Quand le loup n'est pas là...

L'étrange similitude entre Xénon et un être humain normal affola les instincts de Carine. Entre le robot promis au recyclage et l'androïde brandissant une épée, le choix fut vite fait. La bête choisi de lui grogner dessus... S'ensuivit une conversation mentale très courte avec l'animal.

*-Mord-le et tu te casseras les dents. Tu n'es pas équipé pour même rayer ses circuits les plus fragiles.*

L'image mentale d'un circuit électronique lui suffit pour savoir ce que c'était -l'utilité sera pour la prochaine leçon- Le loup hésita. Immangeable. Pas de sang, pas d'odeur. Un risque immense de se faire ouvrir le ventre et de gaspiller son premier instant de liberté depuis plusieurs années...
Entre le danger, la domination, la survie et l'intérêt de l'histoire, il daigna faire le choix le plus logique.

Prédateur et alpha puissant, c'est son intelligence qui en avait fait une bête si féroce. Avec la mienne, il apprenait encore un peu mieux comment fonctionnait les êtres pensant. Etait-ce une si bonne chose au final ? Aucune idée. Pour tout dire, je tentais déjà de cohabiter avec lui. Aucun projet d'avenir n'était possible, nos vies respectives étant mises entre parenthèses, soumises aux conditions divines.

Ainsi Carine était capable de ce calcul simple, il recula. Rhabillant ses crocs sous ses babines. Il me cédait la place, froidement. Sans commentaire.
La fourrure s’éclaircit subitement, les grognements cessèrent et pour toute réponse à Xénon je repris forme humaine, mes vêtements réapparaissant par le pur hasard de la malédiction de Lu'Faol.

-Désolé pour Carine, c'est la seule boussole que je comprenne !

Elle grogne un peu ma boussole.
Aussitôt excusée, j'approchais le robot, le fond d'une pupille un peu plus lumineuse que l'autre.

-Je me demande s'il emmagasine encore des données vidéos ! Tu crois que tu peux le rebrancher ?

Je suis bibliothécaire, l'électronique n'est pas vraiment ma tasse de thé...

Spoiler:

Xénon était un peu déboussolé, mais il rengaina son épée. Qui était Carine ? Apparemment, ce n'était pas juste le nom de famille de la bibliothécaire. Il y avait une histoire là-dessous, une qu'il n'était pas assez fouineur pour explorer sans complexe, même en temps normal, et qui devait de toute façon passer derrière leurs priorités du moment.

Il rejoignit Eva et s'accroupit près du robot pour l'examiner. Ça faisait mal à son processeur de voir quelqu'un de Ken dans cet état. Qui savait depuis combien de temps il était là...

"Son câblage est sacrément endommagé" dit-il en soulevant délicatement quelques fils. "Mais avec un peu de jus on devrait pouvoir rétablir quelques fonctions. Je vais le brancher sur ma batterie."

Il prit doucement la tête dans ses mains et la tourna sur le côté. Par chance, le port de chargement était sur la nuque et n'avait pas été trop endommagé. Il fouilla dans l'une des innombrables poches de son pantalon et en sortit un câble. La fiche universelle à l'une des extrémités changea de forme comme de la pâte à modeler quand il la brancha sur l'androïde - heureusement, la technologie avait fait de sacrés progrès depuis les débuts de l'Entre-Monde. Il souleva le bas de son T-shirt et brancha l'autre bout dans la prise de son nombril. Il dut un peu jongler avec sa programmation pour arriver à donner plutôt qu'à recevoir, mais bientôt l'une des orbites de l'androïde s'alluma pour de bon et se mit à luire d'un bleu pâle dans l'obscurité.

"Qui... êtes-vous ?" demanda-t-il sans ouvrir la bouche, d'une voix étouffée et métallique.
"Service de Ken" répondit Xénon en se penchant vers lui. "Ne t'inquiète pas, on va te faire réparer."

Impossible de savoir si l'androïde était assez sophistiqué pour s'inquiéter, mais dans le doute, Xénon se sentait mieux de l'avoir dit.

"A quand remonte ton dysfonctionnement ?"
"... 392... heures."

Plus de deux semaines, nom d'une plaquette de frein. Et rien ni personne n'avait signalé sa disparition. C'était sans doute l'effet de sa programmation quasi-humaine, mais l'idée lui donnait froid dans le dos.

"On nous a averti qu'il se tramait quelque chose ici. Est-ce quelque chose t'a attaqué ? Est-ce que tu as enregistré quoique ce soit d'inhabituel, un intrus ou autre chose ?"

L'androïde se tut mais se mit à projeter un hologramme tremblotant. On y voyait les mains du robot qui s'activaient sur un panneau. Il dut tourner la tête car le point de vue changea. Il n'y avait rien d'inhabituel sur l'image, mais soudain elle vacilla comme sous l'effet d'un grand choc, puis disparut dans un nuage de parasites.

Spoiler:

A Varvandel on a un conteur d'histoire qui fait aussi office de prêtre/chaman, il a l'allure d'un loup bipède de deux mètres de haut, mais on a jamais eu d'Androïde. Les cyborg existaient déjà ailleurs, mais dans le volcan éteint je n'ai connu que de l'organique et du naturel. Les robots d'Entre-Monde sont une véritable curiosité aux yeux d'arriérés comme ceux de mon peuple, aux miens aussi. Ils sont parfois beaux et même plus, on oublie vite ces petits détails qui les contraignent à se brancher au secteur pour se recharger les piles. Et on s'imagine mal les voir dégainer des câbles de leur ventre...
Mais j'ai la réponse à une question vraiment essentielle : à quoi sert-il de faire des nombrils à des robots sinon juste pour la ressemblance ?
A planquer les prises bien sûr.
Impossible de dire si j'étais gênée ou étonnée de voir ce drôle de spectacle... Je crois que fascinée serait le mot juste. Sincèrement, si je n'avais su qu'il était de Ken, je crois que j'aurais juré qu'il était humain, ou divin. Trop symétrique quoi.

Je sursautais en voyant l'hologramme apparaitre, on a pas de technologie aussi avancée pour gérer la bibliothèque, trop petit budget...

-Il s'est pris un sacré coup.

Sur ces quelques mots je me redressais sur mes genoux endoloris d'avoir supportés de rester accroupie si longtemps.

-On dirait que nous sommes au bon endroit pour trouver des réponses.

Et ça c'est mauvais pour mon compte en banque.

-Qu'as-tu trouvé sur l'ordinateur ?

J'espérais que nous puissions circonscrire une zone de recherche rapidement. Le dédale des souterrains de Cerclon n'était pas prévu pour deux personnes les fouillent. Nous aurions besoin d'une centaine de personnes pour espérer trouver tout ce qui cloche ici, en moins d'un mois...
La preuve, je m'étais perdue assez facilement tant les machines se ressemblaient toutes ! Et Carine semble avoir aussi du mal à se repérer.

Spoiler:

Xénon se débrancha de l'androïde, non sans lui avoir assuré une seconde fois qu'on viendrait le chercher très bientôt. Le robot le regarda se relever sans répondre. Il avait accumulé assez d'énergie pour rester allumé une petite demi-heure, mais c'était sans doute vain d'espérer qu'ils aient fini d'ici là.

"Il y a eu une poignée d'anomalies mineures dans le coin, c'est trop concentré pour que ce soit une coïncidence. Nous devrions rester sur nos gardes."

Lui n'avait aucune envie de finir comme ce pauvre androïde. Il reprit son épée en main et ouvrit la marche, scrutant les passages mal éclairés d'un regard méfiant.

"Le rapport le plus proche venait de par là" dit-il en examinant les machines devant lesquelles ils passaient.

Le premier rapport fut une fausse piste : rien d'autre qu'une diode morte sur un tableau de commandes poussiéreux. Xénon haussa les épaules et passa au suivant. Il avait mémorisé le plan de la zone et avait déjà décidé du trajet le plus court pour qu'ils puissent passer devant toutes les pistes potentielles. Ils n'eurent pas besoin de marcher autant, cependant : leur second arrêt fut bien plus probant que le premier.

"Hé ben" fit Xénon, sourcils haussés, en examinant le grand trou dans l'habitacle d'une énorme machine.

On voyait le câblage et les composants à l'intérieur, mais seul un des fils semblait abîmé et jetait une étincelle morose de temps à autre.

"C'est du beau travail. Tant que les machines fonctionnent sans problèmes, personne ne se rendra compte de rien. C'est bête d'avoir gâché ça en allant grignoter le mur de Cerclon..."

L'intelligence de leur coupable semblait discutable.

