Re: [Voilier 03] - Speed Dating - Sous le regard des étoiles

Un tour libre disait t-elle ? Et bien soit. J’hésitais clairement à aller me rendre au wagon bar pour aller prendre un verre, mais ma curiosité me prenait … Je continuais de penser à Cygne et sa réaction avant que je parte. J’espérais vraiment ne pas l’avoir vexé.

Et je me disais qu’après tout, si c’est un déplacement libre, pourquoi ne pas le rejoindre à son voilier, voire lui proposer de boire un verre ? À peine de retour sur la Goutte, je retournais sur l’une des raies, la raie qui allait me faire rejoindre de nouveau ce fameux voilier trois.

J’arrivais sur les lieux, Cygne toujours présent à sa table, les champignons luminescent laissant une lumière tamisée. Je le regardais avec un large sourire aux lèvres, écartant le bras, mon haut de forme dans l’une de mes mains.

- Je t’ai manqué ?

Je laissai échapper un rire discret.

- Plus sérieusement … Tu accepterai de te joindre à moi au voilier bar ? Il semble que beaucoup de prétendant qui s’y soient déjà rendu. Je te laisserai retourner à ton voilier à la fin du tour.

William confirmait le ressenti de Cygne : il allait continuer d'éviter Magna. Il savait un peu se défendre, mais l'instinct de survie acquis sur les routes quand il était enfant lui avait surtout appris à éviter le danger. Aucune raison d'y plonger tête la première en allant visiter le quartier.

Il observa avec fascination le tour de William et toucha du bout du doigt l'une des fleurs.

"Ben ça. C'est juste un tour de passe-passe ? J'ai cru que c'était un des pouvoirs que vous pouviez imiter. C'est plus intéressant comme ça ! Et vous le faites bien, en plus."

Ça lui donnait envie d'essayer, tiens. Il chercherait peut-être un livre sur le sujet à la bibliothèque.

"Les machines à pince c'est moins mon truc, j'avoue. Qu'est-ce que c'est frustrant, ces trucs-là ! Mais les tape-taupes c'est très drôle. On y va quand vous voulez ! Ou peut-être qu'on s'y croisera, même, je suis souvent dans une salle d'arcade ou une autre."

Il se renversa dans sa chaise, avachi comme l'adolescent mal dégrossi qu'il était, et croisa les bras.

"En fait non, je suis né en Entre-Monde. Mon clan a traversé les Miroirs bien avant qu'ils se ferment. Ce n'est pas plus mal. Comme ça je n'ai jamais eu l'impression qu'il me manquait quelque chose, au contraire de mes parents, oncles et tantes, qui regrettent encore le pays."

Le signal de fin de tour flotta sur les vagues. Cygne se redressa et sourit à William.

"C'était sympa de vous rencontrer. J'espère que vous passerez une bonne fin de soirée !"

Une fois l'homme parti sur sa raie, Cygne se leva et s'étira. Bon, tour libre. Qu'est-ce qu'il allait faire maintenant ? Il regarda autour de lui. Il y avait une quantité surprenante de raies volantes en mouvement, et la majorité se dirigeait vers le voilier bar. Eh ben ! L'alcool social n'était donc pas une légende inventée par les adultes.

Il allait se décider à héler une raie quand il en aperçut une qui se dirigeait vers lui. Oh ! Quelqu'un lui rendait visite. Plutôt flatté, il attendit... jusqu'à reconnaître ce costume blanc qui se détachait dans la nuit.

Lorsque Tybalt arriva, il avait déjà recommencé à virer au violet.

"Re-salut," marmonna-t-il, mais il ne put s'empêcher de rire à sa propre réaction.

Tybalt ne s'était pas départi de son espièglerie. C'était un trait de caractère qu'il pouvait apprécier.

"Oh pourquoi pas ? Je pensais y aller aussi, je suis curieux de voir toutes les têtes que je n'ai pas encore croisées. Tu crois qu'on peut monter à deux sur les raies ?... Non hein, je pense que ce serait méchant pour elles. Attends, j'en appelle une autre."

Une des montures s'approcha et l'emporta volontiers loin de son voilier. Avec un peu de chance, personne ne chercherait à le rendre responsable pour les champignons qu'il laissait derrière lui...

J'étais ravi de voir que Cygne acceptait mon invitation. Après la fin de notre discussion, j'avais peur qu'il me prenne pour quelqu'un de trop entreprenant ou qu'il soit mort de honte entre temps.

Mais que fut mon étonnement lorsqu'il a proposé dans un premier temps de voyager ensemble sur la même raie. J'eu un haussement de sourcil et le regardait pour finalement conclure par un sourire lorsqu'il se décide à chercher une deuxième monture.

Il y a décidément quelque chose qui me plaît chez ce garçon, je vais me sentir obliger de trouver quoi maintenant.

Nous entamâmes la route en direction de la Goutte, chacun sur notre animal. Lorsque nous arrivâmes sur les lieux, Témari hurlait et des gros nuages sombres faisaient leur apparitions. Elle avait l'air furieuse, qui est l'imbécile qui a bien pu rendre notre Témari ronchonne comme ça ?

J'aidais Cygne a descendre de la raie qui l'a accompagné jusque ici et me dirigea vers le bar, notant toutes sortes de visages - aucun qui ne m'était familier.

- Dis moi Cygne, est ce que tu bois de l'alcool ?

Je pris un sourire faussement gêné.

- Je t'avoue avoir déjà commencé dans le précédent voilier pour ma part, mais promis, je saurai me modérer.

Je finis ma phrase d'un clin d'oeil complice.

"Waouh, y a de l'ambiance ici !"

Cygne baissa d'instinct la tête au passage de Temari. Il emboîta le pas à Tybalt tout en suivant la dragonne des yeux, notant avec une pointe d'inquiétude le mauvais temps qui s'annonçait. Il avait décidément vraiment bien fait de prendre son blouson.

"Oh, euh, non, pas d'alcool pour moi. Faudrait pas corrompre la jeunesse, tout ça."

Il adressa un grand sourire au barman qui l'avait servi plus tôt, lequel se contenta de hausser un sourcil et de lui verser un nouveau verre du même jus de fruit. Cygne se pencha vers Tybalt comme pour lui confier un secret crucial.

"En vrai, c'est pas comme si j'avais jamais essayé : un de mes oncles se débrouille toujours pour me refiler de la liqueur de cèpes aux réunions de famille. Mais franchement, c'est pas bon."

Il y avait effectivement pas mal de monde sur ce bateau. Pourtant, de ces précédents visiteurs, il ne reconnut que William. Il fut déçu de ne pas voir Alice. Avait-elle trouvé chaussure à son pied pendant la soirée ?

"En tout cas j'ai au moins réussi une chose ce soir : je n'ai plus le mal de mer. Comme quoi il suffisait que je m'habitue. Ton dernier tour s'est bien passé ? Ou le fait qu'il t'ait poussé à boire est-il un mauvais signe ?" plaisanta-t-il.

La jeunesse ? Cygne était si jeune que ça ? Certes il avait l'allure d'un jeune mais tout de même. Histoire de ne pas faire de mélange - c'est bien connu que c'est mauvais - je prenais le même alcool que sur le voilier de Richye tandis que le jeune homme prenait un simple jus de fruit.

J'écoutais intrigué Cygne que se rapproche de moi pour le parler à voix basse. J'haussais un sourcil accompagné d'un sourire amusé.

- De la liqueur de cèpes ? Je ne pensais pas que ça existait. C'est un rapport avec ton pouvoir je suppose ?

Je pris un sourire espiègle et ajouta à voix basse.

- Avoue que c'est parce que tu ne tiens pas l'alcool.

Je pris une gorgé de ma boisson tout en analysant chacune des tables occupées. Les participants étaient très diversifiés et je me rendis compte que finalement, je n'ai rencontré qu'une partie infime des participants alors que certains partaient déjà.

Mon regard retourne sur le visage de Cygne en riant.

- Tu n'avais pas l'air d'être malade quand je suis arrivé en tout cas.

Une autre gorgé puis je répondis à sa question sur mon précédent tour.

