Enfant sans famille cherche un foyer

La journée n’avait pas été des plus fructueuses. Aucune mission ne m’a donnée envie de partir en vadrouille… à moins que cela soit dû à la troupe de bonhomme peu aimable et au vocabulaire plutôt cru… Difficile à dire. Pour une fois, il n’y avait pas de petit-boulot dans une boutique à faire non-plus. Le calme plat. Depuis presque un mois, Lin ne quitte plus la Caserne qu’exceptionnellement et il est clair qu’elle déprime de savoir sa compagne en cellule. Ma proposition de sortir se balader ensemble avait été balayé en un instant malgré l’appui de son assistante. Finalement, je me suis contenté d’une longue promenade dans la plaine à l’est d’Entre-Monde. Promenade sans but particulier bien qu'il aurait été possible de chasser quelques lapins et autres rongeurs.

Revenue tard en ville, j’ai fait un détour en rentrant par l’épicerie pour compléter le contenu de mon réfrigérateur et des placards. Une chose que l’hybridation n’a pas changée et l'appétence du renard pour la viande, rien de mieux qu’une belle entrecôte de moutonphan. Impatiente de déguster mon steack de vachin, je trottine joyeusement en direction de ma petite maison, mon sac de course en kraft dans les bras. Une petite seconde de distraction pour regarder un bel homme me vaut de percuter un petit truc. Pour moi, le choc n’a pas été fort violent, juste un peu douloureux. Je baisse les yeux vers ce que j’ai percuté m’attendant à trouver un bête poteau ou un truc du genre. Enfin à tout sauf à un petit garçon recroquevillé au sol… Je m’agenouille à côté de lui et écarte doucement une mèche de cheveux, il a l’air tout petit.

ça va mon garçon ? Tu as mal quelque part ?

Il a l’air de se tenir le ventre mais je suis certaine que c’est sa tête qui a frappé contre ma poitrine. Gentiment, je lui caresse les cheveux.

ça va aller. Tu veux bien me dire où tu as mal ? Tu veux que je t’emmène voir un docteur ? J’en connais une très amusante avec de grande ailes de papillon.

Je n’aime pas voir des enfants prostrés comme cela… Un enfant, ça court, ça fait des bêtises, ça joue, ça ne reste pas allongé par terre…

Lentement le petit garçon semble se calmer. Comme tout petit garçon de son âge, il a une mignonne petite bouille. Je le laisse s’assoir sans le brusquer et sécher ses larmes. Je souris lorsqu’il me parle de Nabi, il la connaît déjà, cela n’en sera que plus simple s’il lui faut des soins. Je souris lorsqu’il me dit avoir mal au ventre mais que cela commence à aller mieux. Aurait-il manger trop de bonbon ? La gourmandise est un vilain défaut.

D’accord mon petit. Tu ne t’es pas cogner en tombant par terre ?

Mes oreilles virvoletaient d’un côté à l’autre guettant les pas des passants ou d’éventuelles montures. Remarquant mes oreilles, le petit garçon les pointe du doigt en me demandant quel type d’animal je suis. Encore une fois, la fascination des enfants pour les oreilles d’hybride me surprend. On pourrait presque croire que rien ne s’est produit juste avant… Je le laisse réfléchir un peu, si cela l’aide à ne plus avoir mal au ventre, c’est une bonne chose. D’un coup, il se présente. Je lui fait un grand sourire et me présente à mon tour.

Et moi, Maribelle Sylanne. Je suis une renarde polaire, un renarde qui vit dans les pays froid, très froid même.

Je regarde à droite puis à gauche espérant voir si des adultes ne serait pas à sa recherche. Il se fait tard et son petit sac à dos tend à m’inquiéter. J’espère qu’il n’a pas fait une fugue…

Il commence à se faire tard, tu veux que je te raccompagne jusque chez toi ?

Hors de question de laisser un si jeune enfant se promener tout seul dehors pendant la nuit. Ordae n’est pas un quartier mal famé mais il y a régulièrement des crimes quand même.

