Le bruissement d'une feuille [pv Ama]

Effectivement, elle ne venait pas d'ici. Les créatures ne viennent jamais vraiment d'ici. Songer à un nomans'land avant que nous débarquions me paraissait être une idée stupide et pourtant, à y réfléchir, à chaque fois les gens répondais qu'il venait d'au delà. Je ne connaissais pas une seule créature qui vienne de ces terres. Après tout, peut-être qu'avant les miroirs il n'y avait rien. Comme si le monde avait décidé d'attirer à lui ceux qu'il ne pouvait créer... Un peuple.
Mais cette théorie est fausse. Les scientifiques se doutent bien qu'il y a des populations au delà de notre frontière naturelle formée par la chaine de Grâce. Mais de là à y aller. Bizarrement, il n'y en a pas beaucoup qui y vont et encore moins qui reviennent. Ceux là ne vont jamais bien loin. Pas assez pour disparaitre.

Amateratsu. Ca me rappelait de vagues souvenirs, des histoires qu'on nous racontait étant jeune. Une pensée délirante, je crois qu'elle est du sort des Dieux.

-Je ne vis pas tout le temps à Tern, de temps en temps, surtout. Je vis une partie du temps sur Souen.

Et l'autre partie dehors. Ces derniers temps nous vivions chez Riku. Il n'était pas là alors nous en profitions pour s'occuper du chat et des plantes vertes. Il ne nous en voudra pas, au contraire, et ça nous permettait de le garder près de nous en quelque sorte.

-Tu es une déesse, n'est-ce pas ?

Qu'elle demande mon âge était l'indice qui me manquait. On ne demande pas son âge aussi abruptement à quelqu'un d'autre. À moins que notre culture porte l'âge dans ses moeurs d'une façon ou d'une autre, ou que l'éternité nous a appris à regarder l'avenir avec tristesse et le passé avec indifférence. L'oubli valait le détour.

-J'ai vingt ans. Je ne te demanderai pas ton âge; ça n'a plus vraiment d'importance de compter le temps quand il n'y a aucune échéance à prévoir.

Au bout de combien d'année l'âge devient une donnée comme une autre qu'on note avec indifférence sur les formulaires de l'administration ? 1000 ans ? 5000 ans ? Déjà qu'au bout de plusieurs siècles, le poids du nombre ferait plier la moitié des créatures qui vivent en ce monde, les dépasser... Mon imagination avait ses limites. Je n'en avais strictement aucune idée.

Ama écouta tous ce que l'homme avait à dire en aquiessant. Il avait mit le doigt sur sa nature, c'était impressionnant. Les gens pensaient rarement qu'elle était une déesse. Les vraies divinités, les majeures, on en voyait assez peu. Des esprits, des êtres d'ascendant divin, il y en avait. Mais des dieux, ceux qu'on représentait toujours sur un petit nuage, c'était plus rare. Aussi Ama s'était-elle habituée à être prise pour une louve-garou ou un esprit. A la remarque de Nozomi sur son âge, la déesse laissa échapper un petit rire.

-Vingt ans... Si on ne se fie qu'à mon visage, moi aussi j'ai la vingtaine.-

Ama laissa un silence s'installer. Seul résonnait le vent et le bruit de leur pas.

-Je me demande pourquoi tu peux bien penser que l'âge n'a pas d'importance pour moi. Je continue de compter. Ce n'est pas très précis comme compte mais je garde mon âge en tête. C'est important. J'ai un peu plus de deux cent ans...C'est relativement jeune.-

Un sourire en coin éclaira son visage. Pour les siens, oui, c'était jeune. Pour un homme à l'espérence de vie moyenne, c'était deux fois trop. La déesse soupirai parfois de l'eternité qui l'attendait encore mais c'était le soupir d'une jeune femme de 23 ans qui attendait ses 50 ans. Le temps passait différement pour elle. Heureusement, sinon elle aurait tournée folle depuis longtemps. Le soleil déclinait à présent de façon très nette. Il allait faire nuit et les animaux commenceraient à sortir. Les chasseurs allait partir traquer leur proie.
La jeune femme se demanda alors si Nozomi n'était pas un peu loin de chez lui. Le village le plus proche était loin si l'on prenait la route et la nuit tombait vite en campagne.

