Loup y es-tu ?

Attrapant mon bras, Eva m'indiqua la direction. Je souris, de la tendresse plein le regard.
- Allons-y !

Je prenais rarement les transports, il fallait bien avouer que ceux-ci étaient bien pratiques. Je pris garde de garder la jeune femme contre moi, gardant son bras sur le mien. Très vite nous arrivâmes sur les canaux de la ville.
- Northrives, dis-je songeur. J'adore l’ambiance de cette cité, avec ces parterres de fleurs. J'y suis allé plusieurs fois pour voir Richye. C'est toujours un plaisir de s'y promener. Tu as choisis un beau quartier pour te loger.

Je fus accueilli sur le voilier de la plus charmante des façons.
- Je me nomme Ayren, dis-je en serrant la main du capitaine du navire. Et je suis flatté d'apprendre que je suis la première personne à raccompagner cette charmante demoiselle. Cette fois je souris à Eva avant de visiter rapidement le voilier.

- Beau navire que voilà, la vue est splendide ! Les lumières du quartier se reflétaient sur les bord de l'eau, qui scintillait sous les remous provoqués par notre avancée.

Je retournais auprès de ma belle bibliothécaire.
- Pourquoi Northrives ? Je comprenais aisément que l'on puisse tomber amoureux de ce quartier emplie de gaieté, de couleurs, et de féerie, mais j'avais envie d'entendre les raisons de la jeune femme. On est parfois surpris par les arguments des gens.

Accoudé sur la rambarde du voilier l'air se fit plus frais, j'enlevais mon chèche pour le mettre sur les épaules d'Eva, profitant de se rapprochement pour rester contre elle.
Je me mis alors à chuchoter au creux de son oreille :
Adossée au littoral
la foule défile dans un flot bruyant,
entre remous et repos.

Sous le soleil
renaissent les sourires.
Sur la digue,
se brisent les souvenirs,
rêves apaisants
bercés par l’écume vibrante.

Chahuté par le vent,
Le temps n’est plus alors rien
Figé en une saison
dont le sable est le témoin.

Au loin … la mer du nord, de Nadia Ben Slima

Je m'écartais d'Eva pour observer sa réaction. J'aimais bien ce poème. Il n'y a pas que les métaux que j'avais appris à l'intérieur des pages où les mots se relayaient en une chaîne sans fin.

Pourquoi pas Northrives serait une bonne question aussi. Mais la vérité pure et décomplexée, je ne la prononcerais jamais à haute voix. Ce quartier ressemblait à quelque chose que connaissais et qui, en même temps, était fantastiquement meilleur. Il avait raison de trouver ce quartier magnifique. Il était coloré, vivant, bruyant et magique. Rien à voir avec un petit village médiéval au fin fond d'une brousse qui ne connait comme technologie que la roue et la fourchette en bois.

-Aventurier, apprenti forgeron et amateur de poésie ?

Je ponctuais cette question d'un clin d'oeil.

L'embarcation était bien trop petite pour nous permettre de prendre de la distance. Le contact nécessaire était de mise.

-Essayerais-tu de me charmer ?

La promiscuité faisait son œuvre, la nuit tombée, le bruit du moteur et les sons absorbées par les eaux, nous aurions pu être seuls au monde. Le capitaine avait la courtoisie de nous présenter son dos. Elle dirigeait son véhicule sans se soucier de ses clients faisant des rimes non loin.

Un hoquet de surprise, je suis secouée. La pression a changé, Carine est au bord du monde. Il épie mon voisin, perçoit ses parfums. Il les traduit comme de l’arrogance. J’avais eu mon compte de ses tentatives. Je suis l’Alpha !
Aucune menace ne parvint jusqu’au loup avant qu’il ne découvre nos pensées mêlées. Une déchirure s’était produite dans nos esprits. Méticuleuse, je lui rendais chaque coup de griffe et détruisait son tableau de chasse, mémoire et trophées. Tout finira pas disparaitre. Il recula, dans les ombres de son propre esprit il se retrancha. Il voyait le feu s’allumer. L’incendie qui l’avait autrefois mis en cage. Sa haine était palpable.

