Re: Besoin de discuter [Pv Genichi Rei]

J'observais l'homme, silencieux, écoutant son discours accompagné d'un rire. Cette personne me faisait penser par certains aspects à mes anciens maîtres, des gens arrogants qui pensaient pouvoir tout contrôler et que les personnes qui se tenaient face à eux n'étaient bon qu'à être des esclaves leur devant obéissance. Je me trompais peut être, après tout j'étais en face d'un maître du miroir qui discutait avec un assassin, il était logique qu'il n'accorde que dédain à ce type de personnage. De plus, ce n'est pas comme si je recherchais une reconnaissance ou quoique ce soit. C'était triste à dire mais depuis le départ mon objectif a toujours été de survivre.

Mon discours devait lui paraître obscur, ça se voyait à ses réactions, à tel point que cela ne m'aurait guère étonné qu'il se moque silencieusement de moi. Grand bien lui en fasse dans ce cas, si c'est qu'il pensait, soit. J'étais un mercenaire, les grands discours n'étaient pas de mon ressort. Je laissais cette tâche à d'autres personnes qui prenaient visiblement plus de plaisir à jouer avec les mots. Je me demandais juste brièvement s'il n'avait toujours pas compris que mon discours n'était là que pour jauger la personne qui se tenait face à moi tout en analysant la situation.

Je n'avais pas menti en disant que je me moquais des dessous de l'affaire. Ez voulait mener une rébellion avec les pieuvres mutantes de la baie pour s'emparer de la ville? Et bien c'était son droit, moi tout ce que je voyais en ce moment c'était une personne qui visiblement n'aurait pas du être là et un commanditaire disparu. Plutôt moyen quand on était mercenaire. Alors bon si me prendre de haut l'amusait, pourquoi pas. Pour avoir subi ça durant des années, ce n'étaient pas quelques minutes qui allaient me tuer.

« Je me demande dans tous les cas si un mercenaire peut vraiment se prétendre honnête même sous le couvert de la lois... »

Phrase inutile je le savais et je le regardais alors remonter ses manches avant de s'avancer vers moi. Méfiant, je me préparais à réagir à la moindre tentative d'attaque. Mais je restais néanmoins stoïque, sachant pertinemment que dans certaines situations il valait mieux attendre pour se préparer au pire...

« Je ne suis pas quelqu'un de très doué dans les discours comme vous avez pu sûrement le constater... »

Un vent léger souffla dans le dos de l'homme venant me rafraichir le visage dans une douce caresse. Les lieux autour de nous étaient maintenant désert et seul le vent se faisait entendre. Un ballot de paille passerait par là que je n'aurais même pas été étonné. Mais si je pouvais éviter la scène du vieux western en ce moment présent, je n'allais pas m'en plaindre.

« Ez m'avait dit de rencontrer un homme après la mission qu'il m'avait confié. Je me demande qui devait être cet homme en question...»

Un moment de flottement, il pouvait bien s'agir de ce maître en y réfléchissant, bien que cela aurait été plutôt ironique au vu de la scène.

« Vous voulez me juger ou me jauger comme l'a fait Ez? Je vous en prie. Mais même si ça n'en a pas l'air, jusqu'à présent je n'ai raté aucune de mes missions, ce qui ne veut pas dire grand chose au final je le sais bien... »

Je me rappelais alors amusé la remarque de Ez. Il est vrai que j'avais tué plus de gardes méconnus que de grande personnalités, mais je n'en étais pas pour autant malhabile pour m'occuper des affaires plus grosses. J'avouais par contre avoir fait quelques erreurs sur la dernière visiblement. Mais pour ça je verrai en temps voulu, ne manquait plus qu'à savoir ce que répondrait mon interlocuteur.

Là…
Exactement à cet instant, une lueur d’intérêt fit étinceler l’électricité de ses yeux.
Un mercenaire pouvait-il se prétendre honnête homme ?

C’était fascinant de voir ce calamiteux personnage cacher sa personnalité, ses pensées, ses réactions, derrière un stoïcisme total et sans faille. Pourtant la thèse soulevée avait quelque chose de… Personnel. Comme une amertume, comme si le tchen voulait affirmer qu’il valait plus que ce qu’on voyait de lui.

