Chasse à l'Azalée

Näevi sautillait tel un kangourou sur la lande... Il bondissait telle une gazelle, et jappait à n'en plus finir en me tournant autour comme un fou furieux. Les regards noirs, les "couché le clebs !" n'en vinrent pas à bout, l'animal était trop heureux de partir en très longue balade. J'aurais vraiment dû le laisser à la maison. Les voisins s'en seraient occupés pendant mon absence. Mais j'ai pas le cœur à le laisser tout seul. Et il le sait l'animal !

Au beau milieu de l'immense porte Nord, des soldats me regardaient de travers à entendre le chien brailler plus qu'un môme, et d'autres me reluquaient ouvertement. Je vérifiais que je n'avais pas oublié de fermer un bouton de ma chemise, déjà qu'elle offre une vu plongeante sur les rares atouts d'une fée qui n'a rien demandé si en plus j'oubliais... Mais non, on en voyait pas, plus que d'accoutumée. Comme quoi, ces deux copains sont des valeurs sûres... Je dépliais une vieille carte de la région.

L'Ourgandi remonte jusqu'aux mers intérieurs. Il va faire froid là bas, j'avais juste songé à fourrer un couverture dans mon sac de voyage, à côté du briquet. Termer la grande ville du coin était située proche de la plus grande mer et dans une région boisée si on se repère aux couleurs. Je regrettais de ne pas avoir acheté la carte holographique. Cela aurait été pratique de savoir quel genre de créatures se planquent là bas. Le voyage sera assez long surtout si l'autre petite (je suis la première) n'a jamais vu la zone du dehors. Si ça se trouve on grossira notre prime en ramenant quelques têtes de monstres.

Adossée au mur, Näevi s'était dressé contre ma jambe, sa truffe cherchant ma main pour quelques caresses hasardeuses. Nous n'avions aucune chance de nous perdre avec le renard, c'était déjà ça de pris.

Ouf, elle ne m'avait pas fait faux bon ! Dité était même en avance, quant à moi, j'étais toujours ponctuelle. Ma mère m'avait filé un bouquin sur les plantes, au cas où. Je n'avais pas eu le temps de l'feuilleter mais j'espérais y trouver un petit paragraphe sur l'Azalée. J'avais bien fait quelques boutiques pour dénicher une sorte d'aspirateur d’eau, mais le modèle de poche était en rupture de stock, et je n'allais pas m'encombrer d'une machine trop grande.

De loin, je distinguais une silhouette à première vue canine, la fée semblait s'occuper de l’animal, lui offrant quelques caresses. Alors Naëvi n'était pas un chat, mais un chien ? En m'approchant, je remarquais enfin qu'il s’agissait en réalité d'un renard, wah ! Dité avait dressé cet animal ? Cela n'devait pas être une mince affaire. Je saluais chaleureusement ma nouvelle camarade, avant de tourner mon attention sur le renard. Penchée vers lui, les mains sur les genoux, j'observais avec intérêt le dénommé Naëvi.

"Pas courant comme animal de compagnie, c'est un très beau renard !"

Me tournant à nouveau vers Dité, je lui demandais, curieuse :

"Ca m’étonnerait que tu l’ais déniché dans une animalerie, comment vous êtes vous rencontrés ?"

Pour cette mission, j'avais simplement apporté ma sacoche en tissus, que je portais en bandoulière. Je préférais de loin voyager léger que d'avoir à trimballer des tonnes d'affaires. Je portais donc le strict nécessaire, dont le fameux livre de poche qui appartenait à ma mère. Après nos brèves retrouvailles avec Dité, et la découverte de Naëvi, j'étais fin prête à franchir le pas ! Cette mission, ma première, allait être géniale.

"Allons-y Dité, destination l'Ourgandi ! J'te suis..."

Et v'là qu'il saute partout à nouveau quand elle lui fait des compliments. J'ai envie de lui demander d'éviter et puis en voyant l'animal lui tourner autour à la renifler dans tous les recoins accessibles à sa truffe, je me tais. Je suis débarrassée un instant.

-Du calme, du calme, garde ton énergie pour le voyage, on part à pieds donc ça va prendre du temps.

Et je me mets en route. En pointant du doigt le renard stellaire, j'indique.

-Näevi, il est ravi de faire ta connaissance. On s'est rencontré à l'épicerie, tu devrais y faire un tour si t'aimes les animaux. Lui, il a assez de cran pour me supporter et c'est une boussole sur pattes.

