Le miroir Tchen [Rp test: Wergeld]

Il faisait très clair dans le grand appartement. Les rayons du soleil passaient au travers de la baie vitrée et incendiaient le mobilier de leur lumière dorée. L’habitation se trouvait tout en haut d’un gratte-ciel du quartier moderne. On avait une vue imprenable sur la ville et les rues. Le building étant l’un des plus grands, il dominait facilement le reste des constructions urbaines. Le grand salon comportait un ensemble de meubles assez sobres : une longue table basse en verre et en bois noir, deux grands canapés blanc cassé de chaque coté de la table et se faisant face. Dos a la baie vitrée, un large bureau de bois noir et blanc, très fonctionnel, avec une chaise à haut dossier noire. Au sol un parquet gris clair et au plafond, un lustre moderne à la forme tarabiscotée et aux innombrables ampoules.

Et le propriétaire de ce bureau, assis dans son grand fauteuil, tourné vers la ville. C’est un homme de haute taille, la peau brunie par le soleil. Ses yeux sont d’un bleu presque blanc et ses cheveux encore très fournis sont immaculés. Son visage respire le calme et l’autorité, signe que c’est une personne qui a l’habitude d’être écoutée et obéi. Son nez en bec d’aigle lui donnait un aspect plutôt redoutable et les innombrables rides sur son visage témoignaient de son grand âge. Il portait un costume gris et une cravate toute aussi grise. Et dans son dos surgissaient deux grandes ailes aux plumes aussi blanches que la neige. Le maître du miroir Tchen était un ange respecté et le temps lui avait donné la sagesse. Il était en vie depuis de très nombreuses années et se sentait à présent fatigué et las. Son regard se promenait sur les lumières et les mouvements loin en bas, dans la rue. Le soleil déclinait doucement, emportant avec lui chaleur et clarté.

*Il faut que je trouve un nouveau maître pour me remplacer. Ca fait trop longtemps que je suis à ce poste et trop longtemps que je porte ces responsabilités. Du sang jeune et vif ne sera pas une mauvaise chose pour l’Entre-Monde. Mais il faut que j’en parle avec un autre maître… Wergeld me parait la bonne personne. Il est jeune et il a la tête sur les épaules.*

Le maître du miroir Tchen se leva avec lenteur, se redressa de toute sa haute taille et rajusta sa cravate. Il prit la cane de bois sculpté qu’il avait auparavant posé contre son bureau et se dirigea à pas mesurés vers la porte. Il fit glisser son regard sur les quelques meubles de la pièce. Arrivé à la porte, il se retourna et contempla son domaine. Un sourire lui monta aux lèvres. Que de choses accomplis dans ce bureau. Que de souvenir. Mais ce manteau du passé pesait trop lourd à présent sur ses épaules. Il fallait qu’il s’en défasse. La poignée tourna, le battant s’ouvrit sans un bruit. Puis il se referma toujours en silence. La poignée se remit en place. Devant le fauteille, une petite plume blanche semble le dernier souvenir de l’ancien maître des lieux.

Quel travail ! Tout le monde s’activait à son ordinateur. Dans la grande salle, tous les employés pianotaient sur leur clavier. Ils passaient tous en revu la liste des créatures vivant sous la législation du miroir Tchen. La deuxième étape du travail consistait à trier les anges et les démons. Pour une raison inconnue, il ne fallait retenir que les démons. Puis, il fallait les trier par âge. Les plus vieux et les trop jeunes étaient mis de côtés. Il resta donc une liste atrocement longue de démons âgés de 17 à 117 ans. Puis on leur donna pour consigne de ne garder les démons contenus dans cette tranche d’âge ayant des pouvoirs faisant appel à un élément. La liste ayant raccourcit de moitié, on la remit au maître. Et il s’enferma dans un bureau. Ce n’est que quatre heures plus tard qu’il en ressortit. Il avait l’air terriblement fatigué. Il remercia tous ses collaborateurs et les congédia. Il tenait un petit papier à la main.

Il passa la nuit sur un ordinateur à chercher des informations. Carte d’identité, parcours scolaire, caractéristiques, connaissances recensées, famille… Ses yeux piquaient, il avait mal aux mains et au dos. Il se décida finalement à éteindre quand le réveil sonna 4 heures du matin. Il se frotta les yeux, prit le gros dossier qu’il venait de terminer et referma la lumière derrière lui.

L’ange tapotait nerveusement sur la table depuis 3 minutes. Il avait appelé son collègue, le maître du miroir Extérieur, Wergeld. Il lui avait dit qu’il avait quelque chose d’important à lui annoncer. Et quelle nouvelle ! Un maître de miroir qui prend sa retraite, c’est quelque chose quand même. Il avait devant lui le gros dossier fait deux jours avant. Depuis il avait réfléchis, reprit sa liste de nom, reréfléchit mais son choix restait le même. Sur la première page du dossier était écrit un nom : Lucinferno Sélène. Il avait choisit un démon, parce que lui-même était un ange. Il avait choisit une fille car lui-même était un homme et il avait prit une jeune car il fallait une nouvelle vision. Il avait préféré un pouvoir élémentaire car lui-même en possédait un. Il fallait bien un critère pour débroussailler la liste non ? Puis il avait fait de recherches sur la jeune fille. Et tout lui semblait parfait pour la désigner. Elle aurait l’aide des autres maîtres au début et même de la sienne. Elle avait la vie devant elle mais en savait déjà assez pour pouvoir tenir. Son choix était le bon. Il devait être le bon. Il ne se sentait pas prêt à poursuivre dans cette voie. Il fallait que quelqu’un le remplace.

On frappa doucement à la porte. L‘ange se redressa, ajusta sa cravate et dit d’une voix forte :

-Entrez !-

Voilà un certain temps que je n'étais pas venu tâter le goudron du quartier moderne. Tern avait ce quelque chose d'extraordinairement fantastique, le progrès de la science importé dans l'Entre-monde avait fait de ce quartier un bijou de technologie et de confort. Les buildings me laissèrent sans voix lorsque le soleil levant se refléta en un millier de vitres teintées. Je suis resté un moment là à fixer la tour de verre illuminée, mon regard à peine dissimulé par mes habituelles lunettes noires, j'observais ce que ce monde avait de si beau. Le klaxon qui retentit dans mon dos me fit sursauter, je me retournais soudainement et vis Ayame au volant d'une 2 chevaux. Il avait l'air fin dans sa voiture des années cinquante, le coude sur la vitre ouverte l'autre main sur le volant. Je soupirais baissant la tête, il aurait pu choisir voiture moins voyante, et surtout, il aurait pu éviter de klaxonner. Ce sentiment qui me taraude, je crois que c'est de l'agacement... Ce type allait vraiment finir dans des marais puant s'il continuait.
Assis dans la voiture, le silence était de mise, je réfléchissais. Je n'avais encore jamais rencontré un maitre du miroir, en dehors de mon propre reflet dans un miroir, c'était une grande première et outre le fait qu'il m'était complètement inconnu, la situation entière me semblait irréelle. Je ne me souvenais pas avoir entendu dire que les maitres se rencontraient souvent. Le travail collectif est de mise en cas de pépin, le reste, nous suivons des objectifs communs, mais nos méthodes et notre organisation ne concerne que nous... D'où cette question : que me voulait-il ?

La voiture s'arrêta à un feu rouge, Ayame qui brûlait d'impatience de m'entendre l'insulter par pure amitié souriait et entama la conversation. Il avait un drôle de tic quand on s'arrêtait au feu, il tapotait de ses doigts gantés le revers du volant... Le silence dans l'habitacle répercutant trop intensément le son régulier, je l'entendis inspirer pour parler, je le coupais sans qu'il n'ait prononcé un mot.

-Arrête avec tes doigts ou enlèves tes gants que je n'entende plus ce truc...

Il tourna la tête vers moi, l'air surpris et éclata de rire. Je le jaugeais d'un œil noir. Il s'arrêta dans un gloussement qu'un capitaine de la garde ne devrait pas être en mesure de produire et osa me décoiffer en me frottant la tête. Je protestais, il en profita pour parler.

-T'es vraiment stressé, hein, Wu ?

-La ferme.

-Quelle cruauté envers ton pauvre serviteur... et ami. Sois reconnaissant sans moi t'aurais dû prendre le bus !

Certes j'étais incapable de conduire une voiture, le fait qu'il sache le faire m'étonnait déjà suffisamment... Et puis, oui, j'étais stressé ça se voyait comme le nez au milieu de la figure, j'étais encore plus ronchon qu'un lendemain de fête et je l'étais spécialement envers le seul qui supportait mes humeurs : Ayame.
L'ami (et serviteur parait-il) avait le chic pour dire tout haut ce que j'aurais aimé qu'il pense tout bas, avec l'habitude je ne disais plus rien, je le laissais dire haut et fort ce qui chez moi n'allait pas. Au moins, il mettait les pendules à l'heure facilement, je ne l'avais pourtant jamais vu en colère, pas contre moi. J'écartais sa main lui signifiant du menton que je préférais qu'il surveille la route.