Or comme c’était la première fois, depuis le début, que ses mots semblaient prendre racines au fond de son cœur… Fredric se prit à y croire, à croire à la sincérité de ces paroles. Ow bien sûr il laissait un semblant de doute persister, mais c’était plus par méfiance naturelle que parce qu’il y croyait vraiment.
Et puis Ryner admit que les discours, ça n’était pas son fort. Sa maladresse d’expression était presque amusante.

En bref, un homme d’action : un mercenaire.
Ils n’étaient pas payés pour être de grands orateurs.

Retour à Ez, alors qu’un vent léger les balayait. D’une main, il repoussa ses cheveux qui lui tombaient dans les yeux. L’homme en question, là, c’était plus délicat… Ez avait été comme un pantin en roue libre. Il avait agis sans base de résonnement tangible. Si bien que ses actes, pour beaucoup, manquaient de logique et de sens.
Du reste il se souvenait de l’échange qu’avait eu Ryner avec le prétorien.
Il avait déjà eu un aperçu des capacités de l’assassin.

Je suppose qu’Ez parlait de moi, quant à l’homme que vous deviez rencontrer.

Aller op, au moins ils avançaient.
L’introduction de termes permettant le doute lui assurait une certaine distance entre lui et cette histoire. Comme mêlé contre son propre gré. Ca se tenait.

Je ne m’intéresse pas au mercenaire, mais à l’être qui se trouve dedans.

Il fallait que le tchen comprenne qu’il ne le jugeait qu’en partie.
Qu’il jugeait le contenant, mais pas le contenu qui lui demeurait étranger.

Calmement, il regagna le banc et y prit place avec un soupir.
Comme un vieil homme resté trop longtemps debout…

Je ne ferais rien pour le hors-la-loi.
Mais pour l’honnête homme…

Son regard vif se posa à nouveau sur Ryner. Un sourire rassurant et plein d’énigmes aux lèvres.
Pour l’honnête homme, peut-être bien…

Un changement presque imperceptible dans l'expression du maître me fit comprendre que j'avais réussi à éveiller un temps soit peu son intérêt. Ce n'était pas plus mal, j'avais presque fini par croire que la palabre allait rester au point mort et commencer à avancer dans les propos étaient presque rassurant. Maintenant qu'ils cessaient les phrases énigmatiques, la situation se diluait un peu pour aller directement à des questions plus importantes.

« Oui il est fort probable que cet homme puisse être vous. »

Une confirmation à demi-mots? Je ne savais trop, cette question n'avait que peu d'importance. Les faits étaient là, je discutais en présence d'un maître du miroir qui me jaugeait, autant ne pas le décevoir après avoir commencé à révéler un peu de mon caractère.

« Vous voulez connaître l'être à l'intérieur? L'honnête homme et bien soit... »

Je reculais de quelques pas pour prendre place à nouveau sur le banc, une sensation froide m'envahissant avec la brise qui soufflait de plus en plus en fort, une sensation pourtant rassurante quand on était un être né des ténèbres.

« On va essayer d'être succinct alors. Je ne me rappelle pas mon enfance ni ne connais mon réel nom, j'ai été recueilli par le Styx alors que je n'étais encore qu'un enfant pour les servir. Mais quand je parle de servir il s'agissait plutôt d'asservissement. »

Un court temps de pose pour rassembler les souvenirs et construire mon propos et je reprends alors ma phrase.

« La suite et bien, elle est plutôt simple, hypnose, lobotomisation, parfois torture pour transformer des personnes dont on a volé leur vie pour en faire des fières poupées aux ordres de l'organisation. Organisation que vous devez connaître et vous devez vous douter qu'elle ne fait pas dans la vente de peluches. »

Oui, le Styx, une organisation mafieuse cruellement connue dans Magna pour agir avec violence quand il le fallait, n'hésitant pas à faire appel à ses fantômes pour s'acquitter des tâches les plus sanglantes. Des mafieux qui portaient bien leur nom en ayant pris pour nom un des fleuves des enfers.