Le renard jappe et vint se caler contre mon mollet. Son pelage irisé laisse quelques éclats se refleter sous la lumière du jour. Je baisse les yeux, il continue de se frotter plus efficacement qu'un chat ne vous colle ses poils sur le pantalon. Mais moi je porte un short donc c'est comme avoir une peluche vivante qui se frotte contre vous. C'est doux, ça tient chaud et ça donne envie d'éternuer.
Je dépliais ma vieille carte pour la tendre à ma compagne de voyage. Elle voulait voir la mer, on y aller, droit vers les mers intérieurs. Si on a de la chance on croisera quelques tritons de la populations marines locale, sinon elle se contentera de l'azalée je suppose.

-Le plus simple serait qu'on aille à Termer, on commencera nos recherches là bas. J'ai demandé à un ami sanctuari le portrait du type qu'on recherche.

Je sortis de ma poche un imprimé chiffonné.

-Il est pas soigneux comme bonhomme, fis-je avec un sourire désolé. (hrp : Le portrait) Déjà on commence par le trouver, lui, ensuite on le torture, on lui fait révéler où il a planqué l'azalée et on embarque la fleur. Et mieux vaut pour lui qu'il parle vite, j'ai vue plein de trucs à la télévision que j'aimerai tester !

Au Nord d'Entre-Monde c'est une large et vaste zone agricole et au delà des pâturages, des collines, des étendues verdoyantes. Le danger n'était pas pour tout de suite. Au pire nous commenceront à avoir froid au bout de deux jours de voyage, après tout, nous allons droit vers les terres les plus froides qu'on connaisse au niveau de la mer.

-T'as prévu des trucs chauds pour le voyage ou on doit s'arrêter pour faire des emplettes ?

Quand il commencera à faire froid on trouvera bien un coin pour se trouver des vêtements plus chauds. La suite... Bah, on verra bien.

Spoiler:

"Bah, j'suis pas tellement douée pour m'occuper des animaux, mais qui sait, dans quelques années peut-être..."

Je m'arrêtais de caresser la tête du renard et me redressais. Enfin, le départ. Je n'eûs même pas de pincement au cœur en laissant la ville derrière moi, j'étais trop contente... depuis le temps que j'attendais ça ! J'observais la carte de Dité tout en écoutant ses indications, nous devions aller jusqu'à Termer, à pieds. En parlant de pieds, je me félicitais d'avoir chaussé mes grosses chaussures de randonnée. J'avais aussi enfilé un short, et portais un chemisier cintré dont les manches étaient retroussées.

"Ohh Dité, t'es vachement sadique ! Ca s'trouve il parlera sans qu'on ait à le torturer"

Je songeais alors à ces interrogatoires qu'on pouvait observer à la télé. L'habituel coup du gentil et du méchant, vieux comme le monde, mais qui porte toujours ses fruits ou presque. Après ce que je venais d'entendre, je n'avais pas le moindre mal à imaginer Dité dans le rôle de la méchante. Douée d'une bonne mémoire visuel, je tachais de mémoriser le portrait du voleur.

"Ca devrait aller, j'ai ce qu'il faut là dedans"

Je tapotais mon sac en bandoulière, le voyage commençait. On marchait tranquillement vers le nord, et la boussole que je portais autour du cou le confirmait. Nous devions traverser une importante zone agricole : des champs, il y en avait partout ! Du blé, du maïs, des tournesols... craignant de me faire attaquer par les tiques, j'hésitais à sortir mon pantalon, puis me ravisait. S'il y avait de tels insectes, ils s'en prendraient d'abord au renard. C'était franchement moche de penser de cette façon, mais j'étais forcée d'admettre que l'idée m'avait traversé l'esprit. Honteuse, je demandais à Dité si Naëvi avait une protection contre les tiques.

Des hommes et des femmes travaillaient sur les terres, c'était amusant de voir que certains labouraient au motoculteur, tandis que d'autre utilisaient une paire de bœufs. Je me demandais si c'était par manque de moyens ou par respect des vieilles mœurs. Des rongeurs se promenaient un peu partout, si bien que mon attention se porta à nouveau sur le renard. Je demandais à Dité :

"T'as prévu quelque chose pour le diner ?"

Bah oui, voir ces p'tites bêtes gambader ici et là m'avait donné des idées.

