La ruelle aux milles étoiles

J'avais évité Pingoo, si on devait élire un surnom contenant le moins d'honneur possible et signe que tout respect a disparu, je crois que celui là aurait la palme.

-Pourquoi me battre si ce n'est pas nécessaire pour survivre ? Ils voulaient des choses que je leur aurais laissé.

La mousse déferla sur mes lèvres, sur ma langue, elle crépitait joyeusement et s'écoulait en torrent amer dans ma gorge. Je déglutis lentement, savourant le sucre et l'alcool, les gaz courant dans ma bouche.
Je ne buvais qu'une seule bière, au delà ce n'était pas utile, elle m'aurait fait perdre mes réflexes et comme elle le disait si bien, un vieux dragon millénaire baratineur sommeillait en moi.
Pas du genre à s’enivrer après avoir manqué de se faire tuer.

La bière aidant, je remarquais facilement que je m'étais transformé au moment où sa vie était en danger. Ni la ruelle, ni la cave ne m'avait convaincu de révéler ma nature. Comète avait réussi cet exploit en se faisant capturer. Je suis un dragon sensible, des générations de dragons tueurs doivent se retourner dans leurs tombes. Pour ceux qui en ont eu une.

-Ce ne sont que des objets.

Je finissais ma bière, bras croisés sur le bar je payais les consommations de la jeune femme que l'adrénaline avait quitté. Dans cette atmosphère humaine, sous la lumière blafarde des néons, elle m'apparue comme une étoile perdue, un peu éteinte. Je la sentais fatiguée, sûrement était-ce dû à son visage posé sur son poing fermé. Elle venait de rajeunir brutalement, me rappelant qu'il s'agissait d'une humaine, tout juste sortie de l'enfance.

-On évitera les chasses. Mais ça veut dire aller à la bibliothèque. On pourrait y aller aux heures nocturnes ou attendre demain.

Rivant mon regard au sien, je voulais mettre une chose au clair :

-tuer des gens ce n'est pas dans mes valeurs. Alors, si tu veux on verra pour une mission de secours, mais j'irais pas au quatrième. Ok ?

Deux phrases martelées d'une voix basse, un dragon millénaire d'un autre temps avoua à une enfant des rues qu'il était un bon bougre malgré les écailles et surtout, il en savait assez sur Magna et ses coutumes pour savoir qui se dissimule au quatrième étage de la tour du savoir.

- Ouai mais il ce serait pas arrêté à ça, je les connais les lascars de ce genre, il t’aurais surement tabassé même après avoir eut ce qu’ils voulaient, tout ça pour se sentir puissant.

Elle nota qu’il ne cherchait pas à boire plus que ça. Sa bière n’était pas encore à la moitié quand elle porta la deuxième à ses lèvres. Avez t’il peur de perdre le contrôle et de lui dévoiler son véritable visage ? Ses véritables pensées ? Même s’il lui avait montré sa nature draconique, un mystère planait toujours autour d’Aeldrynn, que renferme t’il ?

Ce mystère attisait la curiosité de Kim. Il était rare qu’elle s’intéresse à quelqu’un d’autre… Son univers entier tournait autour d’Esmée toute personne étrangère était considéré comme un danger… Enfin du moins ça c’était avant.
Comment était elle sensée appréhender les autres maintenant ? Et l’appréhender lui ?

Ael était d’accord pour éviter les chasses et mit également les choses au clair sur les missions illégales. Elle trouva ça étonnant étant donné qu’il s’était rencontré dans un quartier malfamé, elle était persuadée d’avoir affaire à quelqu’un de pas tout à fait clair. En tout cas ça confirmait qu’elle ne s’était pas trompée en allant le secourir même si c’était inutile.

- Marché conclue alors, pas de chasse ni de quatrième étage.

Elle sirota sa bière avant de continuer

- Dommage qu’ils ne proposent pas de combat régulier à la bibliothèque. Ce serai des pims facile. Tu fais quoi pour gagner ta vie si ce n’est pas indiscret ?

Elle voyait déjà le fond de son verre, elle avait une descente à faire frémir un pilier de comptoire… Elle se sentait de plus en plus absente comme dissociait de son corps. Ça lui faisait un bien fou, comme si sa vie n’était plus la sienne, comme si ce qu’il lui était arrivé était arrivé à une autre, qu’elle pouvait dévisager avec le regard compatissant de ceux qui ne peuvent pas comprendre.

Elle regarda Aeldrynn avec un grand sourire, ses lumières se mettant à clignoter sans même qu’elle ait cherché à les allumer, un effet indésirable de l’alcool.

- Si tu veux savoir, je suis une championne dans ma catégorie de combat ! clama t’elle fièrement, d’une voix assez forte pour attirer tout les regard vers eux.

Elle le regarda avec une passion brulante dans le regard, elle avait envie de jouer d’un seul coup, de se mesurer à lui, elle se dit que c’était encore le meilleur moyen d’apprendre à le connaître.

- Ça serait bien qu’on s’affronte, qu’est ce que….

Elle s’écroula sur le comptoir, endormie, ses lumières s’éteignant, elles avaient achevé de puiser son énergie.

Ciel proposait des combats réguliers, l'arène y était devenue ma maison ces dernières années, je n'étais pas célèbre pour un sous mais j'y avais mes habitudes. Des victoires et des défaites, assez pour mettre de l'argent de côté. A ciel, la vie est chère, plus chère qu'à Magna. C'est ce que je pensais en quittant le quartier de l'arène pour changer de vie.

