10 ans déjà [PV : Kaïl]

Ainsi, voilà ce qu'était devenu le bidonville que Rhaegar avait quitté il y avait dix ans de cela. Tout était si différents et pourtant tellement inchangé. Les mêmes ruelles surpeuplées mais plus longues, plus nombreuses. Les mêmes taudis insalubres mais plus question de les compter désormais. Le ciel était toujours aussi prompt à se cacher derrière les bâtiments, les auvents et les échoppes. Le regard... le regard des gens avait changé. On se doutait rien que dans les yeux des autres que la population avait changé. Envolés les voyageurs coincés qui s'organisaient tant bien que mal. Disparue la panique et la précipitation. Oubliée l'agitation d'une ville naissante. Dans les regards ont pouvait lire tout autre chose aujourd'hui.

Magna était fascinant. Toujours surchargé de personnes tellement différentes les unes des autres, toutes plus louches les unes que les autres. Rhaegar ne savait pas bien pourquoi il avait voulu revenir ici. Après tout il ne s'y était jamais sentit chez lui. Par curiosité peut-être ? Certainement pas par nostalgie en tout cas. Quoi qu'il en soit, il arpentait les ruelles bondées. Il devait faire tâche dans le paysage car on le dévisageait. Non, décidément Magna ne serait jamais un endroit où il se sentirait bien. Il y était étranger et n'était pas sûr de vouloir s'y intégrer. Qui de sensé le voudrait d'ailleurs ? C'était le seul quartier de la ville à être rester au stade de bidonville ! Ceci dit pour les criminels et autres fugitifs il n'y avait pas meilleur endroit pour se cacher des sanctuaris.

Emporté par la foule, Rhaegar atterrit sans trop savoir comment devant l'échoppe d'un marchand de thé. La devanture paraissait tentante mais les deux gros bras qui guettaient les alentours et le sourire trop parfait pour être honnête du maître des lieux refroidissaient les ardeurs du non-mourant. Comme si l'univers décidait de confirmer ses doutes deux autres types armés de couteaux et transportant un paquet sous un draps sortirent par derrière et disparurent presque aussitôt dans la cohue. Non, ce n'était pas une bonne idée de prendre un thé ici.

Continuant sa route, le fils honnis d'Ad Nikaye tomba cette fois sur un salon de thé beaucoup plus traditionnel d'où se dégageait une agréable odeur de thé... Cela vallait le coup de s'y risquer. Rhaegar s'installa et commanda un thé vert. Il profita de l'attente pour sortir une affichette de son sac et l'inspecta plus en profondeur.

- Le fenrir...

Le serveur revint et déposa une tasse devant lui. Rhaegar le remercia et allait se replonger dans la lecture du tracte lorsqu'il croisa le regard d'un gamin.

Croiser le regard d'un gamin... Faut le dire vite ! (t'es qu'un vioque d'abord). Dans un : AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! Sonore, retentissant, provenant de la gorge encore immature d'un beau gosse à la voix d'ange -qui a passé quelque temps à fumer comme un pompier et qui s'est repeint les ailes aux couleurs de l'arc-en-ciel ... Bref. Ma voix, sublime en temps normal. Déformée dans un cri ô combien magnifique, j'avoue. Je me débattais comme un ... très... beau diable à plus d'un mètre et demi du sol, les jambes gigotant dans le vide.

-Lâche moi sale brute ! T'avais qu'à pas la laisser trainer ta bourse, non mais sérieux faut faire attention à ton blé, normal qu'on te la pique au passage !

-Je vais te faire passer l'envie de voler un titan gamin !

-Nan sérieux, t'es un Titan ! Rhoa tu charies, t'es aussi petit que moi !

Un grognement plus tard, je mordais de toutes mes quenottes dans la papatte du grand gaillard. Il a pas trop apprécié, faut dire que j'ai des canines de fou ! Il beugla/hurla/rugis (rayer la mention inutile) arrachant sa main à ma mâchoire me libérant par la même occasion. Il est costaud le bonhomme mais rien ne peut faire peur à Kaïl ! Rien du tout. Pas même ses propres chaussettes. J'allais prendre mes jambes à mon cou, juste après avoir repris mon souffle, mais ma diversion n'avait pas été si géniale que ça. Il était encore plus furieux j'ai couru droit vers la première table qui se présenta et on tourna autour comme un chat et une souris.
À gauche à droite... J'aurais jamais le temps de dégainer papier et crayon alors pour m'en sortir seul... faudra revoir lorsqu'on tournera une autre version de la scène. C'est quand qu'on dit "Coupez ! C'est dans la boite"... En l'occurrence c'est moi qui vais finir dans une boîte... L'occupant de la table pouvait bien râler, c'est ma vie avant la sienne !

