Campagne de vaccination

Les voilà les félins ! Alors quelle voit Cygne s'éloigner avec un sourire d'excuse – pourquoi, aucune idée – elle suit Lana et le troisième vétérinaire. Elle trouve étrange d'ailleurs du mutisme de ce dernier. Un jeune homme aux cheveux long et blond, tout ce qu'il y a de plus humain visuellement parlant.

Dans un premier temps, les tigres, deux mâles et trois femelles. Avant même qu'ils remarquent sa présence, Leiline s'empresse d'attraper Alibert et de le caler sur son épaule, presque emmitouflé dans ses cheveux.

- Toi, tu restes ici et tu ne bouges pas.

Étrangement, le Precious obéit à l'ordre donné et sans broncher. Leiline s'attend presque à ce qu'il lui fasse une feinte mais il n'en est rien. Les tigres commencent à s'approcher, dont les deux mâles de notre hybride. Elle lève les mains au niveau de ses épaules comme pour les laisser faire et montrer que ses intentions sont pacifistes. L'un d'eux s'allonge devant elle tandis que l'autre commence à frotter sa tête sur la hanche gauche de Leiline, comme un petit chat le ferai sur la jambe de quelqu'un.

Malgré la situation, la femme-féline garde son calme. Le vétérinaire silencieux en profite pour s'approcher de celui affalé sur le sol et lui faire sa piqûre. Lorsqu'il relève la tête, il note une hybride lui souriant, se voulant avenante. Il baisse le regard instinctivement, les joues devenue cramoisies. Il s'éloigne pour rejoindre les tigresses.

Alors que Leiline pose ses mains délicatement sur le pelage du deuxième tigre pour le calmer et faciliter la piqûre de Lana, elle ose poser la question.

- Lana, comment s'appelle votre collègue ? Et est-ce qu'il est muet ?

Le vaccin fait, la jeune femme sourit à la femme-chat.

- Jarvis ? Non il n'est pas muet, il est juste très timide, surtout avec les femmes.

Leiline dépose alors un regard désolé sur l'intéressé. Elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise. Elle tente malgré tout de l'aider pour faire les deux tigresses restante, le prénommée Jarvis ayant déjà vacciné la troisième.

Chose faite, ils passent à l'enclos des lions.

Alors certes, les petits félins étaient moins susceptibles de le dévorer tout cru, mais ils étaient aussi bien plus nerveux que leurs grands cousins, et ils avaient un incroyable talent pour se cacher dans des recoins inaccessibles par le commun des mortels. Cygne dut réapprendre la patience tandis qu'il apprivoisait les boules de poils à grands renforts de viande crue.

"Arrêtez de gigoter !" ne cessait de lui répéter Péti à chaque fois qu'il bougeait ne serait-ce que d'un millimètre, ce qui était d'une hypocrisie sans nom. Le soigneur lui-même était incapable de tenir en place. Cygne se serait demandé s'il n'y avait pas eu erreur de casting et si quelqu'un comme Lana n'aurait pas été plus adaptée ici, mais les animaux le connaissaient de toute évidence de longue date. Malgré les crampes que Cygne commençait à se coltiner à force de rester accroupi dans la même position, les lynx et autres ocelots s'approchaient beaucoup plus volontiers de Péti que de lui.

"Et voilà !" claironna Péti quand ils eurent enfin bouclé les trois cages. "Splendide, splendide. Nous sommes dans les temps !"

Il parut ne pas le moins du monde réaliser que Cygne se demandait ce qu'il faisait là. Il aurait aussi bien pu faire la sieste ces quinze dernières minutes, ç'aurait été un emploi plus productif de son temps. Mais Péti fouillait déjà ses poches, puis le sac qu'il portait.

"Ah, c'est Jarvis qui a la liste," dit-il avec un froncement de nez mécontent.

De toute évidence, il brûlait d'envie de cocher des cases. Il entraîna Cygne devant la cage de lions et resta planté devant l'entrée, se balançant d'un pied sur l'autre avec impatience. Cygne coula un regard à l'intérieur pour voir comment Leiline s'en sortait.

Et bien dans l'enclos des lions, un début plus que convenable. Contrairement aux tigresse, même les lionnes se mettent à s'approcher de la féline. Une aubaine pour les soigneurs qui réussissent à soigner les trois femelles et l'un de deux mâles sans broncher.

Jusqu'à ce que – sans raison apparente – le deuxième lion commence à grogner et rugir en direction de Jarvis qui se trouve seul face à la bête. Alors que Lana commence à paniquer, Leiline prend les devants, exige que la vétérinaire se rende au fond de la pièce et se dirige vite vers le jeune homme. L'animal pousse des rugissements plus intenses, le visage du soigneur en devient livide.

L'hybride attrape son bras, l'éloigne des lieux et se retrouve en face à face avec le lion, oreilles plaquées en arrière et queue ébouriffée. La main gauche sur son fouet et le titre Cie qu'elle active de suite, dans l'autre main tendu vers le félin.

- Tu te calmes !

Le mâle lance un dernier grognement et pose une patte en arrière.

- Tu te calmes …

Leiline s'efforce de relever les oreilles et d'arrêter d'agiter la queue. Il ne grogne plus, il ne s'agite plus et retourne sur ses pas comme ci de rien était. Lana qui a vu toute la scène du fond profite du retour en calme pour se charger du lion restant. L'hybride prend une grande inspiration et revient auprès de Jarvis.

- Vous n'avez rien ? Vous n'êtes pas blessé ?

Plus de peur que de mal à première vue. Le jeune homme plonge son regard dans celui de Leiline et fait un sourire timide et un petit geste de la tête. Il commence à rougir de plus belle, ce qui ne manque pas d'amuser la féline.

- Je prend ça pour un oui.

Ils finissent par sortir de l'enclos, retrouvant Péti et Cygne par la même occasion.

- Alors, ça s'est bien passé ?

"Mieux que vous !" dit Cygne, l'air pas très rassuré.

Tout à coup il ne regrettait plus le moins du monde d'avoir passé son temps à regarder Péti faire tout le boulot tout seul. Pour rien au monde il n'aurait échangé sa place avec Jarvis. Le pauvre soigneur, encore un peu blême, laissa son collègue hyperactif lui prendre la liste des mains. Péti cocha ses cases en chantonnant, pas spécialement perturbé par ce qui venait de se passer.

"Don est caractériel, aujourd'hui, il faudra surveiller ça," fut sa seule remarque. "Oui oui, à surveiller, je note. Au grand bassin maintenant !"

Tandis qu'il ouvrait la marche et que tout le monde lui emboîtait le pas, Cygne glissa à Leiline :

"Il faut être un peu fou pour faire un métier pareil, non ? Elles sont aussi grosses, les bestioles de l'épicerie ??"

Au détour du chemin apparut un vaste étang ombragé derrière un grillage. Des phoques et des otaries évoluaient avec grâce dans l'eau. Il y avait même deux morses qui se prélassaient sur la rive, non loin d'un ballon de plage abandonné.

"Oh, chic... On ne m'a pas prévenu d'amener mon maillot de bain."

La femme-chat rit intérieurement à voir Cygne pas rassurée après sa prestation avec les gros félins alors que pour elle, c’est limite une habitude avec la ménagerie de son commerce. Elle finit par répondre aux questions de Cygne avec un sourire mutin.

- Je n’ai jamais insinué que je ne suis pas folle. Pour ce qui est des créatures de l’Epicerie, tu n’imagines même pas !

Parce que – autant dire les choses comme elles sont – devoir calmer un lion, ce n’est vraiment rien par rapport à tenter de calmer un Daken ronchon. Donc oui, elles sont plus grosses, voire plus agressives.

L’équipe se dirige donc vers l’enclos des phocidés et des otaries. En les regardant joyeusement barboter dans l’eau, l’hybride ne peut s’empêcher de se dire qu’il manque tout de même cruellement de créatures aquatique dans son magasin. À part les Lanterneaux, rien de plus, même pas une monture alors que ça pourrai être amusant. Ce n’est pourtant pas ce qui manque dans les bestiaires, des créatures potentielles à ce rôle.