"Ca s'trouve il parlera sans qu'on ait à le torturer"... Parle pas de malheur jeune fille... J'aimerai qu'il résiste, qu'il nous méprise de son nez crochu et qu'il fronce les rats qui lui servent de sourcils pour me donner encore plus envie de le pendre par les oreilles, de lui planter ma lime à ongle sous les ongles (justement) de lui rire au nez... Et de me retrouver à la caserne pour agression et pour acte de barbarie. Mouai, je vais opter pour la version de la fillette, soyons humainement féérique...

Le temps défilais et le chemin aussi. La marche nous alourdissaient les jambes et la chaleur me m'asséchait la gorge, mais un voyage de ce genre nous va bien au teint. J'avais les joues un peu roses par l'effort et je n'étais pas si mécontente que ça de voyager à pied plutôt qu'en planant à quinze pieds du sol.
J'ai le sourire quand je la regarde.

-On passera par un village sur le chemin en fin de journée on aura qu'à s'y arrêter pour le dîner, tu peux attendre jusque là ?

Mes mains fouillèrent dans mon sac un bon quart d'heure, y plongeant le bras jusqu'à l'épaule car ce sac était sans fond (merci au technomage... ce truc est un avale-tout je pourrais y heter Näevi qu'il s'y sentirait comme dans un palace !) donc, je disais que j'y avais plongé le bras et mes mains y dénichèrent un petit sachet de fruits secs, des rondelles de bananes sèches accompagnées de quelques amandes. C'était frugale mais pour une fée bien suffisant. Il faudrait que ça le soit pour elle aussi.

-Tiens.

Je lui filais le paquet, ça lui tiendra le ventre jusqu'à ce soir.
En pensant au froid qui viendrait vite nous refroidir le dos, j'avais pensé à jeter de quoi me tenir chaud au fond de mon trou noir, le plus dur sera forcément de l'y retrouver.

Le soleil était haut et le ciel d'un bleu sans tâche. Il se décolorait vers l'horizon et nous rappelait que dans une centaine de kilomètres, nous aurions froid. Vraiment froid. J'en grelotais d'avance.

-Si tu adoptes un animal un jour, choisis-en un qui sache vivre sans ton aide. Näevi sait chasser seul, se repérer seul. Il sait éviter les ennuis et se souvient où il vit quoiqu'il arrive, alors même si je disparais un moi, je sais qu'il continuera sa petite vie sans moi en attendant mon retour. Choisis le bien, un animal c'est plus qu'un simple compagnon.

Le renard bondissait dans les fourrées et fouillait l'herbe les oreilles droites, il cherchait les rongeurs qui y couraient et la moindre sauterelle le faisait sursauter.

(je me permets de faire avancer le voyage)

Et il continua jusqu'au soleil couchant. Sur la ligne d'horizon des chaumières crachaient des nuages de fumées blanches et des carrés de lumières brillaient derrière derrière les vitres. Le vent s'était levé et nous glaçait les mains, nous avions fait une bonne journée de marche et mes jambes criaient toute leur douleur à chaque imperfection du sol.

-L'heure du dîner !

*Oui, maintenant, j'ai faim...*

(Oui t'as bien fait !)

Si je pouvais attendre jusqu'à ce soir ? Hum... une seconde, le temps que j'interroge mon estomac. Ah ! Là comme ça, c'était plutôt oui. J'acquiesçais de la tête avant d'affirmer que cela ne devrait pas poser de problèmes. Intriguée, j'observais Dité fouiller dans son sac. Cela dura plusieurs heures, en extrapolant un peu, pour qu'elle en sorte finalement un sachet remplit de fruits déshydratés. J'préférais de loin les fruits frais, mais bon, c'était pas le moment de jouer la fine bouche ! Je remerciais Dité, et partageais avec elle le contenu du sachet. Pas si mauvais.

"C'est ça le problème, les gens on tendance à choisir des animaux pour leur tenir compagnie, et au final ils s'en occupent mal. J'dis pas que c'est le cas de tout le monde, encore heureux ! Et combien de fois j'ai vu des bêtes abandonnées à leur sort ? Une fois qu'elles sont domestiquées en plus, c'est foutu ! Elles savent plus s'débrouiller toutes seules. C'est sûr, t'as eu beaucoup de chance en trouvant Näevi, mais c'est aussi grâce à toi si il est aussi indépendant."