Le monde réel autour de moi, je n’avais pas conscience d’avoir perdu quelques minutes. Durant lesquelles j’ai observé Ayren fixement, ma main s’était agrippée à son bras comme à une bouée.

- Essayerais-tu de me charmer ?

En guise de réponse, mon plus beau sourire. Oui, nul doute que je charmais Eva, plus j'en découvrais sur elle plus j'avais envie d'en savoir. Je la charmais car elle me touchait, les fameux papillons dont parlait les amoureux transits, je crois bien que je les ressentais.

Soudain l'ambiance changea. Eva pâlit et s'agrippa à mon bras. Je la tenais, son regard fixé sur moi ne me regardait pas. Perdue dans ses esprits je tentais de la ramener ici et maintenant :
- Eva ? Eva ??
Je regardais autour de moi, je repérais un endroit où la faire s’asseoir. Le regard toujours fixe je lui pris le visage, elle revint à elle.

- Eva ... Ça va ?
Je lui indiquais où se poser, j'insistais pour qu'elle s'asseye, la couleur revenait sur ses joues mais dans le doute ...
Je soupçonnais assez rapidement de quoi il retournait ... Carine ? Je m'accroupissais devant la jeune femme assise, entrelaçant les doigts dans les siens et caressant sa joue de mon autre main :
- Comment puis-je t'aider ? demandais-je dans un souffle.

La femme libellule avait ralentit l'allure, avait-elle assisté à cette scène ? Nous arrivions de l'autre côté de la rive et le voilier amorça son accostage. Je me relevais, sans lâcher Eva ni de la main ni du regard.
- Ça va aller ? Je suis là ...

Et si tout le problème résidait là, j'étais là. Et ma présence pouvait ne pas plaire au loup, la jeune femme m'avait déjà mis en garde. Il se prenait pour l'Alpha, et un Alpha protège sa famille et n'accepte pas les concurrents ... Un sentiment de culpabilité et d'impuissance naquit en moi, il n'y avait rien de plus difficile que ne pouvoir aider quelqu'un de proche.

Sa sollicitude me touchait. Toute la compassion du monde ne pouvait me débarrasser de cet animal envahissant, des instincts primaires et anormalement agressifs du loup. Lu'faol m'avait soumis à la pire de toutes les punitions en me forçant à coexister avec cette bête. Mourir eut été une bien maigre peine en comparaison.

Je regardais le canal, le voilier qui s'éloignait sous la brise, la nuit splendide que nous offrait l'Entre-Monde et Ayren qui ne s'était pas éloigné d'un pouce depuis le voyage. Quelle frayeur j'avais dû lui causer... Je me mordis l'intérieur de la joue.

-Tu n'as rien à faire dans ces cas-là. Seulement... Je crois que j'aime assez quand tu es là.

Ayren n'était pas une force de la nature qui vous brise les obstacles en brindilles afin que ces derniers se souviennent longtemps de ne plus jamais s'opposer à lui. Non, il était attentionné, simple et sans complication. Il ne craignait ni d'aimer, ni de s'accrocher alors naturellement je ne craignais pas non plus de tenir sa main.

-Je te l'ai dis, mon colocataire n'est pas agréable à vivre au quotidien... Il arrive un moment où nous devons chacun reprendre notre place. Aujourd'hui, la mienne est plus enviable que la sienne. Mais, ça n'a pas toujours été le cas.

Toute maladroite, j'essayais de focaliser mon regard sur le sien et, fuyant par réflexe, j'observais ce quartier paisible aux sons des eaux et des arbres.

Je l'entrainais à ma suite, il n'y avait que peu de rues dans Northrives, c'était ainsi que le chemin se terminait. Nous étions devant une petite maison de ville. Elle ne payait pas de mine, les revêtements avaient perdus de leur éclat d'antan, mais avec son unique étage et une partie des ses murs plongeant profondément sous les eaux, elle possédait un certain charme.

-Une famille de sirènes logent dans la partie basse. Mais je possède toute la partie à la surface...