Soudain, Xénon aperçut quelque chose bouger dans l'ombre tout au sommet de la machine. Avant qu'il ne puisse réagir, quelque chose de la taille de son torse s'abattit sur son crâne et le projeta à terre. Xénon lâcha son épée inutile en jurant et plongea ses mains dans une fourrure épaisse et malodorante alors que des griffes aiguisées lui labouraient les épaules.

Spoiler:

-Un petit nettoyage et quelques vigiles ne seraient pas de trop ici.

En marchant nous ne cessions de soulever de la poussière, sans compter le silence omniprésent, à condition d'oublier le ronronnement de toute la machinerie.
En pensant que le siège d'un bon nombre de services de Cerclon tenait sous les planchers, j'aurais juré que des équipes entières et bien compliquées faisaient des rondes régulièrement ici. Mais non, à en croire la remarquable tenue des moutons de saletés qui s'écartaient sur notre chemin, il ne devait y avoir quelques robots de maintenance qui venaient quand des défauts importants se faisaient sentir dans les hautes sphères du rempart.

Contrairement à Xénon mes yeux humains ne repérèrent pas tout de suite le trou dans la machine, je regardais plutôt d'autres amoncellements métalliques à l'utilité encore secrète. La curiosité m'avait fait perdre ma concentration, je m'étonnais des rouages qui pouvaient apparaître parfois et des carcans de métal lisse qui bombait le corps d'énormes engins... Il attira mon attention sur le machine éventrée.

-Et ça n'enclenche pas de puissantes alarmes ce genre de problèmes normalement ?

Qui puis-je ? Je suis une ignarde en technologie, et si la tour est placée à Cerclon c'est uniquement pour sa protection, après tout des murs métalliques ne brûlent pas que je sache... enfin, je crois. Et à en voir l'état de la bête, quelque chose avait comme qui dirait trouvé les faiblesses du minerais.

Moi non plus je n'ai pas repéré la créature qui, elle, en revanche nous avait vu depuis longtemps et classé dans la catégorie : à abattre.
Je sursautais, loin d'être taillée pour le combat, je fis un pas en arrière, sans imaginer une seule seconde voir un héros en la créature qui m'habitait.
Comme dirait l'autre, aux grands maux, les grands loups... Je n'eus pas besoin de faire appel à Carine, il vint de lui même. L'animal chargé d'adrénaline avait traversé mes défenses intérieures pour prendre ma place sans prévenir. Deux transformations en si peu de temps, ça ne m'était encore jamais arrivé, mon esprit en fut sonné pour un moment. Autant dire que le loup pouvait bien faire un massacre je n'étais pas en état de le contredire.

Le loup bondi contre l'autre créature, nous envoyant tous deux rouler sur le sol métallique. En se redressant, il eut la surprise de sentir ses griffes riper contre le sol lisse... L'autre bête en profita pour charger à son tour. Les deux monstres enchevêtrés l'un à l'autre, plus rien ne distinguait les griffes de l'un des crocs de l'autre. A par moi, qui dans le fort spirituel de mon loup mangeur d'homme, sentait bien les coups de griffes qui lui entaillait la peau malgré sa dense fourrure ébène.

Xénon perdit quelques touffes de cheveux dans l'agression, et son processeur commença à noter des ruptures dans sa peau synthétique et dans quelques circuits mineurs. D'autres déchirures eurent lieu lorsque la bête fut violemment arrachée à ses épaules, et Xénon resta quelques secondes allongé par terre pour évaluer les dégâts.

Il y avait de grandes griffures sur son cou et le haut de ses bras, et de plus petites sur le côté de son crâne ; rien de plus grave que des fentes béantes dans la chair synthétique, et du métal endommagé là où certains circuits de surface avaient été mis au jour. L'avantage de ne pas être de chair et de sang, c'était qu'il ne saignait pas ; l'inconvénient, c'était qu'il ne guérissait pas non plus. Les réparations n'allaient encore pas être données.

Il bondit sur ses pieds et évalua la situation. L'étrange loup de tout à l'heure était de retour, et tellement enchevêtré dans son agresseur qu'il ne pouvait pas attaquer sans risquer de le blesser. Le combat semblait plutôt égal, et Eva risquait de ne pas en sortir indemne.

Xénon regarda autour de lui en quête d'inspiration et remarqua deux extincteurs accrochés à un pilier. Il s'empara de celui à mousse, décrocha le tuyau et le brandit vers les deux bêtes furieuses.

"Carine, dégage !" cria-t-il, dans l'espoir que le loup comprendrait ses paroles.