-Avant, j'étais gladiateur.

Elle était fière d'être une combattante, j'étais honteux de l'avoir été si longtemps. Elle piquait du nez et toute la force de son regard ne la maintenait plus éveillée. Elle s'endormie, épuisée, sur le comptoir.

Je levais la main faisant venir le barman robotique.

-Vous avez une chambre de libre ce soir ?

Un concert de cliquetis, le roulis de ses rouages usés, l'homme fait de métal cessa toute activité pendant quelques secondes. Un sourire ne le faisait pas dévier de son objectif, lequel, un mystère. Les secondes coulées comme une pression fraîche, il s'éloigna sans un mot. Je ne voulais pas le retenir, je ne pouvais pas. J'étais avec une jeune inconnue nommée Kim, Comète, voyageant aux pays des rêves.
Le maitre d'hôtel me fit sursauter. Le robot avait l'allure affable du commerçant, dans son regard vide, je devinais les optiques brillantes et les caméras tournant à plein régime. On filmait, on scrutait le détrousseur que j'étais. Tous voulaient ma photo en première page de leur registre interne.

-Voulez-vous de l'aide pour porter madame ?

ça va aller, elle est légère. Soulevée avec la délicatesse d'un dragon des mers pour ne pas la réveiller, j'allais la déposer dans la chambre. Le maitre d'hôtel sur mes talons.
Il était si tard, le robot n'avait rien de mieux à faire. Il nous ouvrit et depuis le couloir me demanda :

-Désirez-vous une chambre également ?

Non. Je le rejoignis, lançais la clef à l’intérieur et fermais la porte derrière moi. Je le suivais jusqu'au rez-de-chaussée, me commandant une autre bière. Là, un siège libre, un trône dans la salle bondée. J'allais passer le temps jusqu'au lendemain. Les hommes, les femmes, les créatures partageaient tout du rire aux larmes.
On m'a dit un jour que les humains étaient les créatures les plus compliquées qui soient. Par prudence et sûrement par respect, j'allais laissée cette fille-là dormir le temps qu'il lui faut.
Préférant une salle se vidant petit à petit, la musique enfin audible et l'éternel barman qui ne me parlait pas.

Au travers d'une meurtrière dans le rempart donnant directement dans la salle mise en pli pour le petit-déjeuner, le matin me ramena à la vie. Le soleil blanc perçait quelques volutes nuageuses, le ciel était bleu et par delà la ville, les champs à perte à de vue enveloppaient le monde.

Un filet de lumière filtre à travers les rideaux, il vient jouer sur le visage de la jeune fille, lui soutirant des grognements. Ses doigts pieds s’étirent paresseusement. La bouche pâteuse, Kim entrouvre légèrement les yeux puis se cache le visage d’une main, pour se protéger de la lumière aveuglante.

Il lui faut 5 bonnes minutes pour émerger, une céphalée lui irradiant la tempe gauche, elle se redresse sur le lit, ses pieds entrant en contact avec un tapis moelleux.

*Un tapis ? Moelleux ?….*

- que… quoi ? Je suis où là ?

Kim se lève et se rend dans la salle de bain, elle se passe une rasade d’eau froide sur le visage, ça fait du bien, et ça aide à calmer son mal de crâne. Elle se regarde dans le miroir pour s’y voir, débraillé, des poches sous les yeux. La soirée lui reviens par bribes, elle se passe une main sur le visage en se maudissant.

*comment je suis arrivé là ? est ce que Aeldrynn… ?*

Elle frisonne, une partie de la soirée lui échappe elle se demande si elle a oublié quelque chose d’important. Où se trouve le dragon ? L’état de la chambre lui donne l’impression d’avoir passé la nuit seule mais qui sait.

15 minutes plus tard elle descend les escaliers en trombe, la mine un peu plus fraiche, mais toujours avec cette migraine qui la tyrannise. Il est très tôt, et l’auberge conserve une ambiance feutrée pour ne pas réveiller la clientèle. En bas les tables sont en train d’être dressé, et mit à part les robots du personnels de l’hôtel, pas un chat à l’horizons….

Enfin presque, à l’autre bout de la salle, se dessine la silhouette d’Aeldrynn assoupi face à une meurtrière. En l’apercevant, Kim esquisse un sourire ingénue, tandis que son cœur, lui, soupire. Comme s’il savait déjà quelque chose dont elle-même n’avait pas conscience. Kimiko prend deux café noires et un croissant sur le buffet du petit déjeuné, puis se dirige vers lui Elle pose le tout sur la table. Le croissant et pour lui son estomac noué ne saurait rien avaler.
Attendant son éveille, elle continue de l’observer en sirotant son café. Des instants volés, qui lui donne l’impression de faire quelque chose de mal.
Dés qu’il montre des signes d’éveille, elle se pare d’un masque d’indifférence.

- B’jour. Lança t’elle à voix basse pour ne pas le brusquer.

Elle acheva son café, assemblant lentement le puzzle de la soirée dans son esprit. Elle se demandait pourquoi il avait dormi là… et pourquoi il ne l’avait pas laissé sur le comptoir, la question lui brulait les lèvres, mais elle ne la formula pas. Au lieu de ça elle se montra direct.

- Ptit déj et on y va ?

La bibliothèque était à deux pas, et la fatigue se dissipait en même temps que sa céphalée.