- Ça s'est très bien passé, c'est juste que vous avions soif lui comme moi. Et toi alors ? Ton tour après moi s'est bien passé ?

Cygne roula des yeux de manière très expressive.

"Ouais, dans ma famille, si ça n'a pas un rapport de près ou de loin avec les champignons ça ne vaut pas le coup. Et bon... c'est vrai que personne ne m'a jamais forcé à en boire, et oui, j'ai fini pompette plus d'une fois," avoua-t-il. "L'âge bête, tu sais. C'est dégueulasse, mais comme on fait ça dans le dos des parents, ça rajoute un goût d'interdit pas désagréable. Ceci dit, ça a perdu de sa saveur avec le temps, donc maintenant j'évite Oncle Parviluteus comme la peste jusqu'à ce qu'il se fasse inévitablement prendre la main dans le sac par Maman."

Son visage s'éclaira comme il réalisait quelque chose.

"Mais en même temps, la gnôle de l'oncle est super forte, donc si ça se trouve je tiens très bien l'alcool normal, quand il est servi par des barmans responsables et pas un oncle alcoolique qui te remplit ton verre à ras bord à chaque fois. Ha ! T'as aucune preuve du contraire."

Et peut-être que ça vaudrait le coup de tester cette théorie un jour. Pas ce soir, cependant, sur un bateau rempli d'inconnus venus chercher une compagnie plus ou moins innocente pour la nuit. Cygne aimait bien Tybalt, mais une demi-heure de conversation, c'était un peu court pour lui faire une confiance aveugle et attendre de lui qu'il joue les chaperons si l'adolescent finissait avec un coup dans le nez.

"Ça va, le visiteur après toi était assez curieux - dans les deux sens du terme - mais la conversation n'était pas désagréable. On a parlé de Magna ! Je vais rester sur mon impression première et ne pas y mettre les pieds, je crois."

Cygne "pompette" ? Ça devait être drôle à voir tiens ! Je riais de ses remarques à pleine dent.

- Effectivement je n'ai aucune preuve. - j'hochais la tête - Mais qui sait, un jour.

Mon verre aux lèvres, je souriais au jeune homme avec espièglerie, espérant encore une autre réaction de sa part. C'était peut-être m'avancer mais je me disais que Cygne et moi aurions d'autres occasions de nous revoir dans le futur. Pas forcément pour boire comme des trous bien évidemment.

- J'avoue être de ton avis pour Magna. Pour y avoir déjà mit les pieds, j'éviterai dans hésiter d'y retourner. C'est pas contre ton bonhomme, mais je suis curieux de savoir comment des personnes décident d'y vivre.

Après une gorgé de mon verre je changeais de suite de conversation. Parler de ce quartier n'en valait pas la peine.

- Mais dis moi. Tu m'as expliqué habiter encore chez tes parents, c'est que tu dois être plutôt jeune non ? Après ça justifie pourquoi tu viens ici juste pour les rencontres mais tout de même, tes parents ça ne les dérange pas que tu viennes à ce genre d'événement ?

Je devais admettre qu'avec l'alcool, ma langue se déliais à une vitesse record. Surtout que je partais sur des sujet peut-être un peu trop personnel à son goût. À voir s'il acceptait de me répondre.

Cygne trouva une table libre et hissa ses fesses dessus. Ses pieds se posèrent sur l'assise d'une chaise tandis qu'il vidait la moitié de son verre, pensif. Il n'allait pas s'étendre sur ce que lui avait dit William, ç'aurait été indiscret et ça ne regardait pas Tybalt. Mais entendre son compagnon parler de choix quand il était évident que William n'en avait eu aucun lui avait laissé un goût désagréable dans la bouche. Quand il était jeune, Cygne aussi avait connu la pauvreté. Il avait trop souvent tendance à essayer d'oublier cette partie de sa vie plutôt que de se sentir reconnaissant à ses parents de les avoir tirés de là.

Tybalt dévia justement la conversation sur sa famille. Cygne se fendit d'un large sourire.

"Tu rigoles, si une jolie fille passe devant la maison c'est à peine si ma mère ne la traîne pas à l'intérieur pour me la présenter !"

Il laissa échapper un éclat de rire.

"On est très traditionnalistes chez moi. À mon âge, ma grande sœur sortait déjà depuis longtemps avec son futur mari. Ils se sont mariés le jour de sa majorité et là les premiers gosses sont en route. Normalement, après, c'est mon tour... Mais ma mère a du mal à digérer que son cadet n'a aucun intérêt pour la vie de bon père de famille. Franchement, tu me vois en employé de bureau rentrant tous les soirs faire la bise aux marmots et me mettre les pieds sous la table ?" Non, Cygne n'était pas un grand fan de son beau-frère. "Et puis zut, j'ai que 30 ans. Je m'occuperai d'être sérieux quand je serai adulte."

Il se pencha pour enfoncer un index joueur dans les côtes de Tybalt.

"Et toi alors ? Famille, proches en tout genre ?"

Décidément, il aimait bien Tybalt. C'était le genre d'individus dont Cygne aimait s'entourer : toujours de bonne humeur, la conversation facile, aussi libre d'esprit que Cygne lui-même. À défaut de pouvoir présenter sa future belle-fille à sa mère ce soir, il aurait au moins trouvé un nouvel ami.

Tandis que Cygne s'asseyait directement sur l'une des tables du bar, j'en fit de même et m'installa sur une chaise, jambes bien tendues devant moi, ma chaise se balançant un peu vers l'arrière.

Je ne connaissais pas ses parents mais à première vu, ils ont l'air d'être sévère dans sa famille, voire fous … ou bien les deux ? Cygne a l'air d'être le vilain petit canard de la famille et c'était amusant de le voir tenir tête à leurs idéaux. J'ai souvent observé que les jeunes humains avaient tendances à se rebeller contre leurs parents au alentours des quinze ans. La différence étant que Cygne en avait trente et à ce moment je me suis posé de sérieuses questions … Était-ce ses origines qui voulaient ça ?

Riant légèrement à son petit geste enfantin, je le regardais dans les yeux et lui répondis d'une voix posée.

- Et bien … C'est difficile. Je suis un Qilin à la base, donc la notion de famille est quasi inexistante. Un Qilin est bien le fruit de deux autres Qilins mais c'est très abstrait … Nous étions des créatures mythiques et plutôt rares dans la monde ou je vivais.

Je laissais échapper un rire.

- L'histoire des Qilins est plutôt longue et compliqué on va dire. Mais mon statut de Qilin de l'illusion m'a permit de prendre une apparence humaine et de me fondre parmi eux pour en connaître les coutumes, les personnalités, les sentiments …

Je repris enfin mon sourire espiègle.

- D'ailleurs en parlant de sentiments, tu en as déjà eu pour quelqu'un ?

Mouais, ça ne répondait pas vraiment à la question... Pas d'amis ou de connaissances à évoquer ? Cygne en conclut que Tybalt ne s'était somme toute pas vraiment créé de réseau de relations même après toutes ces années en Entre-Monde. Peut-être avait-il l'habitude de garder ses distances à force d'être le seul Qilin parmi les humains de son monde. Cygne en fut un peu attristé. Mais peut-être que Tybalt ne souhaitait simplement pas lui répondre, ou bien les Qilins n'avaient pas les mêmes besoins sociaux que les fées.

"Ça a l'air un peu solitaire comme existence," se contenta-t-il d'observer.

Puis il se trémoussa sur sa table en ouvrant de grands yeux dramatiques.

"Hééé, quoi, on en est déjà aux discussions de cour de récré ?"

Il poussa du pied la chaise de Tybalt, menaçant son équilibre en guise de représailles.

"J'ai toutes sortes de sentiments pour toutes sortes de gens," répondit-il en se drapant de fausse dignité, nez levé vers le ciel. "Mais puisque je suppose que tu parles de sentiments romantiques, et bien que ça ne te regarde pas, grand curieux : non, jamais. Mais je ne suis pas pressé. Mieux vaut être seul que mal accompagné, tout ça."

Un coup d’œil rapide à l'heure lui apprit que la soirée allait bientôt se terminer. Et que les nuages approchaient dangereusement.