[Libre] - J'en parlerai à ma fontaine.

« Bibliothèque. » tinta-t-il pensivement. « Je l’ai vue quelquefois. Livres, textes/écrits. C’est un point commun chez beaucoup de peuples pré-EntreMonde. Comme Nagarithar. J’ai appris que les Animés doués de technologie maîtrisent rapidement/intuitivement la fixation du langage. Votre système d’écriture/inscription/symbolisme est remarquable. Fixer l’idéal/conceptuel. Arrêter le temps/fil de la pensée sur l’ordre/rangement des mots. Garder la formulation de l’éternel/intemporel dans le présent/immédiat/concret. »

Vaïna ne se rendait absolument pas compte du charabia que devenaient peu à peu ses phrases. Par nature, les Cristaux étaient des êtres de pensée pure. Le mouvement leur était peu familier, mais ils avaient l’habitude de jongler avec les concepts les plus abstraits. Comme le temps ne comptait pas vraiment pour eux, ils pouvaient passer plusieurs semaines à réfléchir sur un seul problème. Disserter sur les mathématiques quantiques avec des physiciens de Cerclon lui posait bien moins de problèmes que de comprendre comment (mais comment, nom d’une veine de silicium) on arrivait à marcher sur deux jambes seulement. Il avait donc facilement tendance à s’égarer dans des considérations qui le passionnaient, mais les réponses de ses interlocuteurs se résumaient souvent à un grognement perplexe. Avec le temps, il avait fini par apprendre qu’il était souvent poli de réfréner son goût pour la métaphysique…

« Heu. Excuses/Désolations. L’un des vôtres m’a enseigné de ne pas parler/discuter de sémantique pendant les repas. Il disait/expliquait que ‘#'@x&: ! ça faisait gerber’. »

Vaïna était très fier d’avoir su répéter exactement cette phrase magnifique qu’un convive de mauvaise humeur lui avait lancée un jour à table. Bon, bien sur, il n’avait pas tout à fait compris ce que faisait le mot #'@x&: !/péripatéticienne au milieu de l’argumentation. Ni quel était ce mécanisme étrange qui faisait que les humains vomissaient leur repas si on parlait des sciences du langage à table. Mais quelle énergie il avait mis dans sa phrase, cet homme !! C’était admirable ! Il avait même ponctué sa démonstration d’un formidable coup sur la table, qui avait rempli le Cristal de respect. Voilà une opinion bien défendue ! Même si bien que personne dans l’auberge n’avait répliqué quoi que ce soit jusqu’à ce que le gaillard soit sorti avec sa bière en jurant contre les « cailloux complètement cinglés ».

Bref !! Tout cela pour dire que Vaïna se mit de son mieux à abandonner la métaphysique pour revenir à la question que lui posait la femme aux cheveux blancs. Cerclon ? Oui, c’est vrai qu’il connaissait bien cet endroit. Cerclon et Ciel étaient les meilleurs endroits, du moins à son goût. Ciel était calme, silencieux, un endroit idéal pour capter les mille murmures qui passaient dans l’air. Et Cerclon débordait d’activité, de pulsions de circuits électriques, de transmissions radio – un vrai brouhaha où on n’avait jamais fini d’apprendre.

« Les bruits/champs magnétiques à Cerclon sont plaisants. Et j’y travaille avec des amis/connaissances mathématiciens venus du monde/planète de Corteh. Leurs travaux sont captivants/fascinants. Et vous, Druchii Rawëfanwen, vous habitez à Ciel ? »

Spoiler:

Je ris de bon coeur quand le cristal proféra un juron qu'il avait entendu de la bouche de quelqu'un d'autre, un humain peut être. J'appris que Vaïna travaillait avec des mathématiciens à Cerclon, sur des champs magnétiques ; bien que je n'eusse pas su ce dont il s'agissait, je notais ces renseignements dans mon esprits pour en apprendre plus long ultérieurement. Dans quelle mesure pouvait il aider les chercheurs ? Peut être en matière de raisonnement, de logique et de calcul.

"Je vis à Ciel depuis peu. Au regard du nombre d'années humaines ou druchii que vous avez du traverser, ces quelques mois pour moi passés ici vous sembleront surement une fraction minime du temps, ça l'est déjà pour moi qui n'ai que cent ans derrière moi, à peu de choses près."

Autrefois, deux vies humaines se seraient écoulé dans le laps de temps que j'avais vécu jusque là ; c'était étrange de me dire que j'avais également vécu deux vies bien différentes, et entamais la troisième. Ma première vie en tant qu'assassin de la cour de Cahernas, la seconde comme fugitive, exploratrice et assassin mercenaire ; pour cette nouvelle vie, j'avais choisi de m'installer dans une arène, dans le quartier flottant de Ciel.

"Je m'occupe de l'iorganisation des combats de gladiateurs de l'arène de Ciel. C'est là bas que j'habite, dans une petite loge sous les gradins du Colisée. Le cadre antique me sied beaucoup mieux que les grands immeubles de Tern ou les remparts de Cerclon. J'ai vécu un temps à Ordae, aussi, cela me rappelais mon monde d'origine, en quelque sorte."

En vérité, rien à Entre-Monde ne ressemblait aux citadelles noires et froides de Nagarithar. Une terre dévastée où la végétation est rare, où la brume recouvre la terre nue et où le soleil à du mal à faire percer ses rayons. Les citadelles lourdement fortifiées étaient des bastions autant que des villes ; conçues pour endurer des sièges et pour résister aux assaillants. La vie y était un peu rustique, loin des palais plein de dorures et de lumière que certains humains de la noblesse habitaient.

Je tendis le bras et détachait une autre grappe de raisins de la vigne qui courait sur le mur. Des questions me trottaient dans la tête, mais je doutais qu'elle fusse bien accueillies par le Cristal. Je me demandais par exemple s'il était possible de tuer un cristal, et comment fallait-il s'y prendre ; fallait il le briser en morceaux ? Utiliser une technologie avancée ? Je n'avais nullement l'envie de tuer Vaïna, mais ces questions me venaient naturellement, comme un homme seul se demanderait en croisant une jolie fille dans une taverne si elle pouvait devenir sa compagne de lit le temps d'un soir.

"Mais je doute que vous soyez intéressé par les combats. Cela ne doit pas être facile pour vous de livrer bataille face à un 'animé' comme vous dites. Cela ne doit pas être simple non plus de vous mettre hors course, vous devez être fort comme un roc, si vous me permettez l'expression."