« J'ai fini par quitter cette organisation, sans leur accord s'entend, ils étaient un peu collant au début mais j'ai réussi à les éviter jusque là. J'avoue ne pas savoir ce qu'est se comporter comme une personne normale, parfois je ne comprends pas des actes qui paraissent pourtant normaux aux yeux des autres. »

Rien d'étonnant quand on ne connaissait que pour seul lieu de vie un immense immeuble et des salles d'entrainements, quand ce n'était pas pire... Mais je supposais que je pouvais m'avouer heureux, avec le temps j'avais fini par m'imprégner un peu plus de cette société qui m'était jusque là inconnue, m'amenant à me poser des questions que je ne me serai jamais posées par le passé.

« Malheureusement je me vois difficilement faire un autre métier que mercenaire. Je suis là avec ces notions si compliquées que sont le bien et le mal. Mon but par le passé était seulement de survivre, maintenant il est de survivre et de pouvoir avancer. Je me demande seulement si c'est possible. »

Il voulait de l’honnêteté? Et bien il était servi, il avait en face de lui une ancienne poupée brisée qui essayait de trouver sa place dans un monde étranger. Non pas que je me plaignais de ma condition, mais je devais avouer que ces notions de sentiments me paraissent assez obscures. Je sais rire, m'amuser, ressentir la colère. Mais suis je capable d'aimer? De ressentir la tristesse ou bien la culpabilité. Est-il normal de pouvoir appuyer sur une gâchette sans ne rien ressentir, comme un geste vide de sens? Quelques unes de ces questions que je me posais dorénavant et dont je voulais trouver un sens.

« J'espère que j'ai assez bien résumer ma pitoyable vie. »

Léger sourire en regardant l'homme. Pitoyable était bien le mot, en tout cas pour la plupart des gens qui faisaient ce monde. Pour autant je ne voulais pas de pitié, ce sentiment que je trouvais déplacé et qui ressemblait fort à s'y méprendre à de la condescendance.

Fort probable…

Donc en réalité…
Ryner tournait autour du pot depuis une dizaine de minutes, alors qu’au final il aurait dû supposer dès le début que lui, « Rei », était celui qu’il devait rencontrer. D’après les dires d’Ez.
Le tchen n’était pas un spécialiste des discours, ni des raisonnements. A l’évidence l’intellect n’était pas son atout premier…

Enfin bref.
Donc, l’honnête homme.
Un enfant asservi par le Styx. Soumis, dressé.
Le Styx : des mafieux vendant des jouets et versés dans le crime.
Magna était trop minuscule pour qu’il puisse considérer cette organisation comme un adversaire. Il savait déjà où se trouvait son adversaire… Ou du moins qui ils étaient. Ce qui était cependant curieux, c’était qu’un être formaté ait réussi à quitter le Styx.

Le bien et le mal…

Pitoyable vie.
Il se plaisait dans l’auto-mépris ?

Sa vie n’avait rien de particulière : tous les assassins du Styx avaient la même. Sauf qu’en général ils demeuraient à leurs places. Mais en dehors de ça, il n’était pas particulièrement original. Les assassins l’étaient rarement. Tout le monde ne pouvait pas être unique.

Avancer certes, mais que comptez-vous atteindre ?

Il était le genre d’assassin qui avait quelque chose à dépasser pour pouvoir évoluer. Notamment son appartenance au Styx…

Ca faisait de lui une poupée, une marionnette. Un jouet.
Pour l’instant il n’avait, au final, rien d’un honnête homme.
Ou du moins d’un homme intéressant.

« Ce que je compte atteindre? »

Étrange question que voila, il me paraissait pourtant évident qu'on pouvait deviner dès à présent ce que je souhaitais. Je regardais l'homme, l'air impassible et prononça ces mots sur un ton dénué d'intonation, d'un froid presque glacial.

