Un jour de repos à Northrives [PV : Viggo ]

Northrives, une ville magnifique composé d'innombrables maison rustiques aux pierre blanche. Ici l'élément maître était l'eau et il n'y avait qu'à voir l'immensité aquatique pour s'en convaincre. Paysage magnifique et un peu atypique pour la présence de Ryner vous diriez vous pour un assassin, mais à vrai dire il n'était même pas là pour une raison importante, mais plutôt personnelle. En effet, depuis qu'il était passé par la cité moderne de Tern il s'était fait quelque peu remarqué avec sa dernière mission. Ainsi, pour éviter d'éveiller les soupçons et attirer les sangsues, il avait décidé de prendre un peu de repos à Northrives, même s'il avouait préférer les rues bondés de la précédente ville.

* Calme ... décidément trop calme. *

Le paysage aquatique et le mouvement paresseux de la foule donnait en effet un sentiment d'apaisement ce que n'appréciait pas vraiment Ryner. Entrainé comme assassin, il avait toujours appris à se fondre dans la foule et à se méfier des choses inhabituelles, habitudes plutôt difficiles à appliquer dans une ville comme celle-ci. D'ailleurs pourquoi y avait-il autant d'eau ici ? Les gens avaient d'étranges d'idées pour construire des habitations sur de l'eau.

* On pourrait presque noyer discrètement quelqu'un dans un des petits cours séparant les maisons ... *

Peu enclin à admirer la beauté du paysage qui s'offrait à lui, Ryner se dirigea vers le premier banc visible bordant un oasis de verdure avant de commencer à observer les passants se promener. Il fallait qu'il reste ici au moins le temps de se faire oublier où de trouver un autre endroit où loger, alors autant faire bon cœur contre mauvaise fortune. Mais il devait avouer s'ennuyer terriblement en ce moment. Il était plutôt risible de penser qu'il avait acquis sa liberté pour se retrouver assis sur un banc à réfléchir sur ses futures actions.

Pendant qu'il se perdait dans ses pensées, une jeune femme qui se promenait attira alors l'attention de l'assassin. Celle-ci, d'une beauté indéniable, arborait une longue chevelure d'un noir jais mis en valeur par un regard d'un bleu délavé et il n'était surement pas la seule personne à l'observer. Non pas qu'il attribuait de l'importance à la beauté de la femme, mais il n'avait jamais su s'empêcher d'analyser les choses surtout celles qui sortaient du commun et cette femme se démarquait sans aucun doute des banals passants. Ainsi silencieusement, il continuait d'observer cette jeune femme qui savait se faire remarquer, se demandant curieusement qui elle pouvait bien être.

Les perles en bois en bas de sa tunique tintinabulaient à chaque pas peu discrètement, mais c'était le cadet de ses soucis. Un collier anti-puces à la main, Viggo sondait sur regard les alentours, s'attardant sur les détails blancs autant qu'elle ignorait le noir et autres teintes sombres.
Son visage était toujours aussi souriant que de coutume, mais en s'approchant on pouvait entendre un sifflement s'échapper de ses dents serrées, couvert par le vent complice : des prévisions on ne peut plus... macabres.

- Tuer... dépecer... descente de lit... steak... arracher les crocs... faire des osselets avec ses os... vendre tout ce qui peut l'être à une sorcière...

Elle allait tuer Loo, et abandonner son corps dans un canal ! Ca règlerait le problème des puces !

- Saloperie de clébard ! siffla-t-elle comme un serpent, sans se départir de son masque avenant, quoiqu'un peu crispé, soudain.

Le loup blanc s'était tiré purement et simplement quand elle était revenu de Tern avec un collier, pour ses "petites locataires". Comme quoi il était humain, que le foutu collier turquoise suffisait, que c'était déjà assez humiliant alors rajouter un collier anti-bestioles, ça, non !
Et elle devait le gratter en plus ! Parce que ça aussi c'était prohibé !

" Me gratter avec mes pattes arrières ? Tu te moques de moi ? " disait-il avec superbe, le sale...

Elle devait être vraiment distraite, parce qu'elle frappa un tronc bordant la route qu'elle arpentait à la recherche du corniaud. L'écorce émit un craquement, le tronc trembla, et une multitude de feuilles se détachèrent de ses ramifications.
En soi, ce n'était pas si dramatique, ça lui arrivait des fois, quand elle était seule, de frapper un truc, pour qu'il se brise... là rien n'était casser, mais ça faisait du bien d'expulser un peu de frustration.
Le véritable drame, c'était qu'elle n'était pas toute seule, quand elle recommença à scanner son environnement, elle le nota.
L'homme sur le banc, la vingtaine plus qu'avantageuse, les yeux rivés sur elle.
Lentement, elle ramena la main coupable dans son dos.
Un truc intelligent à dire... ne pas écouter la petite sirène "panique intérieure"...

- Quel arbre fragile ! feignit-elle de s'étonner, arborant son sourire le plus charmant et incrédule.

Spoiler:

Les spectacle qui s'offrit au jeune homme dépassait de beaucoup ses attentes. En effet, voir une jeune femme à l'aspect fragile abimer un tronc d'arbre aussi aisément était une chose assez peu commune et même si elle possédait simplement un pouvoir lui donnant une force supérieur, il était toujours intéressant de savoir pourquoi elle s'acharnait ainsi sur un bout de boit inerte, surtout quand quelques instants plus tôt elle affichait un visage radieux.

« Je trouve le terme plutôt inapproprié, j'aurais eu plutôt tendance à dire "quelle jolie plante à la force cachée" . »

Amusé, l'assassin gratifia alors la jeune femme d'un léger sourire. Peut être que la plupart des idiots qui se baladaient auraient gobé ce mensonge pour ces jolies yeux, mais cela n'avait malheureusement aucun effet sur le démon qui ne se moquait pas mal de ce sourire charmeur.

« Mise à part cela quel est votre nom ? Pour ma part je m'appelle Ryner. »

Jetant un furtif coup d'œil sur le tronc fendu, Ryner reporta ensuite son regard sur la jeune demoiselle tout en attendant sa réponse. Pour lui il était important de se présenter lorsqu'on voulait discuter avec quelqu'un, même lorsqu'il s'agissait d'un simple meurtre.

« Sinon j'avoue m'ennuyer quelque peu, j'espère que vous ne trouverez donc pas étrange si je vous demande de rester pour discuter? »

Ryner en général appréciait beaucoup ces joutes verbales où le principal objectif était de retenir une personne tout en découvrant peu à peu son passé, ses forces, ses faiblesses ... Même s'il n'était pas très social, il appréciait toujours de pouvoir discuter avec des gens qu'il qualifiait comme "intéressant".

Spoiler:

Le sourire factice ne faiblit pas. Les masques ne tombaient pas facilement avec Viggo, même s'il y avait parfois des bévues de ce genre. Le compliment poli glissa sur elle comme les années sur son visage. Elle n'avait jamais su les prendre pour elle, qu'ils soient feints ou véridiques.

- Forte, moi ? Non, non, ça doit être l'inquiétude ! La brusque montée d'adrénaline, tout ça...

Elle émit un rire léger, avec une touche embarrassée qui n'était pas tout à fait feinte.
Oui voilà, s'il demandait des précisions, elle lui servirait des mensonges sur un plateau d'argent.Enfin, elle ne pouvait pas réellement en vouloir à cet homme d'avoir été témoin de sa force inhumaine. C'était elle la responsable, elle aurait dû être plus attentive.

* Oui mais quand même, ça craint, grillée, royalement grillée ! Il n'a pas la tête du gars à qui on peut casser le cou et le balancer dans la rivière l'air de rien. Et j'ai jamais cassé le cou de personne, alors... *

- Ca m'arrive des fois, surtout avec les verres, mais là ça fait plus mal !

Elle exhiba sa main libre de tout collier d'un mouvement gracieux du poignet, exposant les cicatrices dues au travail manuel.

L'étranger demanda son nom puis déclina son identité, ses yeux céruléens repassant sur l'arbre précédemment abîmé. Il n'était pas prêt d'oublier ça, à coup sûr. Elle douta un instant que ses mensonges fassent effet. Enfin, tant que le masque ne tombait pas entièremment, tout irait bien. Mais cela ne lui était pas garanti.

- Viggo. Je m'appelle Viggo, répondit-elle sans qu'un tremblement dans sa voix ne démente cette affirmation.

Quand il lui demanda de rester, elle hésita imperceptiblement. S'ennuyait-il vraiment ? Elle n'était pas douée pour cerner les gens. Parce qu'ils étaient peut-être comme elle, à se cacher derrière des remparts invisibles.
Et, là, c'était différent par rapport à d'habitude. Elle évitait de côtoyer les gens de trop près. Elle avait manqué de se trahir d'inombrables fois avec son père, et ça n'avait pas raté avec Loo. Loo savait, il savait combien elle pouvait être virulente dans ses critiques, blessantes même. Comme si à défaut de lui offrir une peau de serpent, sa mère vouivre lui avait légué une part de son venin agressif...
Ce n'était pas une discussion entre collègues, où l'on regardait ce qu'elle faisait sans se soucier d'elle, la réalisatrice, au fond. A contrario, ce Ryner s'intéressait à elle, à la manière dont son apparence gracile contrastait avec la force logée dans ses muscles.
Alors oui, elle hésita. Elle jaugea la beauté froide de ses traits comme si elle se demandait si elle pouvait s'y fier, puis sourit encore.

- Non, ce n'est pas étrange, assura-t-elle. Enfin, de vouloir de la compagnie. J'avoue être un peu curieuse des raisons qui vous poussent à m'élire moi parmi tous ces gens déambulant dans ces allées !

Comme si elle se souciait peu de la réponse, elle jeta ses dernières bribes de méfiance à l'eau et laissa le courant les emporter, s'installant sur le banc à côté de cet inconnu intrigant. Elle croisa les jambes, ajusta sa tunique et s'accouda à son genou, sa paume retenant son menton, un sourire engageant sur les lèvres, masquant efficacement ses yeux calculateurs.

La montée d'adrénaline, le prenait-elle vraiment pour un idiot? Non, elle essayait juste de dissimuler cette facette de son caractère ce qui paraissait tout de même étrange pour l'assassin. Après tout de nombreuses personnes dans l'entre-monde possédaient des pouvoirs, alors pourquoi tentait-elle de se justifier parce qu'elle avait réussi à fendre un tronc? C'était suspect mais le démon s'en moquait finalement plutôt pas mal. Si la jeune femme ne voulait pas montrer qu'elle possédait un pouvoir, c'était son droit, tout ce qui importait pour Ryner était de pouvoir discuter avec elle.

« Viggo ... C'est un nom plutôt joli. »

Même si le nom paraissait spécial et peu porté, Ryner pensait les mots qu'il avait dit. En général il ne mentait que lorsqu'il en avait besoin.

« Je vous ai choisi parce que vous vous démarquiez des autres passants, que ce soit par votre beauté ou bien par le faite que vous ayez attiré mon attention avec cette histoire de souche par exemple. »

Pour la mettre en confiance, l'assassin afficha alors un léger sourire en direction de la jeune femme. Il l'avait plutôt fait remarqué de manière malhabile mais même si la beauté de la femme avait attiré son attention, il ne valait surement mieux pas pour elle qu'elle croit pouvoir le charmer grâce à son doux visage. Quand au sourire il était surtout là pour mettre en confiance Viggo et lui faire comprendre que la mésaventure avec l'arbre ne lui importait que peu, tout ce qu'il voulait pour le moment c'était de passer son ennui et pour cela il valait mieux qu'elle ne se méfie pas trop de lui.

« Enfin, dites moi ce que peux bien faire une jeune femme comme vous ici ? Vous habitez à Northrives et faites une ballade ? Ou bien vous recherchez quelque chose dans cette jolie ville en étant de passage? »

Une discussion ayant besoin d'être commencée, Ryner avait posé une question plutôt banale pour lancer un début de conversation, même s'il se doutait de la réponse à sa question. Il ne savait pas si Viggo habitait effectivement Northrives, mais si elle faisait une ballade, elle le faisait de manière plutôt étrange pour détruire les arbres. Surement qu'un évènement l'avait mis dans un état de colère, mais il n'était pas encore le moment pour poser ce genre de question ...

- Oh, merci, fit-elle simplement à la suite de ses compliments.

Sincères ? Censés la mettre à l'aise ? Aucune idée. Les mots gentils comme ceux-là ne l'avaient jamais vraiment touchée, tout comme les insultes. Loo parvenait à la blesser parfois, et elle ne voulait pas penser à ce que cela impliquait. Et, heureusement, elle n'était pas non plus le genre de filles à monter sur ses grands chevaux au sujet du "Je te parle parce que tu es belle".
Mais il n'avait pas oublié le coup de l'arbre. Argh, ça allait la poursuivre à vie.

- Ryner… j'aurais pu m'appeler comme ça aussi, ce n'est pas désagréable à entendre… chuchota-t-elle pensivement, suivant des yeux la chute gracieuse d'une feuille.

Pourquoi Viggo, elle n'en savait rien. Mais sur le moment, elle avait pensé : "Tout plutôt que Proserpina."
Tout plutôt que le nom donné par une mère absente…

* En plus, y'a trop de lettres. *

Et puis c'était exotique Viggo. Ca évoquait un désert qu'elle n'avait jamais pu voir, mais dont elle rêvait parfois. Il devait y faire agréablement chaud…
Un coup d'œil vers sa nouvelle connaissance, pour croiser une esquisse de sourire. Aussi faux que les siens. Très habile. Mais elle ne se dévoilerait pas aussi facilement…

- J'ai perdu mon petit chien, répondit-elle.

* Cet enfoiré de sac à puces, ouais ! * pensa-t-elle amèrement.

S'il savait que le "petit chien" était un gros loup…

- J'ai mal fermé la porte de ma chambre à l'hôtel et… (Elle haussa les épaules.)

Elle n'aurait pas dû lui dire qu'elle allait à Tern. Loo était intelligent, il avait tout de suite pigé ce qu'elle sous-entendait. "On va soigner tes puces de manière traditionnelle, les pipettes coûtent trop cher !", et hop, plus là à son retour…

- Alors je suis un peu inquiète, affirma-t-elle avec un sourire.

* J'espère retrouver son cadavre dans un caniveau. *

- Et vous ? Des vacances peut-être ? C'est plutôt paisible… Il paraît que c'est très… animé aux Fumerolles et à Magna.

* Bordélique serait un terme plus juste. *

Elle commençait à être curieuse. Elle espérait que le masque ne tomberait pas dans un emportement.

* Je me demande ce qu'il fait dans la vie… Il a un léger air voyou, quand même. Enfin, à mon avis… *

L'assassin trouva plutôt étrange son interlocutrice lorsque celle-ci lui fit remarquer qu'elle aurait pu s'appeler comme lui. Aurait-elle préféré être un homme pour faire cette remarque? Peut être, dans tous les cas ce n'était guère important, mais c'était toujours un indice potentiel pour mieux cerner la personnalité de cette jeune femme. Quand à la suite de sa discussion, elle fut somme toute assez banale. D'après elle, elle recherchait son chien qu'elle aurait égaré et Ryner se demandait si ce n'était pas la raison de sa réaction précédente lorsqu'elle abima la souche.

« Je vous aurais bien aidé, mais j'avoue ne pas avoir vu votre chien. Quand de ce qui est de ma présence ici, oui on peut considérer que je suis en vacances en effet. »

Vacances un peu forcés, mais bon il n'allait pas se plaindre tant qu'il pouvait éviter les ennuis grâce à ça.

« Sinon oui, il parait que c'est assez animé à Magna même si je ne sais pas spécialement pour les Fumerolles. Je connais assez bien l'endroit et je vous conseille de l'éviter le plus possible. La plupart du temps ce lieu regorge de voleurs et criminels en tout genre, il vaut donc mieux éviter d'y rester trop longtemps. »

Ryner n'avait pas cillé lorsque Viggo avait prononcé le nom de Magna, après tout il y avait passé sa vie, il n'allait donc pas réagir vivement parce qu'on y faisait référence, même s'il avait fuit ce lieu. Par contre parler à la jeune femme aussi familièrement de Magna n'était peut être pas une bonne idée, mais que risquait-il finalement? Qu'elle suppose qu'il soit un criminel? Il doutait qu'elle puisse parvenir à de telles conclusions pour quelqu'un en parlant aussi librement, puis dans le pire des cas personne n'avait de preuves sur lui, alors une passante de Northrives il n'y pensait pas.

*Et dire que je suis connu comme le loup blanc là bas.*

« Mais pourquoi me parlez vous des Fumerolles et de Magna, vous connaissez? Si vous vivez dans un hôtel je suppose donc que vous n'habitez pas à Northrives mais dans un autre quartier de l'entre-monde, je me trompe? »

L'assassin voulait savoir où cette femme habitait, car selon lui le lieu de vie de quelqu'un parlait en général beaucoup sur la personnalité d'une personne. De plus c'était toujours un moyen de continuer la conversation et pouvoir ainsi en apprendre plus sur celle-ci.

Spoiler:

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Loo s'était clairement planqué pour qu'elle craque ! Il ne payait rien pour attendre celui-là !

- Oh, dommage, grimaça-t-elle. J'ai tellement envie de le retrouver…

* Et de lui arracher les oreilles, les pattes et tout ce qui fait de lui un mâle ! *

Elle acquiesça docilement aux propos de Ryner, d'une part parce que c'était son rôle, d'autre part parce qu'il y avait une part de vérité dans tout ça. Bon, elle pouvait s'occuper des petites frappes, mais elle n'avait pas d'entraînement au combat à proprement parler. Personne n'avait été là pour lui apprendre. Donc en cas de mauvaises rencontres, elle pouvait se faire avoir. La force ne sert à rien sans maîtrise…
Ryner sembla se plonger dans quelques sombres pensées et elle le fixa, songeuse, se demandant encore d'où il pouvait débarquer. Rien d'étonnant à ce qu'il connaisse Magna, beaucoup de gens connaissaient Magna, elle avait dû traverser le quartier une ou deux fois sans s'attarder. Comme partout en fait.
L'analyse de Ryner était excellente : si l'habitat reflétait la personnalité, alors le cruel manque de stabilité dans la vie de Viggo démontrait bien à quel point elle était perdue. Perdue dans le monde dans lequel elle était pourtant née, mais plus vouivre qu'humaine. Elle s'était souvent demandé si le monde de sa mère, au-delà du miroir de K'an, lui aurait mieux convenu, mais elle n'avait jamais trouvé la réponse. Loo était un déraciné, comme nombre de personnes dans cet immense agora, mais il le vivait plutôt bien… hormis sa condition de Loo.
La voix de Ryner la tira de ses propres questionnements. Elle se secoua, se forçant à réintégrer le monde réel. Inutile de se prendre la tête avec des interrogations qui n'auraient jamais de réponse. Les miroirs ne fonctionnaient plus, le monde de sa mère lui était à jamais inaccessible. Sa mère lui était à jamais inaccessible.

- Vaguement, répondit-elle d'un ton tranquille, admirable en comparaison de son agitation intérieure. J'erre un peu partout, je n'ai pas vraiment d'attaches, jamais rien de fixe. Du moins pas longtemps… (Elle sourit largement.) Cela répond à ton autre question non ?

Le tutoiement était venu naturellement. Comme c'était fait (comme pour le coup de l'arbre), elle décida de faire celle qui ne s'est pas aperçue du changement. Elle agita juste les jambes pour dépenser un peu de son agitation, comme elle était petite elle pouvait les balancer, frôlant le sol. Comment faisaient des lutins pour s'asseoir ici ? Ils avaient des bancs dans les fleurs ?

- Et toi ? demanda-t-elle avec enjouement. Maison, garage, femme, enfants, un chien, un chat, une balançoire ?

Pour être honnête, si le jeune homme lui répondait "oui", adieu la couverture, elle allait mourir de rire !
Elle avait dû lire ce cliché dans un livre débile de Loo (il lui filait vraiment n'importe quoi pour qu'elle lise mieux). Il fallait encore qu'elle lui pose une question existentielle : c'était quoi, un garage ?

Pensive, Ryner se demandait quelles réflexions pouvaient bien hanter l'esprit de la jeune femme, une fâcheuse habitude qu'il avait de tout vouloir analyser et interpréter, mais il doutait pouvoir un jour se défaire de cette habitude. En effet, quand on passait presque toute sa vie en tant qu'assassin, certains gestes finissaient à la fin par devenir intégrante de soi. Une habitude qui le poussait la plupart des temps à observer avec détails les nouveaux lieux et à analyser les nouvelles personnes qu'il rencontrait. Mais pour lui, le plus intéressant était surtout de pouvoir comprendre la personnalité de quelqu'un car lorsqu'on savait comment pensait une personne on pouvait prévoir aussi ses gestes.

* Elle est passé au tutoiement. * Nota l'assassin dans un coin de son esprit.

Non pas que cela le dérangeait, mais le vouvoiement était quelque chose de plus naturel pour lui, peut être parce que cela imposait une certaine distance entre deux interlocuteurs et qu'il était plus aisé par ce type de conversation de faire ressentir du mépris, enfin un mépris qu'il réservait plus particulièrement pour ses ennemis. D'une certaine façon, il trouvait presque jouissif de se débarrasser de la vermine en s'adressant à elle d'un air ironique en la vouvoyant. S'il ne trouvait pas plus de plaisir que cela à tuer quelqu'un, il en trouvait toujours pour les personnes qui le gênaient. Finalement, ce qui le sortit de son monologue intérieur fut la question banale de Viggo mais que Ryner trouva étonnante.

« Non je n'ai ni domicile fixe, ni garage, ni femme, ni enfants, ni chien, ni chat et encore moi de balançoire. »

Dans un premier temps l'assassin s'était dit que cette phrase devait revêtir un certain humour de la part de Viggo, après tout qui poserait une question aussi bizarre à quelqu'un? Était-ce une phrase ou une expression connu de l'entre-monde? Il ne le savait pas, tout ce qu'il connaissait en expressions étaient celle de Magna, du genre "Avance ou crève", enfin la finesse à l'état pure comme vous pouvez le constater.

« Enfin vous étiez sérieuse quand vous ... tu posais cette question? »

Décidément le tutoiement était vraiment dur pour Ryner.

« Mais pour te répondre je suis plutôt solitaire et voyageur *voyageur tu parles en fuite oui* donc non je n'ai rien de tout cela. Sinon je peux te retourner la question mais je suppose que tu es un peu dans mon cas aussi. »

Que de banalités, ne pouvait-il pas trouver une question qui permettrait de mieux dévoiler la personnalité de Viggo.

« D'ailleurs tu dois bien avoir un métier non? »

Bon ce n'était pas du grand art mais peut être que l'obliger à parler d'elle dévoilerait un peu plus son caractère.

Les yeux de Viggo s'écarquillèrent et, elle éclata de rire sans pouvoir s'en empêcher. La main qu'elle plaqua sur sa bouche atténua à peine son hilarité.

- T'es tellement sérieux !

Loophole aurait aussi rigolé comme un malade s'il avait entendu ça. Prouvant ainsi qu'il n'était pas un simple loup. Une bonne chose qu'elle l'ait paumé, finalement. Elle ne serait pas non plus ici s'il n'avait pas décidé de se faire la belle.
L'air un peu perplexe de Ryner était impayable, même s'il ne s'affichait pas clairement. Si elle était sérieuse ? Le pire c'est qu'il semblait vraiment se poser la question ! Il ne connaissait donc pas la légèreté d'une conversation un peu imprévue ?

* Ca serait un peu triste, quand même. *

Même avec ses masques, elle parvenait à apprécier un peu de badinage occasionnel.
Bon, c'est vrai qu'il semblait un peu trop jeune pour les gosses et la balançoire… Quel âge exactement ? Au bas mot, un peu moins qu'elle, mais à Entre-Monde on ne pouvait pas se fier à l'apparence… des types tout à fait banals pouvaient être en réalité de puissantes entités millénaires cachées sous la chair et le sang… Elle-même, avec ses vingt-six printemps, évoquait une adolescente frôlant l'âge adulte.
Qu'est-ce qu'il était innocent sur ce coup-là, alors qu'il avait tout sauf l'air du type avec une enfance rose à paillettes…
Alors, elle sourit à nouveau. Mais peut-être avec plus de sincérité et de mélancolie que les fois précédentes…

- Oui. Oui, je comprends.

Ne pas trop savoir ce qu'on fait là, ni pourquoi, et tout ignorer du parcours à venir, et où il nous mènera à la fin…
Oui, elle pouvait parfaitement comprendre ça. Oui, elle était dans la même situation. Un beau jour, elle avait raté un coche, en avait pris un autre par dépit, et elle s'était retrouvée perdue au milieu de nulle part. Elle cherchait encore le chemin pour rentrer. Ou, du moins, un autre à emprunter, plus stable, moins sinueux.

- Je n'ai pas non plus d'emploi fixe. Je sais faire quelques trucs, mais je fais partie des gens "touches à tout, bons à rien", rit-elle amèrement.

* Tu en dis trop, Vig'. Ne lève pas le masque entièrement. *

Comme si ça avait une chance d'arriver…
Elle tritura une mèche de ses cheveux, comme si elle cherchait à la lisser parfaitement, par coquetterie forcée, parce qu'elle n'éprouvait pas le besoin de tripoter ses tifs à tout bout de champ. Elle y fit jouer un rayon de soleil, s'absorbant dans la contemplation des nuances qu'il y révélait. À son tour.

- Je pourrais te retourner la question, mais tu n'es pas obligé de répondre, finit-elle par dire doucement.

Parce qu'il lui évoquait ses hommes qui passaient par Simola de temps à autres, ces étrangers ténébreux, dont on ignorait la provenance et les moeurs, qu'on était toujours soulagé de voir partir, qu'on surveillait du coin de l'oeil quand ils traînaient dans les parages. Dans ses moments de sobriété, son père disait : "Ne t'approche pas de ces gens-là". Mais Viggo était grande maintenant (enfin, façon de parler), elle n'écoutait plus depuis les longtemps les conseils qu'on lui donnait. C'était parfois un sacré handicap. Ou bien une chance pour son interlocuteur, puisqu'elle ne jugeait que très modérément.
Un éclat neigeux attira son regard dans les fourrés. Elle fronça les sourcils, intriguée, incapable de déterminer s'il s'agissait de Loophole ou d'une bestiole quelconque.

Un jour de repos à Northrives [PV : Viggo ]

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