Et un petit bout de jardin. Manger par les racines d'un arbre immense, certes, mais assez grand pour permettre à Carine de prendre un bain d'air frais de temps à autre.
Ce n'était pas très intéressant d'en dire plus alors je n'insistais pas. Carine était silencieux. Je le sentais à l'affût et à la fois terrifié. Le feu l'avait déjà dominé une fois, il avait perçut la rage qui m'avait animé quelques minutes auparavant. Le feu pouvait encore revenir. Pour une fois dans sa vie, la bête avait peur. J'étais fière de le tenir en joug. Il n'y a pas si longtemps, je n'aurais pas même réussi à empêcher une transformation et les conséquences qu'elle aurait eu.

-Voudrais-tu entrer ?

- Tu n'as rien à faire dans ces cas-là. Seulement... Je crois que j'aime assez quand tu es là.
- Alors je tâcherais d'être là le plus souvent possible ...

Eva confirma mes soupons en parlant de son "colocataire". Elle observa alors les alentours, je continuais de la regarder.
Je la suivais, me laissant guider dans cette ville qui, de nuit, semblait encore plus magique. Le bruit de l'eau et du vent dans les feuillages de la végétation accompagnaient nos pas, très vite nous arrivâmes devant une petite maison au charme certain.
Ainsi des sirènes vivaient dans la partie basse, drôle de voisines. Je voulus faire une blague mais cet instant ne s'y prêtais pas. Dans un silence détendu j'observais les lieux pour m'attarder à nouveau sur la jeune femme.

- Voudrais-tu entrer ?
Je la fixais avec intensité, presque étonné.
- Avec plaisir.

Je la suivais alors dans sa demeure, longeant un couloir, je la laissais me présenter les lieux, respectueux. Au delà d'une simple demeure, j'étais dans le cocon de ma bibliothécaire, chacun de mes pas sur ce plancher m'amenaient un peu plus loin dans sa vie privé. C'était un honneur pour moi de découvrir son abri. Ma main dans la sienne je me laissais guider. Nous nous arrêtâmes dans la petite cuisine où elle me proposa quelque chose à boire.
- Pourquoi pas un thé oui.
Commençant à connaître ses goûts je ne doutais pas qu'elle en ait.

Mettant de l'eau dans un récipient en fer Eva s'apprêta à la faire bouillir grâce à un feu.
- Attends ... Je pris le contenant délicatement entre mes mains et au bout de quelques dizaines de seconde seulement l'eau se mit à bouillir.
- Bien plus rapide n'est-ce pas ? Et oui je peux aussi être une bonne bouilloire, et bouillotte... Je souris sur ces derniers mots.

Je laissais Eva s'occuper de faire infuser le thé, peu de temps à vrai dire. Écoutant mon instinct, mon coeur, j'arrêtais la jeune femme dans ses mouvements et la retournais vers moi. D'une main je lui caressais la joue et levais son menton avant de poser délicatement mes lèvres sur les siennes pour y déposer un baiser plein de tendresse.

Je regrettais rapidement de l'avoir invité puisque dans mes souvenirs il n'y avait rien qui ne soit digne d'une relation entremondienne chez moi. Pas d'alcool ou petits fours à partager, pas même de divertissements qui ne soit pas en vélin ou papier et imprimés... Il me soulagea en commandant un thé. Pour ce qui est du thé, j'ai !
La préparation fut bien plus rapide avec son aide.

-Maitrise du feu... ou des bouilloires ? dis-je malicieuse.

La conversation sur la maison n'avait rien de palpitant, elle était simple, fonctionnelle. Le mobilier était rustique mais utile. L'idée étant qu'il soit aussi solide que possible. Des traces de griffes et de morsures jalonnais armoires et commodes, justifiant une décoration aussi chiche.

Ma maison était aussi peu accueillante que la bibliothèque dans mes mauvais jours. Ce qui ne l'arrêtais pas pour autant.
Surprise mais satisfaite, il se décida enfin à m'embrasser faisant s'envoler les doutes que je nourrissais sur notre rapprochement.

Carine aurait tellement aimé être le chantre de la destruction de ce monde. Il se noyait dans sa propre rage, repoussant avec haine ce que mon esprit laissait porter jusqu'à lui, un peu d'humanité et de passion.

