Campagne de vaccination

S'il y a bien un endroit de l'Entre-Monde que Leiline déteste et ou elle a mit les pieds, c'est bien Tern. Sa dernière visite remonte à longtemps, au Love Hotel. Expérience qu'elle préfère garder pour elle, voire oublier définitivement.

Cygne et elle passent les lourdes grilles du zoo. Au vu de sa carte affichée sur un grand panneau d'accueil, il a l'air plutôt grand. Plus grand que ceux dont elle a entendu parler dans son ancien monde, la culture des hybrides ne cautionnant pas la de tels pratiques envers les animaux. Mais elle n'est plus à Isilaya et à défaut de ne pas pouvoir libérer les locataires du zoo, autant les aider à vivre en bonne santé.

Finalement, l'hybride n'est pas si à l'aise que ça dans cet environnement.

Elle observe les alentours. Elle remarque d'abord une étonnante présence d'arbres pour le coin et se demande comment ont t-ils pu pousser malgré la pollution ambiante de cette cité. Elle note aussi l'emplacement du guichet d'accueil qu'elle désigne de la main.

- Je pense que nous devrions commencer par là.

Il y a fort à parier que cette personne soit au courant de leur venue ainsi que de l'endroit ou se trouve l'employé du zoo chargé des soins. Elle se présente à l'accueil.

- Bonjour ! Nous somme les personnes envoyées pour la campagne de vaccination. Vous savez ou nous pouvons trouver la personne qui s'occupe des soins ici ?

Cygne avait parcouru Tern de long en large, mais il n'avait encore jamais mis les pieds au zoo. Il faut dire qu'il comprenait mal la logique de payer pour voir des animaux quand on pouvait trouver des vidéos d'eux gratuitement sur le réseau. Il scruta les environs sans voir le moindre écran ou la moindre proposition de visite en réalité virtuelle. Non, décidément, le zoo ne risquait pas de devenir sa destination touristique favorite.

Il suivit docilement Leiline à l'accueil. L'employé leur indiqua un bâtiment non loin. Cygne frappa à la porte et passa la tête dans l'entrebâillement.

"Hello... Les assistants à la piqûre, c'est bien pour ici ?"

Trois personnes étaient à l'intérieur, préparant des mallettes pleines de flacons et d'équipement médical.

"Ah, nos volontaires !" dit l'un d'entre eux, un type à la peau violette et aux cheveux pâles dressés sur sa tête comme une flamme. "Entrez, entrez ! Moi c'est Péti. Vous aimez les animaux ?"

"Euh..."

"Attention avec ça, c'est fragile," ajouta le soigneur en tendant une mallette à Cygne. Il s'en empara à deux mains, méfiant. "Encore plus important : est-ce que les animaux vous aiment ?"

Au grand soulagement de Cygne qui n'avait pas vraiment de réponse à offrir, Péti s'interrompit en avisant Leiline. Il sembla prendre une seconde pour décider si ses oreilles à elles seules pouvaient constituer un oui ou un non à ses questions.

Leiline observe l'équipe. Deux hommes et une femme. L'un des hommes et la femme paraissent comme de simples êtres humains. Du moins comme ceux qu'il y avait dans son monde … contrairement au dénommé Péti – au vu de la vitesse à laquelle il enchaînes ses phrases – il semble être un hyperactif. L'hybride a toujours cru que ça se disait que des enfants, il faut croire que non. Il semble s'être soudainement calmé lorsqu'il aperçoit notre femme-chat.

- Alors, pour répondre à vos questions, si je n'aimais pas les animaux, je devrais sérieusement m'inquiéter et pencher à ma reconversion …

Il est vrai qu'en tant qu'Epicière de l'Entre-Monde, ne pas aimer les animaux serai un comble.

- Et concernant la deuxième question dans le pire des cas, je peux compter sur les titres Loquor et Cie. Je peux parler aux animaux et les calmer lors d'une émotion vive.

Péti s’apprête à lui tendre une mallette – tout comme il l'a fait à Cygne – sans que Leiline la prenne de suite. Quelque chose la chiffonne et elle veut en avoir le cœur net.

- Par contre nous sommes bien d'accord, seuls vous effectuez les vaccins sur les animaux ?

Elle a peur que les mallettes données au duo soient une incitation à piquer les animaux eux aussi. Elle doute que Cygne ai déjà fait un vaccin à quelqu'un dans sa vie ? Quant à ses propres compétences en matières de soin animal, elles se limite à ses lointaines connaissances étant enfant et aux soins prodigués sur des ours noirs à sa première mission.

