Danse avec les loups.

Soudain les portes s'ouvrent et la lumière jaillit dans le tunnel sombre de l'Arène où j'ai attendu une bonne partie de la matinée. Vêtu uniquement d'une courte tunique blanche et de mon jean gris et usé, fermé avec ma ceinture, je m'approche pied nu de l'aire de combat, la main posée sur la crosse de mon revolver. Les rayons du soleil gagnent en intensité lorsque je sors enfin à l'air libre et la rumeur des spectateurs se change alors en applaudissements. Sans m'attarder sur l'ovation habituelle destinée à chaque combattant, je regarde et détaille toute l'Arène. Une zone circulaire, des murs trop hauts pour qu'on puisse y grimper au besoin, pas de relief. Une simple arène comme on en faisait aux premières années de ma vie.
"Si t'as b'soin d'sous, c'est vraiment là qu'faut qu't'ailles", m'avait dit le gérant de la taverne où j'avais logé de retour de ma dernière mission, alors que je cherchais de quoi me payer un nouveau sabre pour remplacer la tragique perte de l'ancien. "C't'endroit, on y combat pas à mort et l'ambiance est plutôt sympa", avait-il ajouté avant d'engloutir un autre verre d'un immonde alcool qui n'avait de vin que le nom. Mais il a beau ne pas avoir de goût pour ce qui concerne les bons vins, je lui suit en cette instant reconnaissant de m'avoir recommandé cet endroit. Un bon duel en perspective, peut-être une prime à la clé, et le feu d'un combat acharné pour clore le tout. Oui, je vais passer unn bon après-midi.
Les spectateurs, qui doivent tout juste sortir du repas, sont en forme et les applaudissements ne tarissent pas. Peut-être a-t-on annoncé le nom de mon adversaire, je n'ai pas fais attention, toujours est-il que le soleil brille haut dans le ciel et que le contact froid de la crosse de mon revolver contre ma paume distille en moi une sensation proche de l'excitation. Or je finis toujours par déconner quand je suis trop excité, aussi fais-je un effort pour me calmer. Et là j'attends, le sourire aux lèvres, le coeur battant, détendu, impatient.

- Allez amène-toi.

Ça lui manquait. Il avait beau afficher cet air parfaitement indifférent et placide, ça lui manquait. Pourquoi ? L'instinct, sans-doute. Et le fait même de se savoir au seuil d'un combat le réconfortait bizarrement. Il avait fermé les yeux, immobile comme une statue grise qui s'accordait d'ailleurs fort bien avec le décor. Les bras croisés sur sa poitrine, dans cette position typique qu'il adoptait si souvent, il attendait. Il entendait. La foule battre les gradins. Les pas pressés des employés, dans les sous-sol. Le rugissement de quelques uns de ses semblables, plus bas encore. Il sentait, l'odeur des pop-corn et de la sueur, les effluves quasi imperceptibles du sang, séché après les combats, la poussière lui chatouillant les narines, le vent lui ramenant des nouvelles du monde extérieur. Son adversaire s'appelait Marcus, d'après la voix à moitié étouffée par un public en liesse. Les présentations étaient faites, il n'avait plus qu'à s'avancer... et ainsi la statue de granit se mit-elle en mouvement, à la stupéfaction d'un badaud perdu dans les couloirs.

Ses pupilles se rétractèrent sous l'agression des rayons du soleil, mais il eut tout de même l'occasion d'apercevoir son adversaire.

Pas bien grand – en tous cas, pas pour une armoire à glace telle que Kallistrat – le poil comme le ramage des corbeaux, les yeux comme le feuillage des forêts, le cuir comme l'écorce des arbres et l'odeur reconnaissable entre toutes du canin, qui fait palpiter les narines du grand lion. Ah ! Ça s'annonçait bien ! Un combat entre chien et chat !

Les pattes plantées dans le sable et les bras légèrement écartés le long du corps, le Chertan était déjà prêt. Et autant dire que l'humiliation subie contre Wergeld avait de quoi le motiver pour cette esclandre amicale.

Impressionant. J'aurai pu utiliser une bonne douzaine de qualificatifs différents pour décrire la créature qui fit son entrée dans l'Arène, mais celui-ci, je pense, est le seul qui englobe parfaitement tous les aspects de l'être qui me faisait face. Une stature exceptionnelle, une aura de puissance simple, naturelle, et surtout un maintien et une concentration incroyables. Un Chertan. J'en avais déjà croisé quelques-uns au cours de mes voyages dans le Multivers. Il s'agit d'être parfaitement civilisé, mais qui, contrairement aux humains de mon monde d'origine, n'ont pas abandonné le système de valorisation par l'exploit physique et la force. Cela allait être un magnifique combat.
Je l'ai détaillé un instant plus précisément et, après m'être assuré qu'il ne possédait pas d'arme, lui ai lancé:

- Enchanté l'ami, et bonne chance.

