Calme des hauts plateaux (pv Alayn)[RP clos]

Le calme d'une montagne rocheuse, c'était exactement le genre d'endroit où j'aimais me rendre. A cette altitude, il faisait frais, presque froid. On se serait crû assez proche du ciel pour le toucher du bout des doigts... Il n'y avait plus que de rares fleurs, à la place des sapins et de la verdure qui couraient le long du sentier, bien loin derrière moi.
J'avais dépassé ces étendues vertes, dépassé une immense aiguille rocheuse, derrière laquelle une modeste gorge s'ouvrait sur un plateau entouré de montagne. Une cascade coulait, formant un ruisseau qui traversait le plateau et disparaissait sous un éboulis de rocher. Rien n'était magnifique, rien n'était émouvant. Je m'étais senti minuscule en arrivant là, entouré par ces géants de pierres, et ce sentiment ne m'avait pas quitté. C'était la même chose, quand chez moi nous regardions par les fenêtres. Le monde nous paraissait vaste, immense. Nous n'étions qu'un grain de sable au milieu de tout ça, mais un grain de sable avec des yeux, auquel rien n'échappait.

J'appuyai mon bâton de voyage à un rocher, dont la haute stature projetait une flaque d'ombre assez attirante. En dépit de l'air frais des montagnes, j'avais chaud. Je retirai la gourde que je portais en bandouillère, en travers de la poitrine, en versais une partie de son contenu dans ma paume, m'aspergeant la nuque. Je ne m'étais pas arrêté depuis que j'étais arrivé dans le fond de cette vallée, de là où l'on pouvait gagner ce plateau. Je n'étais pas épuisé, pas du tout. Mais j'avais chaud, à un point pas possible.
Enfin rafraichi, je remplis de ma gourde dans le ruisseau, me doutant bien qu'il y avait peu de chance qu'elle soit polluée. Je revins à l'ombre du rocher, et m'y assis, le dos appuyé contre la pierre. Alors là, seulement, je me perdis dans la contemplation du ciel, si vaste... Immense, infini, et vide. Comme l'était mon esprit depuis une dizaine d'année. Immense, infini, comme il l'avait toujours été. Mais vide.
Je fermai les yeux. Je sentais toujours notre collectivité, mais à présent elle était vide, comme si tout le monde l'avait déserté. En faite, c'était seulement que n'étant plus dans la même dimension, nous ne pouvions plus nous sentir. Eux, moi. Notre lien était restreint à notre monde. Au-delà, nous étions bel et bien tout seul, livrés à nous-même. Mais après tout il en était ainsi pour chaque race. Des individus bien définis et différents. Souvent je me disais qu'ils devaient tous se sentir bien seuls. Un peu comme moi, mais moi je gardais le souvenir des êtres qui étaient mon peuple, et la chaleur de leur présence dans mon esprit ne m'avait pas quitté. Ce n'était qu'un souvenir, mais encore dur et fort. Je savais qu'ailleurs, ils continuaient d'exister. Et que l'une des fenêtres s'ouvrait sur ce monde-ci, sur moi. J'avais peut-être l'impression d'être seul, mais j'avais toujours ma place là-bas. Je souris derrière mon masque. Je devenais étrangement sentimental, et ce n'était pas dépourvu de comique comme situation.

Je ramenai mes genoux contre ma poitrine avec un soupir. Même en évitant un maximum le contact avec les autres espèces, je devenais comme elles. Être sentimental, trouver ça drôle... Ça avait le mérite d'être original. Penchant la tête en arrière, je l'appuyai contre la roche, oubliant peu à peu tout ce qui m'entourait pour m'enfoncer dans une méditation calme et sereine. Ce repère vaste et blanc, au sein duquel, avant, nous nous retrouvions tous ensemble. A présent j'y étais seul. Seul dans cette mer de neige, immaculée, que seul moi visitais.
Je gonflai mes poumons, profitant de tout ce que je trouvais dans l'air, posai mes mains sur le sol.

La fraicheur ambiante me rappela ma dimension d'origine. J'en souris. Je plaignais sincèrement les autres espèces, celles capables de ressentir de la nostalgie.

J'avais observé beaucoup de gens, qui loin de chez eux ressentaient ça. De la nostalgie. Pourquoi attacher tant d'importance à un lieu? Les autres étaient tout aussi beaux... Je les plaignais sincèrement tous ces gens-là. Et en même temps, grâce à eux que j'avais vu, j'avais une idée de ce que j'aurais du ressentir maintenant que je n'étais plus parmi les miens. Un sentiment de tristesse, de solitude...
De la nostalgie.

Le regard vague, je dissipai toutes ces pensées annexes, laissant mon esprit s'appaiser pour retrouver cet état calme et serein que je connaissais si bien. Et quand mon esprit fut vide, entièrement vide, alors je vis apparaitre la plaine enneigée que nous partagions auparavant. J'aimais venir ici. Je ne voyais personne, mais je savais. Les miens étaient là. Ils étaient tous là. On ne se sentait plus, on ne se voyait plus, mais nous étions au même endroit. Dans deux dimensions différentes.
Un sourire détendu apparut sur mes lèvres, derrière mon masque. Les miens n'avaient pas disparut. Moi non plus. Je ne les voyais plus, mais eux pouvaient toujours me voir, par l'une de ses fenêtres. Et je savais, qu'il y aurait toujours quelqu'un assit devant cette fenêtre, ma fenêtre, pour me regarder. Depuis que j'étais ici, ils ne m'avaient jamais quitté. Ils étaient là, me surveillant sans que je ne puisse les voir.
Pourquoi aurais-je été nostalgique? La place que j'avais quitté dans notre peuple était toujours là même, elle était toujours mienne.

Je clignai des yeux plusieurs fois, pour me sortir de ma méditation. Calme et serein, léger et libre, comme à mon habitude. Peut-être un peu plus. J'avais appris la colère et l'angoisse, mais ces sentiments là, j'étais incapable de les réveiller. Sortant complètement de ma méditation, je sentis alors autour de moi une présence, famillière et inconnue en même temps. Gardant la tête appuyée au rocher, je fouillai le ciel au dessus de moi. Je n'étais plus seul, il y avait quelqu'un que je n'avais pas senti venir, plonger au plus profond de moi-même.
Je ne connaissais pas toutes les espèces, loin de là. Plusieurs fois en dix ans, il m'était arrivé de rencontrer des gens que j'avais observé par l'une de nos fenêtres... Etait-ce le cas de cette personne? Elle me semblait familière, ce qui était souvent le cas quand je voyais quelqu'un que j'avais observé...
Sans me départir de mon calme, j'étais de toute façon naturellement calme, je me relevai doucement et me retournai, offrant mon visage masqué aux yeux de l'inconnue. Sans ciller, je la fixai, sachant qu'elle ne pouvait pas voir mon visage passif et neutre, calme... Je souris. Elle ne le vit pas non plus.

"Qui es-tu?"

La question curieuse de celui qui aime savoir. Je voulais savoir. SI je l'avais déjà vu à travers une fenêtre. Naïvement... Je savais que pour beaucoup de personnes que j'avais croisé, au court de ces dix dernières années, j'étais souvent passé pour un marginal un peu bizarre. Je ne cherchais jamais à m'intégrer, me mêler aux autres. Je restais le spectateur que j'aurais pu rester, mais je voulais savoir. Sans me mêler aux autres, je cherchais à comprendre comment fonctionnaient ces espèces sensibles, dotés de sentiments si douloureux que je ne leur enviais pas.

