Le Spectacle de Danse

Un spectacle de danse sous forme de concours à Tern? Depuis que l'info avait circulé au sein de la rédaction de Tern Channel 1, Syena ne tenait plus en place...intérieurement. Evidemment une journaliste de premier plan comme elle ne pouvait pas se permettre de montrer au grand jour son intérêt pour ce projet mais ce spectacle occupait toutes ses pensées.
Il la ramenait quelques années en arrières, avant de faire carrière, avant même d'arriver ici, quand sa vie était différente, une autre vie au sens propre.
C'était un défi, une folie. Il fallait qu'elle le fasse, pour se prouver quelque chose, pour mettre du piment dans son quotidien morne, qu'elle avait pourtant choisi mais parfois si dur à supporter.

Dans la note de service il était indiqué qu'une permanence des inscriptions au spectacle se tenait tous les midis dans la Salle Culturelle de Tern Centrale, un grand bâtiment à la fois circulaire et asymétrique, on ne pouvait pas le rater.

Syena prit la direction de la salle durant sa pause déjeuner.

Le hall résonnait et était étrangement silencieux, des plantes entouraient une sculpture-cascade en plein centre et des tableaux contemporains décoraient les murs. En levant le nez, Syena aperçut des salles de répétitions et des escaliers en colimaçon sur plusieurs étages. Elle n'avait pas eu souvent l'occasion de venir ici mais c'était un lieu qui lui inspirait confiance.
Une pancarte fléchée indiquait un comptoir sur la droite où on pouvait s'inscrire.
Miss Cole s'éclaircit la voix face à la standardiste, petite, cheveux courts et lunettes sur un nez pincé, elle n'avait pas l'air très accueillante.

-" Aheum...bonjour. Je suis là pour les inscriptions."

Et avant même que la bouche de la secrétaire, entrouverte par la surprise, ne laisse échapper un quelconque son, Syena posa un doigt sur sa bouche faisant mine de lui demander de se taire.

-" Je vous serai reconnaissante bien sûr de ne pas dire un mot de ma participation à ce spectacle, est-ce bien clair?"

Dolly Song de Holly Dolly

Une scène grandiose avait été érigée pour l'occasion dans le parc central de Tern, immense, avec une avancée comme sur les plus grandes scènes pour les plus grands artistes de l'Univers. La foule venue en masse se pressait déjà derrière les barrières qui bloquaient pour l'instant l'accès aux gradins. Tout autour du parc on ne distinguait plus le bitume tant les visiteurs était nombreux et la rue noire de monde.
On commençait à s'impatienter, il était 19h, la nuit commençait à tomber peu à peu, le show allait bientôt pouvoir démarrer.

Sous la scène un véritable bunker avait été aménagé pour la technique et les artistes, avec loges privées pour tous les participants au concours.
Sur l'une des portes on pouvait lire « Syena Cole, concurrente n°5 ».


Depuis une heure déjà je faisais les cents pas entre le fauteuil et le miroir, c'était vraiment une brillante idée cette inscription à ce concours. Pourtant j'avais l'habitude de parler à des milliers de gens, d'être devant les caméras et d'y être à l'aise. Mais ça n'avait rien à voir, je n'avais jamais les gens en face de moi, prêts à me dévisager et me juger en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.
La peur était mêlée à une sorte d'excitation agréable, qu'on appelait le trac. Je n'avais pas ressenti ça depuis des années, depuis que je n'étais plus monté sur scène, ça avait un arrière goût de nostalgie tout ça. Dans ma tête la chorégraphie que j'avais créé défilait sans arrêt, la musique choisie n'était pas des plus simples mais à mon sens j'avais plutôt bien réussi à m'en débrouiller.
Un coup d'oeil à l'holo-pendule accrochée au mur, 20h30. J'entendais déjà au-dessus de ma tête les pas résonnants des milliers de gens venus passer la soirée en famille, ils étaient bien eux, tranquilles. Plus possible de faire marche arrière, foutue boule dans la gorge je m'en serais bien passé de celle-là.
On toque à ma porte, un technicien avec un casque a moitié mis sur les oreilles apparaît dans l’entrebâillement.

« Miss Cole, on vous attend en coulisses, ouverture dans 10 minutes, la présentatrice vous annoncera avec le numéro 5, bonne chance ! » et il referme la porte derrière lui.

Je réajuste ma tenue et jette un dernier coup d'oeil à mon maquillage (il y a une telle couche que personne ne me reconnaîtra c'est certain), à vue de nez tout est ok. Un dernier petit échauffement pour mes petits muscles et roulez jeunesse, que la fête commence !



Premiers pas sur scène, dans le noir total, j'entends les cris du public qui se tait progressivement à mesure que mon cœur s'emballe dans ma poitrine.
Puis le silence total.
Les spots s'allument, les sifflements de l'intro puis les basses emplissent le parc et les alentours, c'est à moi.



Je sors du noir allongée sur un piédestal lumineux, les spots et les lasers créent sur scène une ambiance bleue électronique presque aveuglante. Dans la fumée émanant des diffuseurs, les holo-danseuses désignées pour cette soirée exécutent des mouvements robotiques au rythme de la musique.
Vétue d'une combinaison luminescente très près du corps, j'espère mettre de mon côté la gente masculine du concours.
Aux première notes, je descends de mon perchoir pour avancer sur le devant de la scène immitant les mouvement robotiques de mes danseuses. Regard déterminé, gestes précis, je distingue enfin mes spectateurs derrière la barrière de fumée et de lumières.

Je m'arrête net, prenant une pose de robot face à eux. Je suis alors rejointe par 6 danseurs à la musculature imposante, vêtus eux aussi de combinaisons moulantes lumineuses. « Et un point pour la gente féminine » me dis-je à la vue des sourires dans le public, tout en restant concentrée sur ma chorégraphie.

La musique reprend avec un instrument de plus et je danse alors en leur compagnie, je leur tourne autour usant de mon charme, ils me regardent, sont à mes pieds, nous reprenons les mouvements robotiques en groupe.

La musique arrive dans une partie plus douce, planante,
Je récupère très vite dans un coin de la scène un tissu voilé blanc éclatant et le fait virevolter autour de moi, mes danseurs me portent, je tournoie autour d'eux puis dans leurs bras comme dans une valse électronique.
Je lâche le tissu puis nouveau temps de danse robotique, la musique touche à sa fin, les notes se font lancinantes c'est le signal de la fin de ma prestation.

Les garçons me font une haie d'honneur, je regarde une dernière fois le public puis m'allonge à nouveau gracieusement sur mon piédestal au centre de la scène, où la lumière joue avec les contrastes. Les superbes danseurs sont près de moi, sur le sol, ils tendent les mains vers moi, à genoux comme des serviteurs à leur maîtresse.

C'est le moment de tout donner pour moi, sans lâcher du regard les spectateurs, je leur adresse un sourire malicieux, tend une main vers le ciel et détourne les yeux vers elle.

Silence et noir.

Grand-mère applaudit des deux mains et des pieds, avant de quitter son siège de videuse et de grimper sur scène. Se munissant d'un dictaphone (pourquoi prendre un micro? Ca consomme, ça pollue... C'est la crise les jeunes! Non mais!), elle se racla bruyamment une gorge largement encombrée de quelques meutes d'huîtres avant de grincer à l'intention du public.

- C'est ici que s'achève cette superbe représentation!
Nous remercions nos séduisants participants...

Elle décocha un sourire et un clin d'oeil à un Uriel fictif, poursuivit.

- ... et vous invitons à désigner celui d'entre eux qui a su vous séduire par sa prestation!

Un grand écran descendait derrière elle alors qu'elle parlait.
Reculant d'un pas, elle se le prit sur le coin de la tête et fût évacuer vers la fosse commune la plus proche.

L'écran afficha les noms de chaque participant, ainsi que leur chanson attitrée et leur score en temps réel.