu’il appréciait, Layfon ne se voyait pas non plus faire demi-tour et abandonner ce vieil homme à son sort. Quoi qu’il faille bien l’avouer, l’idée lui avait bien traversé l’esprit. Puis, l’idée de venir sur Harmonie ne lui était pas venu pour sa quiétude mais plutôt pour la curiosité l’environnent.
Reprenant une position debout, dans laquelle il se sentait plus à l’aise face à cet hypothétique prêtre surexcité, il prit la parole, en se déplaçant vers une fenêtre, le temps se gâtait de plus en plus :

« Et si vous nous expliquiez plus clairement comment tout cela a commencé ?
– Oui … oui … j’y venais bien sûr. Et bien, comme nous l’avons indiqué au messager, depuis un certain temps une bête saccage littéralement Harmonie. Au départ, elle se contentait de dévaster l’extérieur, nos jardins en souffraient, mais nos merveilleux ouvriers savaient parfaitement régler le problème. Ce genre de statut quo nous aurait bien suffit. Mais voilà, un jour un enfant a été blessé et à crier au loup, oui littéralement – ça en fait des littéralements. Depuis trois hommes ont été blessé et la bête ne se cantonne plus au jardin, elle dévaste notre belle tour, principalement les étages nuageux.
– La … « bête » ? C’est un animal ?
– Nous n’en savons rien, en fait personne ne l’a jamais vraiment vue. Lorsqu’elle nous apparait un nuage de fumés embrume notre regard et trouble nos sens, si bien qu’aucun des blessés n’a été capable de la décrire. Et j’ai bien peur qu’il s’agisse de l’un d’entre nous, malheureusement … C’est terrible, nous qui dépendons tant du soleil et de sa chaleur, nous n’avons plus le courage de grimper sur les terrasses. »

Bien étrange cette histoire. En somme, bien qu’il en dise beaucoup, il ne savait pas grand-chose … Mauvaise habitude. Par ailleurs, plus il l’écoutait plus le jeune homme trouvait le ton comme le comportement de l’homme faux, voir trop inquiet. Mais bon, à quoi bon le suspecter pour l’instant.
L’esprit s’octroya une petite pause, il espérait intimement qu’on lui propose une serviette et de quoi se sécher, mais il ne fallait pas trop rêver. « Occupez-vous de mon problème, pour le reste nous verrons après. ».
Observant à travers la fenêtre, il fut surpris de voir trois dalles ricocher violement contre la balustrade face à la fenêtre avant de s’enfoncer avec autant de force dans le sol. Il recula de quelques pas, en posture assez défensive.

« Je ne sais pas de quoi il retourne ici, mais j’espère que vous êtes bien assurés, les travaux vont vous coûter la peau des fesses, c’est K’ouen qui va être content », ironisa-t-il … Ironie d’un goût assez douteux. « Hurm, pour en revenir au sujet, le plus simple ne serait-il pas d’aller faire un tour là-haut. Après tout une petite brise pour expulser la fumer devrait suffire, non ? »

Spoiler:

Le bonhomme avait du culot, ils étaient là pour l’aider, et il ne coopérait franchement pas. Enfin l’esprit n’était pas vraiment là pour l’aider, mais à vrai dire il n’avait rien de mieux à faire étant donné qu’Harmonie ne lui livrerait pas ses petits secrets pour l’instant, à moins qu’il aille les chercher par lui-même. Mais pour en revenir au pseudo-prêtre, il eut vite fait de les éjecter de son bureau avec la diplomatie d’un barman de Magna, autant dire qu’il ne voulait plus de ses deux invités dans ses locaux. Layfon fronça des sourcils face à ce comportement plus que déplacé.
Toute fois, il fut vite rattrapé par Ayame, qui lui proposa de l’accompagner dans son investigation. Quoi répondre ? Comme il se le pensait plus tôt, il n’avait guère mieux à proposer, rien que l’idée de s’être déplacer jusqu’à Harmonie pour une poignet de clopinettes et la désobligeance de leur hôte avait le don de l’irriter.

« Grimper 106 étages, pour me lancer à la poursuite d’une bestiole vorace, qui n’attend probablement que la peau d’un petit esprit des vents … Pas très réjouissant comme affaire. Mais de toute façon avant que l’affaire soit réglée, je ne pourrais pas parcourir Harmonie tranquillement. Encore plus vu l’accueil. Donc je serais du voyage … Puis après tout la méchante bête n’est peut être pas celle que l’on croit », finit-il sur un ton plus que sarcastique, pic qui s’adressait tout particulièrement à leur hôte.

Ils mirent donc en route. Une chose est certaine, tour centenaire ou non, il serait bon qu’Harmonie s’équipe d’élévateur. Il n’arrivait pas à imaginer que des prêtres puissent grimper tant d’étages … Tous les jours.
Finalement arrivé au 76ème étage, légèrement essoufflé, l’esprit prit une grande inspiration, quel surprise pour lui qui s’attendait à un air particulièrement pur. Celui-ci était chargé de particules pas très ragoutantes, un mélange de suie et de cristaux de sable, sûrement en provenance du désert plus au sud. Il émit quelques éternuements salvateurs qui eurent le mérite de lui dégager les sinus, pendant ce temps Ayame évaluait les dégâts et corrélait l’état des lieux avec la nature hypothétique de la bête. En imaginant qu’il s’agisse d’une bête.

« Voler, voler, c’est un grand mot … Rien qu’au vent ascendant, qui m’ont l’air assez intermittents, la bestiole peu facilement planer jusqu’au sol, même un mage assez doué devrait en être capable … ‘fin peut être pas de cette hauteur … Pour ce qu’il en ait du froid, aucun doute là-dessus, il vaudrait mieux pour la créature qu’elle ait la peau dure, ou la capacité de réchauffer l’air ambiant. Ce qui ne m’étonnerait pas vu la suie dans le nuage expulsé par la ventilation. »

En imaginant que la bestiole soit dotée de quelques capacités « volcanique », un bassin central, ou même l’eau coulant le long des murs ne devaient sûrement pas offrir un environnement viable. Pourtant l’absence de marque de brûlures, ou de papier carbonisé pourrait discréditer ses dires, mais alors cette suie.
Par ailleurs le bassin était bien écorché certes, certaines de ses parties gisaient dans l’eau du bassin certes, mais l’eau quant à elle restait aussi limpide qu’elle devait l’être avant le carnage. Elle dégoulinait bien par ci par là, mais pas de quoi tuer ses résidants. A moins que ceux-ci soit mort d’une crise cardiaque, la cause devait être autre.

« Si on y réfléchie bien, elle ne dépasse pas la taille d’un humain normalement constitué, un point qui pourrait avérer la théorie de l’homme-bête soutenue par notre bon ami. Concernant le bassin en béton, son état laisse sous-entendre que la chose soit armée de griffe suffisamment solide. Si sa taille est réconfortante, cet aspect là ne me réjouit pas plus que ça. Par contre malgré les dégâts important, la bestiole est assez sélective. Après tout je ne vois pas trop de marque de griffures sur le sol, ni sur les murs, et à part quelques ouvrages, c’est plus l’eau qu’un esprit sauvage qui les ont détruit … Civique la bête, enfin si l’on occulte le carnage bien sûr. »

Autant dire qu’il n’y avait pas foison d’indices caractérisant la bête.

« Quand à faire fuir les habitants d’Harmonie, c’est une hypothèse, mais bien étrange. Après tout les gens ont vécu ici pendant un certain temps avec qu’elle ne se manifeste. Ou bien, certaines personnes ont peut être outrepassé leur territoire, voir dérobé quelque chose lui appartenant … Va savoir, on ne peut pas dire que les harmoniens soit très coopératif. Puis, des bouquins renversés … rage ou recherche, de quoi être partagé. »

Une chose est sûre, il fallait espérer que le 102ème étage soit non pas plus explicite, mais plus riche en informations. A part les conclusions d’Ayame, l’esprit ne notait pas grand-chose d’important dans cette salle, mis à part qu’il faudrait un petit bout de temps pour la remettre en état.

Il n’y avait rien de plus à tirer, et là-dessus ils étaient tous les deux d’accord. Et ne parlons pas du 106ème étage, aussi immaculé que les fesses d’un nourrisson.
De deux choses l’une, soit la bête fait preuve d’encore plus de civisme que ce que l’esprit voulait bien imaginer, soit on leur mettait des bâtons dans les roues. Et en plus d’être plus probable, la deuxième solution était bien plus frustrante. Ils ont envoyé une missive à K’ouen, ils savaient donc pertinemment que quelqu’un viendrait examiner les salles détruites. Il tombe sous le sens qu’on ne doit jamais toucher la scène du crime.