Comme tous les petits garçons que j’ai connu jusqu’à maintenant, il est trop mignon dans ses réactions. Je lui fait un grand sourire lorsqu’il fait un commentaire sur le fait qu’il ne fait pas assez froid en ville pour moi. Les enfants sont tous plus inventifs les uns que les autres et m’amuse beaucoup. Ma proposition de le raccompagner chez lui provoque une réaction que je n’aurait pas pu prévoir. Un air contrarié passe sur son visage, je crois que j’ai fait une bourde… Je l’écoute attentive à son explication. Je ne sais pas si je dois le croire… Il est encore petit, je doute qu’il puisse mentir aussi effrontément et il semble sincère. Est-ce que je dois l’amener à Lin ? Elle saura peut-être quoi faire dans cette situation avec son travail à la Caserne.

Au moment où je m'apprête à lui proposer de l’emmener jusqu’à mon amie, il saute sur ses pieds et me demande si je connais un endroit où il pourrait dormir au chaud et où nous sommes. Non, ce garçonnet n’a pas fugué… N’importe quel gamin de la ville connaît les différents quartiers de la ville.

On est à Ordae, le quartier aux maisons anciennes.

Je réfléchi à la meilleure solution pour ce petit, je ne peux pas le laisser dehors tout seul, cela est une certitude… Est-ce que l’emmener à la Caserne ne risque pas de lui faire peur même si Lin adore les enfants, cela pourrait l’effrayer et le faire fuir. Peut-être que le mieux est de l’emmener chez moi et d’appeler Lin pour qu’elle fasse le nécessaire pour qu’on retrouve la famille de ce petit garçon. Voyant qu’il frissonne malgré son manteau, je prend la décision de l’emmener chez moi, il y sera au chaud et aura un lit douillet pour dormir cette nuit. Je lui sourit lorsqu’il me demande comment je fais pour ne pas avoir froid avant de se répondre tout seul.

Eh oui, pour moi, il fait presque chaud là.

Je tend une main à Kénan.

Est-ce que tu veux dormir chez moi ce soir ? J'appellerai une amie pour qu’on essaye de retrouver ta famille, ça te dit ?

J’espère que Lin pourra faire quelque chose pour ce petit garçon… Ma maison n’est pas très loin, et il est clairement l’heure de manger pour un petit garçon.

Le regard du petit garçon s’illumine lorsque je lui propose de venir chez moi ce soir. Cela fait un moment que je n’ai pas vu un tel regard d’enfant. Mon départ du clan me coupe de tous les petits renards dont on me confiait souvent la garde. La curiosité de Kénan me fait sourire.

Pas très loin, j’ai une petite maisonnette à quelques rues d’ici.

Je me redresse et après avoir assurer mon paquet dans le creux de mon bras, nous prenons la direction de ma maison. Je reste néanmoins inquiète, ce petit accorde trop facilement sa confiance… Il a de la chance d’être tombée sur moi et pas sur une personne mal intentionnée. Je soupire lorsqu’il réagit à me remarque concernant mon appel à Lin. Il semble qu’il n’ai pas de famille… C’est problématique qu’il reste comme ça sans personne pour s’occuper de lui. La ville est trop dangereuse pour un enfant. Je n’ai pas vraiment de réponse à lui donner, la fermeture des miroirs a séparé beaucoup de familles.

On verra, mon amie a de la ressource.

Je me crispe en entendant le mot hôpital. Est-ce qu’il a besoin de soins rapidement ? Pourquoi est-ce qu’il était là-bas ? J’espère vraiment que Lin pourra m’en dire plus concernant ce petit garçon… Néanmoins, son innocence me tire un sourire. Il me supplie presque de ne pas l’emmener à l’orphelinat. Je ne sais pas ce qu’est cet endroit, dans mon clan, il y a assez peu d’enfants sans famille. Et si c’était le cas, une famille du clan l’adopte immédiatement. J’essaye néanmoins de le rassurer.

Ne t'inquiètes pas, ce n’est pas à l’ordre du jour.