-T'as pas honte de taper les plus petits que toi !

Le gars en était rouge de colère. C'était ma mort ou celle de son égo, et pfiouh! c'est qu'il était coriace ! Il hurlait et gonflait de partout, ses tempes palpitant de colère... Il semblait perdre quelques couleurs après qu'il eut compris que m'attraper serait plus difficile que prévu. Il tenta, bêtement, de ruser. Mais on me l'a fait pas...

-Rends moi mon argent petit... Et je te laisse en vie.

-Petit toi même !

Le gamin en question lévitait à quelques centimètres du sol. Sa technique était plutôt novatrice. Qui aurait-cru que battre des jambes et beugler pouvait vous maintenir dans les airs. Oh bien sûr la supercherie est toute découverte lorsqu'en regardant un peu plus haut on voit son acolyte et l'on comprend dès lors que l'enfant ne lévite pas mais qu'il pend et essaie de se libérer de la poigne d'un géant. La situation était certes plutôt banale pour un quartier comme Magna... un vaurien qui vole le mauvais gars... mais Rhaegar n'y était plus habitué. L'avait-il jamais été d'ailleurs ?

Bref, à peine le temps de penser à cela que le voleur se dégage de l'entrave du volé et que l'un et l'autre viennent se mettre à danser la gigue autour de la table du non-mourant. C'était un peu comme si Magna avait décidé d'accueillir un ancien habitant avec toute sa fougue condensée en deux spécimens très... représentatifs. Vas-y que je te feinte à droite, à gauche, attrape-moi si tu peux. Pendant ce temps Rhaegar finit son thé comme si les deux perturbateurs n'existaient pas. En son fort intérieur pourtant la situation l'amusait énormément. Il revivait un "David contre Goliath" revisité et le David en question qui ne manquait pas de répondant. Quand au Goliath... et bien c'était l'archétype de la brute. S'en était presque touchant.

- Petit toi même !

Rhaegar se mit à rire à cette réplique et regarda l'enfant avec beaucoup d'amusement. Quel morveux ! Il n'avait peur de rien alors qu'il n'avait même pas encore mué de voix. Mais passons aux choses sérieuses. La tasse de thé était vide et si Rhaegar veut la paix il lui faut choisir un camp. Etrangement laisser le gamin se débrouiller tout seul effleura l'esprit du fils d'Ad Nikaye - Il ne doutait d'ailleurs pas une seconde que le petit s'en sorte. - mais la brute avait l'air coriace et l'idée de voir la tête du môme fracassée par le poing de ce titan n'enchantait guère Rhaegar.

- Messieurs du calme s'il vous plait.

Une phrase inutile qui tomberait dans les oreilles de deux sourds. De cela Rhaegar en était conscient mais il n'aimait, ni ne voulait se battre. La violence engendre la violence et amène pléthore de coups. Hors le guérisseur n'avait pas envie de travailler aujourd'hui. La seule solution qui restait alors était de jouer au plus malin avec la brute et vu la finesse de celle-ci il ne faudrait pas grand chose pour l'appâter.

- Mon cher monsieur... Pourquoi accabler cet enfant ? Il n'y est pour rien. Il ne fait que suivre des ordres. Vous-même n'êtes vous pas sujet à ce genre de choses ? Je suis sûr que vous passez vos journées à recevoir des ordres, des ordres encore et toujours des ordres de votre chef. Heureusement pour vous le destin vous a conduit devant moi !

Le titan auparavant rouge de colère et fixé sur l'enfant commençait à me porter une certaine attention.

- T'es qui toi ?

Manifestement la proie ne demandait qu'à mordre à l'hameçon. Il ne suffisait plus qu'à Rhaegar de reprendre le numéro d'un vieux marchand d'illusions qui était passé une fois dans les montagnes aux alentours de Verdi.

