A la poursuite du chat perdu !

Leiline prend le temps de m’expliquer le fonctionnement de la bibliothèque concernant la prise de mission. En somme, c’est extrêmement simple, prendre l’affiche de la mission et s’inscrire au comptoir. Rien de bien sorcier. Enfin jusqu’à ce qu’un robot décide de me fourrer un formulaire dans les mains en me lançant une série d’instruction. Je me tourne vers Leiline et lui lance :

Il doit lui manquer quelques lignes de codes à ce pauvre robot.

Je prends le temps de remplir le formulaire en ajoutant mon nom et l’intitulé de la mission avant que ma comparse fasse de même. A la remise du document au comptoir, on nous remet un bon d’achat d’une valeur de 15 pims. Je me tourne vers Leiline et lui lance un regard désespéré… Je ne comprends plus rien… On nous paye une partie en avance pour la mission ?

Encore une fois, la femme-chat me tire d’un mauvais pas et m’évite de passer pour un simplet devant la bibliothécaire. Je me reconcentre sur la mission, je dois plus avoir l’air d’un poids que d’une aide quelconque…

Les propriétaires habitent le quartier de Ciel. On devrait peut-être commencer par leur rendre visite, histoire d’en apprendre plus sur les habitudes du chat. Avec de la chance, le chat est toujours sur l’ile volante.
Dans tous les cas, direction Ciel.

Nous rejoignons rapidement la station de montgolfière la plus proche pour monter au cieux.

Ciel, une île volante servant presque ville assimilée à un quartier d’Entre-Monde. Enfin île, mes jambes diraient plutôt continent après un quart d’heure à piétiner à la recherche de la demeure des propriétaires du fameux chat d’or…

Sacré maison au demeurant… Un peu trop voyante à mon goût, je préfère les demeures plus banales et passe partout… Surement un reste de notre vie de fugitif. Leiline fait une remarque tout à fait philosophique concernant la richesse de ces gens à laquelle je réponds ironiquement :

Je ne me pose même pas la question. La plupart du temps, les gens ignorent ce qui leur apparait peu significatif… Malheureusement un chat rentre souvent dans cette catégorie.

Portant au hasard mes yeux vers ses oreilles de chat, je me ravise :

Bien sûr, je parle des chats qui ne parle pas et encore moins des hybrides.

Leiline sonne à l’interphone sans attendre. Une voix nous répond… Ou plutôt un crissement désagréable de matériel bas de gamme mal réglé… Franchement, quand on a de l’argent, on fait les choses bien… L’hybride se tourne vers moi. Je hausse les épaules, visiblement, l’un comme l’autre, on a rien compris au message. Elle tente néanmoins d’annoncer le motif de notre visite et boum, sésame ouvres-toi ! La grille s’ouvre devant nous.

Je fais signe à Leiline de passer devant, les dames d’abord et essaye d’entamer une discussion plus volage avec elle pendant que nous remontons l’allée jusqu’à l’entrée de la villa.

Il y a peu, je suis tombé, plus ou moins par hasard, sur un site de sondage officieux dédié à la population de Cerclon. Il était question d’élire la plus belle femme d’Entre-Monde selon les habitants du quartier. Habitants majoritairement mécanique bien sûr. A votre avis, qui a bien pu être désignée comme la plus belle femme ?

Oui, les ragots, ça m’amuse. Enfin, ça amuse surtout Janis. Mais celui-là, c’est une perle surtout quand on est un peu physionomiste et que l’on retient bien les noms. Difficile de dire, si cela fera rire Leiline de savoir que 78% des habitants de Cerclon ont voté pour elle.

Que diriez-vous si je vous disais que c’est vous Leiline Devalle qui, je cite le document, est la femme la plus sexy d’Entre-Monde ? Toujours d’après ce sondage, ce serait vos oreilles qui attiserai la curiosité. A côté de ça, l’homme le plus sexy serait un certain Or Volrine… Je crois qu’il est le gérant d’un hôtel particulier.

Oui, cela m’amuse beaucoup de voir la réaction de Leiline. Oui à 69 ans, cela m’amuse toujours autant qu’un gamin. A peine le temps d’échanger trois mots que nous arrivons à l’entrée de la villa. Entrée ou plutôt hangar d’usine… Vu la taille, je dirai que nous sommes plus proche du hangar… Sol en marbre rose, tapis rouge et or, colonne par dizaine… Si ce n’est pas ce qu’on appelle un étalage de richesse.

Un petit robot se présente à nous. Un modèle C3PO de protocole, un modèle pour riche plus précisément… Il n’a pas le temps de nous accueillir qu’un cri retentit à l’autre bout du hall d’entrée.

Les voilà, enfin une équipe de recherche !