« Ce que je compte atteindre? Et bien si je veux pouvoir avancer sans trainer les casseroles du passé la réponse est plutôt simple, je veux annihiler le Styx... »

Aucun sentiment n'émanait de mon visage, pourtant mon regard reflétait ce brasier ardent qui souhaitait plus que tout réduire en cendre cette organisation. Ma vie avait été volé pour leurs jeux malsains, j'aurai pu continuer cette vie vide de sens mais j'avais à la place décidé de fuir et je devais donc en assumer les conséquences. Si ce n'était pas moi qui les détruisais, il n'y avait aucun doute pour qu'ils y parviennent quelque soit le temps à passer.

« Après ce sera la première étape pour essayer de m'intégrer un peu dans cette société en essayant de faire office de repenti, si c'est une option qui m'est toujours permise. »

J'avais commis beaucoup de crimes par le passé, mais la plupart était surtout de se débarrasser de la vermine. Les objectifs étaient donc plutôt simple. Premièrement survivre, deuxièmement détruire le Styx pour effacer le passé et en dernier essayer de s'intégrer dans la société. Je ne disais pas que ça sera facile, mais si je n'essayais pas je ne pourrais jamais savoir. Puis au vu de mes aptitudes, une reconversion en mercenaire un peu plus "honnêtes" restait toujours probable.

L’assassin répéta sa question.
Deux fois.

C’était si choquant que ça de demander ?
Innocemment, Fredric laissa errer ses yeux électriques autour d’eux, sur les pâles architectures antiques. Ryner avait parlé du passé, d’accord. Mais les choses à venir étaient importantes également non ? Elle l’était même plus que son misérable passé. Car, pour une fois dans sa vie, la chance allait peut-être lui sourire.
Du moins à sa façon à lui…

Annihiler.

Son sourire se fit léger, lointain.
Il n’aimait pas ce mot…
Un homme contre toute une organisation.

L’espoir de vous racheter une conscience…

Il se tue.
Une longue minute.
L’espoir paralysait. On attendait après quelque chose qui n’arrivait jamais. Au final, on ne dépassait jamais rien.
Ils espéraient : miracle, guérison, vengeance…

Il fallait plus que ça pour avancer : il fallait prendre des risques.

Fredric se décida à se lever, s’éloigna à nouveau de quelques pas.
Un semblant de lien entre le tchen et lui : cette confidence que Ryner venait de faire. Ca ne les rapprochait pas réellement, mais… Cela créé une certaine… Intimité peut-être. Ou juste un peu de confiance.

Quoiqu’il en soit, ça n’était plus « rien ».

L’homme croisa ses bras sur sa poitrine, leva le menton pour regarder le ciel.

Et si pour vous vengez, il fallait d’abord évoluer ?

Le ciel ne répondit pas à ce murmure.
Il n’attendait pas vraiment de réponse…
Un sourire désabusé passa sur ses lèvres, il fit volte-face vers Ryner.

Je crains de ne vous être d’aucune aide.

Il doutait de pouvoir supporter d’aider quelqu’un… Aider quelqu’un sorti d’un de ces miroirs… Oh un sacrifice pareil lui rapportant quelque chose, pourquoi pas. Mais là, il n’avait rien à gagner. Rien du tout.

Mais tout à perdre.
Toute sa fierté.

Un moment de silence s'installa, le maître laissant vagabonder son esprit en admirant furtivement les bâtisses alentours et je me demandais à quoi il pouvait bien penser. Maintenant que je lui avais révélé mon passé et mes ambitions, il ne manquait plus qu'à voir sa réaction et j'écoutais alors la remarque de l'homme, légèrement interrogateur.

« Evoluer... Ce terme est assez flou, évoluer dans quel sens? »

Le mot annonçait peut être d'évoluer en tant qu'être et ne plus penser au Styx, mais cela contredisait le début de la phrase qui parlait de vengeance. Peut être parlait-il de statut, de pouvoir, d'informations ou que ne savais je encore, mais la phrase restait tout de même assez flou sortie ainsi.