- Comme je suis heureux que vous me le demandiez ! Je me nomme West Dickens et c'est un honneur de rencontrer un homme aussi vigoureux que vous ! Laissez-moi vous dire que c'est votre jour de chance car vous avez devans vous le seul et l'unique vendeur de l'elixir Xperia !

- Le quoi ?!

- Prenez un siège que je vous explique un peu de quel produit fabuleux il s'agit...

La supercherie semblait marcher mais Rhaegar n'était pas ce qu'il se faisait de mieux comme vendeur et encore moins comme menteur et maintenant qu'il était parti il ne pouvait plus s'arrêter sinon lui aussi se retrouverait dans le colimateur du titan. Alors il était dans le même bateau que le gosse désormais. Tiens d'ailleurs s'ils voulaient s'en sortir tous les deux il faudrait que le mioche s'y mette aussi.

Messieurs, du calme s'il vous quoi ? C'est pâteux dans ma bouche quand j'entends s'il vous... enfin vous savez, les mots magiques. C'est le premier timbré qui m'appelle monsieur. Habituellement c'est "Hey toi là !" ou "Hey le morveux !" et ça finit "Morveux toi-même le vieux !" ou "Hey grand dadet"... Oeil pour oeil, Dent pour dent ! J'adore ce dicton.
Donc le vieux aux cheveux longs parla. Il raconte je ne sais quelle connerie au Titan plus bête que ses patates. Vu la masse musculaire, dans la tête ça doit ressembler à un lac souterrain, du genre puant, liquide, vide.

Comment ça je suis des ordres de quelqu'un ? Je ne suis les ordres de personne, il est fou ce gland ! Je suis Kaïl, le moire le plus intenable de tout l'Entre-Monde et je ne suis les ordres que de moi-même (de mon estomac la plupart du temps) ! Xpéria.

-Le quoi ?!

La question avait fusé aussi bien de ma bouche que de la caverne de l'autre montagne de muscles. On s'est regardé, froidement, prêts à dégainer nos armes, prêts à nous tirer dessus dans un duel digne d'un western de Clint Eastwood ! C'est qui déjà ? 'Sais pas.

L'autre s'assit devant Dickens, et je m'appuyais sur le dossier de sa chaise, curieux d'en savoir plus à mon tour. L'autre distrait par le vendeur de l'elixir X-bidule, je dégainais un crayon et mon bloc à dessin. Je commençais à dessiner... Si l'autre veut savoir de quel bois je me chauffe j'ai un Viffeux, une créature qui s'enflamme de la taille d'un malinois, de déjà presque prêt. Un dernier coup de crayon et mon viffeux sera sur lui à lui coller des cloques plus grosses que le dôme d'Atlantis.

-Faites pas attention à moi, je dessine le portrait de...

Du truc. Ouai, j'ai souris et l'autre encore plus interloqué commença à croire qu'il était tomber dans un piège de la quatrième dimension... Mais cet Elixir, c'était quoi au final ? Moi j'en savais rien et mon sauveur, tout maigrichon, devait pas le savoir non plus à sa tête.

Spoiler:

Le gamin semblait ne pas trop vouloir se mouiller. La brute et lui semblaient intrigués par le produit miracle que Rhaegar voulait leur vendre. Bref, tout était parfait dans le meilleur des mondes. Sauf que le guérisseur n'était pas marchand et qu'il n'avait rien à vendre encore moins un produit miracle ! Il lui fallait réfléchir et vite pendant que le morveux dessinait un truc. La seule échappatoire consistait sans aucun doute à continuer cette farce qui n'avait plus rien de comique !

- Souffrez-vous de courbatures, de rhumatismes, de crampes d'estomacs, de rage de dents et autres menus problèmes ?

- euuh...

- J'en étais sûr ! Et bien Xperia vous règlera ça en un instant ! Grâce à sa formule mêlant 123 composants Xperia peut tout soigner mon bon amis ! Non seulement ça mais il améliore également vos réflexes, votre vue et vous donne une vigueur au-delà de toutes les attentes de ces dames si vous voyez de quoi je parle.

Le titan avait atteint les limites de sa compréhension et comme le font souvent les brutes lorsqu'elles sont perdues... Elles menacent.

- J'aime pas qu'on se foute de moi !

Il était temps d'en finir sinon ça risquait de mal tourner.