Je découvrais alors que mon corps tremblait comme une feuille. Ma théière fumante dans les mains et nos tasses habilement glissées sous mon coude, je l'entrainais vers le petit salon. Il n'y avait rien de passionnant dans cette pièce sinon un siège où nous pouvions nous asseoir et une table tout aussi griffée que le reste. Rapidement assis à cette table et trop rapidement de nouveau confronté à des sentiments qui m'étaient nouveaux. Je tâchais de me concentrer en servant le thé, peine perdue. J'étais de nouveau l'adolescente du volcan qui rêvait de vivre autre chose que la vie de la fille du forgeron des Varvandels.
Il n'y avait même pas de Carine pour perturber l'équation. J'allais devoir vérifier mes réserves de courage... Ou bien laisser tomber le service du thé. Exactement comme je le faisais à présent.
Je pouvais également tenter de l'approcher et glisser une main dans la sienne. J'étais à présent assez proche pour effleurer nos lèvres et lui faire toucher un sourire heureux.

Un sourire qui était dû à ces choses très humaines que sont les sentiments. J'avais oublié comme il était gratifiant de les satisfaire.

Il me restait encore un peu de courage. C'est une bonne nouvelle.

Eva me rendit mon baiser, un mélange de satisfaction, soulagement et de joie dansa dans mon ventre. Je sentis son corps tremblant dans le mien, je la serrais encore un peu plus contre moi avant de la laisser me guider dans son salon.

C'est alors que je remarquais les marques de griffures, certaines bien plus prononcées que d'autres, dans le mobilier de la pièce. Il ne faisait pas bon d'être présent les jours où Carine se décider à sortir. Très vite le loup sortit de mes pensées lorsque la jeune femme revint vers moi, son visage près du mien. Je plongeais mon regard dans le bleu de ses iris, avant de déposer à nouveau mes lèvres sur les siennes si proche. Assis sur le siège j'enlaçais sa taille pour la ramener contre moi. Assise sur mes jambes je passais une main sur son dos, l'autre caressant sa joue avant de se perdre dans ses cheveux, lui maintenant la nuque.

Sa peau était douce, un léger parfum vint flatter mon odorat. Cette proximité nouvelle me fit découvrir la jeune femme comme pour la première fois. Ses lèvres avaient un léger goût sucré, m'invitant à les goûter encore. J'y passais délicatement ma langue, savourant cet instant. Mes sens étaient en alerte, se délectant de chaque millième de secondes de nos corps l'un contre l'autre. Seuls mes yeux fermés privé ma vue de ses sensations, augmentant leur intensité auprès des quatre autres sens.

Je me relevais alors, gardant la jeune femme dans mes bras. Une main dans son dos et le bras sous ses genoux, je la soulevais sans difficulté. Je me dirigeais hors de la pièce, loin des marques de Carine. A bien y regarder celles-ci ne se trouvaient pas exclusivement dans le salon. J'ouvris une porte, je tombais dans les toilettes, je ne pus m'empêchais de blaguer, nous rîmes. Eva se moqua légèrement de moi, je cherchais la chambre et après quelques essais infructueux je la trouvais.

Je me rendais bien compte que mon comportement pouvais paraître intrusif, c'est pour cela que j'y mis encore plus de délicatesse et de douceur dans mes mouvements. Je déposais alors la jeune femme sur le lit avant de me penchais sur elle pour déposer un baiser timide sur le coin de ses lèvres. Je lui souris, rassurant. Je ne ferais rien qu'elle ne veuille pas, m'allongeant à ses côtés, penché sur son visage, ma main glissa sous son haut au niveau sa hanche pour remonter sur ses côtes. Je lui caressais le ventre, passant mon pouce juste sous sa poitrine, sans franchir la limite de celle-ci. Mes yeux scrutais les expressions de son visage, j'étais attentif à chacune de ses réactions. Je déposais un dernier baiser sur ses lèvres avant de ramener son corps contre le mien dans une étreinte rassurante.