-Où vas-tu passer ta nuit ? Il va bientôt être l'heure des loups, as-tu un endroits où dormir qui ne soit pas trop éloigné?-

Amateratsu avait déjà vu des hommes dormir au creux d'un arbre. En général leur nuit était courte et agitée car l'homme se méfie de la forêt et pour de bonnes raisons. Le jeune homme de Souen avait peut-être un instrument magique mais cela ne l'empêcherait pas de passer une meilleure nuit dans une vraie chambre avec un vrai lit.

-Réponds d'abord à ma question.

Je m'arrêtais de marcher pour lui faire face, affichant un léger sourire qui n'était pas tout à fait remonté jusqu'à mes yeux.

-Si l'âge à de l'importe pour toi, à quoi te sert de savoir à combien d'années tu en es ?

Je m'abstenais de lui proposer un syllogisme, je voulais entendre sa réponse. Et puis... Mon sourire glissa avec moi quand je levais le nez au ciel. C'est vrai que le soleil était déjà sur le point de se coucher. La nuit serait fraiche et je ne sentais dans l'air aucune humidité annonçant la pluie. Je pourrais bien dormir à la belle étoile, quelque part dans un arbre. Mais, depuis que nous sommes dans l'Entre-Monde, je n'ai jamais eu vraiment confiance en la nature... Combien de monstres cache-t-elle encore ? La question dissimulant elle-même l'ampleur de ce monde que les scientifique de Tern ne cessent d'analyser sans jamais rien y trouver.

-La ville n'est pas si loin, je serais rentré avant qu'il ne soit minuit.

Mais pour cela j'aurais dû partir de suite. Ce n'était pas vraiment dans mes intentions. Je n'avais pas envie de retourner en ville pour le moment. Même Souen, ou Ciel ne m'attirait pas. J'étais engourdi, engourdi de calme et de tranquilité. J'espérais que cela continue.
De cette façon, je me remis en marche. La tête descendue sur le sol, je respirais la poussière de cette chaude journée suspendue dans l'air et le son à mes côtés du pas clair de la déesse.

Amateratsu fut un peu déstabilisée par la question: Pourquoi elle comptait les années ? Ca parraissait évident. Pourquoi les comptait-il, lui ? Et bien pour la même raison qu'elle.

-Les êtres conscient ont conscience de leur finitude, qu'il leur faudra mourir un jour ou l'autre. Ca les pousse à compter le temps qu'il vive. Et l'âge reflète aussi certains stades de la vie: un enfant de six ans sera toujours plus savant qu'un enfant de trois ans car il aura vécu plus de choses. pourtant les deux sont des enfants. Si je compte les années, c'est pour la même raison que les hommes comptent les leurs. Je ne suis pas immortelle, juste atemporelle. Si je prend un glaive en plein coeur, je meurs aussi sûrement que toi...Sauf si ta peau est de métal.-

La jeune femme ne se voyait pas très différente des hommes sur le plan du temps. Elle devrait compter plus longtemps, certe, mais le temps marquait aussi pour elle des stades de sa vie. Etait-ce si difficile à comprendre ?