- Vous ne me croyez pas, je le vois bien. Mais, pardonnez ma franchise... vous n'êtes pas un homme de science. Sinon vous comprendriez quelle avancée majeure représente ce produit ! Que puis-je faire pour vous convaincre ?

Une idée. Rhaegar était à court d'idées... Heureusement, il réfléchissait plus vite que son interlocuteur.

- Ah ! Je sais ! Cela me coûte car je n'ai que très peu d'échantillons, mais je ne peux vous laisser passer à côté de ce miracle de la science.

Le fils de la mort se pencha pour fouiller dans son sac à la recherche d'une fiole bien précise. Nom d'un chien mais où avait-il mit l'éther ! Les quelques secondes qu'il fallut au non-mourant pour trouver cette foutue fiole étaient trop longues à son goût ! Lui qui espérait une journée tranquille ! Illusoire que cette envie quand l'on est dans Magna !

- Voici mon cher. Inhalez cinq bouffées de ce produit miraculeux et vous vous sentirez comme jamais !

Le guérisseur tendit la fiole au géant qui la prit et s'empressa de prendre ces cinq bouffées.

- Je sens rien... Tu vas regretter de t'être foutu de moi l'avorton !

C'était bien la première fois qu'on traitait Rhaegar d'avorton, mais soit là n'était pas l'important. Le non-mourant avait peut-être sous-estimé la quantité nécessaire pour mettre le type K.O.

- Je suis confus. Seriez-vous un dieu pour que cela ne vous atteigne pas ?

- Je vais te faire passer l'envie d'arnaquer un titan !

- Inutile de vous...

Le titan se leva, de nouveau très en colère, mais aucune colère ne pouvait résister à l'éther ! La tête lui tournait manifestement car il tituba sur un ou deux pas avant de s'effondrer dans la rue au grand soulagement de Rhaegar. Le fils de la mort avait, l'espace d'un instant, cru que son plan improvisé et bancal - tel que seul un emplumé démoniaque en avait le secret - était tombé à l'eau et qu'il faudrait courir pour sa vie. Enfin ceci dit, il ne valait mieux pas rester ici. Le Tel'nok récupéra sa fiole d'éther, la remit à sa place et paya son thé.

- Ravi d'avoir pu t'aider. dit-il au gamin en souriant.

Sur ce, il se retourna et se mêla à la foule. Le gamin semblait être plein de ressources et capable de se débrouiller tout seul à présent. Rhaegar aurait aimé faire plus ample connaissance avec lui, mais ce morveux était manifestement une source d'ennuis que le non-mourant devinait intarissable.

Spoiler:

Comment il ta mouché le bonhomme. Il l'a empoisonné ou quoi ? L'autre gros tas a pas eu le temps de se lever qu'il était déjà dans le caniveau à baver admirablement... Heinhein, rapide et efficace le grand type. Tiens il s'en va. Je l'ai regardé la pointe du crayon à un millimètre de ma feuille... Mauvais pour les affaires, ce type pourrait se révéler être une mine d'or. J'enfilais mon matériel sous le bras et fonçais dans la ruelle.

-Ohé !!!!!

Je bousculais toute personne ne voulant pas faire de l'espace pour que je passe dans la foule.

-Hey toi là bas !

Je parle chinois ? Aller ! retourne toi ! Ça va devenir vexant, tu sais !

-Hey le grand type à la fiole ! Ouai le type habillé comme un ninja !

Ah ça pour attirer l'attention y a pas meilleur que moi. Je fonçais droit dans la foule qui commençait enfin à faire de la place pour éviter de se faire marcher sur les pieds par une mini-tornade qui braille. Arrivé à auteur de ma victime, je me plaçais à ses côtés en silence, un large sourire sur le visage, et je lui emboîtais le pas pour rester à côté de lui.

-J'm'appelle Kaïl. Et toi tu t'appelles pas vraiment Dickens, hein ? Et t'a spas le feeling d'un vendeur. Ça te dit un hamburger ? Tern est à côté. C'est toi qui paye !

Quoi ? Il va quand même pas faire payer un enfant, hein. Et puis non, il ne peut pas refuser de manger un morceau avec moi, il n'y a que lorsque je mâche que je suis silencieux. Tiens d'ailleurs, lui il le sait pas, faut qu'il l'apprenne.

-Alors t'es qui ? Pourquoi tu m'as aidé, t'aurais pu juste te barrer, le titan j'aurais pu en faire mon affaire, vu comment il était petit...