Le temps passe toujours plus vite en discutant, c'était une randonnée agréable... j'en oubliais presque mes muscles endoloris. Le soleil se couchait, et la chaleur s'éloignait avec lui. Glacée jusqu'au bout des ongles, je fourrais mes mains dans les poches de mon short, après avoir soufflé dessus dans l'espoir de les réchauffer un minimum. On atteignait enfin le premier village, et pour mon plus grand plaisir, il y avait de l'animation ! Je me demandais d'où provenait la musique qui parvenait jusqu'à nous, en tout cas, l'ambiance était festive. Loin d'avoir l'oreille absolue, je soupçonnais l'accordéon, les violons, pour un peu je les accompagnerais à la flûte traversière, ça chantait et ça dansait en plus.

"Mmhh, ça m'a l'air plutôt sympa !"

Je m'étais arrêtée devant une p'tite auberge très conviviale, les plats qu'ils proposaient me mettaient l'eau à la bouche, et les prix restaient largement abordables. On nous installa rapidement autour d'une table prêt du feu, le serveur nous avait vu greloter alors... c'était peut être pas du grand luxe, mais l'endroit était chaleureux, et cela me convenait très bien. D'ailleurs, j'avais même plus froid. Optant pour le plat du jour, je me retrouvais avec une assiette bien garnie que je dévorais du regard, avant de ne relever les yeux vers Dité. J'avais beau être crevée, je restais souriante et enjouée, j'venais de passée une super journée.

"Pfiouu ça fait un bien fou de s'poser ! On a fait un sacré bout de chemin, Termer ne doit plus s'trouver très loin"

Après avoir souhaité le bon appétit légendaire, j'attaquais mon assiette. J'étais bien contente de manger un plat chaud, mais se retrouver dehors juste après, ça risquait de faire mal ! On pouvait pas dormir ici si on proposait de faire la vaisselle ? Je songeais alors à mon frère qui n'avait jamais quitté la ville, c'était déjà rare qu'il mette les pieds en dehors de Ciel, je me demandais ce qu'il pouvait bien faire en ce moment. Surement entrain de s'la couler douce.

"Il ferait bien de sortir un peu, mon frère... hum, ça lui ferait pas de mal. T'es fille unique toi ?"

Comment ça c'est impoli de parler la bouche pleine ? Tant que j'en fou pas partout !

Je me suis pas assise face à Hina, je me suis légèrement décalée sur la droite afin de pouvoir étendre mes jambes sous la table, mes genoux craquèrent méchamment quand je tirais sur les muscles de mes cuisses, c'était moyennement féminin mais qu'est-ce que ça faisait du bien ! Elle avait raison la petite * pas plus petite que moi* Se poser faisait un bien fou. Näevi se roula en boule devant l'âtre dans lequel ronflait un feu de cheminée. Une odeur de braise chaude emplissait l'atmosphère et me piquait le nez, mes joues gelées brûlait dans cette soudaine chaleur et le tout faisait que mon sourire s'était élargit et que la fatigue de fin de journée m'avait quitté quelques instants.

Le serveur m'apporta le plat du jour et je commandais de l'eau et un plat pour le renard aussi. L'animal aussi avait le droit de manger à sa faim après s'être autant dégourdie les pattes. Servies et en plein repas, nos couleurs s'étaient réchauffées et j'avais dans l'idée que demain nous serions toutes les deux couvertes de la tête aux pieds.

-Plus qu'un ou deux jours de marche. J'espère qu'on rencontrera rien qui nous retardera !

Et elle parla de son frère. C'est vrai que la plupart des créatures naissent de parents vivants, ils peuvent même avoir des frères et sœurs. Chez moi, c'est un peu différent. Alors j'entrepris de lui expliquer que les fées du Lotus, mes cousines, naissaient lors de l'éclosion d'une fleur de Lotus. Si certains se considéraient comme frère et sœurs c'était par pure sympathie alors moi je n'avais pas de sœur ni de frère. J'étais une fée du lotus bleue née dans une fleur. Et donc, oui en quelque sorte je suis fille unique, et je n'ai pas de parent non plus. C'est peut-être pour ça que les fées du Lotus sont si excentriques, il n'y a personne pour leur coller une mandale si elles dépassent les bornes. Au passage je lui expliquais que les fées du lotus n'ont pas d'ailes, du moins pas les filles. Seuls les garçons en ont, et c'est pour ça que j'avais fait fabriquer un planeur à ma taille.
En pensant à mes ailes je me souvins que le sac sans fond pouvait contenir énormément sans jamais peser lourd, d'ailleurs j'y avais enfourné mon planeur, ma couverture, mes vêtements chauds, et le sac de voyage acheté à l'épicerie, il y avait même un nécessaire pour nous soigner en cas de pépin(s).