-Est-ce que je parrais si éloignée du reste du monde ?-

Une sorte de frustration monta en elle: en quoi était-elle si différente des autres créatures ? Etait-ce d'être une déesse qui lui vallait d'être ainsi mise à l'écart ? Incapable de supporter la ville et incapable de s'attirer l'amitié des autres créatures par sa nature...Cela voulait-il dire qu'elle qu'elle était condamnée à restée seule dans la forêt, dans ce monde qu'elle devait découvrir seule et qu'elle n'aimait pas ? Elle se rendait bien compte qu'en restant dans les bois elle ne pouvait pas croiser beaucoup de gens mais les fois où elle avait voulu se mêler aux autres, tenter d'aider ou de s'intergrer, on la regardait avec tout sauf de l'amitié. Alors elle ne se sentait pas à l'aise, elle n'avait pas sa place là où elle était et finissait toujours pas retourner d'où elle venait. Elle passait plus de temps en louve qu'en humaine et même sous forme animale elle n'avait personne pour l'accompagner. Et les jours passaient, s'égrainant dans la même monotonie, se ressemblant tous. Et elle avait finit par ne plus se demander ce qui pouvait clocher et par accepter en déplorant de temps à autre sa situation. Les règles de ce monde l'effrayaient et elle ne comprenait pas comment s'y prendre. alors autant se cacher et sombrer dans l'oubli de l'ombre des bois.

-J'aurais peut-être mieux fait de me faire tuer avec mes frères...- marmonna-t-elle sans se rendre compte.

On a beau avoir 200 ans, la solitude peut rendre amer au point de regretter de vivre. N'oubliant pas de quoi ils étaient en train de parler, la déesse s'adressa à Nozomi sur un ton égal, dépourvu d'émotions, ravalant ses pensées.

-Si tu ne sais pas où dormir avant la nuit, je peux t'offrir un abris. Mais il faudra se mettre en route maintenant.-

Elle n'avait jamais acceuillit personne chez elle. Elle ne croisait pas grand monde au couché du soleil non plus, il fallait dire. Avec ses pensées mornes en arrière plan, elle leva ses yeux habituellement si pétillants vers le jeune homme. Elle ne savait pas ce qu'il était mais il ne devait pas comprendre qu'une simple question d'âge puisse la plonger dans un abyme de réfléxion plutôt sombre. Inutile de le lui expliquer.

[mon rp est court, j'espère que ça suffira. Si ça manque d'idées préviens moi je reprendrai mon post quand j'aurais la tête à ça]


-J'ai peut-être eu tort.

Je baissais les yeux, sur l'herbe et la mousse qui s'enfonçait, s'écrasait sous nos pas. Je n'étais pas aussi léger que Amateratsu, pas aussi agile que les renards et les loups qui trainent dans les parages. Mes chaussures s'enfonçaient dans le sol couvert avec un léger frottement, comme on piétinerait de la neige solidifiée par le temps.
Mon regard s'attrista un peu, je me refermais un peu. Je m'étais emporté. Une chose qui n'était pas dans mes habitudes. Je crois que je trainais un peu les pattes... Parce que son invitation m'était passée à des années lumières au dessus de la tête et que je n'étais pas sourd, loin de là.

-Je ne sais pas à quoi te servirais de mourir, si ce n'est tout arrêter. Déesse ou non, la mort est la même pour tous. Je ne sais pas ce que tu trouverais de l'autre côté et je doute que ça en vaille la peine face à ce qu'on trouve ici en vivant.

Pour marquer le coup, j'inspirais longuement, ma poitrine se soulevant au rythme de cette bouffée d'air. J'expirais et tentais un sourire chaleureux. Parce que Riku me reproche tout le temps de paraitre déprimé ou indifférent.

-J'ai faim, pas toi ?

Je l'aurais bien invité à manger un morceau quelque part, même chez moi, ou chez Riku absent... Mais nous étions loin de la ville et en forêt à part du gibier et des fruits... Je ne cracherai pas dessus non plus, mais c'était un vrai repas dont j'avais besoin pas d'un pique nique après une chasse.

La jeune femme fit comme si elle n'avait pas entendu. Déjà parce que les paroles qu'elle avait prononcé n'étaient pas, à l'origine, faites pour être entendus. Ensuite parce que la mort dont il parlait ressemblait au suicide et celle à laquelle elle pensait était un sacrifice. Elle aurait dut rester en arrière et faire passer d'autres, plus jeunes ou plus expérimentés qu'elle. En couvrant leurs arrières, elle n'aurait pas eu le temps de traverser et serait surement morte dans l'embuscade mais au moins, elle aurait donné sa vie pour que d'autres vivent. Mais elle était restée en vie et personne ne l'avait suivit, les survivants se faisant happer par les chasseurs au dernier moment. Ama n'était pas sur que Nozomi puisse comprendre la dernière représentante d'une race, perdue dans un monde inconnue et trop lâche ou trop fière pour demander de l'aide et sortir de son trou.

*Preuve en est maintenant faite que je suis bien la seule à pouvoir penser ce que je pense. Et au fond, c'est plutôt rassurant...Penser à la mort n'est pas une occupation très saine.* se dit-elle avec une sorte d'ironie.

Revenant à la réalité, la question basement terre à terre du jeune homme la prit un peu de court. Elle le regarda du coin de l'oeil et sa première réponse fut:

-Euh...-

On lui demandait si elle avait faim et elle répondait "euh" ? Vraiment lamentable... Mais c'était une bonne question, elle permettait de sortir un peu du mélodrame dans lequel la jeune femme s'enfermait toute seule et dont elle avait, en plus, conscience et ça lui rappelait qu'il commençait à se faire tard. Place donc aux besoins biologiques et à la poubelle les questions métaphysiques.

-Je crois, oui. Mais je ne sais pas ce que tu as l'habitude de manger...Moi je chasse en général mais je pense que tu n'aimerai pas voir comment je mange. Je ne sais pas trop quoi t'offrir et il n'y a pas d'habitation assez proche pour qu'on arrive à l'heure du repas.-

La déesse s'imaginait la tête dégoutée du jeune homme s'il la voyait sous forme lupine en train de fouiller les tripes d'un animal mort et encore chaud. C'était un spéctacle fascinant que de voir un loup manger. Mais quand ce même loup devient une jeune femme une heure après, ça pert tout son charme.
Ama s'étonna un peu de ressentir de la gène: être louve c'était comme être humaine à ses yeux. Elle avait toujours été ainsi et c'était son essence, sa nature. Elle ne pouvait pas avoir honte. Mais devant Nozomi, ça devenait un peu gênant. Et en plus, elle n'était même pas capable de lui offrir un dîner correct... Elle faisait rarement ses courses au supermarché du coin, soit dit en passant.

-Et bien je ne mangerai pas. J'attendrais de rentrer en ville.

Un vrai rat des villes. Un an plus tôt j'aurais tout simplement pris ma flûte pour partir en quête d'un petit animal assez gras pour faire un bon repas. Mais la vie hors de la ville, le travail de mercenaire m'avait lassé et puis, ce n'est pas un exemple à donner à son petit frère. J'avais rengainé mon arme pour la mettre au service d'une institution légitime... Et aujourd'hui j'avais faim. Rien de plus normal pour un homme.
Un léger sourire et j'inspirais l'odeur de la nuit qui s'installait sur nous. Elle rapportait de loin l'odeur de l'eau qui rafraichit d'un lac ou un étang, quelques insectes avaient commencé leur étrange parade nocturne. Les oiseaux diurnes cédaient peu à peu la place à des créatures de la nuit et quelques regards nouveaux se posaient sur la forêt.

-Tu m'as l'air très semblable aux humains. Et pourtant... Tu chasses ? Es-tu un genre de créature qui vit proche de la nature ou... Peut-être que tu appartiens à cette nature comme ce hibou qui nous observe ?

Je levais le doigt vers un oiseau dont seul les yeux se détachaient de son étrange camouflage. Ses plumes étaient si bien assorties au tronc de l'arbre sur lequel il s'était perché que s'en était presque comique. On aurait dit que l'arbre avait des yeux.
L'oiseau en question me repéra et me fixa comme un malotrus qui se permet de le pointer du doigt. Je dois avouer que c'est vrai, je ne suis pas très poli en agissant ainsi mais comment aurais-je pu montrer cet oiseau sympathique sans le présenter ? Peut-être que c'est un membre de Li ? Je pointe du doigt un agent camouflé en pleine mission d'espionnage ? Riku va devoir ranger sa collection de films policiers avant qu'elle ne me fasse fondre le cerveau.
Mon sourire s'élargit à ces quelques pensées et je doutais qu'elle comprenne la source de ma bonne humeur si soudaine.