Mais l'autre jeune femme la rassure. Un petit bout de femme, un poil plus grand que Leiline – en même temps ce n'est pas compliqué – à la tignasse rousse et frisée lui adresse d'une voix très calme.

- Avant tout, moi c'est Lana. Et non, rassurez vous. C'est moi et mes collègues qui se chargeront de ça. Vous, vous nous aidez juste à les attirer et à les calmer s'ils sont énervés.

Leiline est rassurée mais se pince l'arrêt du nez l'espace de quelques millisecondes et regarde son coéquipier.

- Mais c'est vrai qu'avec tout ça nous nous sommes même pas présenté, que nous sommes malpolis !

Elle tourne son regard vers le trio de soigneur, une main posée en dessous de son cou.

- Je me présente, Leiline Devalle, épicière de l'Entre-Monde.

En se définissant comme épicière, Cygne supposa que Leiline ne parlait pas des petites boutiques de quartier qui vendaient de la viande et des légumes. Il n'avait entendu parler que d'une seule épicerie qui fasse commerce d'animaux. C'était quand même curieux, ce nom ; dans les "épiceries", on vendait tout sauf des épices. S'il fallait en croire la légende (c'est-à-dire le club de macramé de sa mère), celle de Leiline était même remplie à ras bord de matériel de chasse et de bêtes sauvages. Où était le rapport avec la nourriture ?

"Moi c'est Cygne," dit-il avec un petit geste de la main. Il aurait pu ajouter : "héritier de la plus grande dynastie de champignonniers de l'Entre-Monde", mais d'expérience, tout le monde s'en fichait. Et ça n'avait aucun rapport avec la choucroute. "Quidam fauché."

Bon, de toute façon ils se doutaient bien qu'en postant une annonce à la bibliothèque, ils n'allaient pas obtenir des bénévoles. Cygne n'était pas là pour la beauté des paysages.

Une fois tout le monde chargé de matériel, ils quittèrent le bâtiment. Le troisième soigneur consulta une liste qu'il tenait à la main - une liste en papier, constata Cygne, défaitiste.

"On commence par les oiseaux," dit-il, et Péti et Lana ouvrirent aussitôt le chemin.

Ils arrivèrent bientôt devant deux grandes cages où des volatiles évoluaient entre les branches des arbres plantés à l'intérieur. Avec seulement un peu plus d'une centaine de pensionnaires, le zoo n'était pas très grand. Il y avait donc plusieurs espèces complètement différentes par cage. Soulagé de commencer par ce qui lui sembla être l'une des parties les plus faciles, Cygne se dit qu'ils auraient somme toute vite fini.

Quidam fauché ? D'après Leiline, Cygne n'a pas l'allure à être fauché pourtant. Quoi qu'il en soit, ils se retrouvent face aux deux volières.

Notre hybride est vite déçue en remarquant que les oiseaux ressemblent tous beaucoup à ceux qu'elle a eu l'occasion de croiser ou d'étudier dans son propre monde. Elle qui pensait au moins croiser des espèces rares ou fantastiques, il est vrai que ça change des Kasaïrs. Mais elle n'est pas là pour ça.

Les trois vétérinaires invitent nos deux nounous animalier en herbe à entrer dans un local dans lequel sont stockés la nourriture pour les volatiles et qui plus est, donne accès à l'intérieur de la volière. Lana donne un seau à chacun des aventuriers.

- Tenez, vous allez les attirer en leur donnant à manger. Nous pourrons chacun les attraper et les vacciner prenant ce temps.

Alibert dont le mot "nourriture" a sonné comme un réveil chez lui commence déjà fourrer son bec dans le seau. D'un geste habile, Leiline le repousse et l'équipe au complet entrent dans la première cage.

En ce qui concerne Leiline, il est difficile d'attirer les oiseau avec une allure féline.

- Allez les ziozios. C'est bon, je ne vais pas vous manger, est ce que je l'ai mangé lui ?

Elle montre son Precious d'un air amusée, regardant les oiseaux qui descendent, mais sans être complètement rassurés. Heureusement que la sociabilité - pour ne pas dire l'inconscience - d'Alibert facilite la chose, ce qui aide grandement les soigneurs. À ce rythme, les oiseaux ne sont plus que de l'histoire ancienne et peuvent s'atteler aux prochains animaux.