*Et comment il avait l'air lent surtout*

Je fis mine de vérifier l'état de mes ongles. Un peu sales, normal quand on dort dehors chaque jour durant. N'empêche que j'avais pas besoin de son aide. S'il veut m'aider qu'il me paye à manger. C'est mon seul problème récurrent en ville. Les ennuis, ça... J'ai l'habitude, ils me collent à la peau. Comme si j'avais mis le déodorant comme dans la pub mais qu'il attirait les dingues au lieu des filles.
Dans un sens je préfère les ennuis. Les filles c'est encore pire que les ennuis. C'est... Des démons. Ouep, de vrais démons encore pires que les vrais de vrais.

-En plus tu m'as empêché de lui mettre une râclé. Tu veux savoir un truc, t'es trop gentil, ça te retombera dessus. Tu m'aurais laissé faire je l'aurais fumé comme un bon vieux jambon ! Héhé.

Cette histoire aurait put en rester là. Le colosse par terre à roupiller, le gamin des rues soupesant la bourse à peine acquise et Rhaegar passant son chemin. La fin sonnait bien. Tout le monde aurait été content et le non-mourant aurait pu quitter Magna sans tarder. Ce quartier était définitivement trop agité pour lui. Mais il fallait croire qu'au niveau agitation l'enfant surpassait de loin Magna ! La cacophonie d'interjections qui fusait derrière le fils de la mort était impressionnante mais il resta de marbre continuant de se frayer un passage parmi la foule. Non pas qu'il veuille enseigner quelque leçon au gamin mais plutôt que son comportement l'amusait énormément.

Mais voilà que le gosse arrive enfin à hauteur du Tel'nok et se tait... quelques secondes du moins. Il se présente et enchaîne les questions sans attendre de réponses. Rhaegar avait chassé un type comme ça un jour. Une âme comme Ad Nikaye en raffolait. L'histoire s'était finie avec les mains du non-mourant autour du coup du type mettant fin à un long monologue. Dommage le type était sympa. Enfin cela n'avait plus d'importance aujourd'hui. Des souvenirs diffus voilà tout ce qu'il en restait.

- Je m'appelle Rhaegar. Et va pour Tern.

A vrai dire ça l'arrangeait. Tern était le seul endroit pas trop loin où il pourrait trouver sans trop de mal le Fenrir. Cela dit, il était hors de question que le morveux se nourrisse sur son dos. En plus de cela Rhaegar était fauché et le thé qu'il comptait déguster tranquillement lui avait coûter la moitié de sa fortune. Il faut dire qu'une montagne qui s'écroule sur un village y'a pas mieux pour engloutir vos économie. Donc non, il ne paierait pas. Et puis le gamin avait récolté quelques pièces aujourd'hui non ? Autant qu'elles lui servent !

- Je n'en doute pas.

ça c'était pour répondre au passage sur le "pourquoi tu m'a aidé je peux me débrouiller tout seul." Rhaegar se demandait vraiment si c'était la peine de répondre plus avant à cette question qui n'en était pas vraiment une.

- Mais qu'est-ce que ça t'aurait apporté ? Tu lui aurait fait sa fête, il aurait déguerpit. Fin de l'histoire ? Je connais trop bien Magna pour le croire. Deux jours après il te retrouve et cette fois il est pas tout seul. Même une brute sans cervelle peut élaborer des plans. Au final qu'est-ce que t'y gagne ? Une journée à l'hosto si t'a de la chance.

Ainsi va la vie à Magna. On dit que les robots ont une mémoire bien supérieure à celle des autres créatures, mais pour la plupart ils ne connaissent pas la rancœur. Or une brute humiliée par un gamin en est pleine et la rancœur a le dont pour exacerber la mémoire.

- Bon, parlons peu parlons bien. C'est par où Tern ?

Qui a dit que la raclé supposait que le bonhomme soit encore en état de réfléchir après ? Il sait que je suis un moire le ninja ? Non, c'est vrai il le sait pas. Et bien il devrait. Dans la mythologie ce sont les moires qui décident qui vie et meurt !
Bon moi j'ai écopé du droit de décider de qui vie, mes dessins donnent la vie... L'autre guguss qui m'a filé ce pouvoir (Dieu il parait) aurait pu me filer un truc plus menaçant, plus... cool quoi ! Mais non, en plus d'être orphelin, abandonné par tout le monde, je suis un moire de la première génération. S'te loose !