Ama regarda l'oiseau que désignait Nozomi et ne put retenir un large sourire en voyant l'air parfaitement indigné de l'animal. Les chouettes ont toujours un air si outré quand elle vous regarde...Comme si le fait de poser les yeux sur elles constituait un affront terrible. Avec un rire la déesse fit remarquer au jeune homme:

-Il te regarde de travers, tu as du le vexer. Un mot d'excuse et un bouquet de fleur me semblent appropriés.-

Amateratsu ne savait pas si c'était ses paroles ou une autre pensée qui faisait sourire son interlocuteur mais elle devait admettre que ce sourire dégageait un charme particulier. Revenant sur la remarque qu'il avait fait, elle se dit qu'il valait peut-être mieux lui montrer. Il était très proche de la vérité. Il avait mit le doigt dessus pour être exact et la jeune femme corrigea même:

-Je n'appartiens pas à la nature, je suis la nature.-

Et sans plus d'explications, elle se transformat. Ses contours devinrent flous, ses yeux se cernèrent de noir et ses iris prirent une teinte dorée que seuls les fauves ont. Elle rétrécit et bientôt une louve plus blanche que la neige tint compagnie à Nozomi. la déesse espérait juste qu'il n'allait pas changer son regard sur elle. C'était si facile de voir quelqu'un différement après qu'il ai changé de forme.
L'animal immaculé s'assit sur son derrière et se mit à battre doucement de la queue. Des marques rouges parcouraient tout son corps mais celles de sa tête étaient en tout point pareilles à celle d'Ama sous sa forme humaine. Braquant ses yeux d'or sur Nozomi, la louve respira son parfum en avançant légèrement le museau. Son odorat était désormais cent fois plus développé et même contre le vent, elle pourrait sentir le jeune homme à plus de deux cent mètres. Il sentait relativement bon si on oubliait le relent de la ville. N'attendant pas qu'il lui demande si elle pouvait parler, elle lui demanda:

-Cela te choque de me voir sous cette forme ? Si je chasse, tu imagines bien que c'est dans ce corps que je le fais. Je peux te ramener de quoi manger si tu fais du feu.-

Finalement, la gêne qu'elle ressentait à l'idée de se montrer dans sa peau de louve s'était dissipée. Elle était ce qu'elle était après tout et rien n'y changerait. Il était inutile de se sentir mal à l'aise simplement parce que l'on pouvait courir sur quatre pattes. Et sa forme lupine avait bien des avantages: elle pouvait courir beaucoup plus vite, ses mâchoirs étaient capables de broyer les os et sa vision nocturne était parfaite. Rien de mieux que d'être un loup. Même si cetaines choses agréables à la seule portée des hommes lui étaient interdites.

Un loup. Un loup s'était transformé devant moi, comme si chaque poils, chaque griffe était plus naturel que tout ce qui nous entourait. Je ne sais pas, à l'entendre dire qu'elle était la nature, je m'attendais à ce qu'elle prenne la forme d'un arbre ou qu'elle fasse pousser des fleurs carnivores géantes (bien que ce domaine soit déjà celui d'un maitre particulièrement caractériel). Mais devant moi j'avais un loup qui semblait tout sauf naturel, blanc de la tête aux pattes, des marques rouges sillonnant sa fourrure et un regard brillant comme des perles reflétant les rayons raz du soleil couché.

Être dévisagé par une louve n'était pas foncièrement dérangeant, c'était le mal aise que je ressentais au creux du ventre qui me fit détourner les yeux. Je n'avais rien contre elle, rien contre le loup, rien contre toute forme de magie. J'avais en moi quelque chose qui me dérangeait sur la nature même de la déesse, quelque chose que je ressentais bien plus intensément maintenant qu'un quart d'heure avant. C'était le sang de titan qui affluait dans mes veines, un acide latent qui me brûlait à l'intérieur. Comme un feu naissant.

-Une vraie déesse, murmurais-je le regard éteint.

Secouant légèrement la tête, je revins à moi, mis au silence cette minuscule douleur qui me pinçait le coeur et tentais un faible sourire.

-Je vais ramasser du bois. Bonne chasse.

Sans attendre, je m'avançais sous le couvert des arbres en quête de petit bois en assez grande quantité pour faire cuir de la viande fraiche.

La louve pencha la tête sur le côté, intriguée par un changement dans la voix de Nozomi. Elle avait toujours eu du mal à voir les pensées et les émotions chez les gens et vue d'en bas c'était encore plus dur. Etait-il choqué ? Déçu ? Dégouté ? Elle ne savait pas vraiment mais n'était pas certaine de vouloir le savoir. Dans tous les cas elle ne faisait pas très bonne impression. Un peu déçue, elle trotta vers le bois, dépassant le jeune homme et s'enfonçant dans l'ombre sans un regard. Son trot silencieux à travers les troncs la porta assez loin dans les bois. A chaque pas elle sentait le sol s'enfoncer légèrement, le flux vital des arbres tout autour et dans la terre, courant de la pointe des racines jusqu'aux feuilles, une perception exceptionnelle de toute la flore qui l'avait dérouté pendant de nombreuses années mais qu'elle pouvait maintenant maîtriser sans en être le jouet. A quelques mètres sur la gauche, un animal de petite taille est en train de cueillir des baies, au-dessus de sa tête, plusieurs feuilles sont en train de mourir et ne vont pas tarder à se cécrocher de leur branche, à 100 mètres devant, une étendue herbeuse et plusieurs animaux sont en train de brouter. C'était exactement ce qu'Ama voulait savoir. Elle rentra la tête dans les épaules et avança avec prudence. La clairière qu'elle avait sentie était plus petite que prévue mais elle perçut du mouvement dans les herbes. Ce devait être du petit gibier et si ça grignotait de l'herbe, c'était surement des lapins. Levant le museau, elle huma l'air du soir: l'odeur forte des terriers lui confirma bien la présence des rongeurs aux longues oreilles dans les parages. Avec milles précausions, la déesse s'avança parmis les hautes herbes. Un bruissment à sa droite la fit se figer. Ses prunelles dorées fouillèrent les lieux et au second bruissement elle se ramassa sur elle-même et bondit. Le jeune lapin avait été trop étourdit et ne l'avait même par remarqué, trop occupé à dévorer une botte de pissenlits. La louve retomba sur le petit corps tétanisé par la surprise et avant qu'il ne puisse comprendre, elle saisit son cou entre ses mâchoires et brisa ses vertèbres dans un craquement sinistre. Le jeune était déjà de belle taille et Ama était certaine de s'être fait repérée. Elle ne chercha pas à chasser un autre lapin. Sa proie entre les crocs, elle repartit vers l'orée du bois. Une odeur de bois brûlé l'attira vers le lieu où devait se trouver Nozomi. Elle ralentit, une peu incertaine. Il avait eu une réaction plutôt étrange avant qu'ils ne se quittent et elle n'était pas sure de vouloir l'entendre de nouveau avec le ton qu'il avait eu. Mais elle avait promit de ramener de quoi dîner. Elle sortit du couvert des arbres, le lapin dans la gueule, la tête basse, comme un animal méfiant.
La déesse déposa le gibier près du feu et s'alongea à côté. Elle n'était pas fatiguée mais la chaleur des flammes sur son ventre était appréciable. Elle ne souhaita pas vérifier dans le regard du jeune homme ce qu'il pouvait penser d'elle aussi se contente-t-elle se poser son museau sur ses pattes avant avec un soupir.