On arrive rapidement devant ma petite maison. Des murs de pierre soutenu par de larges piliers en bois lui donne un aspect naturel que j’aime bien. Un peu de lierre pousse sur le mur apportant une petite touche de vert à la façade. J’ouvre rapidement la porte d’un tour de clé et invite Kénan à entrer. Je retire mes chaussures avant de m’avancer dans l’entrée en direction de la cuisine à droite. Petite entorse au caractère médiévale de la demeure, je range mes courses dans un petit module réfrigéré. C’est bien pratique pour la vie de tous les jours quand même… Je fais un rapide état des lieux de ma réserve de nourriture. A deux, cela ne durera pas plus de deux jours. Je rejoins mon petit invité dans l’entrée afin de l’aider à se défaire de son sac et de son manteau. Je pends son manteau à une patère et le guide jusqu’au salon, en face de la cuisine. Le salon se compose d’un petit canapé, pas forcément très confortable mais ayant l’avantage d’être déjà présent dans la maison, une table basse et une petite cheminée où un petit feu crépite en attendant d’être ravivé. Même si je ne craint pas le froid, j’apprécie l’ambiance chaleureuse d’un feu de bois. Juste à côté du salon, une table et quelques chaises attendent l’heure du repas. Repas qu’un certain petit garçon devrait déjà avoir prit. Je l’installe dans le canapé et le questionne à ce sujet.

Alors, dis-moi, as-tu déjà mangé ce soir ?

Même si Lin me demande d’amener Kénan à la Caserne, il est hors de question qu’il parte d’ici le ventre vide… Quelques questions me trotte par la tête depuis qu’il a évoqué l’hôpital.

Dis-moi, tu sais pourquoi tu étais à l’hôpital ? Comment tu t’es enfuis de là-bas ?

J’espère qu’il n’est pas gravement malade, cela me fenderai le coeur pour ce petit garçon.

Mes oreilles se dressent sur ma tête lorsque son ventre émet le grognement caractéristique d’un enfant affamé. Sa petite bouille me fait sourire lorsqu’il m’explique avoir oublier pendant qu’il jouait. Il est si mignon quand je le regarde comme ça.

D’accord, je vais te faire à manger alors. Tu aimes la viande de vachin ?

Personnellement, j’en raffole au même titre que toutes les viandes… Vient ensuite la réponse à ma question sur l’hôpital. Une réponse bien longue et pleine de l’innocence d’un petit garçon. Son histoire est plutôt cohérente même si je me demande comment on peut oublier un patient qui ne se réveille pas depuis 18 ans, c’est un peu leur travail au Sanctuaire. Je ne relève pas l’histoire d’esprit, il ressemble à un petit garçon tout à fait normal pour moi et c’est tout ce qui importe. Sa fuite de l’hôpital me fait écarquiller les yeux. D’un côté, j’admire sa capacité à analyser une situation, de l’autre, je m'inquiète de la façon dont il a pu se sortir indemne d’une fuite par la fenêtre.

Comment tu as fait pour sauter par la fenêtre ? Cela devait être haut.

Il vaut mieux que je sache, histoire de m’éviter une crise cardiaque inutile… Je me lève pour retourner vers la cuisine et commencer à préparer le repas.

Continue, je t’écoute.

Je réfléchit une seconde au menu que je vais lui faire ce soir. Est-ce qu’un menu de jeune renard ira pour lui… J’opte finalement sur le menu bébé renard. Ce n’est pas comme si j'avais mieux à proposer… Je me lance dans la préparation du repas débitant deux beaux steaks de vachin et quelques petits légumes cuit en vapeur. De quoi donner de l’énergie au carnivore que je suis. Pour la cuisson de la viande, une simple grillade saignante pour conserver un maximum le fer de la viande.

Tu habitais où depuis ton départ du Sanctuaire ?

J’essaye de grapiller quelques informations pour que Lin puisse l’identifier plus facilement même si je pense que le Sanctuaire a dû signaler sa disparition. Elle devrait pouvoir me dire ce que je dois faire de ce petit en un instant.