-Le sanctuaire ils veulent pas de moi. La dernière fois que j'y suis allé c'était pour l'appendicite. Les infirmières ont pas apprécié que je répande du ketchup sur le carrelage et que je rembourre de vieux vêtements pour faire croire à un meurtre. C'était trop génial, y en a même une qui s'est évanouie quand j'ai goûté le ketchup !

Tout ça pour dire que je serais même pas allé à l'hosto... Tiens, d'ailleurs ce jour là Rhys m'a montré de quel bois il se chauffait... Il a tellement hurler après moi que les médecins ont dû le faire sortir de force. Peut-être parce qu'il s'est tapé une amende à cause de moi en fait... C'est pas moi qui ai cassé la machine à sodas, c'est ma bestiole... Je suis sur la liste noire de l'hôpital maintenant. Si j'y vais, ils m'en font sortir à coup de pieds.

Stopé net dans ma réflexion j'ai levé les yeux sur... Il s'appelle comment déjà ? J'ai pas écouté, c'est qu'il utilise plein de mots relou, alors sérieux pour l'écouter.

-Mais t'es quel genre de paysan pour t'habiller comme un croque-mort ? Tern c'est par là.

J'ai pointé du doigt dans la même direction que la rue qu'on prenait. J'ai tiré sur sa manche pour le faire grimper dans un bus (sans vitre et sans toit... une charrette en fait) qui allait vers Tern. Assit entre un kilos de patates douces et lui. Rha ça fouette... j'ai entendu mon estomac gargouiller.

-Tu viens d'où au juste ?

Ce gosse était débrouillard c'était une certitude. Rhaegar était maintenant assis à côté de lui dans une charrette nauséabonde qui se dirigeait vers Tern. Il écoutait le garçon et ce qu'il apprenait ne le surprenait pas vraiment. C'était même drôle l'idée du ketchup et des vêtements mais pas étonnant que les guérisseurs du sanctuaires n'aient pas appréciés. Bien des médecins ne sont pas réputés pour avoir le sens de l'humour et nombres d'entre-eux n'ont pas un grand sens de l'humour. Que diraient-ils d'ailleurs si Rhaegar tentaient de leur expliquer son propre pouvoir. Tuer sa famille à petit feu pour sauver une vie... A y penser le non-mourant avait souvent eut envie de vomir. Il tuait ses frères. Il tuait ses sœurs. Pour chacun d'entre eux il tuait aussi un peu Ad Nikaye, sa propre mère. Rhaegar assassinait les siens... il pourrait très bien ne jamais se servir de son pouvoir mais il avait fait le choix d'aider les vivant même si cela se faisait au détriment de la mort. Et puis... si sa mère perdait suffisamment d'enfants, peut-être comprendrait-elle que la vie est précieuse et que l'existence d'un être se doit d'être respectée. Il y avait peu de chance certes, mais l'espoir n'est jamais vain.

- J'étais guérisseur dans un petit village à l'est de Verdi. Mais j'ai du le quitter. Je vais tenter ma chance auprès du capitaine Abysse.

Rhaegar n'avait pas envie de s'étendre beaucoup plus sur le passé. L'avenir était un sujet autrement plus intéressant tout comme le présent. Le passé appartenait aux souvenirs et c'était très bien ainsi.

- Quand à mes habits, je vois pas ce que tu leurs trouvent et quand on voit comment tu est... accoutré t'a pas vraiment de leçons à donner gamin.

Tout en souriant, le Tel'nok passa en revue l'allure de Kaïl. Enfant des rues, grand cru. On ne pouvait pas se tromper. La pique lancée et en attendant l'inévitable retour cinglant, Rhaegar jeta un œil autour d'eux. Étrangement, voyager en charrette, aussi puante soit-elle, donnait au non-mourant un autre point de vue sur le quartier. Magna n'avait pas que des mauvais côtés. Dans la foule il y avait aussi des regards joyeux et des êtres qui semblaient y avoir trouvé leur place. C'était déconcertant au possible pour Rhaegar mais il avait d'autres chats à fouetter pour que ça ne le touche vraiment.

- Et toi, Kaïl. D'où viens-tu ?