Arrivés sur les lieux, Lana, Péti et Jarvis se place déjà aux bord des bassins. Leiline s’approche timidement, de peur de glisser et tomber, jusqu’au moment où l’une des otaries surgit de l’eau, glisse devant l’hybride et faufile sa tête entre ses mollets. La féline a un moment de recule, mais l’animal semble totalement inoffensif dans son geste, comme ci qu’il attend quelque chose de sa part. C’est certainement la manière dont les gens du zoo les nourrissent.

Leiline regarde l’otarie, amusée et remarque que les autres espèces ont fait de même avec les soigneurs. Des chances que cet enclos soit bien plus simple que prévu s’ils sont aussi calme et conciliant.

Il était entouré par des fous. Et des otaries.

Il examina avec circonspection les quatre mammifères qui l'encerclèrent, fixant leurs yeux ronds et emplis d'espoir sur sa personne. Ordinairement leurs têtes de clowns l'auraient déridé, mais le souvenir du lion le crispait encore. Les trois soigneurs étaient tous occupés à faire leurs piqûres à leurs congénères, aussi Cygne s'efforça de faire patienter les animaux.

"Tout doux. Un moment, ça arrive..."

Il leur tapota maladroitement la tête et essaya de les tenir éloignés de son pantalon. Sa mère allait franchement se douter de quelque chose si sa lessive sale sentait la marée. Mais les otaries étaient persistantes. En quête de poissons, l'une d'elles se plaqua contre ses jambes et renifla ses poches arrière. Peu habitué à ce qu'on prête autant d'attention à ses fesses, Cygne bondit de côté avec un glapissement surpris. Il glissa aussitôt sur le bord du bassin humide et finit tête la première dans l'eau.

Quand il refit surface, les otaries saluèrent sa prestation en claquant des nageoires, poussant des cris ravis qui ressemblaient fort à des rires. Plusieurs se remirent à l'eau pour le rejoindre, et un phoque vint l'examiner de plus près. Mortifié, mais résigné, Cygne se défit de ses chaussures et de sa veste qu'il lança sur la rive.

Quand les soigneurs eurent fait le tour de tous les animaux au sec, il s'extirpa de l'eau, accompagné de sa cohorte d'otaries et même du phoque, et se tint là, dégoulinant, pendant que les professionnels s'occupaient de ses nouveaux amis en riant sous cape.

Le bond au coeur qu’à eu notre femme-chat lorsqu’elle a entendu un « plouf » plus que suspect dans le bassin de l’enclos alors qu’elle occupait l’otarie à ses pieds que Jarvis est venu vacciner. Elle remarque que Cygne n’est plus sur la rive et met s main devant s bouche ouverte.

Ne sachant pas si son collègue sait nager, elle balance entre l’inquiétude et l’envie de rire. Dès que le jeune homme a terminé la piqûre de l’animal, elle s’empresse de voir l’état de Cygne. En tout cas il a l’air d'aller plutôt bien. Leiline se met à rire.

- Tu crois que c’était le moment pour une baignade ?

Elle interpelle l’un des soigneurs d’un geste de la main.

- Je crois qu’on a besoin d’une serviette ici !

Jarvis a ramené le plus vite possible de quoi sécher le malheureux tombé à l’eau. Lana répond un air amusé.

- Il a de la chance que la journée soit terminée ! Il pourra rentrer chez lui et prendre une bonne douche. De toute façon vous revenez demain pour la suite n’est ce pas ?

- C’est ce qui était prévu en même temps, une missions sur deux jours.

Etrangement, c’est la première fois qu’elle en fait une qui s’étale sur plusieurs jours. En temps normal, ça concerne de l’escorte, du voyage. Là non …

- Nous commenceront par les primates demain, j’espère que ça vous va.

Pas vraiment dans l’esprit de l’hybride, mais ne voulant pas paraître malpolie, elle préfère garder ça pour elle.

Après avoir aidé à ranger le matériel et salué ses collègues, elle retourne à son foyer de Northrives, espérant être suffisamment reposée pour la journée qui l’attend demain.