Je me penche sur le côté pour voir derrière le robot. Un gros homme s’approche en se dandinant. Vêtu d’un costume de roi-soleil, il s’avance difficilement en faisant de grand geste. Je me redresse et soupire. L’archétype du riche obèse avec une façon de s’habiller un peu en décaler de l’époque… Génial. Arrivé à notre hauteur, il s’exclame en s’étouffant à moitié :

Parfait ! Mon chat a été enlevé ! Vous devez faire quelque chose avant qu’il ne lui fasse du mal.

Pour appuyer son propos, il ne trouve rien de mieux que de saisir par les épaules et de me secouer comme un poirier. Le robot de protocole essaye d’intervenir tout en délicatesse :

Monsieur. Du calme, le jeune homme semble ne pas apprécier votre accueil chaleureux.

Foutu machine de protocole trop gentille… Malgré l’inutilité du robot, l’homme se décide à me lâcher et déclare :
Venez, allons dans mon bureau pour discuter de tout ça.

Va pour une petite promenade dans la villa tant qu’il n’essaye pas à nouveau de me secouer.

Le maitre des lieux nous améne directement à une bibliothèque. Certes, elle est bien pourvue mais la décoration est trop bling bling. Encore et toujours de l’étalage de richesse… Il nous invite à nous installer dans deux fauteuils plutôt confortables. Je laisse Leiline prendre la main sur l’entretien, elle a l’air de savoir poser les bonnes questions.
Notre homme pense donc à un vol par un mage. Visiblement, l’idée même d’avoir croisé un jour une personne dotée de pouvoirs le rebute. A moins qu’il ne parle de pauvreté… S’il savait où je me situe sur l’échelle de la richesse, il ne m’aurait même pas regardé à notre arrivée. Patient, je cherche des caméras dans la bibliothèque, les gens riches ont tendance à mettre des caméras partout pensant que cela les protégera.

Vous n’avez pas de système d’enregistrement numérique ?

L’homme me regarde incrédule et répond :

Nous n’avons pas ce genre de système archaique ici, jeune homme. Nous n’utilisons que la pointe de la pointe, notre sécurité est assurée par un système de robots soldats autonomes.

Mouais, si sa pointe de la pointe s’applique aussi à son interphone, on n’est pas rendu… Mais un de ses systèmes, bien paramétré présente très peu de failles. Encore faut-il qu’il soit bien configuré.

Je connais ces systèmes, ils emploient un noyau de stockage de toutes les données enregistrés par les robots. Pouvons-nous avoir accès à ces données ? Et aussi inspecter l’un des robots de l’équipe.

L’homme parait surpris par mes demandes mais se reprend et soupir :

Si cela vous chante mais mes employés ont déjà analysé les données et n’ont rien trouvé.

Il se penche derrière son bureau et sort une machine bizarre. Enfin bizarre, antique serai plus approprié… Il compose un numéro sur le cadran rotatif et porte le combiné à son oreille. Il donne rapidement quelques consignes avec un ton condescendant qui commence vraiment à m’insupporter. Il finit en nous annonçant que le robot de protocole C3PO nous guidera au centre de sécurité à la fin de notre entrevue.

Notre hôte, toujours aussi désagréable, nous emmène directement au Noyau et braille quelques ordres à ses robots incapables de se rebiffer contre un maître aussi désagréable.

L’homme partit, Leiline me confesse sa méconnaissance de ce genre de technologie. Il est vrai que ces technologies sont peu répandue et surtout incompréhensible pour un non-initié au codage. J’essaye de lui expliquer le principe :

Globalement, ces systèmes sont composés de deux sous-ensembles. Le noyau, ici présent, qui coordonne et contrôle l’Essaim. L’Essain est constitué d’une multitude de robots dotés de divers capteurs.

Je m’approche d’un écran et accède au système. L’entrée étant protégé, aucun code n’est nécessaire. Je commence par afficher le plan de circulation des robots représentant la maison et les trajets de chaque machine. La structure de ces plans est telle qu’ils sont bien souvent illisible et divisés entre plusieurs plans. Fort heureusement, ce n’est pas le cas ici. Après décryptage rapide, j’essaye de l’expliquer à Leiline :

Ici, on a le plan de circulation des robots. On y retrouve toute la programmation des machines et on peut ainsi vérifier la présence d’angles morts. Cette programmation est relativement simple, peu sécurisée mais ne présente pas trop d’angles morts.

Peu sécuritaire, pour ne pas dire carrément nul… Cela ne représente même pas un défi valable pour un apprenti hacker… Le jeu consistant à mettre en vrac ces systèmes de sécurité considéré quasi inviolables. Je m’assoie à l’un des moniteurs de contrôle et commence à faire le tri dans les données. J’écarte les enregistrements vidéo, trop long à étudié et me concentre sur les données chiffrées, le taux de décibel, le volume des objets en mouvement entre autres. Je fais défiler les données datant du jour de la disparition du chat. Il ne me faut que quelques secondes pour retracer les mouvements probables du chat durant la nuit.