Là-dessus, j'ai enlevé mon jean et ma ceinture, ne gardant qu'un caleçon, afin de ne pas les réduire en morceaux lors de ma transformation, et les ai déposé sur le sable de l'arène sous les rires de la foule massée autour de nous. J'ai changé de forme à ce moment-là.
Grandis d'une trentaine de centimètre, le corps recouvert d'une épaisse fourrure noire comme la nuit, les bras et les jambes devenus pattes terminées par de longues griffes, et la gueule garnie de crocs acérés, je lui ai retourné un véritable sourire de loup. Les huées de la foule redevinrent vivats lorsque je poussai vers le ciel un hurlement de joie. J'avais retrouvé mon état sauvage. Et le bonheur qui l'accompagne toujours. Sans plus de cérémonie, j'ai couru sur mon adversaires désigné, les bras écartés, tendus, prêts à jaillir, à une vitesse de loin supérieure à la normale, mais sûrement tout à fais habituelle pour celui qui me faisait face et qui avait déjà dû affronté des membres de son espèce. Arrivé à près de trois mètres de lui, j'ai bondis. Un saut vertigineux, puissant, et mortellement précis. Mes griffes et crocs luisants sous le soleil, ma fourrure frémissante de plaisir, et mon sang bouillonnant dans mes veines. On allait s'éclater.

Bonjour à vous, Kallistrat et Marcus. Je n'interviens que pour rappeler les règles de base aux joueurs.

Vous disposez d'une semaine pour poster ; le nombre de réponses n'est pas limité. Votre combat prendra fin le vendredi 30 Juillet au soir. Si vous souhaitez clore le combat avant cette date, avertissez moi par MP, je vous prie. La plèbe d'Entre-Monde aura le loisir de choisir le gagnant au cours d'un suffrage d'une semaine également.

Les règles sont inchangée : fair-play et entente entre les joueurs pour les blessures graves. Ne faites agir que votre personnage et non celui de votre adversaire, sauf s'il vous a donné son accord par MP ou autrement au préalable (peut être serait il sage de le préciser pour éviter qu'un modérateur tatillon ne vous accuse à tort de prendre trop de liberté).

N'abimez pas trop mon arène, vous risqueriez de le regretter.

Le gagnant du combat pourra poster une dernière fois après le résultat du suffrage pour narrer la fin du combat avant de venir chercher sa récompense. Attention, il ne s'agit pas d'un match à mort.

Bonne chance à tous les deux, et que le meilleur gagne.

Spoiler:

Pour toute réponse de la part du Chertan, un hochement de tête. Plaise à Marcus de l'interpréter comme bon lui semblera, c'était égal. Kallistrat n'était pas ici pour faire la causette de toute façon. Loin de lui l'idée de se montrer désagréable, mais il était concentré sur plus intéressant que les politesses d'usage dont il ignorait tout. Ses pupilles ne furent bientôt plus que deux minces fentes attentives dans son regard émeraude. Il aurait bien entamé les hostilités, mais l'autre en face s'était mis à gigoter, provoquant les réactions mitigées du public. Pour commencer, le fait qu'il se débarrasse de ses vêtements sembla rendre la foule hilare un moment – encore un concept qui devrait échapper à notre lionceau – jusqu'à ce qu'il revête son apparence animale. Et là, ce furent les sifflements de joie. L'excitation était à son comble et les encouragements fusaient de toute part, sous des formes parfois très fleuries. Ça promettait...

Kallistrat grimaça. Cette fourrure noire ne lui rappelait que trop Balban. Lorsqu'il vivait encore à Zosma, Balban était ce Chertan noir qui ne cessait de le provoquer en duel, et qui passait le plus clair de son temps à l'humilier. Plus fort que son « compagnon » de jeu au pelage gris, sûr de sa force, un peu arrogant aussi, Balban ne laissait à Kallistrat qu'un souvenir amer qui fit monter en lui la rage du combat. Pas de mise à mort, les règles étaient claires. D'ailleurs, Kallistrat ne tuait que pour se nourrir. Se défendre à la rigueur, lorsque sa vie était menacée. Les rixes, il connaissait, et Marcus ne lui faisait pas peur, aussi poilu qu'il soit. Lui aussi avait des griffes et des crocs. Lui aussi avait l'instinct entier des bêtes sauvages. En réalité, il ne pouvait pas rêver d'un meilleur adversaire.