Cygne s'enroula dans la serviette en grommelant. Les soigneurs le dispensèrent d'aider au rangement, remarquant en riant que le matériel risquait de ne pas aimer qu'il lui dégouline dessus. Cygne répondit d'un "pfff" très mature, leva dignement le nez et répliqua que puisque c'était comme ça, il rentrait chez lui. Ce qu'il fit, toujours emmitouflé dans sa serviette dans les transports en commun. Les entre-mondiens, en ayant vu d'autres, ne lui accordèrent pas la moindre attention.

Sa mère n'eut évidemment pas la même réaction en voyant l'état dans lequel il rentrait. Cygne dut prétendre être tombé dans les canaux de Northrives et qu'un bon samaritain de passage lui avait prêté de quoi se sécher. Puis il passa l'heure suivante à la convaincre que ce n'était pas la peine d'inviter son "sauveur" à dîner.

Ce qui fit qu'il se présenta le lendemain au zoo avec la serviette propre et sèche dans une main et un tupperware bien emballé dans l'autre.

"Yo la compagnie, le petit déjeuner est arrivé," proclama-t-il en pénétrant dans le bâtiment des soigneurs.

Il posa le paquet sur une table et écarta le chiffon, dévoilant une tourte aux champignons. Péti, Lana et Jarvis s'approchèrent aussitôt avec des murmures gourmands. Au moins sa mésaventure avait fait des heureux. Cygne leur laissait volontiers sa part, ces jours-ci il faisait des pieds et des mains pour manger tout sauf des champignons.

- Saleté de transport en commun, ceux de Tern sont certainement les pires.

Leiline arrive honteuse avec un peu de retard sur les lieux et remarque que tous les soigneurs sont afférés à s'empiffrer d'une tourte semble t-il amené par Cygne. Elle le remercie pour l'attention mais refuse poliment d'en prendre une part. L'hybride considère important qu'elle prenne un petit déjeuner chez elle avant une mission et ce depuis qu'Azolvya lui a dit d'être à cheval sur l'apport en nutriment pour l'utilisation de son pouvoir.

Jarvis à dit « bonjour à l'hybride »

Laissant les soigneurs à leur occupation, elle fait un rapide tour de son inventaire pour vérifier qu'il ne lui manque rien. Ses titres, son fouet en cas d'urgence et Alibert qui dort sur son épaule. Tout est en ordre. Elle s'assoie sur un banc à part pour calmer ses douleurs de dos qui ont surgit durant le trajet en train qu'elle a dû faire intégralement debout, étant blindé à cause des retards. Elle ferme les yeux pour profiter d'un moment de calme.

¤ On commence par quoi déjà aujourd'hui ? Oui, les primates … ¤

Une espèce qu'elle n'a pas eu souvent l'occasion de côtoyer, ce qui l'inquiète un peu à vrai dire puisque son manque d'expérience ne pourra pas aider en cas de pépin. Elle finit par se relever et se rendre prêt de la porte de sortie pour entamer les soins.

- Vous me dites quand vous avez finit qu'on y retourne.

Ce n'est pas sa journée et si elle peut se finir au plus vite, ça serai le mieux.

Leiline n'avait pas l'air de très bonne humeur aujourd'hui. Cygne, lui, était plutôt enthousiaste. À la fin de cette journée, il aurait enfin de quoi se racheter un lecteur de musique. Il se creusa la tête pour trouver comment rendre le sourire à la jeune femme, en vain. Il ne connaissait pas assez bien son public.

Pour finir, les soigneurs terminèrent d'assembler leur matériel. Cygne prit une valise à transporter et rejoignit Leiline à la porte.

"Tu sais, j'étais en train d'essayer de trouver une blague qui te rendrait ta bonne humeur, mais je me dis que j'aurai encore pleiiin d'occasions de me ridiculiser aujourd'hui, donc je vais rester naturel. Ça va se faire tout seul !"

Ils prirent un chemin différent de la veille. Cygne, qui n'avait pas entendu l'annonce de Lana la veille, grogna en voyant approcher la grande cage où des formes agiles sautaient d'arbre en arbre.

"Qu'est-ce que j'avais dit... Encore de la grimpette !"

Cinq minutes plus tard, il était effectivement coincé sur la fourche d'un arbre, incapable de bouger de peur de faire tomber le petit singe qui s'était niché sur sa tête pour fouiller sa tignasse.