-Les maitres n'existent pas depuis très longtemps, l'ange de Tchen est donc un maitre qui est arrivé vieux au pouvoir, si c'est un vieil homme il n'en reste pas moins un ange. Il aura plus de préjugé sur moi qui suis un métisse que sur toi qui es un jeune maitre.

-Son jugement ne me pose aucun problème, enfin, un peu, ce qui me gêne est qu'il demande à me voir. De la ville je ne connais rien, je compte sur toi pour m'éviter de tomber dans les entourloupes que sont capables de manigancer les êtres de ce monde.

-On a su préserver l'Entre-Monde jusque là, on va tenter de continuer ainsi.

La conversation s'arrêta là, nous arrivions sur le parking, le gardien me reconnu, il nous laissa entrer sans faire d'histoire. Quelques minutes plus tard j'étais dans un luxueux ascenseur. Le silence laissant la place à une musique ridicule, si morne que j'en somnolais rien qu'à tenter de l'ignorer. Et enfin, nous arrivions au bureau, une secrétaire nous guida jusqu'à la porte, je la congédiais avant qu'elle ne frappe sur le battant, elle s'éloigna avec respect. Ayame recula de quelques pas, je l'interrompis.

-Non, restes.

Il acquiesça et lorsqu'on nous autorisa à entrer, je pénétrais le bureau du maitre qui m'attendais en compagnie de mon archer. Le calme de l'endroit, la chaleur de la pièce m'étonna. Je m'étais imaginé une pièce lumineuse, épurée à l'extrême dans une mode décorative insipide. Je palpais le froid que j'aurais dû sentir et qui pourtant n'était pas présent. Je me ressaisis, rangeais mes lunettes, mes gants et parlais d'une voix grave et assurée.

-Bonjour, maitre du miroir.

L’ange acceuillit son invité avec un sourire de bienvenue. Il haussa un sourcil de surprise en voyant un deuxième personnage suivre le premier mais ne fit aucun commentaire. Il était normal qu’un maître de miroir soit accompagné, qui plus est dans un endroit inconnu. Il leur présenta des sièges et s’assit lui-même, les coudes posés sur la table, les mains jointes, le menton appuyé contre. Un léger sourire flottait toujours sur son visage et ses yeux bleus glacier fixaient Wergeld sans se soucier de son accompagnateur. L’ange posa une main sur le gros dossier qui était à côté de lui et le fit glisser avec lenteur vers son collègue.

-Je suis navré, je ne m’attendais pas a recevoir deux personnes aussi n’ai-je qu’un seul exemplaire de ce dossier à vous fournir. Il est pour vous, j’en ai un moi-même.-

Le maître laissa un moment de silence s'intaller. Il aimait faire des poses quand il parlait et ne trouvait pas que le temps pressait pour le moment. Et puis il y avait toujours ce poids sur sa poitrine qui l'empechait de faire de trop long discours sans être saisit d'une quinte de toux. Il se décida tout de même à reprendre.

-Je vous dois des explications je pense. Habituellement les maîtres ne se fréquentent pas ou très rarement. Si je vous ai demandé de venir, c’est parce que j’ai décidé de rendre mon tablier.-

Le vieil ange laissa un nouveau moment de flottement. Cette nouvelle n'était pas banale et méritait un silence pour être assimilée. On ne desertait pas son poste tous les jours quand on était maître aussi fallait il y mettre une certaine forme quand c'était annoncé. L'ange ferma les yeux un instant. La nouvelle résonna dans son propre esprit. Il allait rendre son tablier. Il allait démissionner. Il allait céder sa place. Un petit sourire étira la commissure de ses lèvres et il réouvrit les yeux pour déclarer d'une voix posée:

-Je suis vieux, très très vieux. Ma première visite dans l’Entre-Monde remonte à l’époque où ce n’était encore qu’un lieu de passage, un bidonville infâme où grouillaient les pires espèces. Et je me suis retrouvé piégé ici comme tant d’autres. De par mon âge déjà avancé, on m’a choisit comme maître du miroir Tchen. Mais cette tâche me fatigue à présent. Je ne me sens plus la force et la patience pour continuer cette route. Je suis vieux et je commence à me rendre compte que le monde va trop vite pour moi. Vous devez être au courant, je règne sur le quartier moderne. La technologie de pointe, les voitures, les ordinateurs, les rues bétonnées, tout cela est sous ma juridiction. On pourrait penser que cela reviendrait aux hommes mais les anges et les démons sont aussi humains que vous si je puis dire. Et les gratte-ciel sont d’excellentes plates-formes de décollage. Les égouts sont un repaire parfait pour ceux qui aiment le noir. Et bien des démons ont fait fortune en ouvrant des casinos par exemple. Et tout ce royaume ainsi, bien évidement, que ma Res publica, reviendra à la jeune fille dont le nom est inscrit sur le dossier.-

Le maître du miroir Tchen se leva avec lenteur, prit sa canne et se dirigea vers une fenêtre. La lumière donnait à ses grandes ailes une couleur éblouissante. Il inspira profondement pour contrer la toux qui commencait déjà a monter. ce n'était pas le moment de montrer ses faiblesses. Un de ses défauts avait toujours été d'être trop orgueilleux. Jamais il ne se montrait faible ou en proie à la détresse. Il se devait d'être un modele, un exemple, un roc. Il avala difficilement et reprit toujours sur le même ton:

-Si je vous ai fais venir, ce n’est pas simplement pour vous dire que je quitte mon poste. C’est aussi pour vous demander un service. Vous regarderez attentivement ce dossier. J’ai choisis une jeune fille d’à peu près votre âge si je ne m’abuse. C’est une démone. Autant dire qu’elle est tout mon contraire. Elle ne connait rien au métier aussi je souhaiterais que vous m’aidiez à la former un peu avant que je ne quitte définitivement mon poste. Vous êtes bien placé pour savoir ce que c’est que d’avoir tant de responsabilités aussi jeune. Elle vivra très longtemps et avec l’âge, elle apprendra. Mais pour le moment, elle a besoin de soutient, de conseils. Je peux lui en prodiguer, mais pour aller sur le terrain, j’aimerais que vous puissiez vous en charger. Je sais que vous n’avez rien à y gagner, que vous êtes très occupé mais je vous le demande comme une faveur.-

L’ange se retourna et regarda Wergeld droit dans les yeux. Il ne souriait plus du tout. L’affaire était très sérieuse. Il s’agissait de remplacer un maître du miroir qui avait des centaines d’années par une jeune femme complètement novice en la matière. Il ne fallait pas la laisser pousser comme une herbe sauvage, sans maintient, du moins au début.

L’ange revint à son fauteuil. Il s’assit avec beaucoup de précautions et tenta de masquer un léger grognement de douleur dut à l’effort. Il se faisait vraiment trop vieux. Les journées étaient trop longues, trop intenses. Le maître fixa de nouveau Wergeld, une pointe de supplique dans le regard. S’il refusait, cela compliquerait beaucoup, beaucoup de choses.

Ayame s'assit légèrement en retrait, signifiant par là que j'étais bien le seul maître qui était invité. Je pouvais le voir sans même tourner la tête, je le savais, il fronçait les sourcils et s'interrogeait lui aussi... L'inquiétude était grande, l'idée même qu'à peine arrivé en ville il puisse y avoir des complots qui souhaitent me happés dans leurs engrenages ne lui plaisait pas. À moi non plus, d'ailleurs.
Le soulagement était presque palpable lorsque l'ange annonça qu'il souhaitait "rendre son tablier"... Façon étonnante de dire, "j'abdique".

Je trouvais cette idée vraiment étrange, en quoi l'ange le plus puissant de l'Entre-Monde avait-il besoin d'un autre maitre, certes je comprenais qu'abdiquer nécessitait de prévoir son successeur, et aussi de lui préparer le terrain. Mais de là à me demander de guider son héritière, puisqu'il s'agissait bien d'une jeune femme, je trouvais sa logique politique bancale. Rien ne lui assurait que je ne manipulerai pas sa gamine pour qu'elle me soit loyale... Rien ne garantissait que j'accepterai d'aider cette fille à gérer son domaine. Je pouvais tout aussi bien accepter et prendre la place de cette Sélène.
J'étais sûr qu'Ayame pensait la même chose : cette histoire lui semblait tiré par les cheveux.

Un instant je me penchais sur le dossier, écoutant l'ange d'une oreille distraite.

-Une faveur étrange, vous pouvez le dire.