L'inconnu la regardait. Alayn plongea dans son regard et s'enfonça dans on âme, dans la plus grande profondeur qu'elle puisse trouver. Cette âme était vaste, immense, contenant un savoir improbable. La jeune femme n'avait jamais rencontrer d'âme aussi fascinante depuis sa transformation. Elle ne distinguait rien de particulier, pas de sentiments, pas de désirs, si ce n'est peut être revoir les siens. Elle n'arrivait pas à s'empêcher de lire tout ce qui passait à la porter de sa vision; des choses qui ne lui appartenaient pas, des choses qu'elle n'avait pas le droit de savoir. Elle détourna brusquement la tête, cassant cette connexion. Comment se permettait-elle d'entrer ainsi dans la tête des gens ? Certes elle avait du mal à se contrôler, mais cela ne lui donnait pas le droit d'en profiter. Lorsqu'elle se permit enfin de reporter son attention sur son interlocuteur, après avoir méticuleusement observé la montagne, en source de réconfort, elle ne s'attarda qu'une fraction de seconde sur ses yeux, pour observer d'une façon plus humaine. Son visage était masqué, d'un masque gris-noir, sombre; comme une deuxième personnalité, plus noire que la première. Cette personne était sage, mais Alayn était curieuse de savoir comment son âme était construite, dans les détails. Puis elle prit conscience de son attitude, s'effaça et réapparut juste à côté de l'homme.


• Pardonnez-moi. Elle s'inclina légèrement, en signe d'excuse. Je m'appelle Alayn.
  
  La jeune femme aurait pu rester des heures, des jours, des semaines, des mois, des années, sa vie à observer cette personne et à s'immiscer dans son âme. Cette personne était une source de savoir inébranlable, Alayn se demandait même si elle n'égalait pas celle des Dieux. Certes son âme à elle était inviolable et illisible de quiconque à part son créateur, et elle ne doutait pas de sa grandeur, bien qu'elle n'en comprit pas toute la complexité, mais cette âme, celle qui lui faisait face, était admirable.
  Elle ne se sentait pas obligé de parler, regarder lui suffisait et elle n'en éprouvait aucune gène. Mais c'est avec plus de prudence qu'elle osa une fois de plus replonger son regard dans celui de l'inconnu.
  N'osant parler, Alayn décida de faire une chose qu'elle ne s'était encore jamais permise.
  
  
• Qu'êtes-vous exactement ?
  
  Elle s'était exprimée directement dans son esprit, ne pensant pas que prononçait ces mots revêtaient une quelconque utilité.

[ HRP : Oh la la, je suis vraiment désolé >< J'étais plutôt occupée et je n'ai pas pris le temps de répondre avant aujourd'hui ! Je suis navrée --'' ]

[hrp: pas de problème! Attendre n'a jamais tué personne x) ]


Je ne cillai pas alors qu'elle me fixait droit dans les yeux. Je n'avais pas souvenir d'avoir croisé beaucoup de gens agissant ainsi. En temps normal, ils détournaient le regard... Comme elle réapparaissait à côté de moi, je tournais la tête vers elle, pour pouvoir continuer de la regarder, sans la moindre gêne. Alayn? Totalement inconnue. Pourtant plus je la voyais, plus j'avais l'impression d'avoir déjà regardé quelqu'un lui ressemblant... Or il n'y avait pas deux personnes semblables dans tout l'univers. Du moins pas pour moi ou les miens, qui observaient et voyaient le moindre détail, n'oubliant rien, notant tout. Mais après tout, j'avais le temps. J'avais encore assez de temps devant moi pour comprendre les mystères que je rencontrais.
Je penchai la tête, recevant ses excuses sans plus de formalité. Pourquoi aurais-je pris la peine de m'embrouiller dans des formules de politesse? On était en pleine montagne, et les rochers se fichaient bien que je sois poli ou pas. Moi aussi je m'en fichais.

• Qu'êtes-vous exactement ?

Je fermai les yeux, oubliant sa présence. Entendre une voix dans mon esprit me fit redouter qu'un des miens se soit retrouvé ici, comme moi. Calme, presque transparent, je ne vis personne dans la plaine blanche qui s'étendait dans mon esprit, immense, vide. Je ne souhaitais à aucun d'entre eux de venir ici. Même si je n'y étais pas malheureux - n'ayant aucune réelle notion du malheur - je savais très bien qu'il n'y devait y avoir que moi ici.
Je rouvris les yeux, le regard rouge d'Alayn étant toujours posé sur moi. Les montagnes ne parlaient pas, la nature non plus. Du moins pas de cette façon. Jusqu'à présent, pendant ces dix années ici, ou même de toute mon existence, je n'avais connu que les miens capables de me parler ainsi. Sans utiliser les mots, seulement dans ma tête. Mais ce que je venais d'entendre ne venait pas d'eux. Ces mots m'avaient fait douté, un instant. Pas plus, parce qu'ils n'étaient pas arrivés par le même chemin que d'habitude. Ils ne venaient pas du pays blanc que nous partagions, de l'intérieur de moi-même. Ils venaient de l'extérieur, et cet extérieur ne pouvait être qu'elle qui me faisait face. Je restais assis.
J'étais curieux de comprendre ce qui m'entourait, quoique curieux était peut-être exagéré comme terme, pour définir mon comportement. Admettons que j'étais curieux. J'avais envi de comprendre comment elle fonctionnait, d'où elle venait, qui elle était, ce qu'elle faisait... Toutes ces choses que j'aurais connu en la regardant par l'une de nos fenêtres, et qu'il me fallait à présent découvrir par moi-même. Un défi que je relevais quotidiennement depuis que j'étais ici.

Sans la quitter des yeux, je me mis à chercher une réponse à sa question, réponse que je ne pu trouver évidement. On ne s'était jamais défini, je ne m'étais jamais défini... Je ne savais pas ce que j'étais, et ne cherchais pas à savoir. Je répondis doucement, sans chercher à me confondre dans des excuses ou des explications.

"Je ne sais pas."

Pourquoi aurait-ce été important d'ailleurs? Nous n'avions jamais jugé nécessaire de nommer notre peuple. Je n'allais pas prendre la peine de le faire parce qu'un seul d'entre nous - moi - avait besoin d'un nom pour dire ce qu'il était.

"On m'appelle Briac Roé."

Inutile de préciser que je ne m'étais pas nommé moi-même, d'où ma façon de me présenter. "On", les autres, d'autres, m'avait donné un nom. Pas moi, pas mon peuple.

"Est-ce important ce que je suis?"

En dix ans, ça pouvait paraitre surprenant, mais on ne m'avait jamais posé une telle question, si bien que je ne m'étais jamais interrogé sur l'importance d'appartenir à une espèce bien définie. Je voulais savoir, si ce qui avait si peu d'importance pour nous, pouvait en avoir infiniment plus pour les autres.

Sa phrase étrange évoqua quelque chose dans ma tête, un souvenir un peu perdu sur lequel j'eus quelque difficultées à mettre la main. Mais elle avait raison. C'était peut-être pour ça que mon peuple n'attachait pas d'intérêt à ça. Même si nous ne savions rien de nous-même, nous savions voir le monde, et nous comprenions notre façon de le voir. Ce qu'on avait à faire nous était toujours apparu clairement, ça ne nous avait jamais posé de problème.

Je notai qu'elle ne me regardait plus dans les yeux, mais ne compris pas pourquoi. Quels pouvoirs pouvaient bien avoir de simples regards? Et quand bien auraient-ils une quelconque importance, était-ce réellement important... Regarder quelqu'un n'était pas un crime. Moi, je regardais tout le monde, je l'avais toujours fait. Je savais que les autres races apportaient plus d'importance aux yeux, et ce qu'ils faisaient. Comme dévisager, ou fuir... Ces notions que j'avais du mal à apprivoiser et adopter, surtout en pleine montagne.
Curieusement, je remarquai ses doigts approcher de mon visage... Puis elle disparut.

Toujours assis, je regardai autour de moi sans la trouver. Pourquoi partir? Et toucher ce masque? Que cherchait-elle? Incapable de comprendre, je refermai les yeux, cherchant un mot pour définir le sentiment que j'aurais du ressentir au fond de moi. Être... Troublé, je crois bien. Se sentir confus, ne pas comprendre, être un peu perdu, et bafouiller bêtement... Je ne comprenais pas, mais je ne me sentais pas perdu. C'était ce que c'était. Elle reviendrait, peut-être, ou pas. Ce n'était pas si important, ce qui comptait c'était que j'avais découvert quelque chose de plus. Il existait des êtres d'esprits, semblables aux miens, à mon peuple, et pourtant différent. Je laissais le calme m'envahir de nouveau, ce calme qui se comportait en moi comme en terrain conquis. C'était son droit par ailleurs, je lui étais tout acquis. C'était comme jouer à un jeu dont personne ne comprend complétement les règles. Elle ne comprenait peut-être pas ce que j'étais, moi je n'aurais pas été capable de lui expliquer, et par ailleurs je ne savais pas non plus ce qu'elle était.
Etrange question, sans importance... Être était important. Mettre un nom sur soi-même ou sur son peuple... C'était futile à mes yeux.

• Vous êtes un sage.

Je ne l'avais pas entendu revenir, je rouvris les yeux. Elle n'était pas à côté de moi, mais elle était là... Je penchai la tête en arrière, l'appiyant au rocher, regardant au dessus de moi. Je la vis, à la limite de ce que mon masque me permettait de voir, sur ce rocher sur lequelle elle était apparue.
Elle était de nouveau là? Pourquoi pas... Ca me plaisait.
Comme toujours, je réfléchis ma réponse, le moindre de mes mots. Un sage? Que savais-je des sages? Pas grand chose. A part qu'une fois de plus, mon peuple ne comprenait aucun être de ce genre-là. Nous n'étions pas des sages. Pas pour nous en tout cas.

"Pourquoi dis-tu ça?"

Un sage se démarquait des autres, il avait plus de patience, de savoir, il pensait beaucoup et connaissait un grand nombre de vérités... Ce que je savais était peut-être beaucoup pour les autres, mais ça restait un grain de sable sur une plage de sable, que la mer balayait et modifiait sans cesse... J'étais comme les autres. Peut-être pas les autres en général, mais comme les autres de mon peuple.
J'eus envi de comprendre, ses raisons de me prendre pour un sage. Je n'avais jamais eut l'impression d'en être un... Au contraire. Je n'avais jamais été rien de plus qu'un spectateur, assis sur un banc, silencieux. Presque absent. Je portai ma main à mon masque, l'effleurant du bout de mes longs doigts fins. Pas d'apparence, pas de nom... Qui sait, nous étions peut-être tous des sages, sans le savoir.

La philosophie qu'elle me présentait m'intéressait. Ces dix dernières années, je n'avais pas eut l'occasion de parler de ce genre de chose. Ça ne me manquait pas... Bien sûr que non. Mon peuple ne parlait pas non plus de ça, mais pour l'unique raison qu'il vivait dedans. Elle venait de décrire l'un des traits caractéristiques des miens. On savait. Ce que l'on ne connaissait pas, on ne s'y intéressait pas. L'ignorance... Un jour, peut-être, nous comprendrions d'avantage de choses. Nous étions sans cesse entrain d'apprendre. Il arrivait que certains sujets nous échappe pendant longtemps, très longtemps... Qu'importe. Il venait un jour où nous comprenions. Et si ce jour ne venait pas, c'était sans importance. Il viendrait un jour... Et même si nous n'étions plus là pour comprendre, notre peuple existerait toujours, et lui comprendrait. Nous avions le temps...

"Connaitre son devoir, est une forme de sagesse."

Je gardais la tête appuyée contre la pierre, pour pouvoir continuer de la regarder. Pourquoi vouloir créer une catégorie appelée "les sages"? Pourquoi vouloir les définir précisément? Pourquoi vouloir me mettre dedans? Si j'étais un sage, je l'étais à ses yeux. Elle-même était sûrement sage au regard d'un autre. Et à mes yeux... Rien ne portait le nom de sagesse, personne ne pouvait être appelé "sage". Il n'y avait qu'une seule personne, un seul sage. Le sage... Je ne le connaissais pas. Mais il devait bien exister, cet être unique dans tout l'Univers. Il fallait bien qu'il existe, pour que l'on ait aujourd'hui cette idée de sagesse. Quelque part, ce modèle existait. Mais pas ici, pas en moi. Mon peuple était peut-être plus proche de ce sage que les autres, que certains autres peuples. Moi tout seul, je n'étais pas grand chose, si peu...Je posai mon regard fixe sur le ciel au dessus de moi.

Une fois de plus, je réfléchissais ce que j'allais dire, parce que chaque mot avait son importance. Répondre impulsivement était un jeu dangereux. C'était le meilleur moyen de se contredire, de se tromper. Or je n'avais pas conscience de pouvoir me tromper en parlant. On aurait pu me dire que c'était orgueilleux de ma part de penser ainsi, de me croire infaillible... Mais je ne prétendais pas l'être. Je savais seulement, qu'un mot avait son poids, sa valeur, en fonction des autres mots qui l'entouraient. Quoique je dise, je le réfléchissais.
Le souvenir d'un gamin me traversa l'esprit... Un enfant, elfe, que j'avais rencontré dans ce monde. Il avait rit de ma lenteur à répondre, de ma façon de parler, calmement, posément. Lui, il m'attendait à la fin de chaque phrase... Encore une de ces leçons que j'aimais tant. Apprendre, au travers d'une fenêtre ouverte sur une âme, ou en allant parler avec cette âme, ce n'était pas si différent.

"Tout peut être futile. Beaucoup l'ignorent. La beauté du monde vient de là."

Tout n'était pas futile. Mais tout pouvait le devenir. En prenant un maximum de recule, tout devenait futile. Mais tout le monde n'était pas capable de reculer jusque là, pour voir les choses sous cet angle. Moi-même, je n'en étais pas capable. Si je l'avais été, je n'en serais pas là à parler avec elle, je ne chercherais pas à regarder, à observer.
La vie était une dynamique, qu'on pouvait suivre de façon différente, en fonction de ses origines, de son peuple, de ses croyances. Moi, j'étais au plus bas sur cette échelle. Je faisais parti de ces rares êtres à la dynamique quasiment nulle. Même si les miens était en mouvement constant, notre évolution était basée sur ce que nous apprenions des autres espèces. Et il y a tellement à savoir, que l'on pourrait resté une éternité assis à une fenêtre, sans avancer de plus de quelques millimètres sur le chemin du savoir. D'autant plus que ceux que l'on observe sont finis. Ils meurent, et avant nous. Alors quoique l'on découvre chez un être, il nous faut presque tout réapprendre quand on change d'observation. Ça n'en finira jamais, nous le savons. Et nous ne nous en lassons pas...

"Tu crois que la vie est plus futile que la mort?"

Elle parlait de la futilité du monde, de ses habitants, de leur savoir. De la vie... Je n'avais pas cette approche de la mort, remplie de peur, de doute. La mort n'avait aucun pouvoir, ce n'était rien. Je ne connaissais pas la mort, pas personnellement. Pourtant, je l'avais vu plusieurs fois. Une infinité de fois même... Ceux que j'observais mourraient. Les miens mourraient. Mais ce n'était qu'un incident... Mourir était le point qu'on mettait à la fin d'une phrase appelée la vie. Pour moi, pour nous, la mort faisait partie de la vie, mais ne la terminait pas. Nous finissions notre vie quand nous arrêtions d'exister, quand nous cédions notre place à deux nouveaux êtres. La mort empêchait d'atteindre cet achèvement, ce n'était rien de plus.
Mais pour les autres races mortelles, la mort avait cet aspect que je ne connaissais pas... Un petit air de fin.