Jamais il m'arrivait de penser que je pouvais être autre chose, une autre personne, qu'Eva Carine. Un peu de loup et un peu de femme. Après tout, on ne se construit pas une féminité en ayant pour compagnon un loup psychopathe et possessif...
Pour la première fois depuis des années, je me sentais seulement être Eva. J'étais une femme entre ses bras. Sa présence lourde et protectrice, sa chaleur et son souffle caressant. Je devenais humaine sous son regard. On s'habitue vite à être perçut de manière si avantageuse.
J'étais pourtant devenue louve, il y a longtemps. Si Carine avait réussit à gagner un peu d'intelligence humaine, j'avais acquis un peu de cette nature libre et fière des loups. Une main passée dans ses cheveux, je tenais son visage à distance pour l'embrasser de nouveau.

Il ne me venait pas non plus à l'idée d'être au delà des limites que je m'étais fixée il y a longtemps. Je me serrais contre lui. Une forme d'ivresse m'avait saisit, elle le faisait rayonner et sous mes yeux Ayren était le seul paysage visible dans cette chambre sans lumière.
Qu'étais-je en train d'accomplir sinon me perdre. Je ne voyais nul échappatoire et je n'en cherchais aucune. Je ne pouvais deviner les ombres derrière lui et s'il y en avait je ne leur prêterais aucune attention. Je ne craignais pas de me réveiller seule le lendemain et pourtant je le savais, il était le premier à entrer dans cette maison, cette tanière, et s'il partait j'aurais perdu en tant que femme et je gagnerai un peu plus de cette nature de loup.

C'est fou ce qu'un baiser, la chaleur de son ventre contre le miens, ce que l'ivresse de ce mélange de peur et de passion pouvait vous révéler.
J'y repenserai à toutes ces choses. Bientôt, car mon esprit était bien trop engourdis en cet instant. Je découvrais le corps d'une femme qui était miens, et ce dernier me parlait à sa manière. D'une main, il découvrait son amant jusqu'aux épaules. Car sa peau brûlante provoquait des frissons à faire pleurer le loup de jalousie. Je glissais une jambe téméraire au dessus des siennes évinçant la distance immense que mon cœur percevait encore entre nous.

Visiblement, mon cœur n'avait pas le compas dans l’œil. Nous étions aussitôt hanche contre hanche. Au moins, il était satisfait de voir que plus rien sinon l'impossible ne pourrait nous rapprocher plus.

Mes lèvres cherchaient encore les siennes, autoritaires elles se posaient sur sa peau, exigeant la tendresse qui leur manquaient depuis si longtemps.

Non, vraiment, je n'avais pas conscience que ces années passées dans la tête d'un loup avait asséché mon cœur au point qu'il voit en Ayren une source pure et abondante. Je priais pour qu'il n'ait pas fait d'erreur de jugement. Un échec signifierait beaucoup trop à présent.

Eva prit les devants, me montrant qu'elle n'avait pas besoin que je la rassure. Je me trouvais à présent sous son emprise, littéralement. Au dessus de moi elle me dévêtit à moitié, nul frisson de froid vint parcourir mon corps, seulement ceux du plaisir. La température montait, mon coeur battait la chamade.

Je laissais la jeune femme venir à moi, ses baisers se faisaient plus intenses, son désir se faisait sentir. Je passais ma main sous son haut pour le lui retirer, observant son svelte corps avec envie. Elle était comme une oeuvre d'art que je n'osais toucher le temps de la contempler. Je souris devant ses étreintes avant de goûter sa peau déposant une myriade de baisers sur son épaule, son cou, j'adorais y nicher mon nez pour humer le temps d'un baiser son odeur. Je poursuivais avec son oreille, zone sensible, sa joue, son menton, son nez... Je tournais autour du peau, je ris devant la mine exaspérée de ma douce amante, avant d'enfin déposer mes lèvres sur les siennes, chaudes et délicates.

Je basculais alors me plaçant au dessus, je la soulevais pour déposer sa tête sur l'oreiller avant de laisser ma bouche découvrir son corps ... Les ébats qui suivirent furent emprunts de passion et de tendresse. Je découvrais en la jeune femme une partenaire merveilleuse aussi soucieuse de mon bien être que moi du sien. Ce fut un moment de pur bonheur.

