Trésors de l'eau - Bijouterie

Leiline prend les devants, connaissant déjà le trajet de la plate-forme Perçante à la boutique de l’ondin. Enjouée à profiter de l’air frais de la place de Rivetiel et à revoir son ami aquatique, elle presse le pas sans même s’en rendre compte. Même le pauvre Alibert a bien du mal à la suivre.

Sa robe virevolte au gré de ses pas et sa queue se balance au même rythme. Le regard aux aguet, elle repère aussitôt l’enseigne de la bijouterie d’où provient son collier. Elle surveille de temps à autre que Lin suit le mouvement.

Une fois devant le petit commerce, Leiline ouvre la porte et lance joyeusement un :

- Salut Elliot ! C’est moi ! Je te ramène une cliente !

Elle le fait de manière chantante et sans même prendre la peine de savoir si le bijoutier est tout juste derrière le comptoir ou occupé dans son arrière-boutique sur une de ses créations.

Ouvrir la boutique, passer la journée, refermer la boutique. Voilà ce que je faisais de puis quelques jours. Certains stocks commençaient doucement à s'épuiser, mais je n'osais ni toucher au matériel pour réapprovisionner moi-même ni demander à Elliot de le faire. Il n'avait pas la tête à ça de toute façon.

Lorsque des gens passaient le seuil de la boutique, le déception de ne pas y trouver le bijoutier en personne se lisait sur leur visage, ils ne pouvaient s'empêcher de douter de mon travail, quand bien même je ne faisais qu'emballer des articles déjà créés et les encaisser. Ils ne pouvaient pas s'empêcher de regarder l'objet vendu sous toutes ses coutures dans l'idée d'y trouver un défaut quelconque. Quand à ceux qui voulaient absolument un bijou personnalisé, de préférence pour hier je n'en parle même pas, ils étaient les plus dur à gérer. Entre ceux qui demandaient de toutes les manières possibles et imaginables la date du retour du propriétaire des fois que je sois bête et qu'exprimer les choses d'une autre façon ferait changer ma réponse en quelque chose qui leur conviendrait mieux, et ceux qui voulaient son adresse, je devais me retenir pour ne pas les envoyer sèchement voir ailleurs si j'y étais. Et sans oublier la récente visite d'un de mes "super ami" que je n'avais pas hésité une seule seconde à faire sortir avec pertes et fracas. Enfin façon de parler. Je l'avais juste collé dehors purement et simplement avant même qu'il comprenne ce qui lui arrivait. Pas touche à la boutique non mais ! Mis à part ces quelques cas un peu agaçant, les gens n'étaient pas trop difficiles, mais la boutique sans Elliot paraissait si vide...

Toujours est-il que ce jour là, je m'ennuyais. J'avais déjà remplit l'étal, rangé la réserve et même fait l'inventaire ! Je n'avais strictement plus rien à faire à part attendre un éventuel client. J'étais donc derrière le comptoir, perchée sur un tabouret que j'avais ramené de l'arrière-boutique et j'étais affalée juste à côté de la caisse, la tête dans les bras, à deux doigts de m'endormir. Mes nuits étaient relativement courtes ces derniers temps, et il y avait si peu de clients aujourd'hui...

Je fus soudainement sortie de ma léthargie par une voix énergique que je reconnaissais :

-Salut Elliot ! C'est moi ! Je te ramène une cliente !

Je me redressais d'un coup et me frottais rapidement les yeux. Ce n'était pas très professionnel comme attitude, mais on m'avais prise par surprise, ça ne comptait pas ! Leiline venait de passer la porte, suivi de près par une personne aux cheveux blancs. Lin ! Je retrouvais mon sourire en découvrant les deux arrivantes et répondis avec un air désolé :

-Bonjour Leiline ! Bonjour Lin ! Bienvenue ! Comment allez-vous ? Elliot n'est pas là en ce moment... Désolée... Je peux faire quelque chose pour vous ?

Je ne savais pas trop quoi leur dire au sujet du bijoutier, ne sachant moi-même pas trop ce qu'il en était. A part que quelqu'un lui "avait fait du mal"...

Cette petite voix douce et posée qui atteint les oreilles féline de notre hybride, elle saurait la reconnaître entre mille. Lylla en personne se présente au comptoir, l'absence du bijoutier ne fait pas disparaître son grand sourire pour autant.

- Tiens, bonjour Lylla ! Tu remplaces Elliot de temps à autre je suppose ?

Un bras posé sur le comptoir, Leiline pose une main délicate dans le dos de la Prétorienne pour l'approcher, lui donnant une jolie vue sur les bijoux et autres pierres précieuses présentent dans les vitrines.

- Tu n'as pas à t'excuser ma petite Lylla. Ça n'empêche en rien la commande qui va suivre. La demoiselle ici présente recherche un artisan pour lui faire des bijoux et elle a tout de suite craqué sur mon collier. Alors comme il a été créé aux Trésor de l'Eau, je l'ai invité à se rendre ici, comme tu peux le constater.

La joie de vivre peut parfois donner une femme-chat bien bavarde. Mais ne vaut t-il mieux pas la voir ainsi plutôt qu'à se morfondre sur son comptoir de commerce ?

- Si Elliot t'as choisi comme assistante, je suppose que ce n'est pas pour un rien, donc je ne me fais pas de soucis là dessus. Je laisse juste à Lin le soin de donner toutes les précisions nécessaires sur sa commande.

Bon, l'absence du propriétaire des lieux n'avait pas l'air de trop déranger les nouvelles arrivantes, Leiline tenta même de me rassurer :

-Tu n'as pas à t'excuser ma petite Lylla. Ça n'empêche en rien la commande qui va suivre. La demoiselle ici présente recherche un artisan pour lui faire des bijoux et elle a tout de suite craqué sur mon collier. Alors comme il a été créé aux Trésor de l'Eau, je l'ai invité à se rendre ici, comme tu peux le constater.

Je hochais la tête, tiquant tout de même sur la façon dont elle m'avait appelé, elle n'avait pas tord, ce n'était pas parce qu'Elliot n'était pas là que le monde s'arrêtait de tourner. Les affaires continuaient, et il était certainement préférable qu'elles m'aient découverte derrière le comptoir plutôt que de trouver un rideau de fer fermé.

-Si Elliot t'as choisi comme assistante, je suppose que ce n'est pas pour un rien, donc je ne me fais pas de soucis là dessus. Je laisse juste à Lin le soin de donner toutes les précisions nécessaires sur sa commande.

Je rougis, l’Épicière me faisait confiance, je ne voulais pas les décevoir.

-Très bien. Alors Lin, qu'est-ce-qu'il te faut ?

J'étais descendue de mon tabouret, perdant par la même occasion quelques centimètres de haut, et non loin de moi se trouvaient un carnet de notes et un stylo dont je ne me préoccupais pas pour l’instant. Après tout, peut-être que Lin préférait se renseigner avant.

-J'aimerais offrir quelques bijoux à noël à des amis mais pas des bijoux standard, j'aimerais des bijoux uniques pour eux. Vous faites ça ?

Je souris légèrement, des bijoux personnalisés donc.

-Bien sûr, par contre je ne suis pas encore qualifiée pour faire des devis vraiment précis, ce n'est pas moi l’artisan.

Une façon subtile de me débarrasser des responsabilités si j'annonçais à un moment un prix qui n'était celui qui serait proposé par Elliot. Il était celui qui avait le dernier mot. Point barre. Lin reprit :

-Tu aurais un catalogue qui résume ce qu'il est possible de faire en termes de matière et le este ? Dans l'idéal, je voudrais faire fabriquer des colliers, des boucles d’oreilles et une bague.

Je hochais négativement la tête, je n'avais qu'un petit carnet griffonnée qui me servait de pense-bête sous le comptoir aucunement présentable à un client. Même s'il s'agissait de Lin.

-On a pas de magazine papier désolée. Après, dans les personnalisations on peut choisir la matière, cuir argent ou or, ou même autre qui sait si tu as une idée particulière. Et puis les pierres, on en a... pas mal. En fait quand tu voudras commander, viens avec des images inspirations si tu en as, et avec l'idée la plus précise possible. Et quand Elliot sera là... Je ne l'ai jamais vu déclarer quelque chose de complètement impossible depuis que je suis là. Bon ça fait pas une éternité non plus.

Je sortis de sous le comptoir une plaque contenant les différentes pierres disponibles chacune dans son petit casier, protégées par une plaque de verre. Dans mon carnet de prix, un petit récapitulatif des propriétés de chaque gemmes. J'ajoutais, il fallait tout de même bien faire le petit discours commercial même si je ne pouvais pas m'empêcher de blaguer à la fin :

-Chaque pierre à été récoltée au fond de l'eau par le bijoutier en personne. D'où le nom de la boutique d'ailleurs. L'apprentie s'y est essayée aussi, mais comme ce n'est pas une sirène, ni une championne d'apnée, elle a eu moins de succès !

Je souris avec malice, maintenant que Lin m'avait fait réaliser qu'utiliser des noix alchimiques était possible pour pallier à ce problème, il y avait des chances que je fasse plus de plongées avec Elliot. Enfin, il fallait d'abord qu'il revienne.....

L'hybride écoute d'une oreille très distraite la demande de Lin. Elle est trop occupée à regarder autour d'elle, rêveuse, se posant des questions comme “Est-ce que des bijoux pour hommes sont possible et si oui, à quoi ils ressemblent ?”. Elle voit bien Corben avec une chaîne en argent autour du cou, étrangement. Pas sûr que cela lui plaise cependant.

Mais plus leur discussion avance, plus quelque chose chiffonne l’Épicière. Elle sait qu’Elliot vit une vie de couple, qu'il doit avoir des occupations dans sa vie qui font que, mais elle trouve étonnant que l'Ondin ai laissé du jour au lendemain sa boutique.

Il a peut-être ses raisons mais dans la tête de Leiline, il y a toujours une part de doute. Lin finit par tout de même prendre un collier en forme de renard quand la féline se décide à sortir de son mutisme et à lui poser la question, quitte à mettre les pieds dans le plat.

- Lylla, tu sais si Elliot va bien ?

Le femme-chat a le visage un peu plus fermé que d'habitude. Elle ne sait pas si Lylla est au courant de la raison de son absence, mais qui sait. Avec un peu de chance, il est juste en vacances.

Lin semblait ébahie devant le nombre de pierres différentes proposées. Je souris de plus belle, moi aussi j'en avais été surprise, surtout en apprenant qu'Elliot allait pêcher ses pierres lui même.

-Je ne prévois pas de partir sur des choses très complexes, j’ai une petite préférence pour les bijoux aux formes plutôt classiques.

-Ça ne devrait poser aucun problème alors !

Un petit rire m'échappa lorsqu'elle réagit à ma plaisanterie, bien que le rouge me monta également aux joues face à sa certitude lorsqu'elle m'assura que je pouvais très bien réussir

-Je ne doute pas que tu y arriveras Lylla. Et la fameuse apprentie peut certainement mettre à profit ses ailes pour créer sa propre collection de pierre.

Je ne pus m'empêcher de renchérir avec malice :

-Peut être que je trouverais un jour des gemmes dans les nuages qui sait ?

Mon sourire s'estompa quelque peu lorsqu'elle me demanda quand reviendrait Elliot. A cette question, je n'avais toujours pas de réponses, même si j'aurais bien aimé la connaître

-Aucune idée... Rapidement j'espère. Je ne pense pas qu'il manquera le marché de Noël, c'est un évènement important pour tous les commerçants. Enfin ça en à l'air en tout cas.

Je ne connaissais ce moment que du point de vue extérieur, et encore, à cette période il y avait tellement de monde dans les rues que je me cachais chez moi.

-Je vais te prendre également ce pendentif en forme de renard

Je remercie Lin et attrape le pendentif en question que je glisse sur le cordon de cuir fournit avant de l'emballer dans une boite que je glisse dans un petit sac avant de lui tendre.

-Ça te fera donc 5 Pims !

A ce moment là, Leiline sortit enfin de son silence et sa question fit instantanément disparaître mon sourire

-Lylla, tu sais si Elliot va bien ?

Je fixais tour à tour les deux jeunes femmes ne sachant plus quoi faire. D'un côté je savais ce qu'il se passait plus ou moins, et je savais également que Leiline était une amie d'Elliot, mais d'un autre côté, je n'avais aucune idée de ce qu'il voulait lui. Et si je disais aux filles ce qu'il se passait et qu'après il m'en voulait ? Et puis, il ne connaissait même pas Lin à ma connaissance. Je n'avais pas forcément envie d'ébruiter son aggression, ce n'était pas à moi de dire ce genre de chose, c'était Elliot qui devait prendre cette décision de raconter ou non ce qui lui était arrivé. Je fixais Lin, me rappelant soudainement qu'elle était la Prétorienne. Elle avait dû entendre parler de l'affaire dont moi même je n'avais aucun détail. Enfin, c'était plutôt vague "quelqu'un m'a fait mal" quoi... Je finis par souffler du bout des lèvres :

-Disons... qu'il va mieux...