Maitriser le maître

Plus les choses allées, moins le jeune homme comprenais comment l’androïde – si le terme est juste – pouvait être le nouveau maître du miroir. A vrai dire, il avait toujours vu ces gens, comme des personnes plutôt propres sur elles en toutes circonstances. Peut être pompeuses et capricieuses aussi. Finalement, il avait du mal à déterminer, si, Neythen était aigri de nature, si c’était inscrit dans ses gènes, ou bien s’il était juste capricieux.
Malgré tout, il ne pouvait pas être un si vilain bougre que cela. Après tout, en excluant son ton souvent désobligeant et ses regards accusateurs, il ne se bloquait pas totalement non plus.

Le mécanicien en avait enfin fini avec son arme, elle avait retrouvé sa splendeur et son efficacité d’antan. Enfin dans la mesure de ce l’esprit savait de l’arme en question. Il le remercia, ce malgré son caractère de cochon. Entre temps Briarée avait cloué le bec de Wayatt et s’approchait de Layfon. Une fois à sa portée, elle lui tendit discrètement, ou plutôt plaça discrètement, le badge du royaume dans la manche de son interlocuteur. Celui-ci fut pris d’étonnement, quel inconscience, confier un tel objet à un parfait inconnu. Après tout, il aurait pu être malhonnête, prendre ses jambes à son cou et en profiter pleinement.
Mais voilà, ce beau cadeau n’en était pas un, toujours avec une voix aussi suave, elle le pria d’une requête assez particulière. Redonner au maître une allure de maître. Que dire de plus, si ce n’est que la vue de Neythen cherchant à soulager ses démangeaisons ne fit qu’amplifier l’effet « il a besoin d’un bon toilettage » …
Renfrognant quelques réflexions de mauvais goûts, il hésita un instant, après tout, pourquoi n’allait-il pas se rafraichir sur sa Res Publica. Avec Wayatt, la nouvelle d’un nouveau maître et d’une androïde « pirateuse » de système comme bras droit n’allait pas trainer à se rependre.

« Hum j’imagine que se présenter sur une Res Publica avec une allure débrailler, reflétant une ballade d’un mois dans un désert n’est pas la chose la plus adéquat à faire. Bien soit, mais j’aurais bien du mal à forcer votre collègue, après tout. »

Jetant un dernier regard vers le maître du miroir, il eut l’insigne honneur de l’observer, en train de se faire la narine droite, puis la narine gauche. Dans un ton presque ironique, voir moqueur, mais rien de méchant, il enchaina :

« Mon bon maitre – même si d’un point de vu tout à fait réglementaire, c’était une belle bourde de dire ça – que diriez-vous de vous refaire une santé avant d’entamer les hostilités. Le peuple ne sera pas tendre avec vous, réceptions, discours, banquets et autres vous attendent à n’y pas manquer. Quitte à en profiter encore un peu, autant optimiser votre temps, non ? »

Peut être un peu trop ironique, mais s’il avait bien cerné le caractère, l’argument « banquet » et « échappatoire » aurait du faire mouche.

Il n’en savait fichtrement rien, non sincèrement, il n’avait aucune idées de ce à quoi la noblesse Entre-Mondienne pouvait se résumer. Un banal discours d’entrée au pouvoir, adulation du pouvoir, ou bien d’incessantes tâches à répétition.
S’il se souvenait un minimum de son passé, il aurait peut être pu faire le lien entre ses responsabilités passées, comment il les détestait et surtout comment il les fuyait. Mais puisque cette éventualité n’était pas envisageable, il lui faudrait improviser pour amadouer le maître. Qui après tout, tirait certainement autant du capricieux que de l’aigri. Comme on dit, l’amabilité se travail au corps, il ne devait pas être un si mauvais bougre, si l’on omet sa dégaine, son air hautain et débraillé, son langage, son regard haineux et méprisant … M’enfin, nous ne les listerons pas, qui sait celui-ci avait sûrement était éprouvé par l’existence – ou pas, va savoir.

Mine de rien, il lui donnait le choix, la douche ou le repas. L’esprit observa son interlocuteur l’air faussement perturbé. Aussi « Maître », enfin en devenir hein, qu’il soit – ce que sa dégaine ne laissait nullement sous entendre – il est peu probable, que même le pire restaurant de Cerclon (et même d’Ordae) ne le laisse entrer.
Tout en le rejoignant, il fit son choix.