Lorsque je me réveillais, mon bras entourait le ventre de la jeune femme. Je sentais sa respiration lente, elle dormait encore. Je déposais un baiser sur la base de son cou, humant son parfum avant de quitter le lit. Je sortis, fis un brin de toilette avant de me rhabiller et sortir de la maison ...

Je revins quelques dizaines de minutes plus tard, petit déjeuner en main.
Je trouvais Eva dans la cuisine, légèrement vêtue. Son regard me scruta, indéchiffrable.
- Je suis parti acheter des viennoiseries bien fraîches, elles sont encore chaudes. Je lui montrais le sachet avant de m'approcher, déposant un baiser sur son front. Petit froncement de sourcils, je ris avant de lui donner un baiser de bonjour.

Je la regardais faire le thé, accoudé à la table. Je n'avais pas envie de partir, il était tôt, très tôt. Et pourtant il me faudrait bientôt la quitter pour commencer ma formation à la forge... Et si je laissais tomber pour rester dans ses bras ? Je jouais les fleurs bleus, ce n'est pas comme ça que je comblerais ma belle, en ne faisant rien de ma vie.

Je vins me coller à son dos, posant ma tête sur la sienne, mes bras autour de sa taille. Je fermais les yeux profitant de ce contact, mémorisant chaque sensation qu'elle me faisait ressentir, oubliant mon départ trop proche.

Ma conscience s'éveilla plus rapidement que mon corps, la lumière du soleil entrait dans la chambre dont les odeurs attirèrent Carine hors du sommeil à son tour. Il regardait avec mes yeux la place vide à mes côtés. Humble vainqueur, il détourna mes pensées vers ce qui lui faisait le plus envie ce matin-là, le petit déjeuner.

Je ne pouvais me décider à questionner celle que j'avais été la veille. Avait-elle des regrets ? Aurait-elle voulu plus ou était-ce finalement une bonne chose que ce moment se termine ainsi ?
La tension qui m'habita dès le réveil se mua en sentiments variés et incontrôlables. A l'instant où Carine se retrancha dans les ombres, l'animal venait de subir des représailles dont il n'avait pas soupçonné la violence, je compris. Il me fallait me reprendre.

Le poêle à bois crépitait déjà lorsque l'odeur des viennoiseries fit sursauter un loup déjà impatient. Nos deux consciences se tournèrent d'un bel ensemble vers Ayren. En une seconde la victoire changea de camp. Le loup gronda en mauvais perdant et s'éloigna du bord du monde. Il refusait de partager le baiser que j'échangeais avec son concurrent.
Quant à mes ressentiments matinaux, ils disparurent, ne laissant sur leur passage leurs traces amères.
Je me sentais pathétique d'avoir réagit si vite. Alors, je terminais de préparer ce qui devait être un repas solitaire et l'aménagea pour deux.

Une fois le rituel du matin accompli, la pendule du couloir nous rappela à l'ordre.

-Le chef a parlé...

Clôturant un moment de paix d'un baiser, je me levais quasiment prête à partir.

-Il nous faut y aller, je ne peux pas laisser Kip faire l'ouverture, il oublie tout le temps de désactiver les alarmes...

Puis, caché derrière un sourire, j'ajoutais :

-Et tu as une rude journée qui s'annonce.

Un jour je devrais lui parler des Varvandels et de leur forgeron. A l'instant, j'étais persuadée qu'il n'aurait aucun mal à assimiler ces informations. Durant le chemin jusqu'à la berge, je me pris à douter. Je me décidais à remettre cette question à plus tard. Lorsqu'il me sera plus facile de déterminer les risques que ces révélations pourraient avoir.
Le voilier magique s'approcha rapidement de notre position. Son capitaine arborait un sourire complice dont elle usa pour nous accueillir et nous installer sur des places libres. Nous n'étions pas seuls sur le bâteau mais heureusement, la navigatrice prit d'abord la direction de l'ouest et d'Ordae.

Loup y es-tu ?

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