Etude sur le terrain - Suite

Cela faisait quelques heures que nous étions en route pour Moerine, à cavaler chacun sur nos montures. Les paysages défilaient sous nos yeux, d'abord les plaines, puis le chemin sinuait à travers les marécages. Nous trouvions des ponts pour traverser les cours d'eau. Mais mon Cabow montrait visiblement des signes de fatigue.

- Hey, Leiline ! Si on faisait reposer Taurogh et Cupcake un instant ?

Une halte près du fleuve, ça ne peut pas faire de mal. Mais restons méfiants, au cas où ça tournerait au vinaigre. En tout cas, s'évader un peu hors des murs protecteurs de la cité d'Entre-Monde, ça dépayse. Nous pouvions déjà admirer quelques créatures que nous ne pouvions pas croiser à proximité de la cité : de grands reptiles herbivores s'étaient acclimaté à l'humidité de l'environnement, et broutaient paisiblement, pendant que des meutes de petits mammifères herbivores parcouraient de lieu en lieu en quête de nourritures. Quelques alligators profitaient ça et là des rayons du soleil pour se réchauffer un peu.

Et j'espère bientôt voir quelques créatures encore plus extraordinaires.

Taurogh devenait fou au fur et à mesure du voyage. Il n’avait encore jamais eu l’occasion de voir du paysage et de courir autant de kilomètres d’un coup, c’est maintenant chose faite. Le fait qu’il vienne de l’Epicerie est un atout, la présence d’une autre monture à ses côtés ne le dérange guère et il se doute que sa dresseuse le réprimanderai s’il ose donner un coup de griffe sur un autre animal.

- Ça me va ! Nos montures pourrons boire un peu !

C’est a première fois que Leiline traverse les marécage, elle n’y a pas pensé au choix de sa monture mais aurai plutôt opté pour une créature volante, ça aurai été plus adapté. Les voilà maintenant sortit des marécages, elle dirige son Sampal au bord du fleuve pour le laisser se nettoyer les pattes et s’hydrater. Elle enlève sa cape, laissant libre un Alibert en pleine forme, tournoyant déjà autour de la féline.

Pour le moment, niveau créatures il n’y a pas grand-chose. Quelques animaux considérés comme communs dans les ouvrages que Leiline a pu lire durant sa prime jeunesse. Rien de particulier à signaler.

- Je pense qu’on a plus de chance de trouver ce que l’on cherche aux alentours de la ville. Mais d’abord …

Elle se laisse tomber sur l’herbe – suffisamment éloignée de la rive pour ne pas être humide – et ferme les yeux, les rayons du soleil lui caressant le visage et ressortant les reflets bruns dans ses cheveux. L’herbe chatouillant le bout de ses oreilles félines et balançant sa queue en l’air. Son Précious s’est posé sur son ventre, elle en profite pour doucement lisser les plumes de sa tête au rythme des balancements de sa propre queue et écoute les différents cris et chants d‘animaux.

- Combien d’années je n’ai pas prit le temps de faire ça …

Elle en profite pour parler un peu avec Richye. Elle a beau avoir fait des missions à ses côtés, elle ne connaît pas grand-chose à son sujet.

- Elle a quel âge ta fille dis moi ?

Nous faisions halte pour que les montures puissent se reposer un peu. Je patientais en m'assoyant dans l'herbe, près du rivage. Les animaux sauvages vaquaient à leurs occupations, nous passions presque inaperçu.

- Nous devons être encore un peu trop loin de Moerine. On arrivera sûrement à croiser des créatures plus rares au fur et à mesure que l'on se rapprochera.

Je vis Leiline s'allonger dans l'herbe, profitant de la chaleur des rayons du soleil. Et après tout, pourquoi pas ? Je l'imitais, profitant d'un instant de répit pour me reposer également.
Elle en profitait pour me questionner sur Lilou :

- Ma petite Lilou a 11 ans. Bientôt 12. Mais ce n'est que récemment que nous vivons à deux à Elantra.

Et tout en parlant avec Leiline, une foule de souvenirs remontaient. Et peu importe leur nature, je les chérissais tous.
Je lui contais certains de ces souvenirs : la chasse aux chauve-souris, l'intrusion de Kaïl, l'adoption des cyberloups.

- Et toi ? Pourrais-je connaître un peu ton histoire ?

Il est rare pour Leiline de déballer son histoire comme ça. Et puis il faut dire, elle a bien commencé avec sa question au sujet de sa fille. Elle prend une profonde inspiration avant de répondre à Richye en souriant.

- Ahah, tu veux que je commence par quoi aussi ? Comment j’ai été séparée de mes parents à la fermeture des portails ? Les paries aux dés que je faisais pour récupérer les déjeuner de mes camarades d’école ? Les relations passagères que j’ai eu avec mes camarades de lycée ? Le début de mon aventure après la mort de ma nourrice ?

Elle pourrai pleurer en parlant de tout ça, mais elle n’en voit plus l’intérêt. Même si ça lui arrive à certains moment, elle considère avoir assez pleuré pour ça.

- C’est triste à dire, mais ma vie est devenue palpitante qu’après la mort de ma nourrice … J’ai toujours eu un immense respect pour elle, mais elle me couvait trop.

Taurogh s’allonge à côté de sa dresseuse, lui donnant un coup sur sa tête avec sa grosse truffe. L’hybride en profite pour le caresser, Alibert toujours sur son ventre.

- J’avais pour objectif de devenir épicière. Objectif que j’ai réalisé avec succès. J’ai des amis formidables. Que demande le peuple.

Après quelques minutes à profiter du calme ambiant, elle se relève, s’étire et regarde le fleuve.

- Bon, il est peut être temps que l’on reparte, on ne va pas y passer la journée ! Tu es prêt ?

Elle chevauche Taurogh, prêt à passer à l’action et à se rendre dans leur ville de destination.

Leiline me parlait de son passé, malgré quelques détails douloureux. Je comprends ce que c'est.

- Je crois que c'est un peu le lot de tout le monde ici. Avoir emprunté un portail vers l'Entre-Monde, pensant pouvoir repartir retrouver sa vie quotidienne. Se rendre compte que les portails se sont éteints, et réaliser qu'il faut tout reconstruire.

Je pris une profonde inspiration.

- Tu sais, je suis né avec mon pouvoir dans un monde dénué de magie. En restant discret, je menais une vie à peu près normale. Mais je finis par attirer les curieux : les bons... et les mauvais. J'ai un peu atterri ici par hasard, mais je ne regrette rien. Je me suis fais une vie ici. Seule ma famille me manque, mais après tant d'années ici, ils doivent penser que j'ai disparu, corps et biens. Aujourd'hui, je suis Alchimiste, père d'une merveilleuse petite fille, et j'ai de précieux amis.

Ressasser ces vieux souvenirs me fit un peu mal au coeur. Mais le passé est le passé, et aujourd'hui, pas possible de faire machine arrière.

Ma réflexion fut interrompue par Cupcake qui arriva pour me lécher le visage.

- Tu as bien raison, je crois que Taurogh et Cupcake s'impatientent. En route !

Et nous reprenions la route vers Moerine.

C’est le lot de tout le monde ici. Il n’a pas tort en même temps, preuve en est qu’il a aussi perdu sa famille dans l’histoire … Mais pour elle, il y a un mal comme un bien, qui sait si elle aurait rencontré des gens charmants comme Richye, Ayren, Wergeld ou encore Corben dans son propre monde. Peu de chance …

Mais le pouvoir de Richye l’intrigue. Il doit avoir une certaine importance pour que des personnes avides s’y intéressent. Elle y cogite pendant le voyage et arrivent enfin à destination. Un village magnifique, malheureusement couverte par les eaux. Pour Alibert, aucune raison de s’inquiéter mais il y a des chances que Taurogh n’apprécie pas ça à la longue, mais est ce que nos aventuriers ont vraiment le choix ?

- Le taux de moustique au mètre carré doit être élevé … Je sens que ça va être coton pour la suite Richye …

Elle observe au loin les maisons autours des troncs d’arbres, des sortes de chaumières qui donne un cachet au village. Elle baisse les oreilles au fur et à mesure de sa réflexion pendant que Taurogh commence déjà à bouger d’une patte de devant sur une autre en guise d’impatience.

- C’était autour du village qu’il y a des créatures ? Ça évitera peut être à nos montures d’être continuellement les pattes dans l’eau.

De peur de se faire piquer par les moustiques, Leiline recouvre sa tête avec la capuche de sa cape, couvrant au mieux ses grandes oreilles. On ne voit presque plus son visage.

Le village était enfin visible à l'horizon. À deux pas des marais, ces masures avaient ce petit charme rural qui faisait plaisir à voir. À cheval entre marais, fleuve et prairie, il offrait un paysage assez particulier.

Et Leiline me fit part d'un problème trop commun dans les marécages : les moustiques.

