Campagne de vaccination

Pendant que les soigneurs préparent leurs affaires - un peu trop lentement au goût de Leiline - Cygne la rejoint, conscient de sa mauvaise humeur un peu trop visible.

Alors qu'elle vérifie bien avoir tout sur elle, la remarque de son coéquipier lui fait subitement lever la tête avec un haussement les sourcils en prime. Sans dire un mot, elle le regarde partir avec le reste de l'équipe en faisant un signe non de la tête avec le petit rire discret.

C'est qui aura tout de même réussi à lui arracher un sourire le bougre.

Les primates sont des animaux que l'hybride n'a pas eu souvent l'occasion de croiser durant son existence. Et étrangement la créature qui pourrai s'en rapprocher le plus dans son Épicerie seraient les Lumirien au vu de leur agilité.

Lana s'adonne à un cours de grimpette avec Cygne mais l'une a l'air plus à l'aise que l'autre. Leiline s'attache les cheveux et Alibert se réveille enfin de sa sieste pour commencer son tour habituel : un périmètre de deux mètres autour de sa dresseuse.

- Grimper ne me fait pas peur.

Elle repère un petit singe tranquillement en train de grignoter des feuilles et le rejoint en un rien de temps sous le regard de son Precious - et d'un Jarvis  admiratif mais ça, la féline l'ignore.

Elle regarde le petit singe avec un grand sourire.

- Bonjour toi !

Elle se veut avenante avec l'animal et le récupère avec précaution, le tenant à un bras comme le ferai une maman avec son bébé. Une fois sur le sol, l'animal commence à attraper l'une de ses oreilles de chat avec la poigne d'un nouveau né. C'est ce qu'elle appréhendait en même temps ...

- Hep hep, ça suffit.

Leiline attrape doucement la main incriminée pour la détacher de son oreille et donne l'animal à Jarvis pour sa piqûre. Elle tourne la tête et remarque un Cygne une fois de plus dans l'embarras. Elle s'empresse de le rejoindre sous son arbre.

- Ça va aller là haut ?

"Ça vaaaa," fit Cygne, qui n'était pourtant qu'à moitié convaincu.

D'un côté il se doutait bien que c'était idiot de s'en faire autant pour un singe. S'il tombait, la bestiole avait bien plus de chance que lui de s'en sortir sans casse. Mais c'était plus fort que lui. Il commença précautionneusement à redescendre, à tâtons parce qu'il ne pouvait pas baisser les yeux sans faire basculer son invité. Il finit par arriver assez bas pour que Leiline puisse l'aider et mit pied à terre avec soulagement. Il fallut cajoler le singe pour qu'il accepte de lâcher ses cheveux et de recevoir sa piqûre. Cygne se massa le cuir chevelu en grimaçant.

Le reste de l'enclos se passa somme toute assez bien. Beaucoup de primates s'approchèrent spontanément, curieux de découvrir ce que les soigneurs faisaient là. Quelques friandises convainquirent les plus récalcitrants de se laisser approcher. Cygne laissa Leiline s'occuper de calmer les plus gros bestiaux avec ses titres pendant qu'il distrayait avec quelques pitreries les chimpanzés et autres petits singes qui attendaient leur tour.

Quand ils sortirent de là, Cygne eut la surprise de découvrir un petit chien qui ne lui était pas inconnu. Le cabot de Temari sautait sur place, tentant en vain d'atteindre un sachet de croquettes accroché au grillage de l'enclos. Cygne s'en saisit. Aussitôt, les petits yeux de Puzz se fixèrent sur lui. L'avidité qu'il y lut lui arracha un frisson.

"A l'aide !" glapit-il avant de déguerpir à toutes jambes.

Il détala dans les allées du zoo, passa devant toutes les cages qu'ils avaient visitées et quelques autres qui lui étaient encore inconnues, fit plusieurs fois le tour des enclos des oiseaux (à leur grand amusement) pour finalement revenir à son point de départ, Puzz aboyant toujours sur ses talons. Il s'arrêta en dérapant devant Leiline et les soigneurs souriants, et présenta les croquettes comme une offrande à l'épicière.

"J'ai fait... assez de sport... pour les dix prochaines années," haleta-t-il avec un regard suppliant.

Après la réception de Cygne à la descente de son perchoir, Leiline retourne a ses occupations premières, à savoir calmer les primates de l'enclos. Tout s'est passé sans encombre et ils sortent plutôt vite.