Je passais le dossier à Ayame juste derrière moi, il le récupéra d'une main agile et le feuilleta dans le silence. Les mains croisées, je m'adossais avec plus de familiarité dans mon fauteuil. Ma nonchalance allait de paire avec mon apparence. J'étais jeune, il le savait et s'il s'en offusquait je n'aurais qu'à sortir d'ici sans plus attendre. Moi aussi j'avais le sourire, si se dire qu'on peut être utile à des hommes dont l'expérience leur a apprit la méfiance était une chose, se dire enfin qu'il n'y avait pas grand monde qui accepterait pareil défis en était une autre.

-Former une jeune démone à devenir reine, en quelque sorte, de Tchen et de Tern... Je ne critique pas votre décision, le dossier m'a l'air peu consistant mais ce n'est pas à moi de décider de votre successeur. Si elle se montre indigne de cette tâche, les autres maitres sauront lui ôter l'immense pouvoir que vous lui destinez.

Je penchais la tête, écoutant le murmure d'Ayame qui récitait quelques lignes qu'il lisait. Étonné, il avait de quoi l'être...

-Avant d'accepter de guider cette fille, je veux savoir qui elle est, par autre chose que des bouts de papier.

J'entendis le semi-elfe tiquer dans mon dos, il était contre ça s'entendait. Je crois qu'à ses yeux nous avions bien mieux à faire qu'aller chercher une démone ou encore de gérer la succession d'un ange. Il me rendit le dossier, ne l'ayant parcourue que suffisamment pour savoir qu'il était contre cette idée.
Quant à moi, le défi me plaisait, j'avais juste peur que la déception soit grande si cette femme s'avérait être moins intéressante que le supposait l'ange.

L’ange comprenait l’étrangeté de la situation. Il avait lui-même douté sur se démarche mais cette idée ne l’avait pas lâchée et il avait finit par y céder. Il s’étonna un brin de la condition qui lui était posée. Il était vrai qu’il n’avait pas tout mit dans son dossier mais c’était des informations qui faisaient figure de détails. Il e chercha pas longtemps la raison pour laquelle Wergeld voulait qu’il donne son avis sur celle qu’il avait choisit. L’ange posa les coudes sur la table et joignit les mains pour appuyer son menton dessus. Il fixa un point sur la dite table et ne se soucia plus du tout d’eux. La lumière du soleil inondait la pièce, rendant inutile toute lumière électrique. Le vieux maître paraissait réfléchir à sa réponse. Il commença d’une voix lente.

-J’ai cherché un démon, un jeune et si il pouvait être une femme cela m’arrangeais. Je veux que le nouveau maître ait une nouvelle vision de l’Entre-Monde. Surtout s’il doit régir le quartier moderne. Cette jeune démone est née dans les souterrains ce qui ne me parait pas étrange. Mais elle a fréquenté assez souvent Tern. La vitesse de ce monde doit plaire à la jeunesse je suppose. Elle ne vit plus chez ses parents ou du moins, elle cherche quelque chose ailleurs ce qui n’est pas plus mal. Elle aurait récemment trouvé un emploi chez le Technomage mais je pense qu’elle arrivera à s’organiser pour concilier les deux. Cela ne me regarde pas. Elle a reçut une éducation intéressante : elle a suivit des études à domicile mais elle a fait le programme humain en plus des « matières » disons, réservées à sa race. Elle contrôle le feu et elle semble même pouvoir communiquer avec mais il fait certaines conditions qu’elle pourra te conter si tu lui demande. Elle a un frère avec qui elle n’a pas vraiment de contact. Il est plus âgé. Elle n’a pas de compagnon aux dernières nouvelles ce qui peut présenter un avantage dans l’optique où elle est libre de ses mouvements. J’ai contacté ses parents. J’ai demandé des informations supplémentaires après leur avoir expliqué la situation bien sur. Il semble que Sélène s’entende avec toutes les races sauf les humains. C’est assez étrange d’ailleurs mais les humains normaux lui inspireraient de la méfiance. Peut être que cela est dû au fait que dans le passé de la Terre, on a put voir certaines apparition de démons et l’Histoire témoigne de la façon dont ils ont été traités. Mais cela n’est pas terriblement handicapant. Elle apprendra vite à être plus à l’aise. Elle reconnait elle-même que les humains doté de particularités, comme toi par exemple, la mettent déjà beaucoup plus à l’aise. Pour le reste je ne vois pas vraiment quoi ajouter. Ses résultats sont très bons et elle semble avoir l’esprit vif. Elle apprendra vite que ce poste n’est pas un jeu.-