- En effet, ça risque d'être compliqué si on n'a rien pour les repousser...

Je réfléchis vingt secondes.

- Mais attends ! Je dois avoir ça !

Je descendais de Cupcake, et sortis mon Sarkina. J'en invoquait mon casier métallique, qui s'affaissa dans la boue, et plongais dedans... enfin presque, il n'est pas assez grand pour ça.

- Mais où est-ce que je l'ai mis ??

Pendant que je m'évertuais dans mes recherches, Cupcake, étonné par cette apparition, sentait avec prudence l'objet métallique.

Je finis par en ressortir un petit flacon de liquide violet translucide, un sachet violet, et... un petit encenssoir en métal.

- On devrait pouvoir les repousser avec ça !!

Je présentais mes trouvailles à mon équipière de manière triomphale.

- Je sais que ça ne vaut pas la citronnelle, mais je pense que la lavande pourra repousser ces hôtes indésirables. Avec un peu de tabac violet, on aura aussi un effet apaisant, ce qui devrait éviter que les animaux sauvages prennent peur. Et cet encenssoir nous permettra de l'utiliser en se déplaçant.

Je fixais l'encenssoir.

- Ça m'en rappelle, des souvenirs...

Pendant que Taurogh s'impatiente, Leiline s'étonne de ce qu'a pu ranger Richye dans son Sarkina. Quand elle range juste une arbalète dedans, l'Alchimiste a carrément un casier !

Elle le regarde avec étonnement, farfouiller dans ses affaires et sortir ce qu'il semble être de l'encens pour calmer les montures et de l'huile de lavande contre les moustiques.

- Pratique tiens !

Elle descend de son Sampal et enlève sa cape pour mettre de l'huile sur le visage et les bras. Elle évite une fois de plus les jambes, ne voulant pas enlever ses collants devant Richye.

Après chose faite, elle remet sa cape et remonte sur Taurogh.

- Bon, on est fin prêt, on va bien pouvoir les trouver ces créatures ! Allons voir sur le côté gauche de la ville, qui sait on va peut être croiser quelqu'un qui a des informations sur les animaux du coin.

Elle se demande tout de même quels genre de souvenirs son ami pourrai avoir avec de tels ustensiles.

Je tendais le flacon pour qu'elle puisse s'appliquer de l'huile, avant de m'en appliquer moi-même. La lavande étant aussi une huile efficace pour calmer les animaux, j'en versais deux gouttes dans l’encensoir avant de l'allumer.

- Allons questionner les habitants. Ils auront sûrement des infos intéressantes à nous raconter.

Le village était animé. Plusieurs stands, montés ça et là, présentaient divers objets aux propriétés magiques plus ou moins vérifiées. Les vendeurs hélaient les passants à grands coups de "Qui veut mes artefacts ?", et autres "Ils sont magiques, mes objets ! Ils sont mystiques !". Je chuchotais à Leiline :

- Par contre, je pense qu'on va éviter le marché, au vu de leurs étals, leurs infos n'ont pas l'air fiable. Je te propose de trouver le commissaire. Comme il est en charge de la zone extérieure, il devrait être au courant de la faune locale.

Je conseillais à Leiline de chercher une bâtisse pourvue d'une tour, ou une plate-forme pour surveiller les alentours.

Il faut croire que tous les arnaqueurs en tout genre se regroupent ici, c’est ce que se dit en tout cas Leiline en voyant toutes ses étales remplies de babioles et d’artefacts soit disant magiques. Certains vendeurs n’hésitent pas à être très – trop – insistants. Sûrement le fait qu’ils se baladent en montures et leur équipement qui prouvent qu’ils sont des aventuriers.

Notre hybride commence à être irritée par ces interruptions incessante de vendeur et Richye propose la douce délivrance de rencontrer le commissaire du village.

- Excellente idée, en espérant qu’il ne soit pas aussi c** qu’à Urut.

Il n’y a pas à dire, Leiline garde encore un goût amer de cette visite à la colonie attaquée par des frelons. Alibert s’envole autour de plusieurs étalages et devance sa dresseuse de plusieurs dizaines de mètres vers un étrange passage entrelacés d’énormes racines d’arbres.

- Alibert, où vas tu ?!

Leiline poursuit le Precious à travers le passage en question sans prendre en compte son coéquipier. Elle sait que cet animal est complètement inconscient du danger qui l’entour et ne l’abandonnerai pour rien au monde. Pour elle, c’est la panique.