Sinon, il risquait fort d'attaquer l'humanoïde qui le bombarderait de mousse. Xénon en prit son parti et appuya sur la gâchette, arrosant généreusement la scène.

Le combat ne faisait que paraître égal... Sur le pelage sombre du loup l'unique indice faisant la démonstration des blessures lui barrant les flancs se contentait d'un reflet humide collant des touffes de poils entières. Des grognements incessants et des aboiements étouffés faisait apparaître les deux créatures qui en étaient à se déboîter les mâchoires pour tenter de se mordre l'une l'autre. De la poussière finissait de recouvrir la masse informe de coups de griffes et de crocs blancs.
Carine se déchaînait. Fou de rage de ne pas avoir obtenu le dessus dès le départ et au fond de ses pensées, un instinct de survie infaillible lui dictait de se battre pour sauver sa peau. Et Lu'faol ne viendrait pas à notre secours cette fois. De la bave et du sang lui dégoulinait sur le poitrail, gouttant à chaque coup qui faisait sursauter son corps.

Xénon lui ordonna de filer. Sans qu'il ne soit besoin que j'intervienne, Carine sauta sur l'occasion. Il s'extirpa de ce combat désavantageux d'un bon souple. Une griffe déchira l'air, l'éviter le fit trébucher, il se releva juste à temps pour éviter de peu le jet de mousse poisseuse.

L'autre monstre fut instantanément ensevelit de produit. Elle titubait et glissait sur le mousse qui rendait le métal du sol aussi glissant qu'une planche savonneuse. Ses griffes ne lui étaient plus d'aucune utilité pour se raccrocher et fuir. Elle semblait épuisée, elle aussi avait la peau marquées de traces rouge vif.
A côté, Carine s'étendit contre la machine trouée et lécha une plaie à une patte avant. Il n'ignorait pas qu'au fond de son esprit purement instinctif je le couvrais d'insanités, je sentais la douleur et de vieux souvenirs m'assaillirent, parfois il s'agissait des miens, parfois il s'agissait de la vue du loup le jour où il s'était repus de mon cadavre encore chaud.

La transformation fut plus longue. J'appréciais progressivement les petites douleurs dispersées sous mes vêtements intactes. Avec pour unique commentaire :

-Juste à temps...

J'étais essoufflée. Mon loup faisait le poids contre un humain normal, contre une biche ou contre un autre loup. Mais l'enfermement et l'inactivité en avait fait un chien de compagnie maladroit, si bien que peut-être en pleine nature aurait-il été moins enclin à lui foncer dessus sans sourciller.
Aucune blessure grave à déplorer, Xénon était intervenu pile au bon moment.
Au fond de ma tête Carine boudait, honteux d'avoir été dominé de la sorte.

Spoiler:

La bête poussait des crissements stridents, aveuglée par la mousse qui devait lui brûler les yeux et incapable de regagner son équilibre sur le sol glissant. Xénon s’avança prudemment sur la surface inondée de gros paquets de mousse et abattit l’extrémité de l’extincteur sur son crâne. La créature s’effondra, inerte, lui laissant tout le loisir de l’examiner.

Elle ressemblait à une espèce d’énorme rat, mais lorsqu’il souleva sa mâchoire, la dentition ne lui parut pas familière du tout. La bête avait des rangées de dents très pointues dont l’éclat semblait presque métallique dans la chiche lumière. Pourtant, ce n’était pas un robot. Elle était chaude au toucher, et ses plaies saignaient. Il toucha l’une d’elles du bout des doigts et porta le liquide rouge à son nez pour être sûr, mais c’était bien l’odeur du sang.

La banque de données de Xénon tournait dans le vide, même dans la catégorie des créatures connues de l’Entre-Monde.

"Je sèche," admit-il en s’approchant d’Eva. "C’est peut-être la créature qu’on cherche, mais je n’ai jamais rien vu de tel. On devrait essayer de la ramener là-haut et voir ce qu’ils en tireront. Ca ira, toi ?"

La bibliothécaire n’avait pas l’air en très grande forme, bien qu’aucune blessure ne soit immédiatement visible sur elle.

Xénon gardait un œil méfiant par-dessus son épaule. Il n’avait pas oublié qu’il soupçonnait que la bête qu’ils cherchaient soit capable d’invisibilité.

-Impec' !

Un pouce levé vers le ciel, j'entamais mon retour dans les sphères bipèdes. Tout en grimaçant, ça tiraillait de tous les côtés, j'avais besoin de soin, je ne tiendrais pas des lustres dans cet état... Rien ne semblait grave mais une infection peut le devenir !
Carine, enfermé dans ma mémoire cessa de bouder quand Xénon proposa de retourner dans des étages plus paisibles des remparts, il commença à perdre patience. Rivalité entre dominants ou simplement instinct de survie, il s'échinait à me faire choisir l'autre option.

-Carine n'a pas l'air d'accord avec toi, mais moi si. J'aimerai voir un médecin.

Et le voilà qui devient fou furieux et laboure mes pensées en aboyant à en devenir muet depuis le monde des esprits. Massant mon crâne, je grimaçais encore plus en sentant poindre une sourde migraine.
Malgré le temps, je ne serais jamais habituée à ces crises de folie.

-Si on s'en va, et si cette chose n'est pas seule, nos probables coupables auraient le temps de s'enfuir... Je ne sais pas, peut-être devrions-nous continuer.

J'ôtais la ceinture de ma jupe que je nouais solidement les bras de la créature. Au moins nous éviterions les griffes. Restait à l'empêcher de fuir lorsqu'elle s'éveillera. Stock de ceinture épuisé pour moi... En me redressant j'essuyais la sueur qui perlait sur mon front. Étrangement la température avait grimpé, à moins que la douleur ne perturbait mes forces.

-Elle se réveillera bien un jour. Je me demande si elle saurait nous dire quelque chose d'autre que des grognements ?


Je n'osais décider de la suite des évènements. Jusque là Xénon avait eu une bonne intuition (ou un pragmatisme suffisant). Mes propres conjectures pourraient nous envoyer en enfer plus tôt que prévu.

Xénon hésita. Carine le loup n'avait aucune raison de vouloir s'attarder dans un endroit bardé de métal, ce n'était sûrement pas son environnement préféré. Que percevait-il qui échappe à Xénon et Eva ?

"Vérifions le reste des rapports d'anomalies que j'ai trouvés sur l'ordinateur," décida-t-il. "Si on ne voit rien de plus d'ici à ce qu'on ait fini, on retourne à l'ascenseur pour que tu te fasses soigner."

Ce n'était guère plus qu'un compromis, mais il ne pouvait pas laisser sa partenaire dans cet état indéfiniment. Il leur fallait un objectif. Il ôta sa propre ceinture et la boucla dans celle d'Eva, de sorte qu'il puisse passer la main dedans et traîner la créature derrière lui. Si jamais elle avait vraiment des renseignements à fournir, il ne pouvait pas la laisser là, où elle pourrait être délivrée par d'éventuels complices. Pris d'une inspiration soudaine, il récupéra le revolver qu'il venait de transférer de sa ceinture à sa poche et le tendit à Eva.

"Tiens, ça peut servir. J'imagine que tu préférerais ne pas être obligée de te retransformer de sitôt."

C'était un gros calibre, et il ignorait si elle saurait l'utiliser, mais c'était mieux que rien. Xénon ramassa son épée et la garda dans sa main libre, l'utilisant pour pointer le chemin.

"Par ici."

Ils passèrent devant deux autres fausses pistes, rien d'autre que de petites défaillances techniques sur des machines au rôle obscur, avant de devoir escalader une échelle métallique pour accéder à une plate-forme deux mètres au-dessus de leurs têtes. Xénon rengaina son épée et passa le premier ; la créature pendait par les pattes derrière lui, se balançant au bout de la laisse improvisée. Évidemment, elle trouva intelligent de se réveiller en plein milieu de la montée. Comme ce n'était pas spécialement facile de gravir une échelle à une seule main, Xénon faillit tomber quand elle se mit soudain à se tortiller en poussant des cris et des grognements furieux.

"Hé, tout doux !" protesta-t-il.

Il leva les yeux pour évaluer la distance qu'il lui restait à monter, et faillit ne pas voir la silhouette transparente qui se tenait en haut de l'échelle. Il eut le temps de se demander si c'était à ça que ressemblait une combinaison de camouflage avant de se prendre un coup en plein visage. Un humain aurait tout lâché, sonné. Lui parvint encore à monter quelques échelons avant que son agresseur ne lui martèle les doigts et ne le force à lâcher l'échelle. Il tomba comme une pierre et eut tout juste le temps d'espérer qu'Eva n'était pas restée en-dessous. Vu son poids, il fit un sacré bruit en percutant le sol.