Au vu des données, je dirais que le chat a disparu de la zone de surveillance vers deux heures du matin. Le système n’a pas détecté de présence présentant une taille supérieure à celle d’un chat. Ce chat a d’abord quitté le terrain de la villa avant d’être embarqué, ça ne nous avance finalement pas vraiment. Peut-être est-il vraiment allé se trouver une femelle en chaleur ?

Je me lève et rejoint Leiline. Il va nous falloir plus d’informations sur ce fameux mage… Mais l’idée d’avoir de nouveau affaire au propriétaire ne me plait guère. En tout cas, cette maison va rejoindre ma liste des endroits à fort potentiel. Nous retournons à son bureau où je le questionne :

Ce mage dont vous nous avez parlé tout à l’heure. Vous auriez de plus amples informations pour nous ? Nom, adresse par exemple ?

Je ne mange pas de ce pain, jeune homme ! Il habiterai à deux rues d’ici dans un infâme bouiboui selon les rumeurs.

Toujours aussi agréable de discuter avec lui. Autant prendre congé, il ne nous apportera pas vraiment plus d’informations.

Nous allons vous laisser. Nous reviendrons peut-être plus tard.

Je fais une révérence polie à l’homme et me dirige vers la sortie. Une petite visite chez ce mage s’impose. Une fois hors de la propriété de l’homme, je lâche à Leiline :

La richesse ne protège pas de la bêtise. Que diriez-vous d’aller rendre visite à ce mage ?

Avec de la chance, on trouvera un chat en Or. Au pire, on aura fait une ballade pour rien.

Leiline semble préoccupée par cette mission. D’un coup, elle me demande mon avis. Il est vrai qu’habitant proche du mage qu’il incrimine, il aurait pu aller chercher son chat directement lui-même. Je prends quelques secondes pour réfléchir à diverses hypothèses.
J’ai deux suppositions potentiellement valables. Notre homme a trop peur d’être envouté par le mage. Il déteste tellement la pauvreté qu’il n’est pas capable d’approcher la demeure du mage.

Finalement arrivé devant la demeure du mage désigné coupable par le riche propriétaire, je ne peux me retenir de rire lorsque Leiline s’avance sur le perron un immense sourire au lèvres. De mon point de vue, cela apparait tellement dérisoire. Avec des voisins mécaniques, vous pouvez leur faire des grimaces, ils s’en fichent tellement ! Un vieil homme nous accueille chaleureusement. Je note les tremblements de ses mains. Avec de tels tremblements et son âge, je doute qu’il soit capable de passer le système de sécurité aussi mauvais soit-il… Je laisse Leiline prendre les choses en main, la relation avec les autres, c’est plutôt le truc de Janis. Moi, je parle aux machines et de préférence avec un clavier entre elle et moi. Néanmoins, j’écoute les échanges entre eux. Echanges cordiaux au contraire de l’autre sale riche.

Et maintenant, voilà que le vieux accuse le riche de vol… On est bien parti avec ça… Mais Leiline semble bien séduite par l’idée de causer quelques problèmes à notre commendataire. Je me tourne vers l’homme avant que Leiline n’essaye de plaider la cause du vieil homme.

Auriez-vous une preuve de ce que vous avancez ?

On aurait peut-être dû commencer par là avec le riche. On aurait peut-être réglé vite fait la mission.

Bien sûr mon garçon, j’ai tous les documents d’identité de mon Garou ! Venez, je vais vous les montrer !

L’homme nous fait signe d’entré dans sa maison à sa suite. Je laisse passer Leiline et referme la porte derrière moi. La maison parait finalement moins délabrée vue de l’intérieur. Je suis ma comparse guidée par l’homme jusqu’à une sorte de bureau remplie de piles de documents un peu partout dans la pièce. Balayant du regard la pièce, je repère un chat doré roupillant en haut d’une armoire. Je montre le chat à Leiline tandis que le mage a le dos tourné.

Ah, les voilà ! Voici les papiers d’enregistrement de Garou. Il a été l’un des tout premiers animaux de compagnie de la ville ce brave matou.

Je récupère les documents qu’il me tend et jette un œil à leur contenu. Carte d’identification de l’animal avec numéro de série d’une puce biométrique, document d’enregistrement édité par l’administration de Ciel et une analyse descriptive de l’animal le jour de son enregistrement. Si le chat que nous cherchons est bien ce Garou, ces documents pourraient permettre d’établir un argumentaire pour vol contre le richou.