Vers l'Infini et au-delà

Les frères poussèrent,
Ils forcèrent encore et encore
Et finalement la trappe céda.

Le pèlerin blanc heurta le sol
Et malgré l'air vicié, il souriait.

Il alluma une torche.
Il suivit son frère
A travers un escalier sans fin.

Et puis la dernière marche céda sa place à une arche.
Dans les ténèbres se dressait une immense salle.

Sur les murs d'immenses bas reliefs.
A chaque colonne sa statue.
Partout la présence de l'Infini.


Tout cela se révélait tant bien que mal.
Les ténèbres seulement troublées par les deux frères.

Facile à dire.
Plus difficile à faire.
Mais rien n'est impossible.

Bouche bée. Je gobais cette vision comme on voit Dieu pour la première fois. C'était majestueux. Une preuve que la Silnà a vécu sur ces terres des milliers d'années auparavant, longtemps avant les voyageurs. Mais aussi, une marque de notre histoire.
Je suis si stupéfait que je ne sors de ma rêverie qu'à la fin de la pile de ma lampe. Minuscule petit gadget, cette lampe n'aura duré que le temps de descendre dans les profondeurs de ce temple oublié.
Je tapais sur la surface de ma lampe, celle-ci se remit à fonctionner. De la camelote disais-je.

-On va mettre un temps fou à retourner au village leur demander de quoi faire des torches… En plus, on ne sait pas qui va passer ici derrière-nous.

Ce lieu était si précieux, si rare, c’était trop risqué de le laisser sans surveillance.

-Mon faisceau est minuscule mais je peux rester et surveiller, si tu veux aller trouver un moyen de faire plus de lumière.

C’est vrai que sans une source de lumière plus grande, lire les fresques relevait du défi.
Je ne pouvais même pas toucher ces murs sans craindre qu’ils tombent en poussière. La déception si cela arrivait, la honte aussi, me tuerait probablement sur place !

Avec tout le respect que je devais à cet endroit, je pouvais bien faire demi-tour avec Zak et attendre qu’il revienne avec de quoi illuminer l’endroit.
Je garderai l’entrée avec mon griffon.

Deux lueurs vacillantes.
Au fond des âges perdues.


Le pèlerin blanc s'arrêta net.
Immobile devant les escaliers.
Une idée venait de le frapper.

Il n'y a pas de torches...
Cherche des supports.

Zak prit un côté de la salle.
Il longea les murs, inspecta les colonnes.



Le frère de la Silnà arriva au centre de la salle.
Là se tenait un autel de marbre blanc.
Sur cet autel se trouvait un reliquaire.

Le pèlerin blanc ne s'y attarda pas pour le moment.
La priorité était de faire de la lumière.

Il fit le tour de l'autel.
A l'arrière il trouva un levier.
Sans avoir à forcer, il l'enclencha.

L'écho de mécanismes résonna dans les ténèbres.
Au plafond, une trappe surplombant l'autel s'ouvrit.
Un puits de lumière apparut et toucha un immense cristal.

A chaque colonne son cristal et ses miroirs.
A chaque mur sa part de lumière.
A chaque statue son ombre.

Les ténèbres n'étaient plus que souvenirs.
Ainsi dissipées, la crypte enfin se dévoilait.

Le souffle coupé,
Incapable de bouger,
complètement subjugué.

Les larmes aux yeux,
Zak retrouva son frère.

Le pèlerin blanc prenait conscience de ce qu'ils venaient de découvrir.
S'il n'avait jamais rien vu de tel, c'était que rien de tel n'existait plus.
Ils marchaient dans les pas de leurs vénérables ancêtres.

Zakariann plusieurs fois essaya de parler.
Mais de sa bouche aucun son ne sortit.

Il n'y avait aucun mot assez fort.
Il n'y avait aucun mot assez sage.
Il n'y avait aucun mot assez pieu.

Juste le silence et le respect.
Juste le recueillement.

Bah non, pas de torches. Il n'y avait aucun support pour des appliques ou même des vasques pour l'huile. Zakariann s'activa près de l'autel, ses efforts m'éblouir. Littéralement. La lumière éclairait des fresques conservées depuis des millénaires. Des mosaïques et des lithographies recouvraient les murs du sol jusqu'au plafond. Des statues à peine usées transparaissaient sous les toiles d'araignées et les mousses grimpantes. Aucune racine n'avait réussi à fendre le lourd granit constituant l'espace sacré.
Abasourdi et figé devant une représentation de l'Infini, je portais une main à mon visage. Sentir la peau contre la peau, je sus que tout cela était réel.
Je fermais les yeux en une prière silencieuse. Il devait être remercié, nous étions en sa demeure et un salut était de bon ton.

-C'est la preuve que l'Entre-Monde est notre patrie et la sienne.

C'est alors que je remarquais le coffre sur l'autel. Avec un respect silencieux je portais ma main dessus, en caressais la surface pour éliminer la poussière. D'aspect simple, la boite avait un certain âge. Le bronze était presque noir.
Je levais sur mon frère un regard interrogateur : devions-nous l'ouvrir ou l'apporter à quelqu'un de plus avisé que nous ?

-Je sais qu'on ne devrait pas, mais le laisser ici est trop dangereux. Tout le temple... On ne peut pas laisser ces choses sans surveillance. Ces impies sans foi, s'ils mettaient la main dessus, s'il trouvait cet endroit, ils le détruiraient ! Zak, il faut qu'on sorte et qu'on rebouche cet endroit. Nous devons le protéger.

Ni les résidents, ni les huit ne doivent voir ce temple. Ou nous allons perdre encore un peu de l'Histoire de notre noble peuple.

Spoiler:

Le pèlerin blanc acquiesca.
Son frère avait raison.

Zak ouvrit son sac en grand,
Pour qu'Azurée puisse y disposer la boîte.
Elle ne devait rester sans surveillance plus longtemps.


Zakariann referma son sac.
Il reprit sa torche.


Sur ces mots et après une longue contemplation.
Sur ces mots et une dernière prière silencieuse.
Sur ces mots, il actionna de nouveau le levier.

L'obscurité à peine troublée par deux torches.
Un escalier en colimaçon long et raide.

De nouveau le jour.
De nouveau le vent.
De nouveau l'air marin.

Pourtant plus rien n'est pareil.
Zak semblait redécouvrir l'endroit.


Il se tourna vers Azurée.
Les larmes aux yeux.
Le sourire aux lèvres.


Le pèlerin blanc se tint prêt à aider son frère.
Refermer cette trappe serait plus facile que de l'ouvrir.

La dissimuler...
La faire oublier...
La rendre invisible...


C'est ce qu'ils firent.
La Silnà ne lésine pas sur les efforts.

Zakariann compris immédiatement mes craintes. Ouvrir ce mausolée de nos plus lointains ancêtres à un public d’ignorant mangeur de glace pistache n’était pas une option valable. La trappe se referma, on replaçait les rochers, on effaçait nos traces.

Astucieusement, je fis un feu non loin des ruines. J’éteignis rapidement les braises et éparpillais les cendres. N’importe quel voyageur croirait que nous avons campé ici avant de reprendre notre exploration. Il ne ferait pas attention aux restes du paysage avec un peu de chance.
C’est une diversion.

-Chaque chose en son temps, frère. Commençons par retourner en ville. Conserve cette boîte précieusement et si la chance nous sourit nous pourrons bientôt en parler à ceux qui sauront quoi en faire.

Je pensais au Sire, si seulement… Puis je pensais à Astrid, Elzear et Mahaut, ou bien leurs successeurs.

Tout comme Zakariann j’étais heureux. Une bouffée de bonheur, de liberté s’insinuait dans mes veines à la manière d’une drogue nouvelle. Je goûtais une sensation que j’avais oublié, un sentiment d’être chez moi.
Depuis mon départ de la Citadelle, rien n’avait éveillé en moi cette puissance. Une force qui née de la Silnà nous lie et nous protège.

-Il nous reste une dernière chose à faire.

La marche fut longue jusqu’au petit village ou l’homme qui nous informait plus tôt se trouvait déjà prêt à dormir avec la nuit tombante. Il nous surprit d’un rire moqueur cherchant à savoir si nous avions trouvé ce que nous étions aller chercher.
Je lui signifiais que « oui ».

-Ce n’est qu’un vieux tas de pierres. C’était assez courant après la fermeture des miroirs de voir des voyageurs essayer de s’installer en bord de mer. Ils importaient de la pierre du continent et tentaient leur chance. Celui-là n’a pas eu de chance la pierre est de basse qualité, fissurée à l’intérieur… Il ne devait rien pouvoir bâtir avec ça.

Ce mensonge était plausible et il donnait vie à ce tas de pierres inutiles qui devait rester secret.

-En vous remerciant pour vos conseils !

Yoal nous gratifia d’un signe vague de la main et d’un rire un peu plus gras. Je ne doutais pas qu’il se soit un peu lâcher sur la bouteille ce soir-là. Atlas m’attendait déjà à notre point d’arrivée et maintenant de départ.

-Zakariann, je ne sais pas si nous nous recroiserons bientôt, mais je te souhaite de retrouver bientôt ta femme.

Je grimpais sur ma monture qui piaillait d’impatience.