- Bon les oiseaux, ça s'est plutôt bien passé. Passons aux reptiles maintenant !

Cygne souffla une plume restée posée sur le bout de son nez. Comme lui n'avait pas d'oreilles de chat, les oiseaux les plus téméraires n'avaient pas hésité à se poser carrément sur lui pour accéder plus vite à son seau de nourriture. Il était sûr qu'il avait encore du duvet dans les cheveux.

"Les reptiles, ça se pique ça ?"

Il devait falloir de sacrées aiguilles pour percer les écailles, non ? Ou bien ils visaient de la peau non protégée ? L'intérieur de la bouche, peut-être ? Il frissonna, dégoûté. Il n'avait pas vraiment peur des piqûres, mais il ne fallait pas abuser non plus.

"En fait je ne veux pas savoir. Je vais vous laisser faire et regarder ailleurs, hein."

Les soigneurs se moquèrent gentiment de lui tandis qu'ils atteignaient leur prochaine destination. Là, Cygne et Leiline eurent l'immense plaisir de monter dans des arbres récupérer des serpents somnolents. Les serpents avaient été nourris la veille, de sorte que la digestion les rendait lents et peu agressifs. Mais ils n'avaient aussi aucune raison et donc aucune envie de descendre.

Cygne passa plusieurs minutes à jouer à chat avec un spécimen de deux bons mètres qui changeait de branche dès qu'il approchait. Le serpent finit par se laisser attraper et s'enroula autour des bras de Cygne, bougon. Ses yeux suivaient chaque mouvement de l'oiseau de Leiline avec un intérêt qui suggérait qu'il s'était découvert un peu de place pour le dessert.

Il n'y a rien de pire que d'attraper ce genre de bestioles dans des arbres, surtout quand elles sont loin d'être dociles et le tout en portant une robe. La femme féline passe le plus clair de son temps à vérifier qu'aucun des guérisseur de trouve en dessous d'elle, tout en essayant d'attraper le serpent qu'elle a en vu.

En même temps, quelle idée de porter une robe pour ce genre de mission ...

Après avoir attrapé le reptile et être redescendue - tout en tenant sa robe vers le bas - elle se rapproche d'un guérisseur.

Puis un geste brusque derrière elle la fait réagir. L'une de ses oreilles se tourne vers l'arrière automatiquement, puis sa tête pour remarquer un Alibert, apeuré et agité près de la sortie du terrarium et un serpent sur le bras de Cygne, quelques plumes rouges au niveau de sa gueule.

- Alibert !

Elle donne son serpent au guérisseur - avec vitesse et négligence - et se précipite sur son colibri. Elle l'attrape à une main et regarde le serpent de Cygne d'un air méchant, un doigt accusateur pointé vers lui.

- Toi si tu oses recommencer je m'arrange pour que tu finisses en sac à main dans les plus brefs délais !

Elle retourne auprès du guérisseur, furieuse et met en garde son petit animal de compagnie.

- Quant à toi, tu restes sur mon épaule jusqu'à nouvel ordre, à moins que tu tiennes tant que ça à te faire bouffer.

Elle le pose de force sur son épaule et fini par s'intéresser au vétérinaire.

Il faut bien dire que ça n'a pas été son enclos préféré, mais peut-être que je pire reste à venir, on n'ose même pas imaginer l'enclos des félins.

Cygne eut un mouvement de recul, se tournant presque par réflexe pour éloigner le serpent de Leiline. D'accord, ce n'était pas la bestiole la plus coopérative du monde, mais c'était son serpent. Un quart d'heure de lutte dans les hauteurs d'un arbre, ça forge un espèce de lien. C'est en tout cas ce qu'il se disait tandis qu'il cajolait l'animal dans ses bras. Le pauvre ne quittait plus Leiline des yeux. Elle avait de toute évidence dit vrai quant à sa capacité à se faire comprendre des bêtes, et le serpent semblait plongé dans la plus profonde perplexité. Peut-être se demandait-il ce qu'était un sac à main...

"Je suis sûr qu'elle n'en pensait pas un mot, t'inquiète," lui murmura Cygne, dans le doute.

Lana, penché sur le serpent avec une aiguille, lui jeta un coup d’œil amusé. Cygne se souvint un peu tard qu'il ne voulait pas voir la piqûre et détourna vite le regard. Le vaccin fut terminé et le dernier serpent renvoyé à sa somnolence digestive. Cygne quitta l'enclos en étirant ses petits bras pas musclés. C'est que ça fatiguait, toute cette grimpette.

"Les reptiles, c'est bon. C'est quoi la suite ?"
"Hep hep hep !" dit le troisième soigneur, dont Cygne n'avait toujours pas saisi le nom.

Il pointa du doigt un enclos un peu plus loin. Il était bien plus gros que celui des serpents, et pour cause : deux gros sauriens s'y prélassaient au bord d'un étang artificiel. L'un d'eux bâilla, dévoilant une dentition impressionnante. Cygne commença à regretter ses choix de vie.

"Ah... et euh, eux aussi ils ont été nourris... pas vrai ?"

Malgré son moment de colère, l'enthousiasme de Leiline n'en démord pas. Il est temps de s'occuper à du lourd : les deux crocodiles dans l'enclos indiqué par l'un des soigneurs. Elle s'amuse de voir un Cygne peu rassurée et se trouve à vouloir le taquiner.

- Tu sais, j'ai déjà travaillé avec un Li saurien durant un mission. Avec un peu de chance, ces deux là seront plus aimables que lui.

Elle a beau faire la maligne, ça change du tout au tout arrivés à l'intérieur de la demeure des deux reptiles. À la différence des Li, eux sont vraiment imprévisibles. Elle s'assure qu'Alibert est toujours sur son épaule tandis que les soigneurs leur passent des perches avec une large pince à l'extrémité.

- Tenez, vous allez utiliser ça pour leur tenir la gueule pendant l'opération.

L'hybride attrape une perche, s'interrogeant sur la solidité de la pince pour bloquer la mâchoire d'un tel animal. Après ce sont des professionnels qui parlent, elle peut certainement leur faire confiance.

Elle prend son courage à deux mains et s'approche d'un des crocodiles d'un air décidé. L'animal se retourne brusquement vers elle avec un grognement qui a pour effet de faire très vite reculer de quelques mètres notre femme-chat.

- Ouais, lui réussi à être encore moins aimable !

Après une bonne demie-heure à parlementer et convaincre le crocodile de se laisser faire, Lana a enfin pu faire la piqûre. Leiline n'a pas prête attention a Cygne jusqu'à maintenant, beaucoup trop concentrée sur son crocodile. Elle espère juste qu'il s'en est mieux sortit qu'elle.

- Ça maintenant, c'est fait ! On va pouvoir passer aux enclos des félins !

Péti regarde l'hybride avec insistance se disant que, comme c'est une femme-chat, ça va être facile pour elle.

Dans la tête de Leiline, s'en est autrement, s'inquiétant de la survie de son Precious et de la réaction des éventuels mâles lors de son arrivée.

Si on pouvait croiser ce genre de bestioles à la bibliothèque, Cygne allait peut-être repenser son plan pour devenir riche.

Mais malgré ses doutes, il s'en sortit en fin de compte bien mieux que Leiline. Profitant du fait que le second crocodile était absorbé par le spectacle de son congénère tenant tête à l'épicière, Cygne se faufila derrière un rocher et lui referma la pince sur la gueule avant même qu'il s'aperçoive de sa présence. Cygne triompha, pas peu fier de lui, tandis que l'un des vétérinaires le dépassait pour aller faire la piqûre.

Il déchanta vite quand le crocodile commença à se débattre. C'est que ça en avait, de la force, ces machins ! Le vaccin fut fait, et Cygne essaya de le tirer un peu plus loin pour laisser le champ libre à Leiline. Mais la bête résista si bien qu'il finit les quatre fers en l'air et dut lâcher prise. Le saurien se réfugia dans l'eau dont il ne bougea plus, boudeur. Cygne saisit l'occasion pour prendre un moment de repos et câliner ses plaies et bosses.

Il s'efforça de ne pas grogner trop fort quand Péti annonça la suite. Pense à la prime, pense à la prime, pense à la prime... Il voyait déjà tous les gadgets qu'il allait pouvoir s'acheter avec 25 pims.

Les vétérinaires les guidèrent jusqu'à un groupe de plusieurs enclos.

"On peut se séparer," proposa Lana. "Ça ira plus vite."

Cygne haussa les épaules et choisit l'enclos contenant les plus petits félins disponibles. Il adressa un sourire d'excuse à Leiline tandis que Péti ouvrait la porte, mais lui n'avait aucun titre à disposition.