Puis la vint la seconde phrase, plus dérangeante. Ainsi il ne pouvait lui apporter aucune aide, au final il aurait dû s'y attendre. Ce qui le gênait maintenant c'est qu'il n'avait toujours aucun lien avec Ez si c'est homme n'était pas disposé à jouer ce rôle.

« Je vois, d'un autre côté cela aurait été assez étonnant. »

Léger sourire, ça devait donc finir ainsi et je me levais alors de mon banc. Il y avait fort à parier que la discussion allait bientôt finir si je me trompais pas.

« Je suppose que je ne vous suis d'aucune utilité même si je vous proposais mes services. Guère étonnant pour un maître du miroir. »

Je restais alors planté au milieu de la petite place, l'air pensif, l'air de me dire "Et maintenant?"

Ses divagations intéressaient-elles l’assassin ?
Il haussa les sourcils, calmement surpris.

Enfin son refus amena un sourire sur les lèvres de l’assassin.
Longuement, Fredric se permit de réfléchir à ces dernières secondes.

Faire le point… Il était dans l’Entre-Monde, seul.
Il ne possédait rien. Il savait une quantité de choses surréalistes, mais dans l’immédiat ce savoir n’avait pas d’importance. Il était dans la peau de Rei, maître de Touen. Tout en étant ce qu’il était réellement.

Lui.

Faire une offre au tchen le rebutait.
Mais si c’était Ryner qui voulait se mettre à son service…

Les services d’un tueur du Styx en quête de vengeance ?

Son regard se vrilla dans les prunelles de l’assassin.
L’air de dire : tu leur appartiens toujours.
C’était cette évolution dont il avait parlé. Rompre avec son passé, sans l’oublier. Evoluer jusqu’à devenir quelqu’un qui ne doit plus rien à une quelconque organisation, rien d’autre qu’un déclic. Juste une petite poussée pour lui faire prendre de l’élan, et qu’il se construise en dehors d’eux.

Un homme, un vrai.
Avec ses idéaux, ses convictions.
Avec sa Foi.

Oh mais les habitants de l’Entre-monde étaient tous bien trop ignares à ce sujet, ne méritaient même pas d’être éduqués.

Qu’attendez-vous réellement Ryner ?
Que cherchez-vous avec tant d’ardeur pour proposer vos services, alors que c’est Ez qui vous en doit un…

Savoir ce qu’Ez avait offert en contrepartie au tchen…
C’était un atout dans sa manche, il ne comptait pas le sortir.
Jamais il n’avouerait ce genre de choses.
Jamais il n’avouerait qu’il savait… Beaucoup, beaucoup de choses.

La discussion n'était pas encore complètement close et les questions du maitre du miroir me montrait que j'avais éveillé à nouveau un peu son intérêt.

« Je doute que vous ayez besoin de ce genre de service, mais mes aptitudes peuvent être utiles dans d'autres branches diverses qui requiert des qualités communes, garde, espion, ... A vous de juger si je peux vous être d'une quelconque utilité qui ne consisterait pas en mon métier de base.»

Si je ne me trompais pas Rei était rebuté à l'idée de faire appel à l'aide d'un assassin. Non, ce n'était pas ce genre d'homme qu'il voulait, il fallait donc lui montrer que je pouvais très bien m'acquitter d'autres tâches.

« Je veux me défaire des liens du passé. J'ai pour cela deux choix, laisser couler en sachant pertinemment que ma vie risque d'être en danger avec la présence du Styx. Ou essayer de m'en débarrasser et là je dois avouer que tout seul ça ne va pas être évident. L'idéal serait de les faire arrêter, mais je n'ai malheureusement pas ce pouvoir, pas tout seul néanmoins. »

J'avais dû être un peu trop direct en parlant d’annihiler, mais parfois j'arrivais difficilement à cacher cette colère qui m'habitait à leur égard. Il aurait été plaisant de penser pouvoir détruire un immeuble complet, mais à bien y réfléchir ça ressemblait à une solution foireuse. Quant à les faire coffrer, ils n'étaient pas du genre à se rendre gentiment, je me voyais donc mal jouer les bons samaritains tout seul.

« Vous avez raison c'est Ez qui me doit un service, malheureusement il est introuvable, savez vous où le trouver? Si ce n'est pas le cas et si vous êtes l'homme dont il me parlait, vous êtes alors le dernier lien qui me rattache à lui. Dans ce cas il serait donc logique que je vous propose mes services. »

Je ne répondais pas encore vraiment à la question de l'homme, pensais-je.

« Ce que je souhaite, c'est pouvoir choisir ceux que je veux aider, ceux pour qui je travaille. Ce monde m'apparait encore comme un peu flou et travailler pour quelqu'un comme vous serait l'occasion de mieux le cerner je pense. Si vous pensez que je ne suis d'aucune utilité et bien soit, je me retirerai alors pour faire mon chemin. »

Calmement, Fredric écouta la réponse – la longue réponse –du tchen.
Pour un type soi-disant peu doué pour les discours, il était plutôt bavard.

Etait-il désespéré à ce point pour essayer de se vendre comme il le faisait ?
Un garde, un espion, un homme de main… Quoiqu’il fasse, il demeurerait un impie. Les temps avaient-ils assez changé pour qu’il puisse accepter les services d’un tel être ? Oh c’aurait été comme accordé à un chien de lui tenir compagnie. Cependant le chien n’était-il pas le meilleur ami de l’homme ?
Enfin c’était plus complexe.
L’impie n’était pas le meilleur ami d’un frère ou d’une sœur de la Silnà.
Ils étaient les coqueluches des huit divinités. Ces derniers c’étaient toqués de ces êtres si variés, si curieux, au mépris de…

Il ferma les yeux, comme réfléchissant à ce que lui disait Ryner.
La vérité était qu’il ne voulait pas laissé sa propre haine le dominer. Il ne fallait pas perdre son sang froid, il n’en avait pas les moyens. Tant qu’il était seul et exposé, il ne pouvait rien faire d’autre que rester dans l’ombre de Rei, le maître de Touen.

Une question traversa le barrage de ses pensées.
Savez-vous où le trouver ?
Ez… Non, mais il devrait retrouver ce qui en restait. Ce petit rien du tout qui s’était substitué à son éveil total. Ce petit chose qui, quelque part, était apparu, gâchant toute la joie de son retour. Ce petit chose qui s’était approprié une part de son immortalité…

Le raisonnement du tchen était parfaitement illogique.
Lui, dernier représentant d’Ez, aurait dû rembourser à Ryner ce que le prétorien lui devait.
L’assassin ne lui devait rien, pas même un service.

Un monde un peu flou…
Lui offrait-on une âme inculte ?
Sans croyance ? Absolument sans notion de bien ou de mal ? Un candide à l’abandon auquel il faudrait apprendre… Quasiment tout ? Le monde avait évolué, changé. Les siens étaient Dieu sait où, trop loin. Il le regrettait avec une peine dépassant l’entendement humain. Mais en attendant de les retrouver, il devait demeurer fort, se bâtir de nouvelles fondations, capables de soutenir sa Citadelle.

Me servir serait un engagement dont seule la mort pourrait vous libérer.
Une fidélité inébranlable, un dévouement absolu.

Enfin, ses yeux bleus se rouvrirent pour se poser sur Ryner et ne plus l’abandonner.
Comme s’il pouvait voir au travers.
Où que les siens l’aient attendu, ils n’étaient plus qu’une poignée.
Recouvrir la gloire qu’on leur avait volée impliquait quelques sacrifices.
Et, bien qu’impies, les peuples des miroirs étaient peut-être le poids capable de faire la différence.

Aucune divinité ne pourra rompre ce qui vous liera à moi.
Rien ne pourra plus vous atteindre.

Parce qu’il ne laisserait personne s’en prendre à un serviteur.
Parce que le tchen n’aurait plus qu’à répondre à une seule personne : lui.
Sa justice, le bien et le mal, tout serait ce que Fredric lui dirait.
Un véritable pacte avec le diable.

Êtes-vous capable de changer de vie à ce point ?
Dévoué entièrement à celui que vous aurez choisi ?

Ou avec Dieu.