La dernière phrase semblait plus s’adresser au locuteur qu’à l’interlocuteur. L’ange avait le regard dans le vague. Il avait parlé comme s’il résumait toutes les connaissances qu’il avait sur la jeune personne. Il garda le silence pendant encore quelques instants. Finalement il releva les yeux et posa son regard bleu transparent sur le maître du miroir assis. Il semblait l’interroger silencieusement. Visiblement le compagnon de Wergeld était agité. L’ange crut percevoir une lueur de désapprobation dans ses yeux mais ne s’y attarda pas. Il n’aimait cependant pas que quelqu’un se mêle de cette affaire en dehors du maître du miroir. Il ne demandait l’avis de personne sauf de Wergeld et espérait que l’attitude du deuxième hôte n’allait pas influer sur sa décision. Il ne manquerait plus que cela.

Un long discours qui ne m'apprenait rien de bien intéressant, je soupirais en écoutant les raisons qui avaient mener l'ange à cette décision lourde de sens... Choisir son contraire en espérant qu'il ait une opinion différente de la sienne... C'était une méthode comme une autre, mais s'il avait réellement voulu cela il aurait mieux fait de chercher parmi ses subordonnés les plus proches et les plus réfractaires à ses ordres, la situation me paraissait tout de même étrange. Bien des solutions plus raisonnables se proposaient à lui et il avait choisi la version la plus tordue imaginable.
De trois-quart, je regardais le semi-elfe qui m'accompagnait, un faible sourire, il était après tout mon conseiller le plus zélé.

-Dis-moi, Ayame, qu'en penses-tu ?

Lui aussi s'installa plus confortablement, il m'observa un temps, celui de me retourner, et leva les yeux sur le maitre angélique. Je l'autorisais à donner son avis, et il y avait de grandes chances pour que nous pensions la même chose.
Il s'éclaircit la gorge, préparant ses mots, les choisissant avec soins, car j'avais beau lui avoir donné une permission spéciale il se devait d'éviter d'insulter un autre maitre, pour moi et ma pseudo politique, et pour lui et son envie de rester vivre hors d'une prison.

-Vous dites que vous avez contacté ses parents, aurait-elle besoin d'une autorisation parentale pour exercer ?

Ah ? Parce que c'est comme ça qu'il choisit ses mots, lui ? J'eus un sourire franc, le genre à rire intérieurement... Aya avait le chic pour me surprendre. Je le laissais parler, il n'avait pas tout à fait tort et ses interrogations m'intéressaient au plus haut point.

-Et vous persistez en considérant qu'elle pourra exercer chez les technomage qui vit au fin fond de la campagne et en Tern ... La distance séparant les deux lieux est telle que le temps qu'elle arrive dans la ville elle devra repartir chez son employeur. Si les deux professions ne s'opposent pas, elles sont bien trop éloignées pour lui permettre d'accomplir les deux pleinement. Surtout que diriger un tel quartier nécessite d'avoir du temps à revendre ce qu'elle perdrait à chaque aller et retour.

Je le voyais venir, il avait noté chacun des arguments de l'ange, y avait songé minutieusement... Si je le laissais continuer il démontera lentement les raisons qui ont poussé ce maitre à choisir telle femme, et mieux encore, il mettra en évidence l'envie de partir plus que de sauvegarder ce territoire. Je baissais les yeux sur mes mains, écoutant attentivement le discours de mon ami, il y avait des choses que je n'avais pas noté, des éléments qui m'agaçaient.

-Une enfant peut gouverner, je n'ai rien contre cette idée, le maitre de Northrives en est une preuve, seulement vous la présentez plus comme une gamine que vous souhaitez façonner plutôt que comme une femme qui aurait peut-être le charisme de s'élever seule en maitre de Tern. Après-tout il me semble avoir lu dans le dossier qu'elle était assez âgée pour réfléchir seule.

Il fit une pause, je sentis ses yeux se poser sur moi, je me doutais bien qu'il pensait que je ferai un bien meilleur maitre que n'importe qui, mais sur ce coup il n'était pas objectif... Je pouvais l'entendre réfléchir... Les rouages s'enclenchant les uns à la suite des autres souvenir d'une technique que lui seul connait et comprend.

-Et puis vous semblez considérer qu'une femme n'appréciant pas particulièrement les humains normaux se plairait dans le quartier qui en recense le plus. Vous le savez plus que quiconque, si anges et démons s'installent avec joie dans cette ville, les humains ont tendance à se concentrer là où le confort compense leur manque de pouvoir, Tern est cet endroit. Le risque est trop grand, vous ne soulevez ici que l'incompétence de cette jeune femme, et non pas ce qu'elle pourrait apporter.

Enfin, je l'entendis se lever de son siège, il s'approcha d'un pas et s'inclina respectueusement. Je me sentais perdu, son discours terminé le voir se lever signifiait qui lui restait encore matière à parler... Je l'observais par prudence, s'incliner ainsi, je me doutais que sa dernière phrase risquait d'être plus que dangereuse pour lui.

-Au fait, je vous prierai de ne pas tutoyer mon maitre.

J'ouvris des yeux ronds de surprise, le souffle coupé... Il avait osé. J'aurai pu rire si je n'étais pas à ce point étonné, quoique j'aurais pu m'y attendre, ce ne serait pas la première fois qu'il prend les devant. Il retourna s'assoir dans le silence, je fermais les yeux une seconde, le temps de réfléchir à deux possibilités : Soit l'ange le mettait aux fers et je devrais le sortir de là par la force -qui, me semble-t-il risquait de faire du mal à bien des hommes dans le bâtiment- soit l'ange ne s'arrêtait pas sur cette considération et Ayame serait, au pire, interdit de séjour dans le quartier... À voir la solution que préfère le maitre de Tchen.

(je ne me suis pas relu, j'ai pas le temps, je m'en occupe ce soir)

L’ange laissa parler Ayame, supposant qu’il était dans les habitudes du maître Wergeld de faire intervenir ce curieux personnage. Il écouta distraitement les questions comme à chaque fois que quelque chose lui déplaisait. Il préférait n’y accorder qu’une importance minime. Mais quand l’hôte se leva et le pria de ne plus tutoyer son maitre, l’ange releva les yeux et le foudroya du regard. Si on pouvait tuer les gens de cette façon, il aurait réduit cet impertinent en un petit tas de cendre et l’aurait rendu à son maître dans une boîte d’allumettes. Mais il réfléchit un instant avant d’exploser. Ce n’était pas très judicieux de faire enfermer cette personne à l’instant. Le maître laissa un blanc s’installer sans quitter des yeux Ayame. Sa première envie était de le faire passer par la fenêtre. Mais cette solution était bonne pour les sauvages. Aussi prit-il le temps d’inspirer profondément avant de parler :

-J’espère que vous ne venez pas souvent car à partir du moment où vous sortirez de cet établissement, je vous donnerai une heure pour quitter mon territoire. Et s’il vous venait l’idée farfelue de poser un orteil sur ce qui est encore mon sol, je veillerais personnellement à ce que votre vie s’arrête au même moment. Je crois que cela est assez clair.-

L’ange se redressa dans son fauteuil et soupira comme pour évacuer un trop plein de colère. Les jeunes avaient du bon mais ils se permettaient bien trop de choses.

-Je crois avoir bien précisé que j’avais appelé ses parents à titre informatif. En aucun cas je ne leur ai demandé leur avis. Mais cette précision vous a surement échappée, personne n’est parfait. Pour ce qui est de son emploi, cela la concerne. J’aurais pu trouver un chômeur, c’est vrai, cela aurait réglé le problème. Mais voyez vous, je n’en avais tout simplement envie. Ce problème de travail, c’est à elle de le régler et à personne d’autre. Ni moi, ni vous. Quand à la façonner, je ne suis pas stupide, ce que vous semblez croire. L’âge ne m’a pas rendu aussi gâteux, rassurez vous. Ce n’est pas une enfant. Loin de là. Je n’ai pas pour ambition d’en faire une poupée au visage que j’aurais choisis. Elle prendra ce qu’elle voudra de l’enseignement et des conseils qu’elle obtiendra et elle fera ce qui lui plait. Je n’aurais plus mon mot à dire. Et j’ose espérer qu’elle aura assez d’esprit pour ne pas suivre à la lettre toutes les directives et qu’elle innovera. Je n’ai pas dit qu’elle n’aimait PAS les humains, j’ai dis qu’elle s’en méfiait. Mais elle a déjà eu des contacts avec des humains et de très bonnes relations avec. De cela je tire la conclusion qu’elle peut très bien s’accoutumer. Nous avons tous nos défauts. Moi-même j’avais une tendance à mépriser les démons pour des raisons qui ne regardent que moi. Mais à force de les fréquenter j’ai fini par changer d’attitude. Je peux à présent parfaitement collaborer avec eux et j’ai même des amis parmi eux. Il en sera de même pour elle. Il devra en être de même pour elle. Vous croyez qu’avec le nombre incroyable de créatures dans notre monde il existe beaucoup de personne qui les aime toutes ? Allez donc jeter un œil dans les souterrains et vous verrez qu’il y a bon nombre de créatures qu’il est très difficile d’aimer à première vue.-

L’ange commençait à fatiguer. Il avait mal aux yeux et l’entretient prenait sur ses forces. Et s’il n’obtenait qu’un refus, il aurait besoin de toute l’énergie possible pour se débrouiller seul. Il se laissa retomber au fond de son dossier et soupira une nouvelle fois. Il était de moins bonne humeur et cela avait put se sentir dans certaines de ses réponses. Mais peu lui importait. Si ses hôtes étaient un temps soi peu diplomatiques, ils feraient mines de ne pas entendre comme lui-même l’avait fait de si nombreuses fois. Finalement l’ange posa son regard sur Wergeld. Cette fois ses yeux étaient plutôt vides, comme si la colère passagère avait vidée ses forces et qu’il n’en avait même plus assez pour exprimer quoi que ce soit.

-Je vous demanderais maintenant de me dire si vous acceptez ou non. J’ai beaucoup d’affaires à régler et je pense que vous aussi. Je ne vois pas ce que je peux vous dire d’autre et je ne me sens ni la force ni l’envie de débattre des heures sur ce sujet. Aussi si votre décision est prise, je vous demanderais d’accepter de me la communiquer.-

J'eus le plaisir de constater que si Ayame avait fait une erreur diplomatique, le maitre de Tchen n'en était pas à son coup d'essai à ce niveau... Pas très diplomates les deux, quoique pour Aya ça m'étonnait quand même, je l'avais connu plus calme. Je comprenais presque l'avis téméraire de l'ange bien qu'il me soit impossible de tolérer ses menaces sur mon second. J'écoutais un temps.

-Bien, nous nous sommes tous dit je crois. Je refuse.

Je laissais un temps passer, histoire qu'Ayame se lève, avance d'un pas vers mon siège, alors que je n'avais pas bougé d'un centimètre. Une main sur le menton, je me redressais légèrement et dans un sourire préparé je m'expliquais.

-Peu m'importe les raisons pour lesquelles vous avez choisi cette fille, je refuse de la guider pour vous. Si vous souhaitez quitter votre poste faites-le, quant à moi, puisque cette Sélène est votre choix, je vais aller voir où elle se terre, je discuterai avec elle, et uniquement après cela je verrai si je peux faire quelque chose pour elle.

Je me levais, sortant de ma poche gants et lunettes.

-Je m'occuperai d'elle sans égard pour vous. Sachez que si je mets de nouveau les pieds dans ce quartier j'espère ne pas vous y croiser, du moins, si cela arrive je m'assurerai que personne, ni vous ni vos chiens ne puisse déshonorer mon conseiller.

L'ambiance sentait le souffre, et l'air se chargeait d'électricité... Je m'énervais, non pas par l'arrogance singulière du personnage mais pas sa façon si brutale de menacer les gens. Ayame avait outre passé ses droits et sa position, mais cet homme n'avait aucun droit sur lui. Il n'avait aucun pouvoir sur les êtres humains j'étais le seul responsable d'eux et cela je le lui ferai comprendre, aucun ange ni aucun démon n'osera mettre en prison un être humain sous mon règne légitime.

-Je vous souhaite une agréable retraite, veillez à libérer le siège pour quand votre successeur viendra s'y installer. Il est certain qu'un nouveau regard sur Tern et sur les peuplades angéliques et démoniaques ne pourra pas leur faire de mal.

Si j'avais été dans la tête d'Ayame à cet instant j'aurais pu entendre un "Et pan dans tes dents le viocque" sauf que j'étais coincé dans ma propre tête bourdonnant de l'idée de déplumer ce poulet céleste. Je me retournais et avisant la porte d'entrée j'allais quitter la pièce quand Ayame me retint par l'épaule. Il me donna le dossier que j'avais laissé dans mon précédent siège. Je le pris sous le bras et la porte s'ouvrit sous celui d'Aya. J'allais aller à la rencontre de cette Sélène, car voir ce vieil ange n'avait pas embellit ma journée déjà mal commencée.

(on continue dans ce topic. Pas la peine de changer de lieu sauf si tu souhaites vraiment ouvrir un nouveau sujet.)

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