« … Hum je pense que l’on va commencer par les termes, et un bon rafraichissement capillaire. Histoire de se réconcilier avec l’eau clair … »

Direction, les termes les plus proches. A vrai dire, on en trouve à plus d’endroit que l’on ne le pense. L’heure n’était pas si mauvaise, pas trop d’affluence quoi. Sur le chemin – court chemin – Layfon réfléchit à un baratin pour le gérant, comment faire valoir le titre de « Maître du miroir » sans attiser la foule et les foudres de Neythen …

« Bien le bonjour, je souhaiterais réserver les termes … Pour un … rafraichissement total.
– Impossible, enfin, de nouveau client vont arriver … Et puis … Bon éventuellement une zone.
– Bon n’hurlez pas … et restez discret … sinon … – après hésitation, il lui montra le badge – il vous en coutera. Je pense que ça devrait suffire.
– Entrez, je vous en pris messieurs. »

Avide ? Serviable ? Va savoir.
Une serviette autour de la taille, une autre autour du cou, Layfon patientait déjà après Neythen. Même s’il ne comptait pas se baigner, il valait mieux laisser toutes cette eau claire au nomade, il avait des petites questions pour celui-ci. Après tout, il n’est pas commun pour un représentant de Cerclon de faire son apparition un robot ferrailleux sur l’épaule, et une allure de trois mois.

Spoiler:

Décidément, tout futur Maître qu’il puisse être, Neythen ne bénéficiait visiblement pas de la grâce divine de la ponctualité, ou rapidité, tout dépend la façon de voir les choses.
Depuis l’incident du guichet, il avait tendance à le regarder bizarrement, avec un air investigateur, enfin lorsqu’il prenait la peine de considérer l’esprit. Il commençait à peine à s’habituer à la nonchalance de son camarade d’infortune. Quoi qu’il en soit, il était toujours intrigué par le personnage, et entendait bien en savoir un peu plus sur le sujet. Plus que ses légères histoires pas vraiment explicites.

Layfon soupira un bon coup, il n’avait aucun contrôle sur Neythen, et il n’espérait pas voir son emprise sur lui s’accroitre – à ceci près qu’elle ne pouvait pas s’accroitre étant donné qu’il n’en avait pas. Il se contenta de le suivre dans le sauna, curieux, voir effrayé, par son enthousiasme du moment. « Au moins il a pris le temps … de paraître plus soigné ! », songea-t-il fièrement.
Une hôtesse vint lui tirer le bras avant qu’il n’entre dans le sauna, comme s’il n’avait pas mérité de se délasser dans un bon bain de chaleur. Celle-ci fronçait les sourcils, pour ne pas dire qu’elle fulminait.

« Il serait bon de traiter les installations avec un peu plus de respect, la salle d’eau est dans un état déplorable. Et en plus il n’y a même plus de savon, vous êtes donc salle à ce point !
– Moi … Heu … Vous ne vous imaginez pas à quel point mademoiselle … soupira-t-il.
– Et qui va payer ?
– Vous enverrez la facture à l’administration de Cerclon ils payeront …
– Ouais ouais … »

Sans plus prendre le temps de lui répondre, laissant son boss lui expliquer clairement la situation, il fit son entrée dans le sauna, sans prendre plus de précaution que ça, niveau bruitage. Après une rapide installation, il songea quelques instants à la raison qui l’avait poussé à accepter cet interlude entre Neythen et lui … Satanée machine. Son avis sur lui était définitif, un vieux bougre aigri, en espérant que Cerclon ait besoin d’un bougre aigri à sa tête. Il tiendrait peut être tête aux autres Maîtres au même temps.

« Bon, bon, bon, mine de rien je me pose une question … Comment ça se fait que tu – le tutoiement lui semblant de rigueur – te trouves dans cet état … OK, l’extérieur n’est pas particulièrement accueillant, mais bon j’aurais imaginé qu’un futur Maître s’en sorte un peu mieux ! », son intonation se voulait volontairement sarcastique. Sans ce genre de moquerie, ou plutôt provocation, Neythen ne lui répondrait sûrement pas.