« La pièce … elle est trop rangée pour que ce soit honnête. Pourquoi nettoyer une pièce pleine d’indices alors que la tour en présente des centaines d’autres … et identiques. Ce qui soulève une autre question. Pourquoi si haut, mais surtout, pourquoi ces deux étages précisément ? »

Alors qu’il terminait sa phrase il était déjà dans l’escalier, derrière Ayame. La descente fut plus rapide que la montée. Tant qu’à faire, Layfon suggéra qu’il se sépare pour en apprendre plus, si tous les résidents se trouvaient sous le dôme – enfin pour la plus part – il serait judicieux de ratisser large.
D’autant plus que le jeune homme avait un fâcheux pressentiment. Il s’avéra exact, les habitants n’étaient pas très bavards. Certains semblaient sincèrement terrorisé par la situation, et uniquement par les faits. Chez d’autre par contre, la terreur n’était pas naturelle, ils ne voulaient pas parler, ou bien on le leur interdisait. Absurde, pourquoi bloquer une enquête menée par l’administration du miroir lui-même. Enfin, visiblement le bon sens quittait progressivement Harmonie, rien de bien étonnant.

L’esprit s’éloigna un peu, il était à la fois lassé et exaspéré, ce n’est que lorsqu’il entendit quelques notes qu’il se ressaisit, oubliant son flegme habituel. Dans une salle conjointe au dôme, une jeune femme, et un jeune homme aux oreilles de chat – Layfon était toujours surpris par la diversité de l’Entre Monde – s’exerçaient sur un clavier mal accordé. Il s’approcha, et de son doigt habile fit tinter l’une des touches au moment qui lui paraissait le plus faux.

« C’est mieux comme ça, non ?
– Ho oui bien mieux.
– Vous m’avez l’air bien détendu tout les deux, c’est pas l’habitude de la maison pourtant.
– … – pas de réponse.
– J’ai une petite question, est-ce que vous connaissiez les personnes qui se sont fait attaquer par la bête ?
– Pas vraiment …
– En fait, tout ce que je sais, c’est que ces personnes se sont fait attaquer parce qu’elles sont allées à sa rencontre ! C’est horrible …
– En tout cas, au moins l’un d’entre eux était quelqu’un d’important, je ne sais pas qui exactement, mais quelqu’un d’important.
– Intéressant, enfin des langues déliées. Dernière petite chose, qu’est-ce qu’il y avait au 102ème étage ?
– On n’en sait rien, la salle a toujours été fermée …
– Haa … vraiment. »

Maigres informations, mais intéressantes tout de même. Il les laissa, puis sortit de la tour pour tenter d’observer les étages qu’il avait visité avec un peu de chance il pourrait évaluer le point de chute de la bête, bête-humaine, enfin peu importe ce qu’elle était.
Intérieurement, il espérait tout de même qu’Ayame ait plus de chance que lui.

Spoiler:

Le temps c’était calmé, mais il n’allait pas tarder à faire nuit. Le jeune esprit n’attendait que cela, et aussi cynique que ça pouvait paraître, il espérait que quelqu’un se ferait attaquer, pas pour leur lancer à tous un : « Il fallait coopérer, on vous l’avait dit ! » − quoi que −, non, pour enfin voir de quoi il en retourne, et ne pas avoir comme seul indice à se mettre sous la dent, une pièce trop propre.
Il avait du mal à retrouver la fenêtre par laquelle la bestiole c’était enfuit. Mais, il se souvenait à peu près de la position de la salle. Evaluant le vent et en imaginant qu’il soit régulier au cours du temps, l’esprit approxima la direction vers laquelle elle se serait déplacée. Un bosquet, assez touffu, protégé et discret, parfait comme point de chute. Mais était-ce vraiment raisonnable d’imaginer une telle solution, non, bien sûr que non, il y avait trop d’incertitudes, trop de doutes pour l’affirmer.

Un moine vint à sa rencontre, en le convient à rentrer dans le dôme, qu’il n’était pas prudent de se promener maintenant. Et que s’il faisait du bruit il serait châtié, c’est l’heure de la prière qu’il disait, « Vous comprenez ? ». Non il ne comprenait pas, mais à quoi bon rétorquer à ce sujet.

« Tient ! Mais je me souviens d’vous, je vous ais croisé dans les escaliers. Je me demandais, pourquoi la salle que nous avons visité est normalement fermée au publique ?
− Fermée au publique ? Voyons nous ne sommes pas dans un moulin !
_ … Mouais, et qui en a les clefs habituellement ?
− Le Grand Intendant, c’est évident. » Il mit de grands accents sur le « Grand ».
« Hoo … Intéressant.
− En quoi ?
− Hé bien, je ne sais pas je trouve juste cela intéressant.
− Vous ne soupçonnez pas le Grand Intendant tout de même !
− … Je vous soupçonne tous … »

Suite à ces mots, il se renferma, comme s’il était vexé, outré … Peut être, mais puisqu’il refusait de lui expliquer ouvertement toute l’histoire c’est bien qu’il avait quelque chose à cacher. Pour Layfon c’était suffisant, lui, lorsqu’il a quelque chose à cacher, soit il le dit sur le ton de la rigolade, soit il ment, mais le silence c’est la pire des réponses.

« Dernière chose, qu’est-ce qu’il y a dans le bosquet un peu en contre bas ?
− Des arbres et des fleurs, mais nous nous y aventurons peu, des loups y rodent parfois.
− Qu’est-ce que vous y fichiez alors ?
− Vous posez trop de question, c’est énervant. »

Voilà qui mit totalement fin à l’échange. Il était tant pour l’esprit de rejoindre Ayame, de toute façon il n’en tirerait pas plus. Cette affaire était décidément bien trop louche, c’est limite à s’en demander pourquoi il se décarcassait à chercher dans le vent. La bête finirait bien par se manifester.

D’après Ayame, on les espionnait. Layfon ne s’en était pas vraiment rendu compte. Enfin, si, mais finalement il se sentait épié depuis leur arrivé sur Harmonie, donc il avait un peu oublié ce problème. Après tout la personne qui les espionnait finirait bien par sortir, d’une façon plus ou moins tonitruante d’ailleurs.

Ayame lui paraissait agacé, énervé, lassé. L’idée de quitter ce pays de fous lui serait-elle pasée par l’esprit. Quoi qu’il en soit, et malgré la sensation d’épiage d’Ayame, ils ressortirent de la tour. Le jeune esprit en profita pour faire le point sur ce qu’il avait pu apprendre au cours de ses interrogatoires. Questions assez males perçues d’ailleurs, enfin c’est ce qu’il en ressortait de ses cibles.

« Je n’ai pas réussi à apprendre grand-chose. C’est dingue comme les langues sont liées. Soit ils sont tous menacés, soit ils sont tous dans le même bateau, soit ils sont tous stupides au point d’obéir à un gourou … Peu importe. D’après deux gamins que j’ai croisé, l’un des hommes tués ces derniers jours devaient être important, ou bien il causait du tort à quelqu’un je n’en sais pas beaucoup plus. » Il fit une pause le temps de pointer le bosquet au loin … Enfin à quelques mètres de là. « J’ai essayé d’évaluer le point de chute d’une bête capable de voler ou de planer, et aux alentours je ne vois que ce bosquet comme possibilité. Je ne suis pas sûr de grand-chose, mais j’ai vu un prêtre sortir de là-bas et il ne semblait pas très fier. Je dirais même plus, il avait l’air assez gêné par mes questions. Alors, à moins que ce qu’il y faisait ne soit pas religieusement acceptable je pense qu’il cache quelque chose, comme tout le monde ici de toute façon. »

Laissant le temps à l’elfe de digérer son pavé, il fit quelques pas en arrière pour observer la tour, ça l’intriguait quand même beaucoup que des moines capables d’un tel prodige ne réussissent pas un coincer un animal isolé.
Le coupant dans toutes ses considérations, des hurlements vinrent interpeller l’administré et l’esprit. Pénétrant à nouveau dans le hall des étages inférieurs, ils virent un homme ensanglanté tomber dans les escaliers, suivit d’un moine à la toge rouge sanguine qui pointait faiblement du doigt nos deux investigateurs.

« C’est leur faute ! Ils apportent le malheur … Des démons ! »

C’était le pompon tient ! Maintenant c’était leur faute. Cette fois Layfon ne retint pas ses mots, il n’appréciait guère qu’on le qualifie de démon.

« C’est l’hôpital qui se fout royalement de la charité, nous étions dehors, et pas dans vos salles de prières … C’est hallucinant ça ! »

Ils allaient certainement devoir grimper encore de nombreux étages, mais des réponses allaient peut être enfin tomber !!

Spoiler: