Arcturus moins un

Spoiler:

J'ai jaugé Myra de la tête au pied avant de me sentir moins coupable de leur réserver un deuxième round.
Car pendant cette attente, je n'avais pas pu m'empêcher de penser qu'on formait une bonne équipe. La perte de l'animal de compagnie d'Uriel était triste, mais je refusais de m'arrêter à ça. Nous étions trop efficace. Je me sentais plus responsable encore.
Il devenait possible de renvoyer rapidement les Arcturiens dans leur tombe. C'est impossible de ne pas le faire. L'enjeu est de sauver des vies.

-Je vais bien.

Je mentais un petit peu. Les guérisseurs ont pu refermer une bonne partie de la perforation, les antibiotiques et les antidouleurs feraient le reste pendant la cicatrisation. J'avais des points de suture et on m'avait ordonné de ne pas les faire sauter à moins d'être à moins de vingt mètres de la porte des urgences.
Si seulement j'étais quelqu'un d'obéissant.

-Allons manger un morceau d'abord, fis-je sans détour.

Je saisis chacun par l'épaule et Aya nous envoya via titre Hotel sur K'ouen. Je le soupçonnais d'avoir eu le temps de prévenir le personnel du palais. Dans le hall, des gens du personnel de maison et même des gens de l'aile administrative nous prirent en charge.
Salle de bain, par là. Salle à manger déjà prête à recevoir des affamés. Les chambres étaient prêtes pour ceux qui souhaitaient se reposer. Quant aux primes de mission...

Etant donné que les chasses étaient financées par K'ouen, que les primes attendaient sur un compte accessible depuis la bibliothèque, c'est un fonctionnaire qui s'occuperait de cette formalité. Il s'approcha de nous et proposa de faire virer les sommes dès que nous en feront la demande.
Laissant les autres profiter du confort de la maison, je le pris en apparté et le prévins que nous commanderons peut-être d'autres équipements.

Une deuxième chasse et seulement des monstres volant. La stratégie des flèches paralysantes ne fonctionnera plus. Je songeais à ces fusils paralysant si chers et si puissants... Ayame en avait un et il savait l'utiliser. Je n'avais jamais tiré avec une arme de point ou d'épaule, serait-ce une bonne idée de s'essayer à des outils inconnus ?

Ce pourrait être une solution. Ou un billet très cher pour une boite en sapin.

Je me trouvais une fois encore le premier à arriver dans la salle à manger. Le fonctionnaire m'y accueillit avec le sourire, prêt à noter tout ce que nous lui demanderons. Primes comprises.

-Passe-moi la viande.

Pas de s'il te plait. Ils ont l'habitude, n'est-ce pas ? Il me tendit un saladier de viande baignant dans la sauce sans savoir que je comptais bien en vider un bon tiers. Mon estomac criait famine.
Je remplissais mon assiette copieusement avec une concentration toute spéciale.

-Avez-vous rencontrer des zombies ?
-Ah !

Je reposais ma fourchette et fermais les yeux pour chasser les images de corps putréfiés en mouvement.

-Sérieux, je mange là !

Il sourit de toutes ses dents. J'aurais dû dire s'il te plait...

Une fois arrivés sur K’ouen, j’avoue m’être laissé tenter par la salle de bain. Je n’étais pas du genre à rechigner quand il fallait se salir les mains, mais mon état quelque peu déplorable. Si les guérisseurs avaient nettoyé mes blessures, le reste de mon corps était sale et poussiéreux, sans parler de mes cheveux où devait loger toute une famille d’écharde et d’arbre miniature.

Lorsque je sortis, j’étais fraiche, j’avais de nouveau les idées claires. Je me sentais plus reposée, bien que mon corps soit quelque peu endoloris, souvenir de ma dégringolade final. J’en avais profité pour changer mes pansements aussi.
Comme je me rendais souvent à K’ouen pour rendre mes mission de Commissaire, je n’eus aucun mal à retrouver mon chemin et j’atterris bientôt dans la salle à manger. Wergeld s’y trouvait déjà, visiblement en plein repas. Quel appétit…. Je me rendis compte que mon estomac réclamait lui aussi pitance et je pris place devant les plats outrageusement garnis.
Je dénichais Fay dans mon cou afin qu’elle puisse profiter un peu de la nourriture. Elle aussi était fatiguée, c’était beaucoup d’émotion pour un si petit corps. Je songeais à la laisser avec Gaea pour les prochains jours.

Peu après, un fonctionnaire de K’ouen posa près de moi un petit dossier noté « Arcturus ». Je l’avais demandé pour mieux me renseigner sur les autres monstres. Je m’inquiétais sérieusement depuis que j’avais vu Nahash à l’œuvre. En feuilletant le dossier, je tombais sur l’énorme fauve. Dans mes souvenirs, c’était celui que l’équipe de mon demi-dieu avait pris en chasse. Je grimaçais et passais à une autre page, histoire de ne pas réveiller l’angoisse qui oppressait ma gorge. Un autre arcturien me donna quelques frissons. Dans le genre bourrin à la gueule imbuvable, il faisait fort. Il semblait que celui la terrorisait les côtes au sud du territoire. Un frisson parcourut mon échine. C’était près de Cabèche. Je priais les dieux de l’Entre-Monde pour que ce monstre ait épargné le village de mes parents adoptif. En lisant un peu plus le dossier, je découvrais l’ampleur des dégâts.

« Quelles plaies…. ! » sifflais-je entre mes dents.

Concentrée dans ma lecture, je n’avais pas remarqué que j’avais réduit la viande en hachis à force de la maltraiter avec mes couverts.

Uriel était une personne naturellement soupçonneuse. Il aurait sans doute été très méfiant de l'hospitalité que leur offrait soudainement Wergeld s'il n'avait été distrait pas l'état grotesque de ses cheveux, et à présent qu'il y prêtait attention, du reste de sa personne. Aussi se jeta-t-il sur la salle de bain avec encore plein d'enthousiasme que l'unique membre féminin de leur équipée.

Une fois récuré de fond en comble, le poil et la plume propres et luisants, les vêtements époussetés et presque repassés, il erra dans les couloirs jusqu'à ce qu'une bonne âme prenne pitié de lui et lui indique la salle à manger où se goinfraient déjà ses compagnons. Mais entre-temps, il avait retrouvé ses esprits. Il ne s'assit à table que du bout des fesses, le sourcil bas et l'oeil sceptique.

Myra massacrait son assiettée. Wergeld aussi, bien que pas du tout dans le même sens du terme. Quelques fonctionnaires traînaient dans les parages en toute désinvolture, ajoutant encore à la paranoïa d'Uriel. Il n'avait même pas faim, trop retourné par toute cette affaire.

Ceci étant dit... songea-t-il en reluquant les plats bien remplis. Bouffe gratuite...

Incapable de résister à cet argument, il empila un échantillon de tous les mets présents dans son assiette et entreprit de s'empiffrer. Ce qui ne l'empêcha pas de lancer à Wergeld d'une voix lourde de méfiance (et aussi un peu empâtée par sa bouche pleine) :

"Qu'est-ce qu'on fait là, au juste ?"

-On mange, répondis-je du tac-o-tac.

Je lui offrais un simple sourire en guise de confirmation.

Un monstre et une douche n'étaient pas capables de me faire oublier mon activité favorite. Après un temps à faire passer l'image des mort-vivants encore trop vivace dans mon esprit, j'ai réussi à vider une assiette que je remplissais à nouveau.
L'idée était de recouvrir le blanc de la porcelaine par tous les plats qui me passeraient sous les yeux. Si l'assiette est encore visible au dessus c'est seulement parce que j'ai recommencé à manger.

Ayame entra à ce moment là, propre et changé. On aurait dit qu'il n'était jamais venu combattre le serpent. C'était rassurant, il était parfaitement opérationnel. Quant à Myra, elle avait pris le temps de se renseigner sur les autres monstres, elle sera la moins difficile à convaincre de venir pour une deuxième sortie sans retour possible.

-Comme je vous l'ai dis vous pouvez profitez du palais pour vous reposer. Vous l'avez bien mérité.

Je laissais chacun avaler quelques bouchées de plus avant de continuer.

-Il y a encore beaucoup d'autres monstres en liberté. Ils se rapprochent dangereusement des villes.

Je marquais une pause.

-Et ils sont moins calmes que le serpent.

*Nous formons à nous quatre une bonne équipe*

-J'espère que vous accepterez de m'accompagner pour une autre mission.

Ayame me voyant hésiter insista avec un nouvel argument :

-Bien sûr nous recruterons d'autres membres avant le départ pour garantir notre réussite et notre sécurité.