La journée pourrai être calme jusque là puisque c'était sans compter sur son collègue pour faire courir Puzz partout dans le zoo. D'un autre point de vue, c'était plutôt Puzz qui fait courir Cygne. Et puis qu'est ce que Puzz fait là d'ailleurs ? La féline ne peut bien évidemment pas s'empêcher de pouffer de rire devant le spectacle qui se déroule sous se yeux.

À son retour, le jeune homme lui tend le paquet de croquette qu'il a piqué au petit chien de l'Arcturienne. Pas étonnant qu'il aboit autant. Leiline le récupère et s'adresse à Lana.

- Dites moi, c'est quoi les prochains animaux à s'occuper ?

La vétérinaire regarde sa fiche avant de répondre.

- C'est au tour des ours !

- Et l'enclos est assez loin ?

Elle doit parler plus fort dû aux cris du cabot qui se font plus insistants. Lana pointe alors une direction.

- Non, c'est juste celle à droite là.

Notre femme-chat s'assure de la véracité des propos de sa collègue et lâche un soupir.

- Bon ! Et bien on va lui faire un petit tour ! Je vous rejoindrai. Allé Puzz !

Elle commence à sautiller en s'assurant que Puzz la suit et se met a trottiner au côté du chien.

Elle a peut-être fait attendre se collègue mais ça valait le coup, ils ont fait à eux deux tout le tour du zoo. Devant les grilles, l'hybride revient seule.

- J'ai refilé les croquettes à mec de l'accueil, ça lui fera les pieds plutôt que d'attendre à un guichet sans rien faire.

Elle analyse chaque ours de l'enclos. Ils sont trois. La féline pourrai se dire qu'ils sont colossaux mais après ce qu'elle a déjà croisé dans la forêt près de Verdi lors de sa première mission, ces ours font pâle figure.

- Parfait, on va pouvoir y aller maintenant !

Cygne était partagé entre la fierté d'avoir rendu son sourire à Leiline, et un profond regret... le regret d'avoir envoyé l'épicière et ses titres faire le tour du zoo alors qu'ils arrivaient devant la cage des ours. Heureusement, les soigneurs décidèrent d'un commun accord de l'attendre.

Il vit d'un œil soulagé le retour de Leiline et lui adressa un signe de la main, pouce levé, pour signifier son enthousiasme.

"Tu peux les calmer, hein ?" glissa-t-il à sa collègue tandis qu'ils entraient dans l'enclos. "Parce que là j'avoue, je ne vois vraiment pas ce que je peux faire pour aider. Même faire le pitre a ses limites quand le public est aussi difficile."

En effet, les ours virent leur approche avec méfiance et reculèrent, les yeux fixés sur eux. Les vétérinaires avaient prévu de grands quartiers de viande et attirèrent les ours dans trois coins séparés de l'enclos. Mais la présence des bipèdes les rendait réticents, et il fallut bien le titre de Leiline pour les calmer assez pour qu'ils s'approchent de la nourriture et se laissent piquer. L'un d'eux grogna, irrité par la douleur. Cygne décida sagement que ce qu'il pouvait faire de mieux pour tout le monde était de retourner à la porte pour que sa nervosité ne contamine pas les animaux.

Devoir utiliser son titre Cie pour trois pauvres ours, ça frustre notre petit bout de femme mais c'est ainsi. Elle sait qu'elle a déjà croisé bien pire comme bestiole. Preuve en est, elle vend des Dakens dans son commerce.

Mais les animaux sont si imprévisibles, même en connaissant leur caractère. Elle surveille l'ours qui commence à grogner et se prépare au cas où à user de la même méthode qu'à sa première mission de sauvetage : se faire bruyante et imposante. Difficile pour une femme-chat d'un mètre cinquante-quatre me diriez vous ...

Mais à croire que le titre fait toujours effet, l'ours reste suffisamment calme pour laisser le soigneur s'éloigner de lui dans trop rien dire à par quelques grognement ronchons du genre "Vous allez me laisser dormir oui ?".

Leiline rejoint un Cygne peu rassuré pour sortir de l'enclos et enchaîner sur les prochains animaux.

- Ceux là, c'est fait ! Ça nous enlève une sacré épine du pied n'empêche.

Péti fait quelques croix sur son calepin, lève le regard sur Leiline et lâche avec humour.

- J'espère que vous êtes assez grands pour les prochains animaux !

L'hybride visée prend une moue boudeuse, se montre elle-même du doigt et répond sans méchanceté.

- C'est parce que je suis petite c'est ça ?

Un détour leur fait recroiser les crocodiles de la veille ainsi que les rhinocéros pour découvrir les quatre grands mammifères au long cou qui se tiennent devant eux.

- Vous avez de la chance que je ne sois pas rancunière et que j'adore les girafes.

Et puis, c'est le bon plan des animaux calmes comme eux. Ça laisse le temps à son titre Cie de se recharger dans la mesure du possible.

L'hybride prend plaisir à leur parler, obligeant parfois certaines girafes à baisser leur cou et facilitant le travail des soigneurs.

Mais l'une d'elle reste récalcitrante et refuse de se laisser faire, allant même jusqu'au fond de l'enclos pour échapper à Jarvis qui s'approche avec une branche de feuille.

"Non mais même moi je me sens petit, là... Pourtant, pour une fée, il paraît que je suis un géant..."

Lana lui jeta un regard surpris. Elle avait bien dû voir ses oreilles pointues en presque deux jours de travail, mais peut-être l'avait-elle pris pour un elfe. Ça arrivait souvent. Beaucoup de races avaient des oreilles pointues, mais pour une raison étrange les elfes étaient les plus connus.

Passé le premier moment d'intimidation, il fallut bien que Cygne avoue que les girafes, c'était plus reposant que les ours. Le pire qui arriva fut une course-poursuite comique de la quatrième demoiselle qui n'était pas décidée à se laisser faire. Ils s'y mirent à plusieurs pour tenter de l'encercler, mais vu la taille de ses jambes, la prendre de vitesse ne fut pas une mince affaire.

Cygne ressortit de l'enclos à bout de souffle, le visage violet sous l'effort, des branchages plein les cheveux.

"Tu crois... qu'il faut... que je me mette au sport ?" demanda-t-il à Leiline en massant son point de côté.

Lana étouffa un rire. Cygne lui adressa un regard suspicieux, puis examina l'enclos vers lequel ils se dirigeaient. Chamois et bouquetins l'observèrent en retour. Il grogna de désespoir.

"Faut que je me mette au sport."

Le territoire des girafe n'est pas le plus difficile sur lequel nos soigneurs en herbe ont pu tomber, à part cette vilaine girafe fougueuse qui leur a donné du fil à retordre, dont l'une de ses jambes a cogné la cuisse de l'hybride pendant la course. Ça lui vaudra certainement un bleu demain.

Ils ressortent de l'enclos encore épuisés de leurs effort, Leiline notant l'étrange couleur violette lui atteindre les joues. Est-ce une particularité propre à lui ? Mais je pire reste à venir lorsque Lana leur montre l'enclos des bouquetins et autres animaux de ce genre.

Et plutôt que de geindre sur les stratagèmes qu'ils vont devoir user pour les attirer et les calmer, Leiline se demande plutôt “Mais pourquoi diable des animaux aussi commun dans un zoo ?”. C'est vrai que quand on est gérante de la plus grande animalerie de tout l'Entre-Monde, cette question devient presque bénigne.

Une fois en face des petits bovidés, les questions ne sont plus les mêmes. Les animaux ont l'air de faire la fête et les calmer ne va pas être une mince affaire. Elle sent qu'elle ne va pas tarder à y sortir son titre Cie.

- Alors effectivement, je pense que cet enclos va être sport pour rester dans le thème !

La féline ne se voit pas attendre une heure pour recharger son titre et ce pour chaque bestiole. Jarvis a eu un bon réflexe cela dit : des filets. Les attraper avec est une chose, leur courir après en est une autre.

Ils doivent s'y mettre à trois sur chaque bestiole pour les immobiliser dans le filet et leur mettre leur piqûre, sans compter que certains joueurs n'hésitent pas à les embêter pendant leurs manoeuvre, l'hybride s'étant prise un coup de tête dans les côtes.

Il est clair que c'est deux derniers enclos lui laisseront des traces, c'est pourtant parmi les moins dangereux qu'ils ont fait. Ce n'est qu'après une bonne heure qu'ils en ressortent enfin, soulagés de s'être débarrassé de cette corvée.