-T'as de la famille, toi ? Je veux dire, en dehors de ton frère.

J'embrayais la seconde qui suivie sur un "couché Näevi!" le renard s'était dressé sur deux pattes, appuyé sur mon côté du banc, les oreilles basses et le regard humide pour quémander les restes de mon assiette. Je déteste quand il fait ça... N'arrivant pas à lui résister je lui filais la fin de mon repas. Et si je continue, dans une semaine il sera assez gras pour en faire du pâté !

-Au fait, j'ai un sac sans fond, si tu veux te débarrasser de ton paquetage on peut l'y fourrer, mon sac ne pèsera jamais lourd et le voyage sera plus agréable.

Je tombais de sommeil, le serveur vint nous proposer un vin chaud que je refusais sans diplomatie.

"J'espère aussi !"

Bah oui, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Si nous avions la chance de pouvoir rejoindre Termer sans attirer les problèmes, c'était tout bénef. On gagnerait du temps... toujours bon à prendre, car retrouver l'Azalée risquait d'être long. Encore un ou deux jours de marche donc, je me faisais à l'idée, c'était pas non plus une éternité. Du moins, c'est ce que je pensais là, posée bien au chaud et le ventre plein.

*Même deux jours, ça va passer vite*

J'écoutais alors Dité attentivement, découvrant un nouvel univers, le sien, qui m'en apprenait long sur les fées. Déjà je ne savais pas que celles-ci pouvaient naître des fleurs, j'ignorais aussi qu'il existait des fées garçons... des faons ? Non évidemment que non, mais ça m'avait traversé l'esprit ! C'était vraiment intéressant en tout cas, j'en apprenais plus sur Dité en même temps. J'avais remarqué qu'elle n'avait pas d'ailes, mais je n'avais pas posé de question pour autant.

"Oui, j'ai encore mes deux parents qui ont aussi leurs parents, des oncles, tante et cousins ! Ma famille est assez nombreuse en fait, mais je n'ai pas pu garder le contact avec tout le monde."

J'ajoutais que les dieux avaient une vie particulièrement longue, ce qui expliquait tout ce grand monde, certains membres de ma famille qui avaient quittés la ville avant moi n'étaient pas revenus. Je préférais croire qu'ils vivaient encore quelque part à l'extérieur, ayant trouvé leur petit coin de paradis. Si ça s'trouve, je les croiserais même au cours de mes voyages... oui pour l'coup, j'voyais le verre à moitié plein. Dité me parla alors de son sac un peu spécial, et je comprenais enfin pourquoi elle gardait sa main plongée dedans tout ce temps avant d'en extirper ce qu'elle cherchait.

"Ça explique tout ! Super pratique n'empêche."

J'acceptais sans me faire prier, me soulager d'une charge me ferait le plus grand bien. Le serveur revint pour débarrasser notre table. L'addition réglée, il fallait repartir, retourner dans le froid, et sans doute passer la nuit dehors. Épuisée, il ne faudrait pas longtemps avant que je m'endorme, en espérant ne pas mourir de froid. J'observais Dité, elle avait l'air aussi crevée que moi. La porte de l'auberge se referma derrière nous, je soufflais, observant la fumée blanche que j'expirais... mon nez me piquait déjà. Pas de panique, c'est juste une question d'habitude !

"C'est bien la première fois que j'vais passer la nuit dehors"

Mais bon, il faut une première fois pour tout, et je ne risquais pas de l'oublier celle là. Les mains dans les poches, je demandais à la fée où nous pouvions passer la nuit.

Le sac jeté sur l'épaule et Naëvi qui trépignait d'impatience dans nos basques c'est le froid de la nuit déjà avancée qui nous accueillit au sortir de l'auberge. Dormir dehors par un temps pareil, c'est un coup à rendre une fée de très mauvaise humeur (et personne n'aime voir une fée de sale humeur, ça manque de charme). Notre petit trio commençait déjà à se couvrir de givre, à moins que la chiche lumière nocturne ne face ressortir le glacé de ma chevelure ? Une main passé sur ma tête m'apprit que non, c'était bien des flocons qui nous tombaient dessus. Diantre, il neige... Il ne faisait pas si froid y a trois heures ! Comment se faisait-il que la température chute de cette façon ? Et comment se fait-il que personne ne s'en inquiète ?

