Visite inattendue

L'alchimiste avait relâché tout son stress et sa nervosité d'un coup, m'expliquant que son labo avait déjà été malmené dans la semaine et que c'était déjà trop pour lui. Un air sérieux et grave, extrêmement rare pour moi, s'afficha sur mon visage alors que je fixai Richye.

- Malheureusement mon cher Richye, être alchimiste n'est pas de tout repos. Si vous pensiez pouvoir rester enfermé dans votre tour à fabriquer des potions sans vous soucier du reste du monde, vous vous trompez grandement. Cette petite illusion, bien qu'elle partait d'une blague, peut vous servir de leçon. Toujours rester sur ses gardes, peu importe qui vous invitez chez vous. J'ai beau être un maître de miroir ainsi que le maître du quartier, j'aurai très bien pu vous voler sans la moindre difficulté.

Puis mon sourire habituel revint aussi rapidement qu'il avait disparu alors que le petit Higor, profitant de la distraction, se permit de dévorer un cookie tout joyeusement et brisa au passage quelques fioles. Malheureusement ce n'était pas une illusion cette fois et le verre brisé au sol n'allait pas disparaitre dans une nuée d'étincelles.

- Et bien... Il fallait que ça arrive à un moment ou à un autre, n'est-ce pas? Ne vous inquiétez pas, vous serez remboursé pour ces quelques dégâts. Cependant, ma chère Lilou, il va falloir penser à mieux éduquer vos compagnons. Avoir des animaux implique de grandes responsabilités. Ils peuvent être aussi mignon qu'on veut, il faut tout de même les éduquer pour éviter ce genre de bêtises.

Meliel se mis à me faire une petite leçon de morale, sur un ton tout à fait sérieux, qui tranchait littéralement avec son caractère habituel. Mais au vu du personnage, ça ne m'étonnait peu :

- Vous avez tout à fait raison, cher Maître. Et à vrai dire, je compte bien m'équiper : un ou deux cyberloups en provenance de l'épicerie, et de l'équipement provenant de la forge devraient m'aider à garder la tour en sécurité et lors de missions. Je me doute bien que ceux qui franchiront le seuil de la porte n'auront pas toujours de louables intentions, et j'ai beaucoup trop de choses à protéger ici pour....

Je n'eu pas le temps de finir ma phrase qu'un bruit de bris de verre se fit entendre juste à côté. Higor avait profité du ramdam provoqué par l'illusion de K'ien pour monter sur l'une des tables et renverser quelques béchers. Me retournant vers la table :

- ... Comme je disais : j'ai beaucoup trop de choses ici à protéger pour ne pas avoir de moyens de protections et de vigilance, à commencer par ma verrerie...

Je soupirais, et me tournais vers Lilou :

- Lilou, je veux bien tolérer les petits animaux dans mon labo, mais uniquement s'ils sont sous ta surveillance, car tu en es responsable, et qu'ils se comportent bien, c'est à dire qu'ils ne se mettent pas à tout renverser sur leur passage... Tu surveilleras mieux Higor la prochaine fois ?

Au fil des remontrances, Lilou changea de couleur d’un rouge gênée au dépars elle finit sur un blanc pâlichon. Le maître de K’ien ne paraissait plus aussi gentil, de compagnon de surprises, il passait à bourreau des bêtises.

La déception dans les yeux de son père adoptif lui serra le cœur. Lillou renifla bruyamment, elle ne comprenait pas cette soudaine vague de réprimandes, certes justifier. La gorge serrait elle n’arrivait plus à émettre un son. Elle hocha la tête à la question de Richye, puis avec lenteur, elle prit Higor dans ses bras et disparu de la pièce.

Une fois dans le couloir elle courut et grimpa les escaliers de la tour quatre à quatre, elle ouvrit la porte de sa chambre posa, Higor dans son panier et s’effondra dans son lit. Se tournant sur le côté, elle observa la couchette vide de son ami Kaïl… Repliée sur elle-même elle se dit que sa présence l’aurait surement réconfortée… Elle souffla et pris son petit carnet rouge dans sa table de chevet, elle y déversa un torrent de sentiments, triste et honteux, en écrivant des lignes serrés et dansantes, elle se ferait discrète pour le reste de la journée...

Je vis Lilou se déconfire littéralement sous mes yeux. Y aurais-je été un peu fort ? Pourtant je voulais simplement lui dire de faire un peu plus attention. Mais surtout, les remontrances de Meliel... De quoi il se mêlait, celui là ? Quand bien même il était maître de Miroir, ça ne le regardait pas. Après avoir vu ma fille monter les escaliers, en sanglots, je me tournais vers lui, et tout en le poussant vers la sortie :

- Désolé j'ai une discussion père-fille sur le feu. Merci, au revoir, bonne journée.

Une fois l'avoir remis sur le pas de la porte, je mis l'écriteau sur "fermé", et fermais le loquet de la porte. Le moment était plutôt délicat, et la dernière chose que je voulais, c'était de voir débarquer un nouveau client.

Je montais à l'étage des chambres, et m'approchais doucement de celle de Lilou. Je toquais légèrement, et parlais d'une voix douce :

- Lilou... chérie... c'est papa... tu veux bien ouvrir la porte ?

Me doutant bien qu'elle refuserait probablement de m'ouvrir dans l'immédiat car je l'avais chagriné, je m'assis en tailleur, contre le mur à côté de la porte.

- Écoute, je... pardon si j'ai été un peu trop violent dans mes propos. Je voulais juste te demander de faire un peu attention à Higor quand il se balade dans le labo, ne serait-ce que pour son bien. Et Meliel n'aurait jamais dû te parler comme ça. Et ce n'est que du verre, ce n'est pas grave...

Et mine de rien, au fil de mes mots, je me remettais en question sur tout un tas de sujets : est-ce que ma décision d'adopter Lilou était une bonne chose pour elle ? Est-ce que je saurais/pourrais lui apporter le bonheur qu'elle mérite ?... Une lourde boule au ventre se faisait sentir.

Les joues en feu, le sillon de ses larmes encore humides, Lilou commençait à s’apaiser, déverser ses sentiments dans des lignes manuscrites lui avait permit de passer cet épisode avec plus de faciliter. Elle se demandait si Richye ne regrettait pas de l’avoir adopté… Et s’il décidé de la ramener à l’orphelinat… après le dépars colorée qu’elle avait eut, elle serait surement très mal accueillit, elle ne pourrait jamais retourner là-bas… jamais…. Jamais…

Elle s’enfermait dans un mutisme passager, mutisme qu’elle ne brisa pas lorsque Richye frappa à sa porte. Elle hocha la tête négativement, elle ne voulait pas ouvrir, elle n’était pas encore prête et surtout elle n’avait pas envie d’être vu ainsi. Elle serra son oreiller contre sa poitrine, en écoutant les paroles bienveillantes de son père. Il avait l’air sincèrement désolé de l’avoir grondée, elle se rappela ce qu’elle avait ressentit lorsqu’elle avait elle-même grondé Titou, et elle comprit qu’il ne lui en voulait pas outre-mesure. Elle savait que le rôles des parents étaient de donner de l’amour, mais aussi d’éduquer et remettre dans le droit chemin leurs enfants, seulement c’était la première fois qu’elle devait l’expérimentée.

Elle se décida, après avoir remit ses vêtements en place, passé un peu d’eau froide sur son visage, elle déverrouilla la porte, affichant un léger sourire…. La tempête était passée.

- C’est rien papoune, fit elle la tête légèrement basse, t’apprends à être un papa, et j’apprends à avoir un papa, et c’est ça qui est important… enfin je crois.

Après un temps de réflexion elle ajouta

- et si on repartais à la chasse aux chauve souris histoire de décompresser ?

et se faisant elle dégaina sa tapette à mouche, celle là même qu’elle avait utilisé lors de leurs première rencontre.

Après un peu de temps passé à cogiter devant la porte, j'entendis le cliquetis du loquet de la serrure, et vis ma petite Lilou qui se tenait devant moi, les joues un peu rougies... Je lui ai causé du chagrin. Certes, c'était justifié, mais j'aurais dû m'y prendre avec plus de délicatesse. Être père n'est pas de tout repos.

Je pris Lilou dans mes bras, lui déposais un bisou sur le front. Certes, être père est une aventure, mais Lilou est ma petite fille adorée. Et toute la verrerie de mon labo, toute la ménagerie grandissante à Elantra, et tous les Kaïl de l'univers n'y changeraient rien : je suis son père et je ne céderais cette place pour rien au monde.

Elle me proposa ensuite de retourner chasser des chauve-souris. J'imaginais bien la tête que ferait Dame Eva Carine si elle entendait cette phrase...

- Retourner voir si le grenier de la bibliothèque de Dame Eva est bondé de chauve-souris ?
Je ne pense pas qu'elle nous laisse recommencer, vu le bazar qu'on a fait... J'ai une meilleure idée : tu te rappelles du cours de ce matin, avec le cercle pour modifier l'état de l'eau ? On va passer aux Travaux Pratiques : et si on faisait des glaces ? Et surtout, à quels parfums ?

Si avant mon désir était de mettre mon savoir et mon talent au service des habitants et chasseurs d'Entre-Monde, aujourd'hui c'est aussi d'être un bon père pour Lilou, et lui donner un avenir radieux.

- ah oui j’avais oubliée ce détail, mais bon on l’a quand même débarrassait de ses chauves-souris non ?

Lilou mit quelques temps à percuter en quoi consister les travaux pratiques, le cours de ce matin étant déjà un peu loin. Mais lorsqu’elle compris, son visage se fendit d’un large sourire gourmand.

Des glaces elle n’en avait pas beaucoup mangé dans sa vie, mais chaque glace avait était un cadeau fait parfois par un habitant de Northrives content de son aide, parfois par un petit robot de bibliothèque maladroit. Elle se souvenait de chacune de ces glaces, mais ce serai sa première père/fille de fabrication maison, elle était certaine que celle-ci aurait un goût spéciale.

- Oué ! super des glaces !!! allons-y !

Richye avait à peine finit sa phrases qu’elle le traina par la main courant jusqu’au laboratoire, elle avait rarement mit autant d’enthousiasme dans une leçon d’alchimie. Il faut croire qu’à cette âge tout ce fait en courant, marcher ne faisait pas vraiment partie de ses habitudes.

Lilou m'entraîna à toute vitesse jusqu'au labo, impatiente de pouvoir réaliser ses travaux pratiques, et de goûter le résultat. Et une fois le balai passé rapidement, je me tournais vers Lilou :

- Si tu veux bien me chercher deux bols, et des sirops sucrés dans la cuisine, je vais te montrer comment on fait des glaces avec l'alchimie.

En même temps, je remplissais un grand récipient avec de l'eau, on en aura besoin.

Une fois tout le matériel sur la table, je pris l'un des bols, et commençais à gratter le fond pour y imprimer un cercle, avec un ustensile métallique. Une fois le cercle fini, et le bol débarrassé des restes de la gravures, je mis du sirop de menthe, de fraise, et un peu d'eau.

- Et maintenant, imaginons quelque chose de duveteux...

En apposant mes mains sur le bols, l'eau commençais à se cristalliser sous forme poudreuse, et en se mélangeant aux sirops, j'obtins une glace à la fraise et à la menthe, à la texture fine.

J'y plantais une cuillère, et tendis le bol à Lilou :

- Tu veux bien goûter ? Et me dire si elle est bonne ?

Après avoir gravé le deuxième bol, nous passions le reste de la journée à manger des glaces, à tous les parfums.