La patience de notre femme-chat en prend un coup et elle attend vite la fin de journée. Dommage, ils n'en sont qu'à la moitié.

- Allez reprenez vous ! Il ne reste plus que deux enclos et ce sera tout pour vous !

Ce n'est pas beaucoup, si les deux ne sont pas du même acabit que les biquettes. Le soigneur montre alors les fiers éléphants, calmes et sage dans leur habitat.

- Oui. Deux énormes enclos c'est ça ?

"Mais ça n'a d'énorme que la taille, ça !" s'exclama Cygne, un tantinet ragaillardi.

Après cette dernière heure sportive, qui l'avait laissé fourbu et couvert de bleus, quel ne fut pas son bonheur d'entrer dans l'enclos des éléphants. Les créatures déambulaient placidement ou grignotaient des branchages laissés à leur disposition. Il suffit aux deux assistants du jour de monopoliser leur attention le temps qu'ils cessent de bouger. Habitués à la présence des soigneurs, ils ne bronchèrent pas à la piqûre et laissèrent même Cygne semer quelques caresses sur leurs trompes.

"Aaah, je serais bien resté plus longtemps," avoua Cygne quand ils ressortirent en un temps record. "C'était reposant."

Voilà qui l'avait remotivé. Il remonta ses manches, sentant arriver la dernière ligne droite de ces deux longues journées.

"Allez, plus qu'un !"
"Ne vous réjouissez pas trop vite," lui glissa Lana avec un sourire. "Ce ne sera pas aussi simple que les éléphants."

Et de lui désigner un enclos un peu plus loin. La queue touffue d'un loup disparut derrière un arbre.

Une bouffée de nervosité envahit Cygne. Mais après tout, ils s'en étaient bien sortis avec les félins, non ? L'association d'idées lui fit glisser un regard inquiet à Leiline. Il se morigéna aussitôt. C'était un cliché, le conflit chien/chat ! Et sans doute encore plus idiot de l'appliquer à des loups et une femme-chat. Non ?

Comme tout le monde initialement, Cygne avait reculé lorsque s'était déclenchée la bagarre entre les loups. Réfugié derrière un arbre, il vit Leiline se plier en quatre pour mettre fin à la dispute, et, honteux de la laisser faire tout le travail, faillit quitter son abri pour la rejoindre ; ne serait-ce que pour manifester son soutien psychologique, à défaut de se montrer utile.

Mais c'est à cet instant qu'il réalisa la présence du quatrième loup à à peine quelques mètres de lui.

Loup et fée se regardèrent en chiens de faïence, tous deux surpris de trouver un intrus dans leur refuge. Cygne n'avait soudain plus qu'une envie, détaler pour se planquer derrière Leiline et Lana. A l'époque où ils voyageaient sur les routes, son clan avait croisé plus d'une meute de loups ou de créatures semblables. Les rencontres se terminaient rarement sous de bons auspices.

Il déglutit et se força à reprendre ses esprits. Il pensa aux éléphants, aux oiseaux et aux singes, qui s'étaient laissés approcher et toucher. Ce loup n'était qu'à moitié sauvage. Les soigneurs étaient à deux pas. Et en plus, il lisait dans les yeux du loup autant d'appréhension qu'il en ressentait lui-même.

Prenant une grande inspiration pour se donner du courage, il glissa une main vers la sacoche que lui avait donnée Pétri. Le loup suivit chacun de ses gestes. Cygne tira un morceau de viande du sac et le tendit vers lui d'une main qui tremblait imperceptiblement.

Pendant un long moment, le loup resta immobile. Cygne ne bougea pas non plus, bien que son bras commençait à le faire souffrir. Finalement, alors que les bruits de bagarre de l'autre côté des arbres commençaient à s'atténuer, l'animal se décida à avancer, la tête tendue en avant comme s'il pouvait convaincre la viande de léviter jusqu'à lui. Il l'attrapa entre ses mâchoires et s'éloigna un peu pour la manger. Lorsqu'il eut fini, Cygne brandit un nouveau morceau.

Quelques minutes plus tard, Jarvis s'approcha sur la pointe des pieds et fit son injection au loup qui mangeait presque dans la main de Cygne. L'animal l'avait vu venir et se laissa faire, mais grogna et s'enfuit dès qu'il ressentit la douleur.

"Fini !" clama le soigneur, une rare note de plaisir dans le regard.

Cygne s'effondra avec un râle de soulagement.