Une femme derrière une fenêtre finissait de boucler les épais rideaux qui protègeraient sa maison du froid et de la nuit. J'ai toujours pensé que ça servait surtout à se dissimuler aux regards des badauds qui passent devant nos fenêtres mais dans une maison en bois cela devait éviter de perdre la chaleur à cause des vitres de la maison. En fin de compte, ça pouvait se révéler utile des rideaux. En regardant les lampes suspendus à quelques perrons offrant le peu de lumière sur le village qui nous accueillait, j'en viens même à me demander comment j'ai pu me laisser distraire par des chiffons ! On avait bien mieux à faire là !

-Dormir dehors ? par ce temps. Hors de question que mon joli derrière se les pèle une nuit entière. On va se trouver un petit hôtel ou une chambre dans ue auberge qui en propose.

Ces jeunes franchement !Dès qu'ils peuvent faire quelque chose anti-autorité ils se jettent dessus. Dormir dehors, non mais j'ai l'air d'une fée qui dort dehors ? Et non je ne dors pas non plus dans un tronc d'arbre. Sur une grosse branche à la rigueur...

Mes bottes crissaient dans la neige épaisse d'à peine quelques centimètres sur le pavé glissant. Un truc à se rompre le cou, ou à se taper la honte. J'ai eu ma dose niveau embarras ces derniers temps on va arrêter les frais là, non ?

Quelques coups frappés à la porte d'une auberge fermée, il fallut attendre le pas bourru et appesanti de sommeil de l'aubergiste et de sa femme pour qu'ils nous laissent entrer. C'était leur dernière chambre et peut-être bien la dernière du village encore libre. Il exigea une somme pharaonique pour le sommier enfoncé juste assez grands pour deux fillettes -il eut droit à mon regard noir quand il osa cette injure- et les couvertures de laines rèches compensaient l'absence totale de chaleur dans la pièce. C'était déjà abrité. On allait pas se plaindre tout de même ! Bah si, j'attendrais demain matin qu'on reprenne la route pour partir en laissant quelques plaintes à cet aubergiste opportuniste et escroc avec ça !

La nuit fut longue. Trois fois réveillée par le crépitement singulier des griffes de rongeurs au dessus des poutres du plafond, j'avais abandonné l'idée de dormir à l'aube alors que la femme de l'aubergiste était entrée dans la chambre sans prévenir et bien qu'elle soit encore éloignée des sacs, mon instinct de fée (ou simplement l'absence de Morphée) m'avait conseillé de lui montrer que j'étais bel et bien réveillée. Elle avait sourit un peu embarrassée et avait déposé une bassine d'eau chaude pour nous savonner un peu avant de partir. Même pas de petit dej', on sentait le savon bon marché et le froid revint vite nous picoter la peau quand on nous mit dehors. Nous et "notre sale clebs" qui s'était soulagé sur les chaussures de l'aubergiste... Brave toutou, il a du chien lui aussi !

Les ampoules aux pieds de la veilles encore bien présentes, il fallait marcher dessus pour les durcir car nous avions encore deux jours de route. Le bras plongé dans le sac et après une heure à trimer là dedans entre le vide intersidéral et les nombreux objets qu'il contenait -une partie de ma maison je crois bien- je dénichais une boite de barres chocolatées et une gourde d'eau. Le petit déjeuner serait pas glorieux mais on survivra. Et le chien eut même sa propre collation en chocolat, le veinard ! Pour le récompenser de son impolitesse !
Je tendis sa part à Hina.

-Plus qu'à traverser la neige.

Et c'était le cas. Des kilomètres de plaines enneigées sous nos yeux et nous devions parcourir encore une petite centaine de kilomètres pour arriver à Termer. Je me maudis de ne pas avoir pris une monture pour ce voyage.

-Quand tu ne cherches pas à chasser dans la zone du dehors, tu fais quoi ?

Question banale parce qu'il fallait bien meubler le temps qu'on allait passer à marcher. Courage Dité, si t'as faim mange le renard ! (Ah non, pas possible, il parait que ce truc est tellement infecte que les pires prédateurs évitent de l'approcher...)