Comme prévu, notre bon Maître venait de perdre son sang froid, une fois de plus. Avec lui il faudrait prendre des pincettes, ce qui risquait de lui poser bien des problèmes face aux autres Maître des miroirs, qui disons-le clairement ne brillait que rarement d’un tempérament posé et calme. Mais Neythen devait, à coup sûr, gagner la palme pour ce qu’il en est du mauvais caractère, et ne parlons pas de sa capacité quasi-intuitive à répondre à une question par une autre question. Un vrai politicien, un poil plus agressif que la normal, mais ce n’est qu’un détail, le fond était bien là.
D’ailleurs, il n’avait pas particulièrement besoin de parler, son regard suffisait. Au final, il ne comprenait pas comment il a pu accepter ce post, après tout, la vie de diplomate, la paperasse, et les banquets – ne les oublions pas ce là – semblait à plusieurs années lumières de ce qui pouvait motiver « l’homme du désert » … Il retint un léger ricanement – juste pour éviter que des éclairs ne viennent le pourfendre avant la fin de la journée. Une chose est certaine, il ne mentait pas sur ses aventure en dehors la cité, son état physique laissait sous entendre des détails sordides sans le moindre doute.

« A quoi bon le cacher, oui, c’est bien vrai, Briarée me l’a bien confié jusqu’à votre retour au Res Publica. Et à vrai dire, non, je ne pense pas que ce détail assez banal nous lie d’amitié, nous sommes bien loin de ça. Bien, je me demande quand même, c’est bien Briarée qui vous a parlé de cette histoire de Maître, c’est par contrainte que vous avez accepté ou non ? Je fais preuve de curiosité, hein … C’est bien loin d’être une simple provocation comme précédemment … »

Oserait-il penser que le préciser ne servirait à rien. Tout du moins, il pourrait confirmer que Neythen est une boule de nerfs.

Spoiler:

Pourquoi ? Non pour rien, enfin c’est juste surprenant, de voir un type qui a passé une partie de son temps à dépecer de la bestiole à l’extérieur de l’Entre-Monde, revenir et accepter en toute désinvolture, pour « s’occuper », un poste de Maître. On ne peut pas dire que ce soit ce qu’il y a de plus délassant après un long voyage …

« Ho … je ne sais pas. Enfin, on ne peut pas dire que ce soit le poste le plus reposant de Cerclon … C’est une sacrée reconversion. »

Va savoir pourquoi, il se mit à cligner des yeux à plusieurs, avant de plonger à plusieurs reprise dans l’eau fraiche du bassin central, en affirmant l’air assez ahurie que « ça marche » … Une belle jambe tient … Qu’est-ce qui marche ? Il ne fallait surtout pas le lui demander, Neythen n’aurait peut être pas répondu en plus. C’est bien son genre.
D’autant plus qu’il n’est pas particulièrement conseillé de chuter dans l’eau après un sauna. Surprenant ce type, c’est la seule chose que Layfon se dit. Il restait stupéfait par le caractère de Neythen. Tantôt grognon, tantôt conciliant, mais toujours dans son caractère bien trempé. Mais là, c’était encore un cran au-dessus. Finalement il se dit qu’il valait mieux pour lui qu’il laisse tomber, chercher à comprendre ne le mènerait pas bien loin.

« Wayatt. C’est lui qui va être content de nous revoir. Je ne sais pas si l’encombrement de ses disques durs lui a particulièrement plus. M’enfin, s’il peut facturer, il acceptera sans hésiter. Pour le repas, il y a une auberge à deux pas d’ici. »

Ni une, ni deux, ils sortirent du sauna, après un nouveau passage par les douches – un sauna n’est pas le meilleur endroit pour se laver – il prit les devant pour les conduire à l’auberge où travaillait un androïde portant le doux nom d’Eldwine. Là aussi, il ne faut pas tenter de trouver une connotation robotique dans son nom. Cerclon a des mystères que Cerclon lui-même ne pourrait pas comprendre. Etrangement, ici rien ne laissait penser à Cerclon, une vrai taverne, le bois, les fauteuils, les tables, la cheminée, les instruments pour les soirée musicale. Franchement dépaysant …
Plutôt moderne, un robot faisait la plonge dans le coin gauche et face à eux Eldwine préparant des cocktails plus vite que ne pourrait jamais le faire un humain.
Ils s’installèrent. Eldwine aussi, et comme à son habitude …

« Qu’est-ce que j’vous sers ? »

Même s’il avait su que Neythen allait devenir Maître du miroir – déjà, il ne l’aurait pas cru – il n’aurait pas fait plus de courbettes, pas de prix, pas plus de noblesse dans ses mots. Comme il lui arrivait souvent de dire « N’à fout’e des classes sociales, tu bois, tu payes ». En dehors de ça, c’était une crème ce type.

Spoiler: