Calme des hauts plateaux (pv Alayn)[RP clos]

J'écoutais avec attention ce qu'elle disait, parce que comme à chaque fois que je rencontrais quelqu'un, c'était une occasion d'apprendre ce que je ne pouvais plus apprendre par une fenêtre ou grâce aux miens. Une autre chose que j'avais découverte: ici je devais apprendre tout seul.
Mais ce qu'elle disait sur la sagesse, c'était bien là où il voulait en venir. Tout le monde pouvait être sage, une fois dans sa vie, même pendant seulement quelques secondes... Mais un vrai sage, il n'y en avait qu'un. L'idée de le rencontrer un jour m'amusai... J'avais tant à apprendre de cette personne. Qui sait, j'avais le temps. Un jour peut-être. Je pouvais attendre.
Ce qu'elle répondit sur la mort me sembla d'avantage étrange, parce que pour moi ça revenait au même, vivre, mourir. C'était ensemble, l'un allait avec l'autre. Elles n'avaient pas à cohabiter, ou à être joyeuses. Après bien sûr, les gens n'abordaient pas le problème de la même façon. Mais après tout, c'était mieux comme ça. On ne pouvait pas tous être identiques.

Je trouvai son rire jolie, et souris, même si elle ne pu le voir sous mon masque. Cette Alayn, elle me faisait penser à l'un de ces cour d'eau clair et limpide, un peu cristallin. Je ne pouvais pas prétendre l'apprécier ou dire que je m'y attachais, je ne la connaissais pas assez. J'avais mis plusieurs années à m'attacher à une seule personne dans ce monde-là. Elle, je ne la reverrai peut-être jamais.

Enfin j'en vins à sa question. La plus belle chose qui me fut donner de voir ou de sentir? La beauté, j'avais du mal aussi avec ça. En faite, je me faisais plus facilement aux sentiments qu'aux concepts matériels. La beauté, les choses déplaisantes ou laides... J'avais du mal à comprendre, encore plus à appliquer. Sa question me laissa perplexe, et je fermai les yeux pour mieux réfléchir. La plus belle chose... Il y en avait tellement, j'avais vu tellement de chose... Comment dire lesquelles étaient les plus belles? J'avais cent onze ans d'existence, en comptant dans leurs années. J'avais des choses, beaucoup de choses... Des choses que je ne pouvais pas comparer entre elles, parce qu'après tout, moi, je n'étais rien, ou si peu... Je n'avais pas le droit de donner une étiquette à ce que je voyais, et de toute façon j'en aurais été incapable. Tout m'émerveillait.

"L'Univers."

Ce que j'avais vu. Ce que j'avais senti. J'avais vu une toute petite partie de ce grand monde, de cet espace infini... Je ne pouvais pas juger. Tout me paraissait beau. Je rouvris les yeux pour la regarder.

"Je ne peux pas juger. Tout est si différent..."

A mes yeux c'était vrai. J'étais impartial, beaucoup trop pour pouvoir répondre à cette question...

"Et toi?"

Je rouvris les yeux pour la regarder, souriant, sans qu'elle ne le voit. Je voulais savoir. Elle avait quelque chose que j'avais déjà vu, mais je n'arrivais pas à trouver quoi. Et ce que je savais, c'était que je pouvais apprendre d'elle, comme j'avais appris de tant d'autres... Mais là, j'avais accès à quelqu'un de nouveau. De différent de tous ceux que j'avais vu. Quelqu'un qui connaissait, comme moi, l'ampleur du mot "esprit".

Apparemment, cette question à laquelle j'avais eut du mal à répondre lui posait autant de problème. Comme quoi... Puis elle revint s'accroupir devant moi, et me fixa droit dans les yeux, sans que je ne cille ou ne face le moindre geste pour m'écarter. Je la sentis se déplacer dans mon esprit et mon âme, son regard allant jusqu'à cet endroit, au fond de moi, que je partageais avec les miens. Alors elle disparu, simplement, réapparaissant de nouveau sur le rocher. J'écoutai encore sa voix, rangeant soigneusement chacune de ses paroles dans un coin de ma mémoire. Je n'avais pas besoin de faire d'efforts pour retenir les choses, et je savais que, plus tard, je pourrais ressortir ce souvenir et le revivre sans problème.
Pour l'instant, la vérité était que je ne comprenais pas. La notion de beauté m'était quasiment inconnue, et qu'elle puisse trouver cette "plus belle chose" en regardant dans mon âme, ça dépassait mon entendement. Quoique fut mon âme, elle n'était qu'une, elle était seule. Les miens auraient du y être visible, mais ils ne l'étaient pas, puisqu'ils étaient restés dans notre monde.
Je fermai les yeux, essayant de me souvenir la beauté, vue à travers le regard des autres. Je m'en souvenais... Mais ça ne m'aidait pas à comprendre.

"Je ne comprend pas la beauté."

Celle du monde si. Celles de choses prises une à une... Non. Ce que je ne comprenais pas, je ne le cachais pas. Il n'y avait pas de honte à ne pas savoir, et quand bien même il y en aurait eut, moi je ne connaissais pas la honte. J'étais ce que j'étais, avec ce que je savais, et ce que j'ignorais je cherchais à le comprendre, jour après jour, pour rester proche des miens, même au-delà des dimensions. Surtout là-bas.

"Je ne comprend pas ce que tu dis."

Je rouvris les yeux, regardant le papillon voler autour de nous. J'avais déjà du mal à comprendre la beauté, mais en plus si elle l'assimilait à moi, ça dépassait ce que j'étais capable de comprendre. Chez nous, nous ne tenions pas compte de ce genre de chose. Nous étions ce que nous étions, tous semblables, tous ensemble. Bien sûr, Alayn ne pouvait pas le savoir ça, elle ne pouvait pas connaitre ce genre d'existence... Ce monde dans lequel j'étais, et les autres mondes, donnaient une place importante à l'individu en tant que tel. Contrairement à chez nous, où un individu n'avait d'existence que parmi les autres. Moi-même, je ne vivais que parce que je savais que les miens me voyaient, et qu'ils étaient toujours là dans notre plaine de neige, bien que nous ne puissions plus nous voir.

"Explique-moi."

Je posai mes yeux sur elle, la fixant en espérant qu'elle réponde à ma demande. Je voulais comprendre sa façon de penser, et ne pouvant plus le faire à travers un miroir, j'avais besoin qu'elle le fasse elle-même. Je n'étais pas impatient de savoir, mais j'y tenais.
Il n'y avait jamais eut de rupture entre ma vie dans mon monde, et ma vie ici. J'étais spectateur avant, je l'étais toujours. C'était ma façon d'apprendre qui avait changé, et je ne m'étais jamais senti bouleversé ou attristé par ce changement. Pas parce que, de toute façon ces sentiments ne me seraient jamais venu naturellement, mais parce que je savais qu'il n'y avait pas de quoi être malheureux. J'apprenais. Et à travers moi, c'était tout un peuple qui découvrait une nouvelle façon d'apprendre.

Je ne savais toujours pas ce qu'elle pouvait appelé la beauté, mais je comprenait où l'on pouvait la trouver. Dans les choses apparaissant grandes, peut-être futiles, mais qui se trouvaient capable de faire vibrer en soi une corde sensible, qu'aucune autre chose n'aurait pu atteindre. Alayn, pouvait plonger ses yeux au fond de mon âme, et voir ce que seuls les miens pouvaient voir. Elle ne faisait qu'effleurer la grandeur de cet endroit, mais elle semblait en comprendre une infime parcelle. Et c'était ça, qui faisait qu'elle trouvait mon âme grande et belle.

"Ce n'est pas mon âme que tu vois en moi."

Pourquoi lui expliquer? Parce qu'un savoir est inutile, si on ne le partage pas. Nous-même étions bien loin en dessous de tout. Quand nous débutions notre existence, nous étions démunis, totalement. Et si chacun d'entre nous avait été seul, il aurait eut tout à apprendre, seul. Penser, vivre, voir... Nous avions besoin d'être ensemble, pour que notre savoir commun grandisse, sans arrêt. Nous ne revenions jamais en arrière, et ce qu'il y avait à découvrir était infini. Jamais, mon peuple n'aurait à trouver autre chose à faire que regarder par nos fenêtres.
Je fermai les yeux, cherchant les mots qui me permettraient de lui expliquer.

"C'est tout mon peuple qui vit en moi. Comme en chacun de nous. Mais ils sont chez nous, et moi, ici."

Comme j'avais appris à le faire, je choisis un sentiment qui convenait à la situation. La tristesse, d'être loin des siens, d'être loin de chez soi. Cette nostalgie que je ne connaissais pas en moi-même, mais que je savais contrefaire. Lentement je me souvins, de toutes ces fois où je l'avais rencontré dans les regards des autres. Mais moi, j'avais à cet instant les yeux fermés, et je n'aurais pas pu tromper Alayn. Je le savais, comme je savais que la tristesse faisait mal aux cœurs des humains, ou que la joie était ce qui les faisait sourire. Elle aurait su, que ce sentiment aurait été faux. Et qu'au fond de moi, je ne le ressentais pas vraiment.
En trois phrases je venais de résumer tout. Ce qu'elle voyait aurait du être rempli de la présence des miens. Et cette âme, dont elle parlait comme si elle était unique, cette âme n'existait pas. C'était comme si en voyant un miroir, elle disait le trouver beau, sans voir ce qu'il pouvait y avoir à l'intérieur.

"Tu vas voir encore des choses, après moi. Peut-être plus pures, plus profondes que je ne le suis."

J'ouvris les yeux, regardant d'abord le ciel au dessus de ma tête, puis elle. Je ne cillai pas, puisque contrairement aux humains, ou à beaucoup d'espèces, je n'avais pas besoin de cligner des paupières pour m'humidifier les yeux. J'avais encore du mal à saisir ce genre de jugement. Nous, nous n'affirmions jamais quoique ce soit... Il était vrai que nous ne portions pas de jugement, mais quand bien même nous en aurions été capable, nous ne l'aurions pas fait avec autant d'aplomb. Une vie est longue, et même quand elle ne l'est pas, personne ne peut dire ce qu'elle réserve. Alayn, quoiqu'elle ait déjà vu, verrait d'autres choses après moi.

"Ce que tu verras sera différent. Mais comment peux-tu affirmer que tu ne verras rien de plus profond et pur?"

Encore une fois, je demandais par curiosité, pour savoir comment elle concevait les choses. Il y avait ceux qui m'avaient répondu qu'ils n'en savaient rien, d'autres qui n'envisageaient pas leurs vies si loin. Et certains, rares, me répondaient... Des réponses rares, que je gardais en mémoire, comme tout. Comme une infinie collection de savoirs rares, de philosophies différentes... Jamais, je ne serais capable de faire un choix entre l'une d'elle. Moi je resterais neutre, jusqu'à ma fin.