Les chiens de Valérian

Touristes travailleurs. Oui, c'est ça. Au fond, c'était exactement et précisément ça. Voyager pour rester toujours dehors dans un univers que je connais et qui me connait. Et en même temps accomplir ce qui au fil des années est devenu ma responsabilité : améliorer la sécurité dans la zone du dehors. Ce qui a changé depuis mes premiers pas sur les terres hostiles... Le fait qu'en arrivant dans une ville on me reconnaisse facilement, on sait que je suis là pour résoudre les ennuis que posent dame nature et parfois quelques têtes brûlées qui n'ont pas conscience que c'est déjà suffisamment difficile de vivre loin de la capitale comme ça. Aujourd'hui, je suis chez moi à peu près n'importe où mais surtout là où personne ne voudrait poser ses bagages.

Y penser me redonnait le sourire, ça et le matelot ivre mort que la louve emportait vers la cheminée.
En regardant la salle on a l'impression que personne n'a d'autres problèmes que l'orage dehors qui perdure malgré nos prières. Aucun marin ne tire un boulet avec lui, ils l'ont rangé loin d'eux le temps de se reposer, d'enquiller quelques bières en essayant de rire plus fort que le tonnerre.
Ils y en a qui ronflent aussi, sur une table non loin d'un verre vide. La chaleur et la fatigue du voyage allé en avait mis un bon nombre sur le carreau.

-Je doute qu'ils repartent de si tôt, l'équipage serait trop faible pour un voyage retour aujourd'hui.

Ayame penchait la tête, écoutant quelques paroles venues d'une autre table.

-Même si cela prendrait une journée au plus pour regagner la côte en bateau ?

-L'orage ne semble pas vouloir se calmer, ils ne repartiront pas avant une éclaircie.

-Je sens que tu as une mauvaise idée pour la traversée, fit-il l'air fatigué par avance.

-Tout de suite... appelons l'épicerie, je crois savoir que l’aigle de mer est amarré non loin depuis son dernier contrôle.

L'aigle de mer était un vaisseau fait pour les grandes profondeurs, mais puisqu'il n'était pas loin nous pourrions peut-être en profiter pour découvrir les fonds de la mer séparant Valérian et Cabèche. Le voyage durerait deux ou trois heures tout au plus, l'elfe supportera bien d'être coincé dans un aussi petit habitacle avec moi tout ce temps.
Délaissant l'elfe et la louve, je gagnais le comptoir de la taverne dans l'espoir que le tavernier ai gardé quelque part un vieux téléphone encore raccordé.

Un peu l'esprit dans le vague, Louvia ne se réveilla que quand Wergeld se leva, visiblement pour aller vers le tavernier. Avait-il besoin d'une autre boisson alcoolisée ? Peu importe, Louvia s'étira une nouvelle fois avant de parcourir de son regard la salle. Beaucoup de marin semblait dans le même état que le mousse, mais sur tous se lisait la fatigue d'un voyage éprouvant. Soupirant une nouvelle fois, elle stoppa son regard sur Ayame qui avait l'air de s'être renfrogné. Au lieu de se poser mille et une questions, Louvia se dirigea vers le demi-elfe lui demander ce qui n'allait point. Quand ce dernier lui expliqua les raisons, Louvia ne sut d'abord que faire ... Après tout, lui comme elle n'aimait pas les traversait sur les flots, ou du moins pour Ayame, enfermer dans un petit vaisseau. Elle se demandait si elle n'allait pas leur offrir l'hospitalité chez elle. Ce n'était pas très loin et puis, au moins il y avait l'assurance de la chaleur d'une bonne couette et d'un bon lit pour eux, et de son coussin préféré pour elle.

Mais à bien y réfléchir, elle se dit que ce n'était qu'un moyen comme un autre de recul encore une fois. Non Louvia se décida à les suivre si cela ne les dérangeait pas, quoi qu'il advienne. Elle traverserait la mer séparant Valérian de cabèche quoi qu'il en coûte ! Sa détermination faite, elle fit part de sa décision à Ayame, lui expliquant que si vraiment il le fallait elle leur donnerait le reste de ses économies pour le voyage. Étant une louve elle pouvait aisément se passer d'une location de chambrer dans une auberge. Dormir à la belle étoile, quand il ne neigeait pas, était un moment toujours agréable surtout quand on avait pour couverture un tapis d'étoile à perte de vue. En attendant que Wergeld revenait, Louvia, avec toute la diplomatie dont elle était capable, essayait de convaincre Ayame que la traversée ne serait pas si pénible qu'il ne pouvait le penser. Après tout cela durerait beaucoup moins de temps que s'ils devaient faire le trajet en bateau. Quand Wergeld revient vers eux, Louvia réitéra son souhait de faire la traversée avec eux, quitte à se délester de ses économies, puis les suivit jusqu'au vaisseau.

Au début Louvia ne vit pas tout de suite le vaisseau, il faisait nuit et la mer était agitée et sombre, aussi sombre que la couleur du vaisseau qui se tenait devant eux. Elle en écarquilla les yeux de stupeur et de surprise, quand elle devina ses traits grace aux vagues qui se percutaient contre la coque dudit vaisseau. À l'intérieur, cinq personnes pouvaient aisément s'y tenir, et on devinait une lumière à l'arrière, surement en protection des monstres marins. À cette idée Louvia frissonna et sa peur lui donnait l'envie de s'enfuir à toute patte, elle s'était arrêté pendant une fraction de seconde, ce qui lui permit de s'encourager à haute voix.

-"Allez Louvia ! Force et honneur comme diraient les princes des légendes ..."

Elle reprit la marche en trottinant, c'était bête comme tout, mais en trottinant elle avait l'impression d'être légère et que ces soucis ou ses peurs s'envolaient au-dessus d'elle sans pouvoir retomber sur sa fourrure. Arriver juste devant, elle remarqua sa taille vraiment impressionnante mais aussi, sa praticité. Malgré tout il semblait pouvoir se fondre partout dans l'eau, s'en était vraiment magnifique. Elle attendit que les deux humains s'installent, avant de grimper à l'intérieur. Et puis là ce fut tout le contraire de ce qu'elle aurait voulu, au lieu d'afficher un air impassible, elle fut prise d'une irrésistible envie de fuir à toute patte. La peur la paralysait car elle se rendait compte qu'elle était sur l'eau. C'était plus fort qu'elle, bien qu'elle sache très bien nager, elle ne pouvait supporter l'idée de rester sur un bateau. Le second geste qu'elle eut fut de fermer les yeux, et de se blottir contre la première source de chaleur humaine. Et ce fut les jambes d'Ayame. Le bateau allait-il sous les profondeurs ? Sa peur allait elle s'envole une fois sous les eaux . Tant de question tambourinait le crâne de la jeune Louve.

-"Pitié qu'aucun calamar géant ne vienne attaquer le vaisseau."

Elle le pensait tellement fort que cette phrase était sortie toute seule de sa gueule. Elle leva des yeux innocents vers les deux humains, comme si elle n'avait jamais rien dit de la sorte, comme si sa cervelle ne l'avait pas trahis et sortait son angoisse principale devant les yeux et les oreilles de tous.

-"En route ?"

Décidément cette louve maitrisait l'art du coq à l'âne.

-Force et honneur, répétait Ayame en pénétrant dans l'engin.

L'aigle de mer était restreint en place et s'il n'y avait l'idée d'être enfermé dans une tout petit habitacle sous l'eau Ayame rebutait à l'idée de devoir conduire cette machine. Elle n'était pas bien compliquée en réalité, mais... une telle masse de métal (et à un tel prix) il la sentait mauvaise, si on veut bien me passer l'expression.
Pour une fois que j'étais plus à l'aise qu'Ayame avec la technologie je ne résistais pas à l'envie de leur faire savoir ma science sur le sujet.

-Détendez-vous tous les deux !

Quand bien même c'était la première fois que je montais là dedans et c'était sûrement le cas pour les deux autres aussi.

-Si Aya n'arrive pas à piloter il y a un système automatique. En cas d'accident ce hublo est une véritable capsule de survie. On sera protégés et rapatriés dans l'heure sur la terre ferme. Enfin, le métal est plutôt résistant et ce n'est pas avec cet orage que les monstres marins vont venir nous chercher des noises.

En théorie et puis :

-De toute manière on est sûrement plus rapides qu'eux, n'est-ce pas ?

Ayame confirma vaguement alors qu'il observait la console des commandes. Tout était étiqueté et simplifié pour permettre à n'importe quel idiot de se servir de l'engin, surtout aux commissaires et aux aventuriers qui n'ont pas tous eu la chance d'être éduqué par Tern et Cerclon.
Je dois avouer qu'après m'être installé sur un fauteuil et avoir fixé la ceinture, je me sentais légèrement groggy, j'imagine que boire sans manger ne faisait pas bon ménage avec mon calme olympien (ou du moins ce qui devrait en être). Je souris à Louvia et lançais un :

-En route.

L'aigle de mer s'enfonça dans la mer, les ailes souples ondulaient dans l'eau et nous emportaient au delà des courants et de l'orage qui grondait loin au dessus de nos têtes. Dans les profondeurs, il n'y avait que des algues et des coraux pour embellir le paysage; Quasiment aucun son si ce n'est quelques grincements dû à la pression que subissait le sous marin.
Des poissons et petits requins vinrent se lover contre le ventre clair de notre submersibles, on ne le voyait qu'au moment où Ayame amorçait un virage ou encore sur les écrans radars indiquant la présence de minuscules créatures sous nos pieds.

Le semi-elfe fini par se prendre au jeu. L'aigle de mer était d'une maniabilité déconcertante pour lui qui était habitué aux boites manuels de quelques vieilles voitures du quartier moderne. Si étonné qu'il était, il se mit vite à l'aise et nous offrit une visite touristiques des fonds marins.
Au bord d'une crevasse impressionnantes il imita un guide :

-A votre droite vous pouvez admirez un gouffre extraordinaire qui abrite sûrement plus de vie que Valérian elle-même. Avec peut-être quelques calamars géants.

Je les aime à la romaine, les calamars. Tout ceci me fit penser que j'avais faim.

Quelle beauté ! Louvia après avoir été un peu rassurer par la présence des deux hommes et qu'ils étaient aussi parfaitement calmes, elle se risqua à regarder les alentours. Ses yeux purent alors s'écarquiller sous la magnétique beauté des fonds de mer et d'océan. Au-dessus de leur tête l'orage grondait, tonnait, mais Louvia n'en avait que faire. Elle était hypnotisée par ce qu'elle voyait.

Bien sûr elle était bonne nageuse, et de temps en temps, elle avait vu le fond d'un ruisseau ou d'un marécage. Mais jamais celui de la mer, et il faut l'avouer, elle n'en revenait pas. Tout était si beau, si calme, si ... Bleu ! Elle en avait même oublié les légendaires monstres des mers que les marins lui avaient tant parlés

"- A votre droite vous pouvez admirez un gouffre extraordinaire qui abrite sûrement plus de vie que Valérian elle-même. Avec peut-être quelques calamars géants."

Elle sortit de sa rêverie, et regarda le gouffre. Il semblait profond et au plus loin son bleu devient bleu marine, avec une aurore boréale de bleu au-dessus de lui tirer comme un rideau tissé par la plus pure des magies. Bleu électrique, céruléen et cobalt, se mélangeait harmonieusement dans ce décor parfait.

À l'exception des ennuis qui suivirent aussitôt.

En effet, Louvia ne sut pas d'abord ce que c'était car un nuage sombre était sorti du gouffre avec la vitesse d'un serpent fondant sur sa proie. Le nuage s'était stabilisé au-dessus dudit gouffre et sans comprendre tout à fait Louvia eut le poil qui se dressa sur sa fourrure instinctivement. Mais elle fut rapidement éclairée sur le pourquoi de la question, le nuage se rapprocha du vaisseau se transformant de plus en plus en un groupe de cinq chimères des rochers.

- "C'est plutôt bien habité comme gouffre, le loyer doit être peu cher pour que la racaille s'y installe !"

Ou comprendre que les fameuses crevettes-crabe ne lui présageaient rien de bon. Au début on aurait pu croire que seule la vie marine sous le vaisseau les intéressait mais forcément ... Rapidement ils eurent envie d'une plus grosse proie pour un plus gros régal.

-" Je déteste ces mi-crabe et crevette. Il s'st passé quoi pour qu'une bestiole pareille puisse naitre hein ?! Grrr"

Louvia aurait pu activer son bouclier, mais ... Ils étaient à l'intérieur du vaisseau et ne pouvaient pas faire grand-chose. Le vaisseau avait-il un moyen de se défendre de ses perfides animaux ? Elle n'en savait rien, en attendant elle observait leur manège. Ils avaient d'abord tourné autour du vaisseau, l'analysant peut être, et puis ensuite c'étaient mis en groupe pour frapper l'une des ailes et espéré peut-être de faire chavirer l'aigle de mer. D'ailleurs quand ils essayèrent Louvia grogna telle la louve qu'elle était. Elle regrettait finalement de ne pas avoir un pouvoir plus ... Utile.

-"Grrrrr ! Attendez un peu, vous feriez moins les malins s'y on était à l'extérieur !!!"

Comme s'ils l'avaient entendue, ils foncèrent devant la cabine transparente et maintenant donnaient des coups de pince et de pattes rageurs, contre le verre.

-"Question bête ... C'est résistant contre eux hein ?"

C'est vrai que le vaisseau était rapide et conçu certainement pour durer, mais une attaque grouper de ces bestioles n'était peut-être pas bonne pour le vaisseau.

-Aya tire-nous de là !

C'était un cri de désespoir balancé alors qu'une mante religieuse de la taille d'un ours venait taper contre les fenêtres. J'étais partisan d'utiliser les combinaisons pour aller leur dire un mot en tête à tête (littéralement) mais l'elfe m'avait retenu de descendre au sas en prétextant que les combinaisons ne résisteraient pas à mon charme... On était bon pour rester assit sur nos sièges à se cramponner en attendant qu'il trouve le bouton d'accélération.

Louvia n'avait par l'air dans son assiette et jusque là ma seule pensée avait été d'éviter qu'elles réussissent à faire une brèche dans la coque du vaisseau.

-Le vaisseau est résistant face à ce genre de bestioles, le plus risqué serait qu'elles s'attaquent à l'aiguillon. Si cela arrivait la machine serait inutilisable, nous serions aveugles au fond de la mer.

Ayame cherchait sur le panneau de commande quoique ce soit qui puisse nous sortir de cette confrontation inégale. Je trouvais bizarre que Cerclon n'ait pas prévu quelques systèmes de sécurités pour dégager les rochers ou les algues, ou simplement pour protéger le sous-marin de ce type de rencontre... Il se contenta de m'ignorer quand je posais la question, quoiqu'il soupira l'air de me conseiller d'éteindre la télévision de temps en temps.

A défaut de trouver le levier de vitesse, Ayame choisi l'option zigzag et profondeurs.

-Accrochez-vous, on plonge !

Et il s'enfonça dans le gouffre. Passé les mille six cent mètres de profondeurs les crevettes prirent le large leurs organes internes ne supportaient plus trop le voyage... Nous étions libres et mais dans le noir quasi-total.
Le paysage était lunaire. Des rochers bleutés sous la lumière de l'aigle de mer, du sable et quasiment aucune vie existante...

Spoiler:

Quand il y en a marre ... Il y en a marre ! Non seulement nous étions obligés de foncer vers les profondeurs en vrille, mais en plus quand il fallut s'accrocher ... Et bien ce fut un échec ! N'empêche, j'aimerais vraiment vous y voir vous, avec quatre pattes hein ?! Ce n'est guerre évident de "s'accrocher" au premier objet venu.

Au début je chercha surtout à mordre un objet pour m'accrocher avec ma gueule, mais je n'attrapa que du vide et la suite fût inévitable : je fus baladée dans les quatre coins du vaisseau pendant la descente. Je me cognais à répétition à vouloir me dégager de là où j'étais, et ne réussi à poser une patte stable que lorsque Ayame cessa de chercher à descendre.

- C'est pas trop tôt ... Sommes-nous hors de danger ?

Seul le silence lui répondit. Oui effectivement nos poursuivant avaient abandonné la partie mais n'y avais t-il pas d'autre bête cachée dans ce paysage quasi lunaire ?


- Nous sommes dans les profondeurs ? Je .. !


Ma gorge ce serra à cette phrase. Pas que nous soyons attaqué encore une fois, mais tout simplement que ma phobie des monstres légendaires des mers refaisait surface comme un gnocchi une fois cuit. Ici même dans les profondeurs insondables des mers, là où personne ne se serait risqué intentionnellement, se trouvait le royaume des monstres légendaires. Un frisson me parcourut l'échine, avant de se transformer en tremblement qui me parcourait le corps en entier. Des pattes aux oreilles, j'étais tout simplement : Morte de trouille.

- Je ... Je ... Je !

Je n'eus pas le temps de dire grand-chose encore une fois, mes yeux ne quittait pas un point bien précis de la mer. Au loin devant nous, des petits points lumineux s'allumaient et s'éteignaient comme animé de leurs propre volonté. Ami ou ennemi qui savait réellement, mais le spectacle était hypnotique à lui seul. J'avais l'impression d'y décerner des formes, poissons connu ou inconnu puis même celui de l'aigle de mer, à qui ou quoi plutôt devait-on ces formes ? Incapable de décider par moi-même je posa la question à mes compagnons d'infortune.

- Je ... *Je pencha la tête sur le côté et plissa les yeux* suis la seule à les voir ?

Je m'absorbe à leurs drôle de comédie encore une fois pendant de longues minutes et repris légèrement mes esprits.


- Vous croyez que c'est quelque chose de dangereux ... Je n'arrive pas à bien comprendre ce que c'est.

En même temps ... Qu'est-ce que je pouvais bien savoir de la vie hein ? J'étais tout juste sortie de la chaleur de mon foyer et je n'avais que des bribes de souvenir plus ou moins intact de mon passé. Avant entre-monde, mais j'étais certaine d'une chose : je n'avais jamais visité les profondeurs des mers ... Et soudain je me surprit à avoir envie de nager comme un poisson, je les jalousaient presque d'avoir cette chance et d'obéir à des règles bien simple.

A cette profondeur, rien ne vit. C'est ce que croyaient nombre de scientifiques, car ici, il n'y a plus d'oxygène. Parfois des volcans sous marins crachent des colonnes de lave et de cendres qui durcissent aussitôt à raison des quelques degrés encore palpables à plus d'un kilomètre sous la surface.
Mais force est de constater qu'ils avaient torts. Chaque peuple scientifiquement développé à découvert des races d'animaux, et parfois d'êtres conscients, au fond des mers. Les sirènes furent les premières pour les mondes magiques, des poissons abyssaux pour les mondes sans magie... Et dans l'Entre-Monde : des sirènes et des abyssaux. On aime faire dans la quantité.

C'est ce que Ayame expliqua alors que l'aigle de mer perdait de l'allure. Les formes lumineuses se précisèrent quand il entama le chapitre de la vie sur les fameuses colonnes volcaniques sous-marines : et les animaux si spéciaux qui y vivent... Il n'eut pas le temps de terminer. Les écrans indiquèrent la présence de plusieurs dizaines d'êtres vivants se déplaçant vers le Nord.
Et par la vitre on voyait les faisceaux lumineux éclairer des poissons, des murènes, des sirènes et des bancs entiers de créatures aquatiques tractant avec elle des palourdes gigantesques servant de porte bagages.

-Une Caravane sous-marine...

C'était ma première fois. J'avais déjà entendu parler des migrations de peuples nomades sous les mers. Ils suivaient les courants et se gardaient bien de voyager trop près de la surface où les prédateurs sont bien trop nombreux.

Approchant de la vitre, quelques sirènes vinrent nous saluer de leurs anémones phosphorescentes.
Même Ayame en était bouche bée. Lui qui n'avait jamais aimé que la ville, il me sembla fasciné par ce spectacle rarissime et si insolite.
Des nomades sous la mer... Et nous ne parlons certainement pas d'un banc de harengs. Plutôt d'une communautés éclectique, armée de quelques requins aux pectoraux arborant les sangles retenant lances et frondes, des serpents de mer noué à leurs petits qui se devaient de suivre la marche, des familles entières et des voyageurs solitaires pourtant réunis pour une traversée de la faille sous-marine.

Le vaisseau en étonnait plus d'un. Tous ceux qui n'avaient jamais vu une technologie et les autres qui bien qu'ils connaissaient sûrement Cerclon s'étaient surpris à nous confondre avec une véritable raie échouée à une si grande profondeur.

Reprenant mes esprits, je consultais les moniteurs en terminant par un :

-Ils n'ont pas l'air hostiles. Et rien n'indique la présence de géants aquatiques.

Pas de monstre, alors ? Tant pis...

Quelle chance j'avais d'observer ce manège. Les points lumineux étaient finalement des poissons aux multiple formes.

-Waaa ... Je ... Quelle beauté !

Comme mes deux comparses, j'observait leurs manèges, j'avais complètement oublié le côté "danger" de la chose. C'est vrai qu'une bonne attaque à cette profondeur pourrait totalement nous paralysé mais ... Ce ne fut pas le cas et tant mieux ! Nous suivions le chemin emprunté par la caravane tout en remontant légèrement. J'en avais fait la suggestion car à tout moment un monstre un peu trop agressif pourrai venir nous enquiquiner de trop. Et puis ... La peur d'un monstre légendaire me taraudait un peu trop au corps. Nous remontions donc, tranquillement, et, à notre grande surprise nous croisons à nouveau une autre caravane de poisson, mais bien plus connue celle-ci. Beaucoup de poissons intégraient ou quittaient selon leurs gré la caravane aquatique, à nouveau à une bonne hauteur l'envie de les rejoindre me taraudait encore plus.

-Dites ... Ça vous dit pas de faire pareil ? Vous voudriez pas vous aussi nager avec eux ... Comme eux ?

Mes yeux pétillaient comme un gamin devant une friandise, le seul bémol était que je ne savais pas s'il existait une combinaison pour moi et si ... Ils étaient d'accord pour m'aider à enfiler la tenue c'est que je ne me suis jamais habillée ... À peine un drap posé sur moi pendant la fête d'honneur aux morts, rien de plus compliquer qu'une tenue de plongé.

Spoiler:

Quelle beauté, oui c'est le mot.
L'exact terme pour qualifier ce que l'impossible dépose à la porte de nos souvenirs.
Qui irait songer à ce qui pouvait nous avaler tout rond dans ces profondeurs en ayant devant lui un tel spectacle.
Cela me pinça le cœur de détourner les yeux, je tombais sur Louvia, folle de joie.
C'est l'impossible sous un autre angle. Une louve, bien terrestre, qui trépigne d'impatience à l'idée d'avoir l'occasion unique d'aller nager avec les nomades qui marchent sur le plancher des océans.

Ayame se précipita vers le sas. Déballant deux combinaisons il vérifia la taille de celle que devait revêtir la louve (la taille de la mienne ? Rien à fiche, je pouvais bien me débrouiller... Et on se demande encore pourquoi certain le qualifient de zoophile qui s'ignore). En même temps il nous gratifia d'une montagne de recommandations :

-Ne faites pas de gestes brusques, surtout sous l'eau. Evitez d'allumer vos torches si vous n'en avez pas réellement besoin. Les combinaisons sont parfaitement étanches, cependant, une brèche et vous serez très vite rappelés aux règles de physique élémentaire : soyez prudent, évitez les coraux et ne vous frottez pas aux rochers... Vos réserves d'air sont limitées, n'attendez pas pour revenir au Sas. Je reste dans le sous-marin pendant ce temps, je vous couvre. En cas de pépin, ne cherchez pas à regagner la surface, les nomades vous protègeront. Du moins, je l'espère. Wergeld ? Ferme correctement ton masque !

Oui m'man...
Il aida Louvia à enfiler son nouvel équipement de voyage. Quand enfin, après une vérification minutieuse de nos tenues, il nous déclara prêts, il se retira du sas. Nous rappelant qu'il serait toujours "juste à côté"...
Sa voix résonnait dans l'habitacle depuis un petit haut parleur étanche :

-J'ouvre le sas. Bonne promenade !

Etant une louve bien élevée, je ne sauta pas de joie immédiatement quand je sus que nous allions nager. Dommage qu'Ayame ne participe pas, en même temps ... Il fallait bien que quelqu'un garde le vaisseau. Enfin j'étais tellement heureuse que j'écoutais à la lettre les recommandations d'Ayame. Pendant qu'il m'aidait à mettre ma tenue, je me suis prise d'une envie de le remercier pour son aide en le gratifiant d'un bisou amical. Bien sûr c'était plus une petite léchouille, mais bon vous avez déjà vue, vous, des louves faire la bise ? Nan ! Bah voilà !

- Merci Ayame.

Je plongeait mon regard bleu dans le sien, je voulais voir quel homme il était car, toujours prévenant, un peu mère poule, mais sa gentillesse était vraiment agréable. Enfin nous voilà dans le sas, prêt à nager et enfin il s'ouvrit !

L'eau froide me pétrifia une demie seconde, mais ensuite ce fut le pur bonheur, dans l'eau tous mes mouvements étaient fluide et léger. C'était presque comme voler en quelque sorte, bien que je sache pas ce que c'était de voler. J'avais surtout l'impression d'être dans mon élément comme les poissons. En parlant de poisson je me dirige directement vers la caravane et l'air malicieux je fonce droit sur eux, j'espère qu'ils s'éparpillent avant de se regrouper. Mais le seul effet que cela eue, était que la caravane se coupa en deux et me laissa toute la place. Un demi-tour avec une tête des plus étonnée me fit comprendre que c'était peine perdue. Dans le doute je recommence la manipulation, mais bien sûr le résultat fut le même.

Je choisis de profiter alors autrement de la beauté de la mer en profondeur, je m'insère cette fois-ci tout doucement parmi les passager des caravanes et très étonner je fut accueillie à grand coup de lumière joyeuse et douce à la fois. De drôle de petits poissons s'étaient collés à moi et tournaient autour de ma combinaison. Certain passaient sous mes pattes et me chatouillaient avec leurs petites antennes. Je ris de la situation, je quitte ensuite la caravane pour rejoindre Wergeld, toute habitué à nager que j'étais je virevolte autour de lui comme un poisson dans l'eau. Mais j'avais une bonne excuse, je savais nager. Mes parents adoptifs me l'avaient appris très très tôt.

Je m'insère à nouveau dans la caravane. Je nage paisiblement parmi eux, je pris le temps d'observer les poissons les petits, les moyens, les gros. Enfin gros. Le plus énorme devait pas dépasser la taille et la corpulence d'un chat. Il possédait deux gros yeux globuleux avec comme tous les autres, la peau transparente. Seule leurs lumières trahissaient leurs pourtours. Je m'approche de lui tout doucement et ...

-"PAF ! C'est toi le chat !"

D'un coup de patte agile, je le touche au niveau de son dos et l'effet eut son petit impact. Le gros poisson fonça tout droit dans le tas. Apeuré par ce contact peu ordinaire, il se retourna pour voir qui était le coupable, avant de m'apercevoir hilare. Je le vit, trémousser sa nageoire arrière sur place avant de me foncer droit dessus comme un petit bolide. J'esquive d'un geste souple et le reste de la caravane s'écarta au grès de nos mouvements. Notre ballet d'esquive dura un bon moment, ce fut que lorsque que je m'écarta vers le bord, qu'il tenta une dernière charge ... Et me toucha.

-Oh le polisson !

J'éclate de rire, un bon rire bien franc. C'est qu'il était tenace ! S'il avait eu une langue je suis sûre qu'il l'aurait tiré. Enfin il re-rentra dans la caravane et je décida d'aller faire un coucou à Ayame. Je m'approchait de la capsule où nous étions il y a quelques minutes et lui faisait des grands coucous avec mes pattes, enfin ... Comme je pouvais parce que ...

-Coucou Ayame !!! Vous voulez pas nous rejoindre ? Je vous laisse la place ? Oooh !

Aussitôt entamer mon petit coucou avec ma patte, que je ne contrôlait pas le reste de mon corps, le mouvement n'eut autre qu'effet que de me faire tourner sur moi même, me propulsant la tête à l'envers, puis à l'endroit. Enfin bref, une étoile de mer aurait pas fait mieux que moi. Je choisis d'en rire et même d'exagérer les réactions.

-Eh ! Wergeld, Ayame regardez ! ça vous fait pensez à quoi ça ?

Je mimais une sorte de brasse grossière et gonflait mes babines en écartant bien les yeux. Je recommençait la manipulation plusieurs fois à intervalle régulier, avant de leurs donner la solution.

-Une grenouille !

Et je repars à nouveau dans un franc fou rire. Je continuait de m'amuser comme une folle, passant mon temps entre faire des coucous humoristiques à Ayame à l'intérieur et à Wergeld. Ou encore de leurs faire deviner un animal des plus improbables !