Solitude ? Ca veut dire quoi ? [Kaïl et qui veut]

Soleil, soleil, mon tendre ami. Je me délecte de tes caresses comme une enfant alanguie. Mon péplos soigneusement replié m'offre un coussin délicieux alors que mon corps se dore sous les rayons ardents. Et oui, je fais du nu intégral, mais là, dans la montagne, y'a-t-il à craindre les voyeurs ? Non. Malheureusement. J'en viendrai presque à le souhaiter tant mon dernier amant remonte à longtemps. Mes enfants lovés autour de moi, je me prélasse dans le silence. C'est tellement bon. Depuis mon arrivée, je n'ai eu que peu de temps libre. La boutique dont j'ai pris la gérance pour le compte de la Res Publica de K'ouen en a dévoré une bonne partie. Ça m'occupe, certes, mais j'ai encore du mal avec les clients. J'en viens presque des fois à souhaiter des vols plus fréquents. C'est si distrayant, la chasse à l'homme. Une psychopathe ? Moi ? Non, une grande joueuse, nuance.

Tendant une main fainéante, j'empoigne un radis frais dans les vestiges de mon pique-nique. Il croque sous ma dent, acidulé à souhait. Et je frémis de plaisir. On se contente de ce qu'on peut... Mais ma sieste digestive se trouve soudain interrompue. Par les braiments énervés d'un marmot qui beugle à qui mieux mieux qu'il a faim. Fais ch... Les parents ne savent donc pas museler correctement leurs enfants ? Ou bien mon incapacité à en avoir m'a-t-elle privée de l'instinct maternelle qu'ont toutes les primates ? Qu'importe, il m'ennuie là. M'étirant comme un chat, je quitte ma couche improvisée à contre-cœur. Mais entre ça et continuer à subir ces assauts sonores, je choisis vite où se situe mon intérêt le plus immédiat. J'enfile à la va-vite mon pélos, le repliant sommairement. Il va bâiller aux entournures, qu'importe. Pendant que je lasse ma ceinture lâche sur les hanches, mes enfants rejoignent mon crâne en une caresse continue à faire frémir les plus frigides. Ils savent où se faufiler, les coquinous.

Suivant le bruit sans en faire moi-même, je me dirige vers le marmot braillard. Il ne semble pas seul, très bien. Une voix d'homme résonne et là, mon intérêt s'en trouve titillé. Peut-être vais-je pouvoir faire taire l'enfant et jouer avec le père, qui sait. Mon sourire s'étire alors que je me rapproche, pour mieux disparaître à la vue du grand félin allongé au soleil. Est-ce lui qui a parlé ? Peut-être... Dommage, je n'ai jamais été très zoophile. M'éclaircissant la voix d'une toux distinguée, j'apparais au regard de Kaïl et Rhys.

-Excusez-moi de vous déranger durant votre euh...

J'avise les reste du lézard et une moue de dégoût s'immisce sur mes beaux traits.

-... Repas...

Je glisse mon regard jusqu'à la panthère, préférant m'adresser à elle plutôt qu'au gosse.

- Auriez-vous l'extrême obligeance de bien vouloir faire taire votre, hum, enfant. Ses râles dérangent toute la montagne et d'autres aimeraient profiter de ce début d'après-midi pour faire une sieste au soleil sans avoir à le souffrir.

Puisqu'il découpe, je cuisine... De toute manière il n'a strictement aucun talent culinaire, si je le laissais faire on mangerai de la viande crue et bien dur à longueur de temps. Donc, mon lézard de déjeuner dépiauté, je taquine du bout de mon couteau mon viffeux... Oui le nom est nul mais j'ai jamais eu le temps de lui en trouver un mieux, et puis je peux créer n'importe quoi alors si je donnais des noms à tout ce que j'invente... Bref, ma créativité à des limites. Le "viffeux" s'embrase ma poêle crépite déjà joyeusement. La viande de Lézard bien grillée fera un Kaïl heureux.

Accroupi devant ma kichenette, j'entends un craquement singulier. Quand ça fait du bruit, c'est jamais vraiment dangereux dans l'immédiat, alors je reste là à ignorer totalement la femme qui réprimande Rhys -mon père ? S'te machin louche ? J'ai l'air d'avoir des moustaches et un pelage pas fichue de mouchetée correctement qu'il en est tout noir ? M'enfin ! Ça se voit que je suis blond moi, non ? Et que j'ai pas de touffe de poils dans les oreilles et que mes dents sont bien alignées et carrées ! Rha ces nanas j'vous jure...

Je faisais rouler les braises qui se formaient sous mon animal de compagnie plus sympathique que ces deux adultes rabas-joie.

-Elle est pas contente la madame elle change de versant de montagne, c'est pas l'espace qui manque !

Et là je me retourne...

-Canon !

J'ai un large sourire qui me fend le visage jusqu'aux oreilles. Les serpents ? Même pas peur, ils pourraient faire 3 tonnes et 15m de long que je m'en ficherai toujours autant.
Han aller, les jolies dames on peut bien leur proposer de partager un repas, surtout qu'il y a vachement trop de viandes pour moi. Je pose mon couteau à côté de ma petite bête et en me relevant j'essuie négligemment mes mains sur mon jean coupé en dessous des genoux. Avant il était bleu, d'un beau bleu comme un bon vrai jean, maintenant il est marron noir... Faut dire qu'il a vécu. Quand je passe en ville on me demande tout le temps si je bosse dans une imprimerie d'Ordae... Mais non... Même pas, tout ça, c'est du sang, de la boue, de la bave, du jus de plante, des muqueuses qui viennent d'on ne sait où et qui sont restées collées à mon froc.

-Rhys ! Invites-don' cette beauté à manger du Lézard !

*me demande si ça lui fait quelque chose qu'on mange les cousins de ses petits amis - et puis ça droit drôlement grouiller dans sa tête avec autant de monde... Han, j'me demande si ça démange... Et puis si elle doit tous les nourrir ça doit en faire des paquets de souris ! Et puis ça doit faire de drôle de bosses aussi quand ils ont l'estomac plein... Quand on dit que la nature fait mal les choses...*

Si ça lui tue pas son possible coup d'avance, je ne m'appelle plus Kaïl ! J'ai bien deux trois répliques à rajouter, mais il ne faut jamais en faire trop, sinon elles captent la supercherie et prennent en pitié ce "pauvre Rhys qui se traine un morveux pareil"... J't'en collerai des morveux !
Dans la poêle ça crépite joyeusement et un crachement singulier me rappelle que ma viande est sur le feu ! Ce sera pas du grand déjeuner mais ça comblera le petit creux du milieu ! Le viffeux trépigne sous le poêle je m'empare du couteau et le lâche la main rougie. Crier, moi ? Nope, par contre, je n'écrirais pas le long monologue de jurons bien salés qui profitèrent de la douleur pour s'extirper de ma bouche sans qu'on me demande mon avis. Et ça finit par :
-Bordel de .... RHAAAAAAA !

Elle voulait du calme ? Outch... C'est pas gagné. Le viffeux s'enroule sous le poêle et se cale entre les cailloux. Lui, il s'en fout de se brûler ! C'est trop injuste !

-Rhyyyys ! J'ai mal !

Larmes aux yeux, je braille comme je peux -m'en fout si un autre monstre débarque ! - comment voulez-vous que je cuisine j'ai la main qui me brûle et pas d'eau pour arrêter la cuisson de ma propre peau ! Et puis... mieux vaut en faire trop que pas assez. Je sens que je vais kiffer cette journée.