Re: Au grands maux les grands remèdes [pv Eönwë et Wergled]

On se sent toujours mal à l'aise quand quelqu'un pleure devant vous. Parce qu'on ne sait pas où s'arrête la limite de ce qu'on peut faire et de ce qu'on voudrait faire. Plus encore, si on ne sait pas quoi faire quand bien même l'envie de l'aider ne manque pas. Lui donner un mouchoir me paraissait inutile -y a le drap pour ça- et sans coeur. Et puis, le voir pleurer lui donnait ce que l'humanité oublie parfois : un masque de vérité.
Et je l'écoute, fermement enfoncé dans mon matelas et mes coussins, l'esprit vide, le coeur gelé pour ne pas intérioriser la douleur qui le lie, mes épaules sont solides mais je ne peux supporter et mes douleurs et les siennes, je ne suis pas Atlas pour porter le monde sur mes épaules.

Et je vais lui dire comment vivre sans eux. Malgré tous les ordres des infirmières et même de la directrice des lieux, je descend de mon lit et je boite jusqu'au sien. Agrippant son col je le tire vers moi pour l'approcher au plus près de mon visage. De la colère sur mes traits et les mains qui tremblent de douleur, je me tiens droit malgré les points de sutures qui se sont fait la mal pendant l'opération.

-Et tu fais quoi, là ? Vis pour eux s'ils te manquent mais mourir t'avancera à rien. Je ne vais pas te dire qu'ils auraient aimé te voir vivre, c'est une évidence. Ta femme, tes fils et cette fille qui devait naitre. Chaque souffle qui leur a été volé revendique-les. Ils sont à toi à présent. Malgré ton coeur qui saigne de leur absence, malgré la culpabilité qui te ronge. Leur temps est le tiens à présent, fais-en bon usage.

Sans un éclat de voix, je ne pouvais pas hausser le ton, la douleur aurait fais virer ma voix dans les aïgues de toute manière. Ma mains desserra sa prise et je reculais pour tomber sur le fauteuil le souffle court. Dur d'assister un déprimé, je devrais songer à augmenter Ayame. Et je pensais souvent à lui, et aux mots qui m'ont sûrement sauvé la vie.

-tu as la vie devant toi pour retrouver de bonnes raisons de sourire.

Et il avait dit alors "Si tu veux refaire le monde commence par le possible et tente un jour de réaliser l'impossible" . J'y travaille. En prenant mon temps. Un léger sourire sur mon visage et une fleur rouge fleuris sur mon bandage... ahah j'en connais deux ou trois qui vont s'exciter rien qu'à me voir. Je ne fais jamais plus d'effet que dans cet hôpital.

Je m'étais attendu à quoi? Qu'il se lève et qu'il me prenne dans ces bras? Ridicule, c'était pas son style. Quand il m'a empoigné, je n'ai même pas cherché à me débattre, parce que, c'était inutile et ces mots, ces mots... Je savais qu'il avait raison, mais... Mais c'était pas facile a encaisser. Je prend une inspiration alors qu'il me relâche et qu'il se vautre dans un fauteuil. Je note que son bandage se colore doucement mais surement.
Je pousse un soupir et secoue la tête, je zappe ma douleur, c'est pas grave, ça passera par contre lui je peux l'aider, je suis pas guérisseur avant toute chose?
Repoussant mes draps, essuyant mes larmes, je me redresse en grimaçant, avant de sortir du lit, j'y vais doucement. Puis, je me met en position debout, avant de m'approcher de lui, de le prendre par le bras et de l'aider à se redresser, et toujours avec lenteur, comme deux estropiés que nous sommes, je le rallonge sur le lit. Là, je me tourne vers la table de nuit ou bandes, compresses et compagnie se trouvent toujours, j'écarte un peu plus sa chemise avant de défaire son bandage à l'aide des ciseaux que je repose aussi sec. J'ai un de ces mal de crâne... Mais c'est pas grave.
Je retire les compresse qui masque sa cicatrice et soupir:

"T'as fais sauté trois fil..."

Je frotte mes mains entre elle, ce don est pratique, reconstruire la matière abîmée, c'est souvent et surtout à cause de cela que je suis le seul à m'occuper de lui. Une petite lumière apparaît dans ma paume, c'est pas aussi puissant que d'habitude, surement dû à ma blessure et à mon état de fatigue général.

"Je sais, ça sert pas à grand chose, mais ça évitera qu'Aliénor et Saya te tombe dessus."

Je termine mon entreprise, puis je replace les compresses et rebande le tout avec un soupir.

"Je sais pourquoi je t'apprécie. T'as toujours eu le don de me remettre les idées en place."

Et vacillant, je me dirige après avoir reposer les instruments, à mon lit. Je porte la main à mon crâne et me rallonge:

"Toute la vie oui."

Je me remet en position allongé et reprend:

"Dis moi, juste pour savoir, il se prénomme comment ton assasin?"

Ne pas s'apitoyer sur mon sort, parce que, oui, elle ne l'aurait pas voulu et eux non plus... Je retrouve mon calme, mais je parviens difficilement a replacé sur mon visage, un masque d'impassibilité...

Déformation professionnelle... Je suis de nouveau allongé et j'ai un bandage propre sur le ventre. Quel radin cet elfe il oublie que les infirmières a-dor-e venir s'occuper de leur patient préféré. Pour un peu, j'ai un abonnement à l'hôpital et une chambre à mon nom que je loue au mois.

-Aliénor je sais pas, mais Saya aurait aimé s'en charger elle-même.

Je me hisse sur les coudes pour le regarder se réinstaller dans son lit. On dirait deux vieux qui prennent soin l'un de l'autre en attendant qu'on veuille bien les débrancher. À la nuance près que je dois avoir un siècle de moins que lui en terme d'âge et qu'il est plus éloigné de la mort que je ne le suis. La vie est injuste.
Un "de rien" fuse de mes lèvres, parce que l'aider à faire le tri dans sa mémoire bien remplie est un plaisir, enfin moins quand je risque d'y laisser trainer mes organes sur le carrelage de l'hôpital, mais s'il faut ça pour qu'il se remette...

À sa dernière interrogation je retombe dans les coussins. Comme un gamin qui boude je garde le silence une minute en regardant fixement le plafond. Le nom de l'assassin est connu, c'est le fait de m'associer à lui qui me pose plus de problème. Il est loin le Wergeld qui ne disait pas un mot si ce n'est les nécessités à Ayame et qui partait le dos rond sous son épée vers des contrées obscures de la zone du dehors. Si peu de temps et on se reconnait déjà difficilement quand le miroir nous montre le reflet d'un garçon qui n'est plus vous.

-Fafnir.

Je devais dire Rurik ? Non. Pas la peine, on le connait sous le nom de Fafnir, il comprendra peut-être mieux l'ampleur des dégâts causés à ma conscience et au restant de mes jours.

-Il m'a dit à notre première rencontre, que nous étions tous deux des meurtriers, que j'étais comme lui, "son miroir" furent les mots justes.

"Hein?!"

Ce fut la magnifique exclamation qui sortit de mes lèvres quand j'entendis le nom de cet homme dans la bouche de Wergled. Fafnir? LE Fafnir? C'était une blague c'est ça?
Me redressant tant bien que mal et grimaçant encore au passage, je tourne la tête vers lui pour constater que non, il plaisante pas. Non il ne pouvait pas coucher avec lui quand même, enfin coucher avec un assassin fallait le faire, mais un assassin de la réputation de Fafnir alors là... Là...

Lui faire la morale? Me lever pour lui manifester mon mécontentement, soupirer et lui sortir qu'il était totalement inconscient? Non mais il cherchait quoi? A mourir aussi?! Et Ayamé il... Devait pas être au courant bien évidement. Non mais quand est-ce qu'il allait faire les choses correctement? Qu'il est une attirance vers les hommes je m'en contre fiche, mais qu'il les choisisse correctement quoi!

"Non mais t'es complètement barré mon pauvre Wergled! Je veux bien essayé de comprendre mais c'est surement pas à toi que je vais apprendre qui est cet homme quand même? Tu as des pulsions suicidaires aussi?!"

Tout deux des meurtriers, à la différence que lui est dans l'illégalité et que toi t'es dans la légalité, Rhaaa non mais vraiment, il ne peut rien faire comme tout le monde. Poussant un soupir, je laisse le silence s'installer, et je médite. Le pire serait qu'il ressente des sentiments pour lui, sans se l'avouer bien évidement et là... Là il y aurait un énorme problème.
Bordel, j'apprécie Wergled, c'est un homme sous ces airs, bien, oui bien, je vais pas dire parfait mais bien. Il a son caractère, il a ces pulsions, la preuve, mais il répond toujours présent (enfin ça dépend des cas). Depuis quand on ce connait? J'ai arrêté de compter...
Bon sang de bois, j'ai mal au crâne, trop mal au crâne là, j'aurai pas du m'exister je crois, oui mais non, là vraiment, je peux pas rester silencieux.

"On ce connait depuis quand Wergled?"

Il l'avait pas déjà compris que c'était de Fafnir dont je parlais ? L'image de ma propre mère tuée avec sauvagerie me revenait en mémoire. Je les avais regardé longtemps les photographies en noir et blanc de sa maison à la peinture refaite de rouge s'écaillant sous la lumière d'Atlantis. Et son corps étendu, ce sourire fragile et ses yeux grands ouverts de stupeur. J'ai haïs son assassin et je le hais toujours. Sur les photos glacés mon reflet encore en mémoire d'un garçon désœuvré près à tuer.
Là sous son regard, je me mordis la langue en ressassant les souvenirs de ces jours noirs encore vivants dans mon esprit. Et Fafnir. Une nuit, rien qu'une seule, son sourire, son air de rien face au vent. Jamais emporté, jamais atteint, il me paraissait inaccessible, jamais perturbé. Un peu fou tant il était décalé de la réalité sur laquelle je marchais en funambule avec cette perche d'équilibriste borgne qui n'en sait toujours rien. Qu'allais-je dire à Ayame ? Rien. Pour le moment tant qu'il ne le sait pas, il ne dira rien, je ne lirai pas la douleur et l'incompréhension dans son œil bleu.

-Je sais qui il est.

Mieux qu'il ne puisse l'imaginer. Et les pulsions suicidaires sont toujours là. Sinon je ne serais pas allé dans l'arène aujourd'hui, sinon je ne me lancerai à corps perdu dans les moindre dangers de cette zone du dehors sous ma protection. Et si j'en réchappe à chaque fois c'est pour mieux recommencer. Accord tacite entre moi et mon capitaine, il me suit pour me sauver quand la chance n'y suffit. Il est le joker qui manque à mon jeu. Et cette fois ci je l'ai délibérément rangé dans ma manche.

-J'en sais rien. Longtemps sûrement.

Le petit vieux a mal au crâne, communicatif ? J'ai la migraine à mon tour. Penser à toutes ces choses me crispe, la cicatrice tir quand mes muscles se contractent légèrement sous la pression de ma conscience malade.

-Depuis que tu as sauvé ma jambe. J'avais quatorze ans. Ou quinze.

Pour lui, 5 ou 6 ans ce doit être si court. Et pour Fafnir, demi-dieu encore si jeune pour les gens de son espèce. Je suis le jouet qui se disloquera au fil du temps et lui ira au delà se trouver d'autres jeux, dans une autre époque ou mon temps sera révolu. Restera peut-être encore Eönwë et Ayame pour savoir ce qu'il a fait.

-Je doute de lui. Qu'il soit sincère ou là pour me détruire. Et l'un ou l'autre ne me fait pas peur. Ni la vie ni la mort. Les deux choix n'ont plus aucune importance.

Je ferme les yeux. Depuis longtemps, oui, il avait quatorze ans, six ans déjà et il avait plus que changer. Je me souviens encore de ce jeune homme sur ce lit blanc, le corps à moitié recousu des bandages partout. Je me souviens sans peine de l'avoir un peu, disons poussé à la confidence et au final, une fois la vanne ouverte, il ne s'était plus arrêté.
Et puis d'être en relation avec Ayamé aidait aussi pas mal, de ce fait, je savais toujours comment il allait, ce qu'il faisait. Ce jeune homme que j'ai connu est bien loin de l'homme qui est à mes côtés aujourd'hui.
Depuis toujours il m'a forcé au respect, de par son caractère, de par aussi certains de ces points de caractère. Certes il n'est pas facile à vivre mais il est ainsi.
Je n'ai jamais porté de jugement sur sa façon de vivre, je n'ai jamais essayé de le convaincre d'agir autrement, sauf peut-être à l'instant même.
De toujours, je suis présent pour lui quand il se blesse où qu'il revient de cette Zone dans un état lamentable. Parce que... Je ne sais pas, je me suis attaché à lui sans doute, oui, ce doit-être ça et puis, il est une personne qui vaut la peine d'être connue, quand on gratte un peu sous la carapace.

Blessé par la vie, blasé sous ces airs, il cache beaucoup en lui, trop peut-être, ne s'autorisant que rarement à exprimer ces sentiments, d'ailleurs, même face à cet homme il semble ne pas savoir, où vouloir admettre.
Je sais très bien que ce côté relationnel n'est pas son fort je sais aussi que s'ouvrir aux autres est pour lui quelque chose de rare alors... Alors comment me tenir face à ces révélations? Je pousse un léger soupir et sans rouvrir les yeux je lui dis:

"Douter, qui ne doute pas de ce qu'il peut ressentir? Même après plus de cent ans à vivre avec Eldariel, il m'arrivait encore de douter, de ne pas savoir. Douter c'est ce qui nous rend disons... Humain si je peux dire ça comme ça."

Je pousse un soupir et rouvre les yeux, Ayamé devait ne pas être au courant, et je ne dirai rien, parce que, j'avais toujours été comme ça, peut être que c'est ce qui faisait qu'on avait confiance l'un en l'autre.
La vie et la mort, l'un ou l'autre ne lui fait pas peur... Pas certain que ce soit réellement le cas mais bon.

"Wu, ma porte te sera toujours ouverte, mais par pitié, fais attention à toi. Je n'ai pas de leçon de moral à te faire, pourtant, c'est pas l'envie qui m'en manque mais tu sais pas ou tu en es alors, à quoi cela servirait-il? Tu doutes de lui, c'est normal, on ne peut être certain, surtout dans ton cas. Et puis qui sait."

Qui sait... Fafnir... Ce nom tournait et retournait en boucle dans mon esprit. Une petite enquête allait être nécessaire... Parce que je ne laisserai pas Wergeld se perdre... Non, je serai toujours dans le secteur... Même si pour ça, faut que j'y perde d'autres neurones.

-Ça te va bien de dire ça, tes oreilles pointues et ton habileté naturelle à mettre en pièce le moindre éclopé... Mais c'est vrai que l'humanité vaut bien un elfe déphasé et un humain un peu timbré.

Les étagères de ma conscience sont un peu chamboulées, elles tiennent par des cordes accrochées à quelques voiles. Et je dérive constamment, impulsif au moindre vent qui vient. Je pense aux monstres que j'ai terrassés, à ceux qui faillirent avoir ma peau, à ceux à venir et à celui qui m'aura bien un jour. Mourir sur un lit d'hôpital ou dans le miens ne m'intéresse pas. J'irais me faire manger par un lion, ce sera plus écologique, moins long aussi. Il n'y en a qu'un qui me fait douter. Je ne suis pas humainement capable de douter, je le deviens à cause des types comme Ayame et Eönwë qui m'influencent trop. Il y a dix ans je n'aurais pas hésité. Fafnir serait mort à notre toute première rencontre. Mais il y a des êtres plus humains que moi, qui me regardent avec cet air d'en savoir long sur le monde. Cet air un peu triste, un peu sage, parfois fou. Ce n'est pas l'envie de les frapper qui me manque, quand je vois ces regards là, c'est l'envie de leur faire du mal qui est absente. On ne brise pas ce genre d'homme.

-Avec toi, y a toujours eu un lit de libre dans tout l'hôpital pour un gosse paumé, je sais que j'y suis encore le bienvenu.

Les infirmières aussi pensent pareil. Quand il changera de chambre ou quand il partira elles reviendront me voir pour "ne pas me laisser seul" dans une si grande chambre... Austère. C'est comme ça qu'elles définissent l'hôpital. Sincèrement, c'est un peu comme une résidence secondaire pour moi. Dommage que l'elfe soit devenu maitre, je dois frapper à la porte de son grand bureau maintenant. Et j'y vais pas souvent à K'an.

-Tu devrais dormir et arrêter de te faire du souci. Aya se fait un sang d'encre dès que je sors d'une pièce, ça me suffit de lui causer des ulcères. T'y mets pas. Je suis un grand garçon, je saurais bien me débrouiller avec un monstre de plus.

Le monstre en question a un beau visage quoiqu'on en pense et je pourrais décliner le compliment à d'autres parties de son corps... Je passe sur cette pensée, je n'ai pas envie de rougir, lui saurait trop bien à quoi je pense, et il est hors de question qu'il s'imagine une seule seconde les mêmes choses que moi. J'enfouis le souvenir dans ma mémoire et m'enfonçant dans mon oreiller, je lui baragouine une excuse de pacotille.

-Avant l'aube, la nuit. Pour ne pas oublier que le bonheur est une minuscule parcelle du temps qui nous est imparti. La quête de celui ci, c'est ça la vie.

C'était Lui qui me l'avait dit. Douze ans et une chemise poussiéreuse sur les épaules, il avait salué la mort d'un ami et en tant que fils adoptif je l'avais regardé les yeux un peu triste pour l'homme qui m'a élevé, car lui ne pleurait pas. Il souriait comme un enfant. Toujours heureux de rien, jamais malheureux pour un rien. Il avait ébouriffé ma tignasse et m'avait frapper le dos dans un "Bouge toi gamin, les monstres n'attendent pas !" . À nôtre façon, on cherche tous le bonheur malgré toutes ces choses qu'on se reproche et qui nous minent l'existence. Eönwë l'avait peut-être trouvé, et la nuit venant après le couché du soleil il était sûrement destiné à le chercher à nouveau. C'est peut-être ça, la malédiction de ceux qui vivent aussi longtemps. De devoir perpétuellement reconquérir ce qu'on croyait acquit.

J'étais à la porte de cette chambre, je les regardais au travers de l'ouverture que je venais de faire pour pouvoir voir si ils allaient bien. J'avais entendu les derniers mots d'Eönwë avant que ce dernier ne fasse:

"On ne peut arrêter de ce faire du soucis pour les gens qu'on aime Wergeld. Tu n'y peux rien s'est ainsi."

Puis le silence. J'attendis quelques instants avant d'entrer, ne désirant pas qu'il me voit une fois encore pour me dire qu'il serait temps que je rentre chez moi. En plus, Saya venait de me dire que j'avais une tête affreuse, histoire de changer. Je pousse un léger soupir, je ressens leur douleur, et à l'un et à l'autre. Bien sûr, la douleur physique mais aussi la douleur moral, bien plus profonde, bien plus tenace.
J'attends encore quelques secondes avant d'entrer doucement dans la pièce, je suis toujours vêtue de cette blouse bleue sur mon pantalon noir, j'ai ramassé grossièrement mes cheveux en un vulgaire truc ressemblant à mi chemin entre un chignon et un espèce de truc fait à la va vite.
Je m'approche silencieusement de lui et saisit une de ces mains, je la serre doucement, avant de lever mon autre main et d'effleurer une de ces joues.
Je tiens à lui, oui, énormément. Son sourire m'apaise, sa voix me rassure et il est là pour moi... Autant que je le suis pour lui. Je ne m'étais pas sentie aussi proche de quelqu'un depuis des lunes mais avec lui, c'est comme si il savait me déchiffrer, me comprendre sans problème. Je me penche sur lui et pose mes lèvres sur son front:

"Ne me laisse pas Eönwë. Va savoir pourquoi je me suis attachée plus que de raison à toi."

Oui, plus que de raison. Je sens une légère pression dans ma main et souris, avant de la lâcher et de la reposer sur le drap. Il a l'air paisible... A l'air seulement. Les démons qui le poursuive, je les connais, j'ai les mêmes qui me hantent depuis que mon village a brûlé, depuis que ma famille a disparue. Puis je me tourne vers l'autre lit.
J'ai entendu sa dernière phrase, très belle d'ailleurs. Je prends une chaise et la place près du lit. Avant de m'asseoir dessus, par réflexe je vérifie son poul en saisissant son poignet au passage, je plante mes yeux dans les siens.

"Mais comment fait-on si on ne crois plus au bonheur?"

Je l'avais à peine murmurer ma phrase. Je repose son bras, avant de soulever le draps et de vérifier le pansement. Je fronce un peu les yeux et me tourne par réflexe vers Eönwë, je reconnais sa marque, il a soigner son ami... Une fois encore.

"J'aurai voulu vous contactez, je savais que vous étiez proche mais Ez m'a signaler que vous n'étiez pas joignable pour le moment. J'ai agis au mieux, mais ce fut difficile, lui comme moi ne sommes pas près d'oublier ces corps sanglants. Il m'arrive encore d'en faire des cauchemars alors je n'imagine pas ce que ce doit être pour lui."

J'effleure le torse, sans le vouloir, mes sens s'affole, mon regard se trouble. Il est magnifique cet homme... Notre première rencontre date d'il y a quelques semaines et déjà, il m'avait fait un certain effet.

"J'ai reconduis Ayamé qui désirait vous voir. Il a pas trop apprécié."

Et il n'avait pas été des plus content d'ailleurs. Je baisse les yeux sur ces jambes et pose une de mes mains sur son genou. La douleur est là, je la sens, je me concentre légèrement avant de souffler et de lui remettre les couvertures:

"Tu où vous... Je ne sais pas trop pourtant, on a partagé quelques instants dans ces montagnes. Lucas ne tardera pas, par pitié si tu veux pouvoir marcher et te battre de nouveau, ménage ton genou."

Léger clin d'oeil avant de me redresser et au final, de me diriger vers la porte. J'englobe des yeux les deux patients et sort sans dire un mot, sans prendre garde aux paroles qu'Eönwë prononça à mon départ:

"Aliénor t'apprécie Wergeld. Et venant d'elle s'est pas rien."

Spoiler:

J'ai regardé son dos s'en allé par la porte et les commentaires d'Eönwë par dessus. Ça avait un petit côté théâtrale, un truc de fille. J'ai souris, elle avait le don de faire énormément de choses sans qu'on est le temps de répliquer. Et à son départ mon sourire disparu. Inutile.

-Prends le comme tu veux, trop de monde m'apprécie ces derniers temps.

Un long bâillement plus tard, je m'enfonçais dans mon oreiller et fermais les yeux. Le sommeil venait lentement et bien que discuter avec Eönwë était un peu une tradition à laquelle je ne dérogeais jamais à mes séjours à l'hôpital (même si d'ordinaire il n'est pas aussi mal en point) il fallait bien qu'elle se termine un jour. C'était peut-être notre dernier rendez-vous dans cet hôpital, bientôt Aliénor viendra remplacer l'elfe à mon chevet. Ce sera sûrement plus agréable.

-En attendant qu'ils viennent me chercher pour me faire retourner à l'abattoir, je vais dormir un peu...

Déjà ma voix s'éteignit comme une chandelle agonisant au vent. Elle avait forcé la dose d'analgésiques ? Bientôt l'anesthésiste viendra me coller ses produits sous le nez pour qu'ils réouvrent les points de sutures avant de me charcuter encore un peu. Ça aussi c'est devenu une tradition.
Je regrettais presque de ne pas sentir la présence d'Ayame sur la chaise à côté, ses jambes croisées, son sourire et un magazine de femme enceinte dans les mains (pourquoi ? Parce qu'il lit tout et n'importe quoi.).

Le silence... C'est ce que j'entend quand je rentre de nouveau dans la pièce une demi-heure plus tard en compagnie de Saya et de Lucas, ces derniers observent les deux patients, visiblement les voirs endormis, tout les deux en même temps, c'est un fait historique.

"Alors là, c'est à graver dans les anales! Regardez moi ça, pour peu on croirait que ce sont deux parfaits petits..."

"Naaan Saya, va pas plus loin, c'est pas flatteur pour les anges de les comparer à eux."

"Tout est prêt pour Wergeld?"

Je vois les deux hommes se tourner vers moi, je hausse un sourcil et reprend:

"Quoi?! Je me renseigne c'est tout!"

"Tu ferais mieux d'aller te coucher oui."

"Très drôle Saya! Bon alors tout est prêt?"

"L'organe est venu tout droit de Cerclon, donc oui, tout est prêt, j'attend juste..."

Au même moment deux infirmières entre dans la pièce et se dirige tout sourire vers le lit du maître de K'ouen, visiblement elles sont heureuse d'être là ces deux... Deux... Rhaaa à leur gloussement on dirait deux pintades!

"... Ah bah non j'attends plus en fait. Bon, je file me préparer, elles vont le préparer et l'amener. Et Aliénor, va dormir."

"Oui papa!"

Ma phrase avait été parfaitement ironique mais je m'en fichais totalement. Lucas était près d'Eönwë et vérifiait le pansement, tout avait l'air correct, il ne semblait pas trop inquiet. Je me tourne vers les deux infirmière, elles font un concours de tripotage où quoi? Bouahh, je supporte pas ça... Où en fait, je suis légèrement jalouse, j'aurai aimé moi même faire ça...
Je me fiche une baffe mentale avant de m'écarter à contre coeur et de voir les deux infirmières sortirent le lit sur lequel Wergeld reposait. Je les suis du regard, jusqu'à ce qu'ils disparaissent et poussent un soupir.

"C'est quoi ce soupir?"

"Celui d'une femme blasée."

"Outch, t'es pas un peu jeune pour l'être?"

"Y a pas d'âge crois moi. Il va bien?"

"Oui, il se remettra vite, mais je pense qu'il devrait consulter quelqu'un..."

Je comprends où il veut en venir, je hoche la tête sans rien dire et entre de nouveau dans la chambre. Je me sens fatiguée et mes sens sont beaucoup plus en éveil. Je sens qu'il a mal, mais pas uniquement qu'au crâne.

Je ne vois pas le regard de Lucas me suivre jusqu'à ce que je prenne place dans un des fauteuils et que je prenne une de ces mains dans une des miennes:

"Repose toi Aliénor, sans quoi, il va encore te disputer."

"J'y songe Lucas."

Un bruit de bip, il me lance une excuse, je lève ma main libre, il referme la porte. LA pièce est calme, je m'approche un peu plus du lit et pose ma tête sur le matelas, tout en tenant toujours la main d'Eönwë dans la mienne, je ferme les yeux, tout en me mettant à fredonner un petit air que ma mère me chantait quand j'étais plus jeune et que j'étais malade...