Re: Au grands maux les grands remèdes [pv Eönwë et Wergled]

Ah d'accord. C'est tout, rien de plus à me raconter ? J'étais quand même parti deux mois et tout ce qu'il me chante c'est un massacre. Pas n'importe lequel, la douce Eldariel et ses fils étaient tous morts. Assassinés.
Mon esprit bute. Je tourne la tête vers lui et je ne sais pas, quelque chose dans son regard, dans son expression me donne envie de le soulever de terre et de lui offrir un baptême de l'air par la fenêtre.
De la tristesse. Pas la sienne. La mienne. J'ai les yeux embué de larmes et tout ce que je trouve à dire c'est.

-Hunhun.

Je passe un bras sur mon visage. Je n'ai pas envie qu'il me voit comme ça, c'est déjà assez dur d'admettre qu'on est sur un pied d'égalité en combat au corps à corps, pas la peine qu'il me voit chialer.
Je me souviens que j'étais jeune quand mon père est mort et cette culpabilité qui me ronge depuis lors n'a jamais disparue. Elle est là, toujours. On a survécu à un être cher et on se répète sans cesse que si on avait fait "ça" il serait encore là. Je connais la douleur d'avoir perdu sa famille.

J'étais parti deux mois et quand je reviens je trouve l'homme le plus doux que je connaisse au prise avec la douleur, avec sur la langue un goût de mort qui ne le lâchera pas de si tôt.

-Désolé.

C'était inutile. Totalement inutile. Je n'étais pas responsable, même si j'avais été dans mon bureau je n'aurais rien pu faire. Le manque d'omniscience des êtres humains n'est plus à prouver. Dans un sens, je n'ai que ça à lui dire. Désolé. De ne pas savoir dire des choses réconfortantes. À ce niveau, je doute qu'il en existe. Désolé de ne rien dire pour changer de sujet. J'ai oublié mon cerveau en salle d'opération moi aussi. Désolé. Je ne peux rien y faire.

-Ils ont une idée de... Enfin de qui a fait ça ?

Je fis semblant de somnoler pour garder les yeux fermés. Quand je grimaçais j'avais une chance sur deux que ce soit les points de sutures...

"Désolé de quoi?"

Ce fut les premiers mots qui s'échappèrent de mes lèvres. Il n'avait pas a être désolé, il n'était pas responsable, alors pourquoi être désolé.
Soudain resté allongé me parut d'uns stupidité affligeante, Aliénor n'étant plus dans le coin, je peux sans peine me lever où du moins me mettre en position assise. Poussant un soupir, J'entreprends de me redresser et parvint après quelques efforts à me tenir en position assise. Ma tête me lance un peu, mais ça passera bien, de toute façon, il m'en fallait un peu plus non?
Dégageant les draps qui me couvrait, je m'extirpais du lit et après quelques difficultés, dont celle de me tenir debout sans que la tête ne me tourne trop, je fais quelques pas dans cette chambre.
Je porte un de ces pyjamas ridicule qu'affuble les infirmières au patients, il faudrait faire penser à la nouvelle directrice de les changer, parce que se balader avec ça s'est une honte totale. Je me dirige vers la fenêtre de la chambre et regarde au-dehors. Je vois le trains des Fumeroles passer non loin, des gens marches, parlent entre eux, bref, le quartier vie.
Il faudrait que je m'en occupe, quelques projets, oui j'en ai, il ne manque plus qu'à les mettre sur pieds.

Un petit fauteuil trône non loin de la fenêtre et je choisis de m'y asseoir, préférant pas trop tenter le diable a rester debout. Je tourne alors les yeux vers mon ami, car oui, même si on passe notre temps à nous plumer, il n'en ai pas moins mon ami:

"Non... Ez est sur le coup, je n'ai pas de nouvelles, en fait, je crois que je n'ai pas cherché à en avoir. J'étais à dix mille lieues de tous ça."

Mais maintenant se n'était plus le cas, il allait falloir que je me bouge, que je fasse jouer mes réseaux pour comprendre. Il me vint à l'esprit la conversation que j'avais eu à ce dîner avec Gwendall. Je ne les avaient pas assez protégé et je devais aujourd'hui, en subir les conséquences.

"Mais celui qui a fait ça ne l'emportera pas au paradis. Je vais me faire un plaisir à le chercher, à le traquer et..."

Et à l'achever. Je n'avais pas prononcer ces paroles mais je les pensaient assez fort. Je me passe une main sur le visage, cette idée ne me quittait pas: la venger... Les venger. Oui, cela devenait mon moteur pour avancer...

"C'est Aliénor qui a retrouver les corps, c'est elle qui a prévenu Ez. Je suis arrivée trop tard."

Oui, trop tard...huit jours plus tard les corps m'étaient rendus et je pouvais enfin les incinérés, comme le voulait nos us et coutumes. Ce jour là, je me suis promis quelque chose et je n'en découdrai pas.
Prenant une inspiration, je secoue la tête et reprend:

"Pourquoi t'être pointé à l'arène face à moi?"

Changer de sujet, pour lui comme pour moi. Je savais très bien ce qu'il pensait, je commençais à le connaitre cet énergumène. Puis, je repris:

"Sinon, comme tu peux le voir niveau nouveauté... Un nouveau maître à Cerclon, je ne suis plus le dernier arrivée."

Se défouler. Avoir mal et sentir la vie qui l'animait. Je crois que je comprenais pourquoi il s'était proposé pour une lutte dangereuse dans l'arène. Et sérieusement, il aurait pu tomber sur bien pire que moi ! Il y en aurait eu quelques uns avec assez peu de scrupules pour lui faire manger les pissenlits par la racine. C'est bien connu je suis un coeur d'artichaut, je n'aurais pas pu me résigner à le tuer sur le sable. (enfin, il parait). Aliénor avait l'air plutôt en forme, elle n'avait pas laissé transparaitre une quelconque émotion négative, un vrai bout en train... Je ne suis pas le mieux placé de ses connaissances pour lui proposer une épaule pour pleurer, je laissais ça à Ez, il avait l'air de la connaitre bien mieux que moi, enfin, j'espère que ce soit le cas. J'avais loupé une partie de son discours, du peu entendu je soupirais d'avance. Il y avait des choses qui me pesaient sur les épaules, des choses insignifiantes face à ce qui lui tombe dessus, mais c'est ma vie, et c'est la sienne. La différence est immense. Nous avons de rares points communs, la pugnacité, notre titre de maitre, notre envie de justice. Et tout le reste ? Nous sommes de véritables opposés.

-Ayame m'a brieffé à mon retour des montagnes. Briarée... Ça me fait tout drôle que ce ne soit plus Immacolata là bas.

Pourquoi je suis allé dans l'arène ? Je me le demande aussi. Ma réputation sulfureuse ne méritait pas un tel coup de grâce, mais j'ai gagné. Je prends ! On me casse du sucre sur le dos depuis le jour de ma titularisation la seule chose qui m'éloigne de cette capitale de malheur c'est mon boulot, je ne vais pas me priver de faire quelques éclats quand je reviens dans mes quartiers !

-J'avais besoin de me défouler aussi. Quand je ne sais plus quoi penser, j'ai besoin de me battre, d'évacuer la pression en risquant ma peau. Cette fois ci, je ne pouvais pas demander à Ayame de prendre les armes pour me combattre, une fois mais pas deux. C'est ironique que ce soit face à toi que je suis tombé, on a dû me maudire à la naissance, je me retrouve tout le temps face à des elfes.

Je lui dis, je lui dis pas. Amstramgram, pic et pic et pic et... Je lui dis alors ? Je sais pas. J'ai l'impression qu'il ne comprendra pas. En même temps, il est le seul assez distant et assez sage pour comprendre, non ? Si ça se trouve je me trompe complètement sur son compte.

-Je sais qui a tué ma mère. Je couche avec cette personne quand même. Ayame n'est pas au courant, personne ne l'est, à par toi maintenant. J'hésite entre la tuer ou l'envoyer en prison. Et je ne peux pas m'y résigner.

S'il est au courant des dernières chroniques me concernant, il sait que Fafnir est l'assassin présumé de son meurtre. En fait, non, il l'a avoué lui même lors de notre première rencontre, Ayame, Caliope et moi pourrions témoigner sans mentir. Donc il devinera que mes tournures alambiquées pour ne pas révéler que c'est un homme ne sont là que pour éviter d'en dire de trop. Quoi que, je rougis déjà facilement, j'aurais mieux fait de tout dire en bloc. Maintenant, il peut me renvoyer l'ascenseur et se foutre de ma tronche à volonté.

Je me tais, je ne dis rien face à ces révélations. L'histoire de Wergled est si... Complexe? Non en fait, c'est lui qui est complexe. Quoi que... Qui n'est pas complexe? Je ne sais pas quoi lui dire, parfois, un rien suffit mais là, j'ignore comment réagir. Je sais pertinemment quelle a été la douleur de Wergled à la mort de sa mère. Il couche avec l'assassin de sa mère, j'avoue que là... Il fait très fort. Mais entre la raisons et les sentiments... Oui mais peut on alors parler de sentiments?

"Le tuer et l'envoyer en prison... Et tu couches avec lui. Ne serait-il pas plus simple de dire j'ai un chouilla de sentiment pour lui et je sais pas comment agir?"

Quoi que venant de lui, avouer ça c'est comme dire haut et fort: je suis un grand sentimental quand je m'y met mais je me soigne. Poussant un soupir, j'essaie de me mettre à sa place. Coucher avec l'assassin de ma femme et de mes enfants, pas sûr que je puisse en arriver là... Surtout si je le sais.

"Et cet homme je suppose qu'il sait? Mais que représente t-il pour toi exactement?"

Je me rend compte alors que ma question est totalement indiscrète, ce qui n'est pas mon genre. Il est vrai qu'on ce connait depuis des années, je sais de quoi il est fait, nos silences où bien nos joutes verbales parlent souvent pour nous mais il n'empêche que j'ai du respect pour l'homme qui est sur le lit d'à côté.

"Quand je suis arrivé sur K'an, Aliénor était là et Ez aussi. C'est elle qui a découvert les corps, Eldariel n'était pas morte, elle s'est éteinte dans ces bras. Quand à mes fils, les rapports d'autopsie que j'ai pu lire stipule qu'ils ont été tués sur le coup. Ce fut comme si tout s'écroulait autour de moi. Tu sais l'importance à mes yeux qu'avait la famille et aujourd'hui, je n'ai plus rien. Je survie, au mieux, je sais pas comment je fais pour chaque matin remplir mon rôle et mes devoirs. On m'avait prévenu, je n'ai rien fait. On m'avait mis en garde. Je n'ai pas agis, par faute de temps et je devrai vivre avec ce poids sur ma conscience pour le restant de ma vie."

Je pousse un soupir avant de sortir du lit. Je m'assois sur le rebord, ça tourne un peu. Instinctivement je porte ma main à ma tête et je grimace. Puis dans un mouvement, je me redresse et me dirige vers la fenêtre qui donne une vue sur l'ensemble de hall de l'hôpital en contre bas.

"C'est fou, depuis que c'est arrivé, elle est là, guettant dans l'ombre, ne se plaignant pas, discrète mais inquiète. Je le sais, je le sens aussi. Elle ne m'a jamais parlé clairement de ce qui s'est passée, surement assez traumatisé. Elle m'aide par son silence et par ces gestes, beaucoup plus que ces imbéciles faux-compatissant. Mais il n'empêche que je m'en veut. Je suis responsable de ce massacre, si j'avais pris en compte les remarques de Gwendal, si j'avais fais et agis plus vite, ils seraient encore là."

Oui... Si. Je n'ai pas eu le temps, je n'ai pas pu agir rapidement comme je l'aurai dû et le résultat. Je pousse un soupir avant de me tourner et de faire face à Wergled, surement celui qui me connais le mieux dans cette ville:

"Mais voilà. Pour Immacolata, je dirai juste qu'elle avait besoin de partir, elle ne gérait plus beaucoup et pour elle s'est une façon de se retrouver. Quand à mon besoin de me défouler, je suis pas certain de réitérer si c'est pour perdre une partie de mon cerveau à chaque fois..."

On veut mon avis ? Franchement et sans détour ? Je trouve que soit il lui manque trop de cervelle, soit il ne lui en manque pas assez. À choisir, mon orgueil me dit qu'il lui en reste trop peu. Moi, aimer Fafnir ? Je serais fichu de m'étrangler sans le prononcer tant c'est absurde. Si je réponds avec un tout petit peu de réalisme et que je fourre mon orgueil là où il serait beaucoup mieux, ... Cet elfe a encore trop de cervelle, il faudrait que je lui en enlève encore un ou deux morceaux histoire qu'il n'ébruite pas ce non-sens diplomatique d'un Wergeld capable de... Sentiment ? C'est ça le mot ?

-Ouai, on va quand même songer à t'enlever encore un petit "chouilla" de ta matière grise.

Amer qu'il ai si vite compris les problématiques que soulevait la thèse de Wu & Fafnir, je grimaçais devant son air trop... Confiant ? Calme ? Quand j'ai su pour ma mère j'ai réellement pété une durite, et lui il me parait si calme. Est-ce l'impression qu'on donne après des jours à lutter contre le chagrin, quand il est devenu le fardeau quotidien ? Je me demandais ce que pouvait voir Ayamé quand il m'observait sans rien dire, et maintenant que je regarde Eönwë je me vois un peu dans le même état même si nos situations étaient différentes. C'est ça de perdre ceux qui nous sont chers, plus encore, c'est ça de se sentir seul malgré tous ceux qui nous entourent de leur joie et de leur vitale présence.

S'il peut se lever, moi aussi. Je me laisse glisser sur le bord du lit, pour m'y assoir en équilibre. Mon corps entier est douloureux, entre les calmants, les anti-douleurs, les restes d'anesthésiques, la cicatrice, le stresse qui fait encore trembler mes membres. Et ça fait un mal de chien de rester dans cette position. Sans bouger et couché j'étais bien, là... Il m'a tendu un piège le traitre...

-Ce type représente rien. Quand j'en aurais marre je me chargerai de son cas. Pour le moment... Je ne sais plus très bien où j'en suis, alors je fais avec.

C'est comme repousser l'inévitable. Je sais qu'à un moment où l'autre il viendra le temps de remettre Fafnir à la justice, il faudra que j'affronte l'erreur déjà commise, le regard de ceux qui ne comprendront pas, et tout ce qui s'ensuit. Mais jusque là...
Jusque là tout ira comme sur des roulettes. Un dinosaure pourrait me marcher dessus que tout ira bien. Je peux encore marcher et me battre. Tout ça est suffisant pour ma place dans ce drôle d'univers. La suite, viendra demain, il n'y a aucun projet d'avenir possible tant que je suis bloqué à ce niveau là du parcoure. Tant pis, il me convient ce niveau là, je ferais avec.

-Si t'as besoin d'un coup de main pour redresser le monde, je suis du genre fort comme boeuf (un gros boeuf) tu sais où me trouver.

Et j'y pense.

-Que t'as dis Gwendal ?

"Laisse ma matière grise tranquille et essaie un peu de gérer la tienne."

Je croise les bras, mais je ne me retourne pas. Je le sens s'agiter, les infirmières vont être ravie qu'il bouge de la sorte. Si il ne fait pas sauter ces points de sutures avant qu'ont vienne le reprendre pour une enième opération de changement sur sa personne, ils auront de la chance. Combien de fois auparavant je n'ai pas dû attendre qu'il daigne rester un peu allonger sans bouger afin de pouvoir le soigner correctement?
Mais... Aujourd'hui c'est pas mon problème et pour le coup j'en suis ravi. Je secoue la tête avant de de nouveau porter une de mes mains à mon bandage. Eviter de la secouer évitera migraine et douleurs.

"Ne plus savoir où tu en es..."

Tiens, pour le coup je comprends et même très bien. C'est même la première fois que je peux dire, bon sang, je sais ce que tu ressens, à quelque chose près que c'est pas la même chose. Un fauteuil se trouve près de la fenêtre et j'y prends place, rester debout n'est pas encore l'idéal.

"Moi non plus je sais plus où j'en suis. Tout ce que je sais c'est qu'il faut que je continue à mettre un pieds devant l'autre."

A savoir comment faire s'était une tout autre histoire. Je me tourne légèrement vers lui et je le regarde. Depuis combien de temps ce connait-on? Allez savoir, Wergled fais partit de ces personnes que j'ai la sensation de connaitre depuis toujours. Bon, certes, il y a deux caractères diamétralement opposés, mais il n'empêche que je le respect énormément. Je sais qu'on peut compter sur lui, même si c'est à sa façon.

"Je sais ou te trouver oui. Tout comme toi. Si tu as besoin d'une oreille pointue te jugeant pas et t'écoutant sans te faire de sermons, mon bureau est toujours au même endroit et si tu m'y trouve pas, c'est que je serai ici, quelque part à soigner les petits malheurs de ce monde."

Je me permet alors de sourire, un petit sourire suivit d'un clin d'oeil. Ce qu'il venait de me dire, je n'irai surement pas le crier sur tout les toi ou balancer l'info au journal du coin. Il gère sa vie comme il l'entend et il sait très bien que je ne serai jamais très loin en cas de pépin. Plus d'une fois je l'ai aidé et cela ne changera pas de sitôt. Sa situation est loin d'être idyllique mais cependant je note que c'est la première fois qu'il parle d'une de ces conquêtes. Assassin... C'est bien le genre de Wu de se mettre dans des situations pas possible.

"Quand tu en auras marre, ne fais pas de connerie c'est tout ce que je te demande."

Après, j'oserai dire qu'il est majeur et vacciné, les remontrance ce n'est pas à moi de les faire et si il me l'a dit, c'est sans doute pas ce qu'il cherche, à moins d'être maso.

"Mais parfois, les élans du coeur son incontrôlables."

Gwendal? Pourquoi me... Ah oui... Pendant un bref instant, j'avais oublié. Je tourne la tête pour fuir son regard, je les ferme l'espace de quelques secondes et ce sont ces corps que je vois étendus sur le sol de K'an et au loin, en écho, les mises en garde de Gwendal.

"Quand je suis devenu maître de K'an, j'ai fais l'objet d'envoi de lettre de menaces. Cela a commencé très vite après ma nomination. Nous nous sommes rencontrés après la réunion des maîtres où tu as été mis en vacances forcées. Nous avons dîner ensemble et nous avons évoqués certaines choses. Il m'a dit et conseillé de faire le ménage autour de moi, de mettre en place des personnes de confiances et je n'ai pas eu le temps de le faire et vois aujourd'hui le résultat..."

Faire des conneries c'est ma spécialités, il devrait le savoir depuis le temps. Je l'ai regardé comme un oiseau sur un arbre, je le voyais sans le voir au travers des branches qui le dissimulent. Ayame ne m'a jamais fait cet effet, c'est un véritable fantôme qui peut devenir très difficile à déchiffrer tant son habileté à changer de peau est déconcertante, mais Eönwë est un elfe différent. J'ai l'impression que rien ne peut l'atteindre.
Bien sûr ce sont des impressions purement personnelles, uniquement conditionnées par la dose d'analgésiques que j'ai dans le sang. Mais tout de même, c'est perturbant. Sourcils froncés et lèvres pincées c'est moi qui veut lui faire un sermon maintenant.

-Ne jamais oublier les conseils de Gwendal, surtout quand il les donne gratuitement. Mais... Je soupire, même si je te sermonnais sur tes erreurs et ton manque de sens des priorités ça ne les ramènera pas.

J'arrête mon souffle avant de prononcer un énième désolé que je sens perdre de toute valeur en ce moment. Je commençais une nouvelle phrase quand une infirmière entra dans la chambre. Eönwë assit sur un fauteuil (et pas dans son lit) moi, assit sur mon lit (y a de l'amélioration) mais pas allonger, je l'entends s'agacer sur "deux grands malades trop importants pour qu'on les laisse mourir".

-Au lit, tous les deux !

Elle file un tas d'indication à l'elfe sur une opération risquée pour replacer des bouts de crânes qui mérite bien qu'on y prête un peu attention. Surtout, qu'elle ne serait pas contre assommer le maitre du quartier avec un tas de sédatifs si c'était pour son bien. Et je ricanais dans son dos en attendant mon tour. Qui ne tarda pas à arriver. Elle pointa un index accusateur sur ma poitrine avec des "vous voulez qu'on vous enlèves l'autre partie de vos boyaux ?". Je glissais sous mon dras sans faire d'histoire, bien que ronchonnant amèrement devant tant d'autorité.

-Tu les as toutes dresser pour en faire des tyrans...

Elle tape sur le seul endroit qu'elle juge sans bleu ni douleur, mes pieds. Je grimace et fais mine d'avoir mal pour la faire fuir fissa. J'adore embêter les infirmières c'est toujours le plus drôle quand je viens à l'hôpital.
La porte claque derrière elle et je la soupçonne d'être aller chercher du renfort, bah si on reste tranquille il nous arrivera rien.

-Tu sais où en es l'enquête sur ton histoire ?

Sous-entendu, je peux aller tirer les oreilles de Ez pour le faire bosser plus vite.

A l'injonction de l'infirmière, que je reconnu comme étant Lisbeth, qui a travaillé fut un temps avec moi, je pousse un soupir, c'est d'une oreille absente que je l'écoute me sermonner tout en imaginant sans mal la tête de Wergled dans mon dos. Je me laisse faire, en fait, je pense que je suis un peu droguer aux analgésiques je hausse les épaules alors qu'elle me réinstalle dans mon lit en me remettant les couvertures.
Dresser pour être des tyrans, j'avoue que ça me fait bien rire pour le coup! Non mais faut pas croire qu'elles ont toutes été sous mon services aux urgences hein.

"Non, pas toutes rassure toi, y en a bien une ou deux qui y ont échappés."

Je l'observe du coin de l'oeil remettre Wergled au lit avant de partir et de claquer la porte. Je pousse un soupir alors que je sens poindre de nouveau un mal de tête:

"Je n'ai pas eu le temps figure toi. Entre la réunions des maîtres, les soucis que j'ai eu aux Fumeroles suite à l'effondrement d'une des galeries je n'ai vraiment pas eu le temps et quand j'ai commencé à m'en occupé et bien..."

C'était en partit trop tard. Tout le personnel avait été changé, sauf mes deux secrétaires Chidéon et Essaidel. Tiens en parlant d'elle, il allait falloir que je m'occupe de son cas. Deux mois sans nouvelles, non mais s'était plus des vacances mais des congés sans soldes. Je préfère ne rien dire sur le sujet, oui j'ai été débordé suite à ma nomination tombée de je ne sais où et... Bref.

J'allais répondre quand la porte de la chambre s'ouvrit et que la voix d'Aliénor résonna doucement:

"Au point mort. Mise à part le rapport d'autopsie on a rien eu."

Pas faux, j'offre un petit sourire à ma protégée, on en avait parlé juste avant que je ne m'engage au combat, elle m'avait posé la même question. Je lui en suis reconnaissante d'avoir répondu, j'aurai été capable de rester comme une huître à ce sujet.
Je la vois s'approcher de Wergled et se pencher sur lui:

"Cerclon a trouver. Une salle d'opération sera prête dans l'après-midi, par la suite, repos sera le maître mot."

Elle semble fatiguée, je fronce les yeux et elle se tourne vers moi, effleurant au passage le bras de Wergled:

"Quand à toi, c'est même punition: repos! Alors essayez pas d'aller déjà courir le 400 mètres."

Elle s'approche de moi et s'assied sur mon lit, elle prend une de mes mains qu'elle sert dans la sienne avant de lancer un regard à Wergled:

"Les visites sont soumises au contrôle, vous avez tout deux une liste de personne que vous ne désirez pas voir?"

Je répond alors:

"Oui, tout le monde sauf toi!"

Je la vois tourner les yeux vers moi en les fronçant:

"Même pas Ceridwen?"

"Non, personne, la présence de Wergled me suffit pour le moment, personne d'autre que toi."

Je la vois se mordre la lèvre avant de soupirer:

"Bien. Au passage Wergled, attention à votre genou. La rotule a été luxé, déplacement avec béquille cela va de soi."

Elle se relève, elle sert ma main et se penche sur moi, déposant un baiser sur mon front.

"Lucas doit passer te voir."

Je hoche la tête, évidement que le neurochir devait passé, puis je la suis du regard, elle alla vers Wergled et j'entendis, grâce à mon ouïe d'elfe un peu plus développé que la moyenne:

"Merci d'être là pour lui. Je savais qu'en vous mettant ensemble ça finirait pas en pugilat, du moins pas pour l'instant. Saya votre chirurgien doit passer pour le bilan post-opératoire, mais en attendant par pitié, rester allonger."

Elle m'accorda un dernier regard, suivit d'un clin d'oeil avant de sortir de la pièce.

"Tu étais ou? J'ai essayé de rentrer en contact avec toi mais rien à faire..."

J'ai beaule regarder il ne change pas. Je m'attendais peut-être à ce que le masque tombe mais non, il garde un sang froid sans faille même quand il me répond. Le poids de l'âge ou l'habitude, ou juste parce que c'est un elfe... Il m'agace à ne pas réagir. Et je me mets à la place de mon ombre elfique qui a peut-être pensé à la même chose durant des jours. Pauvre Ayame.

-Je refuse de voir... Ayame en priorité, ne le laisse pas entrer dans cet hôpital sans une bonne raison il est dingue, il va draguer tes infirmières et il cherchera sûrement à assassiner l'un de tes patients.

Un immense sourire accompagna ma tirade. En réalité, les gens sont tellement habitués à me voir faire des séjours à l'hôpital qu'il n'y a plus grand monde pour venir me saluer ou m'offrir des fleurs que je laisse faner dans leur emballage de toute façon. Parfois on m'offre des chocolats aussi, ils sont vites mangés...

-En fait, je ne veux voir personne. Je peux mettre tous les chirurgiens du service sur cette liste ?

Et je m'étrangle quand elle parle de béquilles. Je les utiliserais jusqu'à ce que j'aurais un pieds hors de l'hôpital. Passé cette frontière, elles resteront devant la porte et moi dans un autre quartier. Des béquilles... Ça veut dire, pas de voyage avant que le genou soit remis. Une affreuse nouvelle pour moi, et une très bonne pour les secrétaires et l'autre elfe qui me sert de second : nous allons enfin faire avancer les dossiers en retard à K'ouen. Yee-pee...
Elle s'en va et je n'ai même pas fini mes considérations. Zut. Elle file sous mon nez et je la suis du regard comme on suivrait une abeille qui s'éloigne d'une fleur. Un signe de la main qu'elle ne voit pas et la porte se referme sur sa chevelure incolore. Et nous voilà de nouveau entre hommes. Je sors brusquement de mes pensées et je regarde mon compagnon de chambré sans le voir.

-J'étais... Chez moi.

Réponse succinte et pleine de sens. Je faisais fort ce coup-ci ! Je repris mes esprits et souriais en guise d'excuse.

-En fait je comptais passer mes vacances chez moi aux Singes. Sauf que le lendemain Ayame me faisait rapatrier, j'ai accompagné Immacolata en excursion dans les montagnes... Je suis rentré il y a peu. Si tu voulais me joindre il aurait fallu envoyer un messager et c'est pas sûr qu'il m'aurait trouvé. L'aventure s'est révélée difficile.

"La fameuse escapade où Aliénor s'est retrouvée sans le vouloir. Il a fait très fort Ayamé sur ce coup, j'ai jamais vu Aliénor aussi flippé que le jour où elle est venu me demandé un moyen rapide de rejoindre les montagnes. Imagine sa tête quand je lui ai dis que la seule façon rapide était à dos de dragons, elle qui a le mal de l'air!"

Difficile? Étrange d'entendre ça dans sa bouche, je fronce légèrement les yeux et demande:

"Difficile de spporter Li et le groupes où difficile niveau crapautage et découvertes?"

Je rouvre les yeux et tourne la tête vers lui, je suis, reconnaissant, parler d'autres choses, oui c'est ce qu'il me fallait, éviter de penser à ces choses qui me brisait le coeur un peu plus à chaque minute qui passait sauf que... Sauf qu'un cri attira mon attention. Le cri d'un nourrisson quelque part dans un des étages... Je frissonne et ce fut comme si... Comme si les vannes lâchaient.

"C'était une petite fille... Eldariel attendait une petite fille, enfin. Elle aurait été si contente, après trois fils."

Une larme s'échappe de mes yeux, je ne l'essuie pas à quoi bon? Je me sens misérable, je me sens vieux, je me sens fatigué. Pourquoi fallait-il que je craque maintenant? Ce n'était pas arrivée depuis K'an, même à l'enterrement je suis restée de marbre, figé.

"Par flêche! Un travail d'amateur selon Ez. Mes fils sont morts sur le coup et Eldariel est morte dans les bras d'Aliénor et j'étais pas là..."

J'étais pas là... Mes poings se serrèrent sur le draps, je frissonne:

"Chaque jour je me dis que c'est un cauchemar mais non... Bordel, je vais vivre comment? Hein dis moi, comment je vis aujourd'hui sans eux?"

Questions ridicules, parce que je savais très bien qu'il n'avait pas les réponses. Je me tais, parce que ça sert plus à rien de parler...