Enfant sans famille cherche un foyer

Insouciant, Kénan me montre sans faire de cérémonie comment il a pu quitter le Sanctuaire sans se faire mal. Un peu inquiète malgré le fait qu’il semble avoir la situation bien en main, je le regarde monter puis descendre sans support solide. Notre monde est plein de surprises, je ne devrait même pas m’étonner de ce qu’il est capable de faire en fait… Mais bon, je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter qu’il puisse se faire mal involontairement.

Préparant tranquillement le repas, je continue de questionner le petit sur sa situation avant que je le rencontre. A l’écouter, il se débrouillait pas trop mal jusqu’à maintenant. Je me demande quand même pourquoi personne n’a eu l’idée d’appeler la Caserne en voyant un enfant seul comme lui… Il y a vraiment des gens qui n’en n’ont rien à faire du bien-être des autres ! Je l’ébouriffe un peu pour le rassurer.

Je n’en doute pas. Tu n’as pas l’air d’être un vilain garçon…

Je me concentre un instant, couteau à la main, pour le découpage de la viande afin de ne pas faire de morceaux trop épais ou trop fin. Je me suis vite rendue compte que l’utilisation du matériel “moderne” de la maison est bien moins pratique pour gérer la cuisson qu’un bon feu de camp. Ses questions sur ma vie avant d’arriver à la capitale me font rire. Elles sont si innocentes.

Je ne peux pas dire si c’était mieux, différent, ça s’est sûr mais mieux... je ne sais pas. Je vivais dans une grande tente avec ma maman l’hiver entouré de neige et de sapins. En hiver, tout est recouvert de neige, j’adore le paysage blanc et vert que cela créer.

C’est dommage que je n’ai rien pour lui montrer. Je ne peux pas m’engager à lui montrer la neige… Qui sait ce que Lin va me dire quand je l'appellerai.

La neige n’est pas si froide que ça. En tout cas, pas pour moi. Pour mes soeurs, beaucoup plus.

Les joies d’avoir héritée du côté polaire de la famille. Surveillant un peu Kénan pendant que je prépare les légumes, je remarque qu’il semble triste. Son murmure me permet de comprendre la raison de cette tristesse… Il ne semble pas se souvenir de sa vie avant le Sanctuaire. Situation compliquée pour un petit garçon comme lui. Je pose mon couteau et abandonne mes légumes le temps de le prendre dans mes bras.

Cela ne sert à rien de te forcer, ça reviendra quand ça reviendra. Et, tu vas t’en faire de nouveaux maintenant.

Je n’aime pas voir les enfants malheureux. Un enfant, ça doit courir, jouer et rigoler. Le reste n’est que superflus et gêne pour son développement. Il aura bien le temps de devenir adulte. J’ouvre un placard contenant de la vaisselle et propose au garçon de préparer la table pour manger.

Tu mets la table ? Le repas va bientôt être prêt.

J’attrape un poêle, une casserole et mon tamis en bois pour la cuisson vapeur. Je lance la cuisson des légumes sans attendre et assaisonne légèrement la viande.

Quelques minutes plus tard, la cuisson des légumes est bien avancée. Je démarre la cuisson des steaks de Vachin. Juste un aller-retours d’une trentaine de secondes sur chaque face.

Tu t’installes à table Kénan ? C’est presque prêt.

Toutes les cuissons prêtes, je place les légumes dans un plat et la viande dans une assiette avant d’emmener le tout à table.

Je sourie toute seule lorsque Kénan se dépêche de mettre la table. J’était beaucoup moins collaborative à son âge, préférant batifoler dans la neige plutôt que de faire à manger, ce qui n’a pas vraiment changer au demeurant. Je me dépêche de finir de préparer le repas afin qu’il puisse se mettre quelque chose sous la dent. A son âge, il faut respecter un certain rythme de vie pour qu’il puisse grandir correctement.

Appeler à s’installer autour de la table, il obéit sans poser un quelconque problème pendant que je dépose les plats devant lui. Enthousiaste, il complimente l’odeur qui se dégage des plats me faisant plaisir. La cuisine n’est pas mon fort, au grand damn de ma mère. Cuire un moutonphan à la broche, cela ne pose aucun problème. Faire un ragoût par contre… J’ai trop suivi mon père à la chasse étant petite selon elle. Je sers une bonne portion de légumes et un bon morceau de vachin au petit. Rien de tel qu’un repas équilibré composés de légumes verts et jaune et un bon morceau de viande rouge pour qu’un jeune renard fasse le plein d’énergie. Je le regarde s’attaquer avec entrain à son repas en me servant une part un peu plus importante. Je mange en silence jusqu’à ce qu’il reprenne la parole en évoquant ses problèmes de mémoire. Cela ne doit pas être simple d’avoir sans cesse des impressions de déjà vu mais de ne pas arriver à saisir pourquoi… Là-dessus, je ne peux pas grand chose pour lui, je ne m’y connait pas dans ce domaine et si le Sanctuaire n’a rien pu faire pour lui, je doute de pouvoir avoir un quelconque impact de toute façon.

Cela ne peut pas être mauvais signe, ça veut certainement dire que tes souvenirs sont encore là. Donnes leur le temps, ils reviendront avant même que tu t’en rende compte.

Me voulant rassurante, je m’avance peut-être un peu trop… Je quitte la table un instant pour aller chercher une bouteille d’eau puis sert un verre à chacun de nous pour essayer de cacher mon embarras. Je ne peux pas faire grand chose que lui offrir un toit pendant quelques jours… Peut-être que la solution serait de l’envoyer dans le clan de mon père, il y sera adopté par une famille aimante. Ici, je craint qu’il n’y ai que l’orphelinat qui l’attende vraiment. Chassant ses sombres réflexions, je l’observe manger avec appétit en réfléchissant à ce que je vais bien pouvoir dire à Lin. Elle va certainement me demander de l'amener soit à la Caserne, soit à l’orphelinat. Il m’a déjà dit qu’il ne voulait pas s’y rendre, il s’est déjà enfuis une fois. Il le refera sans problèmes si on essaye de lui faire ça…

Dis-moi, Kénan. Pourquoi tu ne veux pas aller à l’orphelinat ? Il y a plein d’autres enfants avec qui tu pourrais jouer là-bas.

Peut-être un souvenir qu’il a oublié, une mauvaise expérience qui à laisser sa trace...