Ses jambes se fléchirent, prêtes à résorber l'impact de la charge, l'œil vif, le cœur aux aguets. Puis il y eut un souffle. Court. Bref. L'air expulsé par l'effort d'une embardée. Il aurait pu esquiver, mais il n'en avait pas envie. Quitte à se lancer dans une esclandre bestiale, autant s'y donner à fond ! Alors il bondit à son tour, griffes et crocs dehors, se jetant comme une brute épaisse sur la poitrine de Marcus. Pas très technique. Ça risquait de faire un peu combat de catch, voir de chiffonnier, mais il avait envie d'un bon et gros impact, là, tout de suite. Et on verrait bien lequel des deux retomberait sur ses pattes.

Droit sur moi. Mon adversaire fonçait droit sur moi. Oh que, oui, nous allions nous faire très plaisir. J'avais déjà affronté des créatures plus grosses et fortes que lui lors de mes missions à l'extérieur de la ville, mais lui, il était doué de raison, et ce combat promettait d'être l'un des plus ardus de ma vie. Toujours est-il qu'à ce moment là, il ne se trouvait plus qu'à un petit mètre de moi, peut-être plus puissant physiquement que moi, et sûrement tout aussi intelligent.
Mais je ne fonce jamais tête baissée.

Alors que nos deux corps lancés à pleine vitesse allaient se heurter, alors qu'un murmure d'appréciation montait déjà des gradins et que alors même que je sentait déjà sa masse musculaire écrasante me percuter, je me suis à nouveau changer en humain. Réduisant ainsi ma taille et mon épaisseur de manière certaine, je pus éviter l'impact et me retrouvai, tout nu, à effectuer une roulade dans le sable de l'arène, roulant dans la poussière comme bien d'autre avant moi l'avait déjà fait.
Mais je n'ai pas perdu de temps à m'apesantir sur le contact incisif du sable sur ma peau ou sur les réactions diverses du publiques, et alors que mon adversaire se trouvait encore dans les airs, je retrouvai ma forme de Loup-garou et bondis de nouveau sur lui. L'ensemble de l'action n'avait pas dû durer plus de quelques petites secondes, et à présent c'était moi qui avait l'ascendant sur le Chertan puisqu'il me tournai le dos. Cela ne suffirait sûrement pas pour abattre un membre de son espèce, j'en avais conscience, mais moi aussi je sais me battre.
Et alors que je ne me trouvai qu'à un petit mètre de lui, mon bras se détendit, vif, griffu, dangereux... tout droit vers sa gorge.

En situation réelle, la survie et l'issue du combat étaient infiniment plus cruciales que l'appréciation de quelques badauds entassés dans des tribunes. Alors autant dire que les rumeurs, désapprobatrices ou non, Kallistrat ne les entendait plus depuis la seconde où il s'était jeté sur Marcus. En revanche, il prenait note de chaque infime détail du combat. Concentré et gorgé d'adrénaline, toute son attention était axée sur l'instant présent, sur son adversaire, sur ses mouvements, sur ses réactions. Anticiper et réagir à temps, c'était là tout ce qui comptait... et là... Grrrrrrr...

Encore un asticot !!!

Les crocs grincèrent dans la moue contrariée qu'il esquissa en sentant le corps de son adversaire se dérober sous l'impact du sien. Il n'était décidément pas en veine ces temps-ci, à ne tomber que sur des anguilles qui lui filaient entre les griffes. Y'en avait pas un qui voudrait bien avoir l'amabilité de se prendre une ou deux mandales sans s'agiter ? Pas le canin apparemment. Et il faudrait faire usage d'ingéniosité pour l'atteindre, comme lui-même le faisait pour esquiver les contacts trop brutaux. Kallistrat laissa échapper un grognement, bref, furieux. Ce sale vicelard, s'il avait pu se changer en souris, il ne se serait pas gêné, pas vrai ? Pas le temps de réfléchir... Marcus ne se battait pas comme Balban, et que ça plaise ou non au Chertan, il devrait s'adapter.

Derrière lui – et d'après le chant susurré par le sable – ça roulait. Et qui disait roulade, disait contre-attaque imminente. Marcus serait prêt avant lui, et il fallait s'attendre à un assaut. L'avantage, c'est qu'en reprenant sa forme humaine, il serait plus vulnérable et moins puissant. Kallistrat tourna ostensiblement la tête, s'ouvrant un champ de vision étroit vers son assaillant. Autant dire que la surprise fut de très mauvais goût lorsqu'il aperçu la forme noire se découper sur fond clair. De nouveau Loup-Garou, déjà ? D'accord ! Il voulait se la jouer bête sauvage, il jouerait bête sauvage. Pas contrariant le chaton... Son dos s'arrondit, les muscles de ses bras et de ses jambes se tendirent. POF ! Les quatre pattes dans le sable. Une grosse mèche de crin s'arracha sous le coup de la gifle infligée par Marcus. À quelques centimètres près, il lui tranchait la nuque. Heureusement que les règles précisaient « pas de mise à mort » !

Le bras droit tendu pour un appui incertain, il était temps de répliquer. La main gauche, le bras gauche, l'épaule gauche, tout l'ensemble balaya l'air horizontalement, direction les appuis du canin, et le torse du Chertan de pivoter sous l'impulsion, les jarrets fléchis, les genoux enfoncés dans cette plage sans océan. Pas très glorieux, mais il s'en moquait bien. Il n'était pas là pour le spectacle. Et pour être sûr que l'autre n'esquiverait pas, il poussa comme un dément sur ses cuisses pour se relever et emporter le corps sombre penché juste au-dessus de lui dans la chute... ou au minimum le déstabiliser.

J'avais échoué à lui saisir la gorge. C'est qu'en plus d'être fort, il était souple et vif le chaton. Fourrure noire et fourrure grise se découpant sur le sable blanc de l'arène, au milieu des relents de sang, de sueur, de peur et d'excitation que dégageait le sol et les gradins de l'arène du Ciel, nous avons vraiment commencé à nous battre. Le Chertan ouvrit les hostilités d'un balayage sauvage du bras gauche, droit sur mes points d'appuis, utilisant toute la vitesse et la puissance que lui offrait son corps pour me déstabiliser. Il voulait me voir rouler dans la poussière ? Soit.
J'ai attendu quelques fractions de secondes, suffisamment pour n'agir qu'au moment précis de l'impact, et, alors que son coup allait m'atteindre, j'ai poussé sur mes antérieures afin de tournoyer sur moi-même et détendu le bras droit. Augmentant ma vitesse de rotation grâce à la puissance de son coup, j'ai ignoré la douleur autant que faire se peut et ai frappé, toutes griffes dehors, droit sur son côté gauche.

Puis, après avoir roulé au sol et m'être relevé avec plus ou moins de difficulté, sans savoir si mon coup avait porté ou non, je me suis de nouveau jeté sur lui tandis que ma patte blessée, grâce à mes capacités de Lycanthrope, ne m'élançait déjà plus trop. Mes bras se sont tendus, avides de déchirer la chair et, comme nous étions de nouveau au contact l'un de l'autre, j'ai tenté de refermer mes mâchoires sur son épaule gauche. Et moi qui espérait encore, quelques instants seulement avant de mettre un pied dans l'arène, ne tomber que sur un combattant moyen, de carrure correcte, armé, que j'aurai pu mettre hors combat d'un tir de mon revolver. Voilà que je me retrouvai à faire jeu égal avec un colosse chertan qui m'aurait pris deux têtes si je ne m'étais pas changé en Loup-garou.
Chienne de vie aurait dit un ancien ami à moi, dans un autre temps, sur un autre monde. C'est le cas de le dire pensais-je à cette instant. Mais bon, comme on dit sur mon plan d'origine, show must go on.

Ah ! Encore raté ! Ce sale chien galeux se dérobait sous ses coups, esquivant avec maestria le moindre impact un peu violent. Que c'était agaçant ! Que ça le rendait dingue ! Et avant qu'il ait eu le temps de penser à une autres stratégie – y avait-il par ailleurs la moindre stratégie dans sa sauvagerie – il sentit la brûlure atroce de la chair se déchirant sur son flanc gauche. Moins surpris que furieux, il poussa un hurlement de douleur autant que de rage, sa voix rauque et profonde faisant vibrer les mouvements frémissants du vent. Dans les sous-sols, ses congénères lui répondirent et s'agitèrent surement, excitant d'avantage encore sa colère. Une grosse poignée de poils s'étaient arrachés, emportés dans une volée de sang. Il n'y avait bien que les prédateurs pour hurler autant à la douleur. Les proies se taisent, elles. Quelle idée d'attirer l'attention à soi lorsque l'on se retrouve en situation de faiblesse...?

La tête tourne à gauche, le faciès tendu sur une expression fichtrement énervée, et intercepte la seconde attaque. Il espère quoi, le canin ? Planter ses crocs dans la chair du Chertan ? Il n'a jamais vu un chien se faire lacérer la gueule par un chat acculé ? Pas de problème, il va lui montrer !

Les jambes s'écartent pour un appui plus sûr, le colosse ne bougera pas, et la patte gauche se plante férocement dans le sable. Tout va très vite, trop vite pour élaborer une technique. Seuls priment les réflexes. Ils sont un peu rouillés chez le grand chaton, mais reviennent à lui comme autant de gifles, boostés par l'adrénaline du combat. Le bras gauche s'avance et se fléchit en protection devant son épaule et le buste reste légèrement de biais pour résorber un éventuel choc. Surtout, derrière, là où la masse imposante de la poitrine suffit à dissimuler l'autre bras, le poing s'arme. D'avantage qu'un réflexe défensif désespéré pour ne pas avoir à subir une morsure imminente, c'est un bon crochet du droit qui siffle comme le vent, en plein sur la gueule armée de crocs. Y'en aura bien un ou deux qui sauteront, non ?

Bon, certes je venais de lui lacérer le flanc, et certes ses cris de rage excitait tout autant ma fibre sauvage qu'ils m'enjoignaient la prudence. Certes, je savais qu'il s'agissait d'un adversaire de taille, dur comme l'acier et mille fois plus souple. Et oui, j'avais compris que chacun de ses coups était porté avec toute la force et l'écrasante précision d'un prédateur du même gabarit que moi au meilleur de ma forme. Mais celle-là je m'attendais vraiment pas à ce qu'il me la colle en pleine gueule. Alors même que nous étions au contact, que je n'avais qu'à tendre le cou pour lui déchirer les chairs -ce que, d'ailleurs, je n'aurais pas dû faire- il avait russi à se mettre de profil et à me gratifier d'un coup de poing prodigieux que je fis tout mon possible pour esquiver.
Il est des fois où faire tout son possible ne suffit pas.
Assommé, attéré par l'éclair de fourrure grise qui venait de me traverser le visage, toujours accroché à mon adversaire, et puisque mes reflexes venait d'être sérieusement affaibli par l'impact, mon corps réagi plus lentement que d'habitude. Autant dire que lorsque je collai mes pattes arrières sur son poitrail afin de me propulser en arrière pour me mettre hors de sa portée, laissant au passage de sanglantes gravures de mon cru sur son torse, il s'en est fallu de peu qu'il ne profite de l'avantage conféré par son coup un peu trop... vif.

Il n'y avait plus entre nous que deux ou trois mètres, qui me paraissaient bien trop petits après avoir vu de quelles performances physiques était capable mon adversaire. Non mais, me tenir à une main. Du jamais vu. Mais bon, j'avais autre chose à faire que de m'appesantir sur le sujet. Il me fallait trouver une parade à ses coups monstrueux qui, même sous ma forme de Lycan', avaient réussi à m'envoyer à moitié dans les vappes. Et vite.
Comme le font les loups qui réfléchissent à une tactique avant de se jeter sur une proie, et sans le faire vraiment volontairement, je me suis mis à lui tourner autour, lentement, profitant au passage d'un peu de calme pour récupérer de la mandale qu'il venait de m'écraser sur le coin du nez. Pas de précipitation, mais pas de surplus de prudence non plus. Il allait me falloir bouger et attaquer en harmonie avec ses coups à lui, me fondre dans ses assauts pour entrer dans son aire de jeu. Bon bien sûr, dans la pratique, c'est souvent beaucoup plus difficile.
En un instant je me suis décidé, c'était maintenant ou on allait encore poireauter pendant des heures. Je suis jeté sur lui de front, bras légèrement écartés, le corps tendu dans l'attente délicieuse de l'impact, l'esprit concentré sur mon opposant et uniquement sur lui. Arrivé à un bras de lui, j'ai agi. Poussé avec mon membre postérieur gauche dans une frappe sur son côté gauche... et je me suis propulsé du postérieur droit à l'ultime instant, visant son faciès sauvage de mon poing serré utilisant l'ensemble de mes capacités pour lui porter un coup étonnant de vitesse et de puissance.
Et espérant pour que ça suffise.

Danse avec les loups.

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